Considérations sur … la Révolution Française/Cinquième partie/XI

CHAPITRE XI.

Du système qu’il falloit suivre en 1814 pour maintenir la
maison de Bourbon sur le trône de France
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BEAUCOUP de personnes croient que si Napoléon ne fût point revenu, les Bourbons n’avoient rien à redouter. Je ne le pense pas ; mais, il faut en convenir du moins, c’étoit un terrible prétendant qu’un tel homme ; et, si la maison d’Hanovre a pu craindre le prince Edouard, il étoit insensé de laisser Bonaparte dans une situation qui l’invitait, pour ainsi dire, à former des projets audacieux.

M. de Talleyrand, en reprenant, dans le congrès de Vienne, presque autant d’ascendant sur les affaires de l’Europe que la diplomatie françoise en avoit exercé sur Bonaparte, a certainement donné une très-grande preuve de son adresse personnelle ; mais le gouvernement de France ayant changé de nature, devoit-il se mêler des affaires d’Allemagne ? Les justes ressentimens de la nation allemande n’étaient-ils pas encore trop récens pour être effacés. ? Le premier devoir des ministres du roi étoit donc de demander au congrès de Vienne l’éloignement de Bonaparte. Comme Caton dans le sénat de Rome, lorsqu’il répétoit sans cesse : Il faut détruire Carthage, les ministres de France devoient mettre à part tout autre intérêt, jusqu’à ce que Napoléon ne fût plus en regard de la France et de l’Italie.

C’étoit sur la côte de Provence que les hommes zélés pour la cause royale pouvoient être utiles à leur pays, en le préservant de Bonaparte. Le simple bon sens des paysans suisses, je m’en souviens, les portoit à prédire, pendant la première année de la restauration, que Bonaparte reviendrait. Chaque jour, dans la société, l’on essayoit d’en convaincre ceux qui pouvoient se faire écouter à la cour ; mais comme l’étiquette, qui ne règne qu’en France, ne permet pas d’approcher le monarque, et que la gravité ministérielle, autre inconséquence pour les temps actuels, éloignoit des chefs de l’état ceux qui auroient pu leur apprendre ce qui se passait, une imprévoyance sans exemple a perdu la patrie. Toutefois, quand Bonaparte ne seroit pas débarqué à Cannes, le système suivi par les ministres, ainsi que nous avons tâché de le démontrer, avoit déjà compromis la restauration, et laissoit le roi sans force réelle au milieu de la France. Examinons d’abord la conduite que le gouvernement devoit tenir envers chaque parti, et concluons, en rappelant les principes d’après lesquels il falloit diriger les affaires et choisir les hommes.

L’armée était, dit-on, difficile à ramener. Sans doute, si l’on vouloit garder encore une armée propre à conquérir l’Europe et à établir le despotisme dans l’intérieur, cette armée devoit préférer Bonaparte, comme chef militaire, aux princes de la maison de Bourbon ; rien ne pouvoit changer cette disposition. Mais si, tout en payant exactement les appointemens et les pensions des guerriers qui ont donné tant d’éclat au nom François, on eût fait connaître à l’armée qu’on n’avoit ni peur, ni besoin d’elle, puisqu’on étoit décidé à prendre pour guide une politique purement libérale et pacifique ; si, loin d’insinuer tout bas aux officiers qu’on leur sauroit bien bon gré d’appuyer les empiétemens de l’autorité, on leur avoit dit que le gouvernement constitutionnel, ayant le peuple pour lui, vouloit tendre à diminuer les troupes de ligne, à transformer les soldats en citoyens, et à changer l’activité guerrière en émulation civile, les officiers pendant quelque temps encore auroient regretté leur importance passée : mais la nation, dont ils font partie, plus que dans aucune autre armée, puisqu’ils sont pris dans toutes les classes, cette nation, satisfaite de sa constitution et rassurée sur ce qu’elle craint le plus au monde, le retour des priviléges des nobles et du clergé, auroit calmé les militaires, au lieu de les irriter par ses inquiétudes. Il ne falloit pas viser à imiter Bonaparte pour plaire à l’armée ; on ne saurait, dans cet inutile effort, se donner que du ridicule ; mais en adoptant un genre à soi tout différent, même tout opposé, on pouvoit obtenir le respect qui naît de la justice et de l’obéissance à la loi ; cette route-là, du moins, n’étoit pas usée par les traces de Bonaparte.

