Contes et légendes annamites/Légendes/083 L’origine du bousier

Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 205-206).


LXXXIII

L’ORIGINE DU BOUSIER[1].



Ngoc hoàng envoya un messager dire aux hommes que, parvenus à la vieillesse, ils changeraient de peau et vivraient immortellement ; le serpent devenu vieux devait mourir. Le messager descendit sur la terre et dit : « Vieux, l’homme se dépouillera ; vieux, le serpent mourra, et entrera au cercueil. » Il se trouva là une bande de serpents qui entrèrent en furie et qui dirent au messager : « Vous allez répéter et dire le contraire, sinon nous vous mordons. » Le messager eut peur, aussi répéta-t-il son message en en changeant les termes, disant : « Vieux, le serpent se dépouillera ; vieux, l’homme mourra et entrera au cercueil. » C’est pourquoi toutes les créatures sont sujettes à la mort, sauf le serpent qui, devenu vieux, change de peau et vit immortellement.

Voyant que malgré sa décision les hommes continuaient à mourir, Ngoc hoàng fit paraître son messager devant lui. Celui-ci avoua ce qui s’était passé, et l’empereur céleste irrité le frappa d’un coup de pied qui l’envoya sur la terre où il fut transformé en bousier destiné à fouiller toujours les excréments des hommes.



  1. (*) Certaines légendes de l’Afrique méridionale ont de l’analogie avec celle-ci : « Ounkoulounkoulou chargea le caméléon de porter ce message aux hommes : Vous ne mourrez pas ! Le caméléon marcha lentement, s’amusa en route et pendant ce temps-là Ounkoulounkoulou changea d’avis et il envoya le lézard gris (d’après une autre version, la salamandre) dire aux hommes : Vous mourrez ! Ce second messager courut très vite, s’acquitta de son message et, quand le caméléon arriva à destination, les hommes avaient déjà reçu le fatal décret et mouraient. C’est pourquoi les deux animaux sont odieux aux Cafres. » A. Reville, Les Religions des peuples non civilisés, I, p. 140.) « La lune au commencement dit au pou d’aller trouver les hommes et de leur annoncer de sa part : Comme je meurs et vis en mourant, vous mourrez aussi et vivrez en mourant », mais le lièvre qui rencontra par hasard le messager lui déroba le message et dit aux hommes : « Comme je meurs et péris en mourant, de même vous mourrez et périrez complètement, » Là dessus il alla se vanter auprès de la lune de la manière dont il avait transmis son message. La lune, en colère, frappa le lièvre au museau et c’est pour cela que le lièvre a la lèvre supérieure fendue. » Ibid. p. 171.)