Contes et légendes annamites/Pour rire/15 Gendres

Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 332-333).
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XV

GENDRES.



Un vieil imbécile avait une fille qu’il voulait marier. Ayant entendu dire que les chiens aux yeux blancs étaient les plus intelligents, il pensa qu’il en était de même des hommes, et, se réglant là-dessus dans la recherche d’un gendre, il amena chez lui un aveugle pour lui donner sa fille[1]. Le beau-père voulut mener son gendre à la pêche. Il fallait traverser la forêt, « Comment ferons-nous pour éloigner le tigre ? » demanda le beau-père. Le gendre qui pensait surtout à ne pas se séparer du beau-père, qu’il n’aurait pas retrouvé, lui suggéra l’idée de battre du tambour. Le beau-père passa devant avec le tambour, et le gendre n’eut pas de peine à le suivre. En revenant il se heurta contre un arbre et tomba dans le chemin. Le beau-père le voyant dans cette posture lui demanda ce qu’il faisait. Cet arbre est au milieu du chemin lui répondit-il, je le coupe pour qu’il ne vous gêne pas lorsque vous repasserez par ici. Le beau-père rentra à la maison enchanté d’avoir un gendre si plein d’attentions et sans s’être aperçu qu’il n’y voyait pas clair.



Un sot venait de demander une fille en mariage. Quand il dut aller demeurer chez ses beaux parents pour faire le gendre, il demanda à son père où devait s’assoir le gendre dans la maison[2]. Son père lui répondit : « Ne t’assieds jamais au même endroit que tes beaux parents ; prends pour t’asseoir le banc où il n’y aura personne. Notre homme, une fois arrivé chez sa fiancée, voulut appliquer ces instructions, et voyant qu’il n’y avait personne sur l’autel domestique il alla bravement s’y asseoir. « Tu n’es donc pas mon gendre, tu es mon ancêtre, lui dit le maître de la maison », et il le mit à la porte.



  1. Les gendres comme l’on sait, vont demeurer un certain temps dans la famille de leur fiancée et on leur fait subir toute sorte d’épreuves. Une coutume semblable est signalée aux Philippines chez les Tagalocs. Les Cham ont un conte qui ressemble beaucoup à celui-ci et qui est mieux développé.
  2. Question d’étiquette importante. Sa conduite doit montrer s’il a été bien élevé ou s’il n’est qu’un rustre.