Contes populaires d’Afrique (Basset)/154

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 404-406).

XCI. — DAGBAMBA[1]

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LE CAMÉLÉON ET L’ARAIGNÉE[2]


Ce sont des contes. Il y avait un caméléon et une araignée qui habitaient la même ville.

Le caméléon possédait une houe qui piochait très rapidement le champ. Quand il l’avait en main, il pouvait en un seul jour faire le travail de cinq journées. On s’étonnait de cela.

Le roi possédait une très belle jeune fille ; il convoqua tous les laboureurs et leur dit qu’ils devaient se présenter à tel et tel jour pour piocher son champ. Celui d’entre eux qui aurait le mieux travaillé recevrait la jeune fille.

Lorsque l’araignée eut appris cela, elle alla à la maison, se glissa chez le caméléon, lui vola sa houe et la cacha.

Le jour fixé arriva et tous se rendirent aux champs pour labourer ; seule, l’araignée resta à la maison. Les autres lui demandèrent si elle n’allait pas aussi au champ. Elle leur dit de la laisser et d’aller travailler ; que quand elle se lèverait, elle piocherait plus que tous les autres.

Lorsque le soleil fut au milieu du ciel, l’araignée se leva, prit la houe et s’en alla au champ. Elle se pencha loin derrière les autres et commença à piocher. Elle atteignit rapidement les autres, les dépassa et piocha plus loin jusqu’à ce que le champ fût fini. Le caméléon reconnut que sa houe avait été enlevée, mais l’araignée ne le savait pas.

Alors tous se préparèrent à s’asseoir et à se reposer. L’araignée prit la houe et piocha la forêt jusqu’au soir. Lorsque tous rentrèrent chez eux, ils la laissèrent ; elle piocha dans la forêt jusqu’à ce qu’elle ne les vit plus ; elle était dans la forêt et piochait.

L’araignée prit la houe et se remit à travailler jusqu’à la nuit ; ensuite elle recommença et piocha jusqu’au bout. Cela dura une année, même deux ans, même trois ans.

Pendant ce temps, on avait depuis longtemps donné un mari à la jeune fille ; elle avait déjà enfanté et l’araignée travaillait toujours dans la forêt.

Alors elle eut faim ; elle était complètement et solidement attachée à la houe. Lorsque celle-ci eut pioché toute la forêt, elle alla à sa maison et piocha la cour. On la regarda et on s’étonna. Alors elle défricha les ruisseaux et la pioche glissa.

— Non, c’est ainsi ! dit le caméléon.

L’araignée perdit la houe qui avait glissé ; elle courut, entra dans le ruisseau, de là dans la hutte, se serra contre le dos des assiettes et jusqu’à présent, s’y tient attachée. Auparavant, c’était un garçon fort, solide. Et elle fit tout cela à cause d’une femme !



  1. Le dagbamba, parlé au nord du Togoland, est considéré comme une langue apparentée au bantou.
  2. Krause, Beitræge zum Mærchenschatz der Afrikaner, Globus, t. LXII, p. 257-258.