Contes indiens (Feer)/Récit/24

(p. 163-166).


RÉCIT DE LA 24e FIGURE




Un autre jour encore, la vingt-quatrième figure dit à l’auguste roi Bhoja pour l’empêcher de monter sur le trône : « Eh ! roi Bhoja, le roi qui protège les créatures comme savait le faire l’auguste Vikramâditya est le seul qui puisse siéger sur ce trône. — Et comment Vikramâditya protégeait-il les créatures ? » répondit le roi. — La figure reprit : « Écoute.

« Un jour l’auguste Vikramâditya était en séance dans la salle du conseil, entouré de la troupe de ses ministres. Un pandit du pays de Kerala, qui savait parler sur le Jyoti-çâstra, étant survenu, adressa au roi ses bons souhaits dans une suite de discours variés en prose et en vers, puis s’assit sur le siège que le roi lui offrit.

« Le roi adressa au pandit cette question : Ô pandit, dans quel Çâstra es-tu particulièrement versé ? — Dans le Jyoti-çâstra, répondit le pandit. — Parle, reprit le roi, qu’arrivera-t-il cette année dans mon royaume ? — Cette année, grand roi, répondit le pandit, il y aura une grande famine. — Dans mes états, reprit le roi, il n’y aucune transgression du Nîti-çâstra, il n’y a pas même l’apparence de l’injustice : les créatures ne sont pas opprimées, même en songe ; il n’y a aucune espèce d’opposition à l’accomplissement des actions vertueuses ; il n’y a ni injures aux brahmanes, ni violences contre les créatures, ni châtiments injustes, ni recherche de ce qui n’est pas bien, ni conduite mauvaise, ni brisement des images des divinités, ni cause d’inquiétude pour les gens de bien, ni transgression des lois établies par les Çâstras ; rien de tout cela n’existe dans mes états : pourquoi donc y aurait-il une famine ? — Le pandit répondit : Celui qui donne tous les ordres est la suprême autorité. Or, voici ce que déclare le Jyoti-çâstra : si la planète Saturne, ayant brisé le char de Rohinî, vient dans le champ de Vénus ou dans celui de Mars, alors il y aura nécessairement famine. Je le dis conformément à l’autorité de ce Çâstra.

« À l’ouïe du discours de ce pandit, le roi, pour protéger ses sujets et conjurer la famine, s’appliqua à faire toutes sortes d’actes de prospérité, des sacrifices, des prières, des offrandes, des dons, etc., en recourant au ministère des brahmanes. Malgré cela, la pluie ne tomba pas, aucun grain ne germa dans le pays ; les créatures, la population entière furent dans un trouble extrême, et le roi fut préoccupé au plus haut degré.

« À ce moment, une voix céleste se fit entendre : Eh ! Vikramâditya, si tu es de force à donner en offrande un homme doué de tous les signes de la royauté, alors il y aura de la pluie. En entendant cette divine voix céleste, le roi tira son glaive et se disposait à se livrer lui-même en offrande pour sauver les créatures, quand, à l’instant même, la divinité qui se tenait dans les nuages, se montrant favorable, retint les deux mains du roi et lui dit : Grand roi des rois, tu es un grand protecteur des créatures, en vérité ! je te suis favorable ; fais une demande à ton choix. Le roi répondit : ce que je choisis, c’est qu’il n’y ait pas de famine dans ce pays ; accorde-le-moi ! — La déesse répondit : Qu’ainsi soit ! et disparut. »

Depuis lors jusques aujourd’hui, il n’y a pas eu de famine dans le pays des brahmanes.

Après avoir entendu ce récit de la vingt-quatrième figure, l’auguste roi Bhoja fut découragé.