Quant aux émigrés, dont les biens sont confisqués, on auroit pu, ainsi qu’on l’a fait en 1814, demander quelquefois encore une somme extraordinaire au corps législatif, pour acquitter les dettes personnelles du roi ; et comme, sans le retour de Bonaparte, on n’auroit point eu de tributs à payer au étrangers, les députés se seroient prêtés aux désirs du monarque, en respectant l’usage qu’il vouloit faire d’un supplément accidentel à sa liste civile[1]. Qu’on se le demande avec sincérité, si en Angleterre, lorsque la cause des royalistes sembloit désespérée, on avoit dit aux émigrés : Louis XVIII remontera sur le trône de France, mais à condition de s’en tenir au pouvoir du roi d’Angleterre ; et vous qui rentrerez avec lui, vous obtiendrez tous les dédommagemens et toutes les faveurs qu’un monarque selon vos vœux pourra vous accorder ; mais, si vous retrouvez de la fortune, ce sera par ses dons, et non à titre de droits ; et, si vous acquérez du pouvoir, ce sera par vos talens personnels, et non par des priviléges de classe : n’auraient-ils pas souscrit à ce traité. ? Pourquoi donc se laisser enivrer par un moment de prospérité ? et si, je me plais à le répéter, Henri IV qui avoit été protestant, et Sully qui l’étoit resté, savoient contenir les prétentions de leurs compagnons d’armes, pourquoi les ministres de Louis XVIII n’avaient-ils pas aussi l’art de gouverner les dangereux amis que Louis XVI avoit désignés lui-même dans son testament comme lui ayant beaucoup nui par un zèle mal entendu ?

Le clergé existant, ou plutôt celui qu’on vouloit rétablir, étoit une autre difficulté qui se présentoit dès la première année de la restauration. La conduite du gouvernement doit être la même envers le clergé qu’envers toutes les classes : tolérance et liberté, à partir des choses telles qu’elles sont. Si la nation veut un clergé riche et puissant, en France elle saura bien le rétablir ; mais si personne ne le souhaite, c’est aliéner de plus en plus la disposition des François à la piété, que de leur présenter la religion comme un impôt, et les prêtres comme des gens qui veulent s’enrichir aux dépens du peuple. On rappelle sans cesse les persécutions que les ecclésiastiques ont éprouvées pendant la révolution. C’étoit un devoir de les servir alors autant qu’on en avoit les moyens, mais le rétablissement de l’influence politique du clergé n’a point de rapport avec la juste pitié qu’ont inspirée les souffrances des prêtres : il en est de même de la noblesse ; ses priviléges ne doivent point lui être rendus en compensation des injustices dont elle a été l’objet. De même aussi, parce que le souvenir de Louis XVI et de sa famille inspire un intérêt profond et déchirant, il ne s’ensuit pas que le pouvoir absolu soit la consolation nécessaire qu’il faille donner à ses descendants. Ce seroit imiter Achille qui faisoit immoler des esclaves sur le tombeau de Patrocle.

La nation existe toujours : c’est elle qui ne meurt point ; et les institutions qu’il lui faut ne peuvent lui être ôtées sous aucun prétexte. Quand on peint les horreurs qui se sont commises en France, seulement avec l’indignation qu’elles doivent inspirer, tout le monde s’y associe ; mais, quand on en fait un moyen d’exciter à la haine contre la liberté, on dessèche les larmes que les regrets spontanés auroient fait couler.

Le grand problème que les ministres avoient à résoudre en 1814, ils pouvoient l’étudier dans l’histoire d’Angleterre. Il falloit prendre pour modèle la conduite de la maison d’Hanovre, et non celle des Stuarts.

Mais, dira-t-on, quels effets merveilleux auroit donc produits la constitution angloise en France, puisque la charte qui s’en rapproche ne nous a point sauvés ? D’abord on auroit eu plus de confiance dans la durée même de la charte, si elle eût été fondée sur un pacte avec la nation, et si l’on n’avoit pas vu la famille royale entourée de personnes qui professoient, pour la plupart, des principes inconstitutionnels. Personne n’a voulu bâtir sur un terrain aussi mouvant, et les factions sont restées debout pour attendre la chute de l’édifice.

