Contes indiens (Feer)/Récit/30

(p. 203-206).


RÉCIT DE LA 30e FIGURE




Un autre jour encore, la trentième figure dit à l’auguste roi Bhoja : « Hé ! roi Bhoja, c’est l’auguste Vikramâditya qui siégeait sur ce trône ; écoute le récit de sa munificence.

« Dans la ville d’Avantî était un grand personnage nommé Çrîdatta ; il était si riche que lui-même ne savait pas le nombre de ses richesses. Ce grand personnage avait un fils nommé Somadatta qui eut un jour le désir de faire un palais et entretint son père de ce dessein. Le père ayant donné son consentement, il commença le palais lors de la conjonction de l’astérisme Pushya et du soleil.

« Ce fut le jour de la conjonction du Pushya et du soleil qu’il forma le projet d’édifier ce palais, et, dès le lendemain, le travail de la construction était achevé. Ainsi, en très peu de temps, le palais fut prêt. Aussitôt, choisissant un instant heureux, Somadatta le fils vertueux fit son entrée dans le palais ; et, quand vint la nuit, le fils vertueux se coucha dans le palais sur un palanquin. Sur ces entrefaites, la parole padi padi (« je tombe, je tombe »), prononcée à haute voix, sortit de ce palais. En entendant ce son, Somadatta fut surpris et épouvanté ; il passa la nuit comme il put.

« Le lendemain, étant fort perplexe, il se présenta devant l’auguste Vikramâditya et lui raconta tout au long, depuis le commencement, l’histoire du palais.

« Le roi, après avoir entendu toute cette explication, lui donna deux fois autant d’argent que Somadatta en avait dépensé, acheta ainsi le palais, et, quand vint la nuit, fit son lit au milieu du palais. Sur ces entrefaites, la voix qui disait : padi padi, sortit du palais. En entendant cette parole, le roi répondit au plus vite : pada (« tombe ! »). À l’instant, une pluie d’or tomba dans ce palais, elle tomba toute la nuit. À l’endroit où était le roi, ce fut une pluie de fleurs qui tomba.

« Au matin, le roi donna à Somadatta, avec le palais, tout l’or qui était tombé en pluie, et lui-même s’en alla dans sa salle d’audience. »

La trentième figure ajouta ; « Ô roi Bhoja, si tu possèdes une force et une munificence semblables, siège sur ce trône ; sinon, tu n’y siégeras pas sans qu’il t’arrive malheur. » À ces mots, ce jour-là encore, l’auguste roi Bhoja revint sur ses pas.