Contes populaires d’Afrique (Basset)/40

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 115-117).
d) Arabe d’Algérie.

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TRAVESTISSEMENT[1]


Un homme labourait son champ dans la saison d’hiver, avec un attelage à deux bœufs, lorsqu’un individu, fils du péché, se dirigea de son côté, se dépouilla de son burnous et se mit à laver sans eau. Le laboureur, voyant ce manège, se réjouit parce qu’il avait soif. Le drôle eut bientôt ramassé son burnous et vint droit à lui :

— Que Dieu t’assiste ! lui dit-il.

— Que Dieu te bénisse, repartit le laboureur, qui ajouta aussitôt :

— Je meurs de soif.

— Eh quoi ! fit l’autre ; il y a de l’eau tout près d’ici et tu meurs de soif !

— Comment t’appelles-tu ? demanda le laboureur.

— Je me nomme Meddih.

— Mon cher Meddih, fais-moi le plaisir de garder mes deux bœufs jusqu’à mon retour.

Il partit, mais quand il revint, le gardien et l’un des deux bœufs avaient disparu. Aux cris désespérés du laboureur, notre compère arrive avec un nouveau costume.

— Qu’as-tu à crier ainsi ? lui dit-il en l’abordant.

— On m’a volé un bœuf.

— Cours vite à sa recherche, ajouta l’homme au déguisement.

— Ton nom ? demanda le laboureur.

— Je m’appelle Moulhiq-Khouh (j’emmène son frère).

— Eh bien, mon cher Moulhiq-Khouh, aie la complaisance de me garder ce taureau jusqu’à ce que je revienne.

Cela dit, il se mit à courir pendant que notre homme complétait son œuvre. À son retour, le laboureur ne trouva plus ni homme ni taureau. Il en perdit la tête et grommela entre ses dents :

— Qu’on vienne un peu me prendre le soc et la charrue !



  1. Cherbonneau, Exercices pour la lecture des manuscrits arabes, Paris, Hachette, 1853, in-8, p. 53-54, 62-64.