Il importoit d’établir des autorités locales dans les villes et dans les villages, de créer des intérêts politiques dans les provinces, afin de diminuer l’ascendant de Paris, où l’on veut tout obtenir par la faveur. On pouvoit faire renaître le besoin de l’estime chez des individus qui s’en sont terriblement passés, en leur rendant nécessaire le suffrage de leurs concitoyens pour être députés. Une élection nombreuse pour la chambre des représentans(six cents députés au moins : la chambre des communes d’Angleterre en a davantage), auroit donné plus de considération au corps législatif, et par conséquent beaucoup de personnes honorables se seroient vouées à cette carrière. On a reconnu que la condition d’âge, fixée à quarante ans, étouffoit toute espèce d’émulation. Mais les ministres craignoient avant tout les assemblées délibérantes ; et, s’en tenant à leur ancienne connoissance des premiers événemens de la révolution, c’est contre la liberté de la tribune qu’ils dirigeoient tous leurs efforts. Ils ne s’apercevoient pas que, dans un état qui s’est enivré de l’esprit militaire, la tribune est une garantie, au lieu d’être un danger, puisqu’elle relève la puissance civile. Pour augmenter autant qu’on le pouvoit l’influence de la chambre des pairs, l’on ne devoit point s’astreindre à conserver tous les anciens sénateurs, s’ils n’avoient pas des droits à cet honneur par leur mérite personnel. La pairie devoit être héréditaire, et composée sagement des anciennes familles de France qui lui donnoient de la dignité, et des hommes qui s’étoient acquis un nom honorable dans la carrière militaire ou civile. Les nouveaux auroient tiré du lustre des anciens, et les anciens des nouveaux ; c’est ainsi qu’on auroit marché vers cette fusion constitutionnelle des classes, sans laquelle il n’y a jamais que de l’arrogance d’une part, et de la subalternité de l’autre.

Il importoit aussi de ne point condamner la chambre des pairs à délibérer en secret : c’étoit lui ôter le plus sûr moyen d’acquérir de l’ascendant sur les esprits. La chambre des députés, qui n’avoit cependant aucun titre vraiment populaire, puisqu’elle n’étoit point élue directement, exerçoit plus de pouvoir sur l’opinion que la chambre des pairs, par cela seul qu’on connoissoit et qu’on entendoit ses orateurs.

Enfin, les François veulent le renom et le bonheur attachés à la constitution angloise, et cet essai vaut bien la peine d’être tenté ; mais le système étant admis, il importe d’y conformer les discours, les institutions et les usages. Car il en est de la liberté comme de la religion ; toute hypocrisie dans une belle chose révolte plus que son abjuration complète. Aucune adresse ne devoit être reçue, aucune proclamation ne devoit être faite, qui ne rappelât formellement le respect pour la constitution aussi bien que pour le trône. La superstition de la royauté, comme toutes les autres, éloigne ceux que la simplicité du vrai auroit captivés.

L’éducation publique, non celle qui étoit confiée aux ordres religieux, à laquelle on ne peut revenir, mais une éducation libérale, l’établissement d’écoles d’enseignement mutuel dans tous les départemens, les universités, l’école polytechnique, tout ce qui pouvoit rendre à la France l’éclat des lumières, devoit être encouragé sous le gouvernement d’un prince aussi éclairé que Louis XVIII. C’étoit ainsi qu’on pouvoit détourner les esprits de l’enthousiasme militaire, et compenser pour la nation la perte de cette fatale gloire qui fait tant de mal, soit qu’on l’obtienne, soit qu’on la perde.

Aucun acte arbitraire, et nous insisterons avec bonheur sur ce fait, aucun acte arbitraire n’a été commis pendant la première année de la restauration. Mais l’existence de la police, formant un ministère comme sous Bonaparte, étoit en désaccord avec la justice et la douceur du gouvernement royal. La principale fonction de cette police était, comme nous l’avons dit, la censure des journaux, et leur esprit étoit détestable. En supposant que cette surveillance fût nécessaire, au moins falloit-il choisir les censeurs parmi les députés et les pairs ; mais c’étoit violer tous les principes du gouvernement représentatif, que de remettre aux ministres eux-mêmes la direction de l’opinion qui doit les juger et les éclairer. Si la liberté de la presse avoit existé en France, j’ose affirmer que Bonaparte ne seroit point revenu ; on auroit signalé le danger de son retour de manière à dissiper les illusions opiniâtres, et la vérité auroit servi de guide, au lieu de produire une expulsion funeste.

Enfin, le choix des ministres, c’est-à-dire, du parti dans lequel il falloit les chercher, étoit la condition la plus importante pour mettre en sûreté la restauration. Dans les temps où les esprits sont occupés des débats politiques, comme ils l’étoient jadis des querelles religieuses, l’on ne peut gouverner les nations libres qu’à l’aide des hommes qui sont d’accord avec les opinions de la majorité : je commencerai donc par signaler ceux qu’on devoit exclure, avant de désigner ceux qu’il falloit prendre.

