Contes populaires d’Afrique (Basset)/31

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 81-84).

31

UNE HISTOIRE DE JADIS[1]


Un jeune homme tira son épée et dit :

— Je vais entrer dans cette caverne, que je vive ou que je meure.

Il y entra et vit un enfant qu’on y avait attaché. C’était un garçon qui lui dit :

— Délie-moi et je te raconterai l’histoire de cette caverne.

L’autre le délia et vit beaucoup de têtes humaines.

— Quelle est cette histoire ? demanda-t-il.

L’enfant répondit :

— Il y a ici un serpent ; son occupation est de dévorer les hommes ; mais il m’a pris pour son fils. Voilà beaucoup d’années que j’ai quitté notre peuple.

Le jeune homme demanda :

— Où est ce serpent à présent ?

— Bien, je vais te montrer l’endroit où il dort.

— Très bien.

Quand ils furent auprès, ce jeune homme coupa une tête du serpent ; il en coupa une seconde et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il les eût réunies toutes les sept. Ils s’en retournèrent et s’en revinrent à la maison.

L’enfant dit au jeune homme :

— Maintenant nous allons entrer chez nous. Quand nous serons près de notre famille, va trouver d’abord mon père et dis-lui : Si je te ramène ton fils, que me donneras-tu ? S’il te dit : Je te donnerai une part de ma fortune, dis-lui : Donne-moi plutôt le bonnet que tu mettais étant enfant. S’il te donne un bonnet déchiré, prends-le.

Dis aussi à ma mère de te donner la lampe qu’elle a allumée dans sa jeunesse. Elle voudra te donner beaucoup de lampes d’or, refuse-les. Si elle te donne une vieille lampe cassée en fer, prends-la.

Ils partirent. Lorsqu’ils arrivèrent près de la maison, l’enfant dit :

— Moi, je reste ici. Va dans notre maison et décide avec mon père comme je t’ai dit.

L’autre partit. Quand il fut près de la maison, les gens ne parlaient pas, ils poussaient un grand cri.

— D’où vient cette clameur ? demanda-t-il.

— Voilà longtemps que le fils du roi a péri, lui dit-on.

— Où est la maison du roi ? Conduisez-moi.

On l’y amena. Quand il fut près de la maison, il demanda au père :

— Qu’as-tu ?

Il répondit :

— Mon fils a péri.

— Si je te le ramène, que me donneras-tu ?

— Je te donnerai une part de ma fortune.

Il alla chercher le jeune garçon et l’amena. Lorsque le père et la mère le virent, il y eut une grande joie dans la famille. Ils aimèrent ce jeune homme comme leur fils.

Quand il voulut revenir chez lui le jeune homme lui dit :

— Va trouver mes parents et prends congé d’eux. Fais connaître à mon père qu’il doit te donner son bonnet et à ma mère qu’elle doit te donner la lampe.

Le jeune homme y alla. Le père lui donna beaucoup de bonnets ; il les refusa.

— Je veux le vieux, dit-il.

La mère lui donna aussi la lampe. Il demanda à l’enfant :

— À quoi sert le bonnet ?

— Quand quelqu’un le met, il devient invisible.

— Et la lampe, à quoi sert-elle ?

— Si tu l’allumes ici, deux hommes entreront et entasseront pour toi de l’or dans la maison pendant beaucoup de nuits ; mais si tu l’allumais à cette place, deux hommes viendront et te battront avec des gourdins dans la nuit.

Le jeune homme se réjouit beaucoup et s’en revint chez lui.




  1. Prætorius, Zur Grammatik der Galla-Sprache. Berlin, Wolf Peiser, 1893, in-8, p. 306-310.