Contes populaires d’Afrique (Basset)/30

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 79-81).

X. — GALLA[1]

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LE LION, LE LÉOPARD ET LE SINGE[2]


Le lion possédait un bœuf gras ; le léopard une vache. Celle-ci mit bas. Le lion dit :

— Mon bœuf a enfanté.

Le léopard répliqua :

— Ma vache a enfanté.

Et ils se disputèrent.

Le léopard dit :

— Vois, tous deux nous ne savons rien : allons appeler tous les animaux ; ils te diront si ce veau est à toi ou à moi.

Tous les animaux se rassemblèrent : le singe ne voulut pas venir. Ils l’envoyèrent chercher.

— Pourquoi n’as-tu pas voulu venir ? lui demandèrent-ils.

— Je viendrai, dit-il.

Mais il resta là. Une seconde fois, une troisième fois on l’envoya chercher, il répétait toujours : Je vais bientôt venir ; mais il restait. Le soleil baissait qu’il n’était pas encore venu. Il arriva le soir. Le lion était furieux.

— Pourquoi as-tu tardé ? lui dit-il. Pourquoi n’as-tu pas voulu venir vite ? Où t’es-tu arrêté ?

— La terre s’est fendue près du sycomore, répondit-il, et je m’y suis arrêté.

— Comment la terre s’est-elle fendue ?

— Parce qu’elle a enfanté un bœuf gras, dit le singe.

Puis il courut et s’en alla.

Le lion lui dit :

— Là où je te verrai, je te dévorerai.

Un jour il dit :

— Je suis malade.

Et il se coucha dans une fosse. Tous les animaux arrivèrent.

— Comment vas-tu ? lui demandèrent-ils.

Il leur répondit :

— Je suis malade.

Le singe se tenait à distance.

— Comment vas-tu ? demanda-t-il.

— Viens, regarde-moi : l’œil me fait mal.

Le singe était sage, il ne voulut pas venir et s’en alla pour boire de l’eau. Le lion le suivit.

— Que cherches-tu ? demanda-t-il.

Le singe fit comme s’il cherchait quelque chose à terre.

— J’ai vu un cerf mort ; je cherche un couteau pour le découper.

— Fais-le-moi voir, mon ami, dit le lion.

— Viens, dit le singe.

Et il courut en avant. En chemin, il arriva sous un arbre élevé ; il y grimpa et dit au lion en se moquant de lui :

— Je t’ai trompé, va en paix.



  1. Le Galla est parlé dans toute la partie méridionale de l’empire actuel d’Abyssinie.
  2. Prætorius, Eine Gallafabel, ap. Büttner, Zeitschrift der afrikanischen Sprachen, t. III, Berlin, Asher, 1889-90, in-8, p. 68-69.