Contes populaires d’Afrique (Basset)/102

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 262-265).

102

DAOURA[1]


Daoura eut des enfants ; quand il fut avancé en âge et devenu vieux, il leur dit :

— Je suis vieux ; je ne peux plus gouverner le Bouganda, prenez-en possession, devenez maîtres de votre royauté.

Ils lui répondirent :

— Mon père, nous sommes jeunes, comment prendrions-nous possession du Bouganda, quand tu n’es pas mort ? Comment te succéderions-nous de ton vivant ?

Ils refusèrent.

— Puisque vous ne voulez pas vous saisir de la royauté, dit Daoura, laissez-moi.

Il appela Seroganga le Moukopi et lui dit :

— Viens, que je te mette au courant.

Seroganga se présenta. Daoura lui dit :

— Me conduiras-tu chez toi et m’y cacheras-tu ?

— Seigneur, je te cacherai.

— Bien, dit le roi, retourne-t’en ; quand il fera nuit, tu viendras ; nous partirons et tu me cacheras : la royauté m’ennuie ; je n’en veux plus.

Il dit à un de ses esclaves et à trois de ses femmes :

— Venez, partons ; cachons-nous.

Il se leva, il marcha et alla chez le Moukopi. Seroganpa le conduisit dans la forêt, y bâtit une maison et la termina.

— Mon ami, dit le roi, ne révèle à personne que je suis dans la forêt.

— Non, seigneur, je ne te dénoncerai pas.

Daoura resta dans la forêt. La femme qui l’avait enfanté demanda aux grands :

— Où est allé le roi ?

— Il a disparu, répondirent-ils.

— Allez consulter un sorcier, dit la reine-mère.

Ils allèrent chez un sorcier. Celui-ci leur dit :

— Venez demain de bonne heure, tous les gens du Bouganda. Celui qui s’habille le mieux, c’est lui qui a le roi. Quand vous verrez celui qui l’emporte par l’habillement, saisissez-le, et il vous révélera où est le roi.

Seroganga dit à Daoura :

— Seigneur, je vais à un festin.

— Ne me dénonce pas.

— Non, seigneur.

Il alla à Rousaka. La reine-mère l’appela :

— Seroganga jure en disant : Daoura, je l’ai vu hier soir.

Namasou lui dit :

— Seroganga !

Il jura encore :

— Daoura, je l’ai vu hier soir.

— Comme tu es bien habillé !

Seroganga reprit :

— Daoura, je l’ai vu hier soir.

— Daoura a disparu depuis longtemps, mais tu l’as vu hier soir.

— Seigneur, dit Seroganga, je ne l’ai pas vu ; j’ai juré simplement.

La reine-mère dit aux grands :

— Saisissez-le et allez le tuer.

Ils s’emparèrent de lui. Alors Seroganga dit :

— Ne me tuez pas, seigneurs, laissez-moi ; je vous conduirai dans la forêt, à Kanyanya chez le roi.

— Laissez Seroganga, dit la reine-mère, qu’il vous conduise dans la forêt chez le roi.

Il devança tous les grands et les chefs et les précéda sur le chemin ; ils arrivèrent dans la forêt.

Quand ils virent le roi, ils se mirent à genoux. Daoura dit à Seroganga :

— Je t’avais dit de ne pas me dénoncer aux hommes. Tu ne l’as pas fait. Qui les a conduits ici ?

— Seigneur, répondit-il, ils voulaient me tuer.

— Puisque tu m’as dénoncé, qu’ils te tuent. Daoura le tua. Ensuite il sortit de la forêt, rentra dans le Bouganda, reprit la royauté et les grands vinrent le saluer.




  1. Les P.P. L.L. et C. D. des Pères blancs, Manuel de la langue Iuganda, p. 174-178.