Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 37

Ernest Leroux (p. 213-216).


LA PEAU DE BOUC[1]


Un homme vivait dans le pays de la Mecque, gouverné par un roi : il n’aimait que sa cousine et il était malheureux. Il va trouver son oncle qui ne veut pas la donner. Il est malade alors, presque mort. Il aurait voulu pour femme sa cousine. Il cherche une peau de bouc qu’il remplit de pierres, et l’enterre à la tête de son lit, sans que personne le sache. Il dit à la mère de sa cousine : « Je vais mourir. J’ai enterré à la tête de mon lit une peau pleine d’or. Attends que je sois mort, alors tu prendras cet or. Tu partageras en deux : une part pour toi avec mon oncle, ton mari : l’autre, tu en prendras 100 gros et le donneras à un marabout comme aumône : 40 gros pour acheter des linceuls et des parfums. Tu as bien entendu ? ». « Oui », répond la tante.

La tante rapporte à son mari ce que lui a raconté le neveu et lui dit : « Ne veux-tu pas donner ta fille à cet homme qui a tant d’or ? ». L’oncle dit : « S’il est riche, guéris-le et je lui donnerai ma fille ». Elle le soigne, le guérit : et lui offre sa fille en mariage. « Je veux bien, dit le malade ». — « Maintenant elle est à toi, dit la tante. Écris à son père une lettre pour la demander. » Il écrit : le père l’accorde. Le mariage se fait. Il s’arrange pour vivre, sans toucher à la peau de bouc enterrée. Huit jours après le mariage les parents de la fille réclament la dot. Le neveu dit : « Ma tante, va déterrer la peau de bouc pleine d’or, et donnes-en 500 gros à mon oncle. » On sort la peau et on voit qu’il n’y avait que des pierres. L’oncle lui dit : « Quelle est cette supercherie ? il n’y a que des pierres. » Il répond : « Sans ce moyen, je n’aurais jamais eu ma cousine ». L’oncle casse tout ce qu’il y a dans la chambre de son gendre et emmène sa fille. Le neveu sort de sa maison et s’asseoit sur la route jusqu’à minuit.

Le roi du pays, Diadi Yousouf, ne pouvait pas dormir cette nuit : il commande à ses gens de lui amener tous les hommes qu’ils trouveraient sur la route. Ils amènent le neveu devant le roi qui lui dit : « Je ne peux pas dormir : raconte-moi une histoire extraordinaire à laquelle je n’ai jamais pensé, ou je te fais tuer ».

Le neveu raconte toute l’histoire de son mariage. Le roi est enchanté : c’était un méchant. Il lui dit : « Pars ce soir, demain je t’enverrai chercher : tu me raconteras encore une histoire ».

Le neveu va raconter à son oncle : « J’ai été hier soir chez le roi ». L’oncle lui dit : « Es-tu fou ? Toi, un rien du tout, tu as été chez le roi. Tu es fou ! » Alors on le met aux fers.

La nuit venue, le roi renvoie ses gens le chercher : ils le trouvent enchaîné et veulent lui enlever ses fers : il s’y refuse, et dit : « Je veux aller devant le roi avec mes fers ». Il y va avec ses fers. Le roi demande : « Qu’est-ce que ces fers ? » Il lui répond : « Si tu as été content de l’histoire de hier soir, que diras-tu de celle d’aujourd’hui ». Il lui raconte l’histoire : le roi dit : « Apporte-moi la peau de bouc et je te le remplirai d’argent. »

II va chercher la peau, le roi la remplit d’argent et il vit en bonne intelligence avec ses beaux-parents.



  1. Tirée d’un ouvrage arabe intitule : Ila Mounaz, que possédait le marabout Amadou ould Hamidou.