Contes populaires d’Afrique (Basset)/135

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 358-360).

LXXVI. — OTYI-HERERO[1]

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L’ÉLÉPHANT ET LA TORTUE[2]


Deux êtres, l’éléphant et la pluie disputaient l’un contre l’autre. L’éléphant dit :

— Quand tu dis que tu me nourris, de quoi me nourris-tu donc ?

La pluie lui répondit :

— Comment peux-tu dire que je ne te nourris pas ? si je m’éloignais, ne mourrais-tu pas ?

Alors la pluie s’éloigna.

L’éléphant dit :

— Vautour, jette le sort pour moi pour me procurer de la pluie.

Le vautour répondit :

— Je ne veux pas jeter le sort.

L’éléphant dit à la corneille :

— Jette le sort, toi.

La corneille répondit :

— Donne-moi ce qu’il faut pour pouvoir jeter le sort.

Elle jeta le sort et voici qu’il plut. Par la pluie se formèrent des étangs qui se desséchèrent sauf un.

Quand l’éléphant voulut aller à la chasse, il dit à la tortue :

— Reste ici, près de l’eau.

Alors la tortue resta près de l’eau et l’éléphant alla à la chasse. La girafe vint dire à la tortue :

— Donne-moi de l’eau.

La tortue lui répondit :

— L’eau appartient à l’éléphant.

Le zèbre vint et dit à la tortue :

— Donne-moi de l’eau.

La tortue répondit :

— L’eau appartient à l’éléphant.

Le chamois vint dire à la tortue :

— Donne-moi de l’eau.

La tortue répondit :

— L’eau appartient à l’éléphant.

Le gnou vint dire :

— Donne-moi de l’eau.

La tortue répondit :

— L’eau appartient à l’éléphant.

L’antilope rouge vint dire a la tortue :

— Donne-moi de l’eau.

La tortue répliqua :

— L’eau appartient à l’éléphant.

Le springbock vint dire à la tortue :

— Donne-moi de l’eau.

La tortue répondit :

— L’eau appartient à l’éléphant.

Le chacal vint et dit :

— Donne moi de l’eau.

La tortue répondit :

— L’eau appartient à l’éléphant.

Le lion vint et dit :

— Petite tortue, donne-moi de l’eau.

Comme elle voulait dire quelque chose, le lion la saisit et la mordit. Ensuite il but de l’eau, et après lui tous les animaux.

Quand l’éléphant revint de la chasse, il demanda :

— Petite tortue, où est l’eau ?

La tortue répondit :

— Les animaux l’ont bue.

Alors l’éléphant répondit :

— Petite tortue, dois-je te broyer avec mes dents et t’avaler ?

— Je t’en prie, avale-moi, dit la tortue.

Quand l’éléphant l’eut avalée et qu’elle fut dans son ventre, elle lui mordit le foie, le cœur et les reins.

— Ô petite tortue, disait l’éléphant, tu me tues.

Ainsi mourut l’éléphant. La tortue sortit et s’en alla où elle voulut.



  1. L’Otyi-herero est parlé sur la côte occidentale d’Afrique, dans le Damaraland, dans l’Afrique australe allemande.
  2. Bleek, Reineke Fuchs in Afrika, Weimar, Bœlau, 1870, in-8, p. 21-23.