Contes arabes (Basset)/Histoire des dix vizirs/Huitième journée
HUITIÈME JOURNÉE
e huitième jour, tous les vizirs se réunirent et délibérèrent : « Nous ne pouvons
réussir contre ce jeune homme qui l’emporte
sur nous par son éloquence ; il est à craindre
qu’il ne s’en tire et que nous ne succombions. Il faut aller cher le roi et le convaincre avant que cet innocent ne sorte, sinon
il triomphera. » Ils entrèrent donc dans le
palais, se prosternèrent devant Azâd-bakht
et lui dirent : « Prince, ce jeune homme te
trompe par ses artifices en même temps
qu’il te flatte par sa ruse ; mais, si tu entendais ce que nous entendons, tu ne le laisserais pas vivre un seul jour de plus. Ne suis pas ses discours ; nous sommes tes vizirs
dévoués ; si tu ne prêtes pas d’attention à
nos paroles, qui écouteras-tu ? Nous, au
nombre de dix, nous affirmons que ce prisonnier est coupable, qu’il n’est entré dans
l’appartement royal que dans une intention
criminelle, celle de déshonorer le roi et
de souiller son harem. Si le prince ne le fait
pas mourir, qu’au moins il le chasse de son
royaume pour mettre un terme aux propos
des gens. »
À ces mots, Azâd-bakht entra dans une violente colère et fit amener le prisonnier. Lorsque celui-ci arriva, les ministres crièrent d’une seule voix : « Jeune homme, tu veux échapper à la mort par la ruse et l’astuce et tromper le roi par des histoires ; tu espères obtenir le pardon d’une faute aussi grande que tu as commise ! » Le roi manda le bourreau pour trancher la tête du condamné. Chacun des vizirs s’offrit à en faire l’office et se précipitèrent sur le prisonnier.
« Prince, dit celui-ci, comment peuvent-ils témoigner sur ce qu’ils n’ont pas vu ? Tout cela n’est qu’envie et haine ; si tu me fais périr, tu t’en repentiras, et je crains que tu n’éprouves les mêmes regrets que ceux causés à Ilân-Châh43 par la jalousie de ses ministres. »
Azâd-bakht ayant demandé qui était cet Ilân-Chah et ce qui lui était arrivé, le prisonnier commença :