Aucun des hommes qui ont commis un crime dans la révolution, c’est-à-dire, versé le sang innocent, ne peut être utile en rien à la France. Le public les repousse, et leur propre inquiétude les fait dévier en tous les sens. Repos pour eux, sécurité ; car, nul ne peut dire ce qu’il auroit fait dans de si grandes tourmentes. Celui qui n’a pas su tirer sa conscience et son honneur intacts de quelque lutte que ce soit, peut encore être assez adroit pour se servir lui-même, mais ne peut jamais servir sa patrie.

Parmi ceux qui ont pris une part active au gouvernement de Napoléon, un grand nombre de militaires ont des vertus qui honorent la France ; quelques administrateurs possèdent de rares talens dont on peut tirer avantage ; mais les principaux chefs, mais les favoris du pouvoir, ceux qui se sont enrichis par la servitude, ceux qui ont livré la France à cet homme qui l’auroit respectée peut-être, s’il avoit rencontré quelque obstacle à son ambition, quelque fierté dans ses alentours, il n’est point de choix plus nuisibles à la dignité, comme à la sûreté de la couronne ; s’il est dans le système des bonapartistes de servir toujours la puissance, s’ils apportent leur science de despotisme au pied de tous les trônes, d’antiques vertus doivent-elles s’allier avec leur corruption. ? Si l’on vouloit repousser toute liberté, mieux auroit valu alors s’appuyer sur les royalistes purs, qui du moins étoient sincères dans leur opinion, et se faisoient un article de foi du pouvoir absolu ; mais ces hommes dégagés de tout scrupule politique, comment compter sur leurs promesses ? Ils ont de l’esprit, dit-on ; ah ! qu’il soit maudit, l’esprit, s’il dispense d’un seul sentiment vrai, d’un seul acte de moralité droit et ferme ! Et de quelle utilité sont donc les facultés de ceux qui vous accablent, quand vous succombez ? Qu’un grain noir se montre sur l’horizon, par degrés leur physionomie perd son empressement gracieux ; ils commencent à raisonner sur les fautes qu’on a commises ; ils accusent leurs collègues amèrement, et font des lamentations doucereuses sur leur maître ; enfin, par une métamorphose graduée, ils se changent en ennemis, ceux qui naguère avoient égaré les princes par leurs flatteries orientales.

Après avoir prononcé ces exclusions, il ne reste, et c’est un grand bien ; il ne reste, dis-je, à choisir que des amis de la liberté, soit ceux qui ont conservé cette opinion sans la souiller, depuis 1789, soit ceux qui, plus jeunes, la suivent maintenant, qui l’adoptent au milieu des efforts que l’on fait pour l’étouffer, génération nouvelle qui s’est montrée dans ces derniers temps, et sur laquelle l’avenir repose.

De tels hommes sont appelés à terminer la révolution par la liberté, et c’est le seul dénoûment possible à cette sanglante tragédie. Tous les efforts pour remonter le torrent feront chavirer la barque ; mais faites entrer ce torrent dans des canaux, et toute la contrée qu’il ravageoit sera fertilisée.

Un ami de la liberté, ministre du roi, respecteroit le chef suprême de la nation, et seroit fidèle au monarque constitutionnel, à la vie et à la mort ; mais il renonceroit à ces flatteries officieuses qui nuisent à la vérité, au lieu d’accroître l’attachement. Beaucoup de souverains de l’Europe sont très-obéis, sans exiger l’apothéose. Pourquoi donc en France les écrivains la prodiguent-ils en toute occasion ? Un ami de la liberté ne souffriroit jamais que la France fût insultée par aucun homme qui dépendît en rien de l’autorité. N’entend-on pas dire à quelques émigrés que le roi seul est la patrie, qu’on ne peut se fier aux François, etc. ? Quelle est la conséquence de ces propos insensés ? quelle est-elle ? Qu’il faut gouverner a France par des armées étrangères. Quel blasphème ! quel attentat ! Sans doutes ces armées sont plus fortes que nous maintenant, mais elles n’auroient jamais l’assentiment volontaire d’un cœur françois ; et, à quelque état que Bonaparte ait réduit la France, il y a dans un ministre, ami de la liberté, telle dignité de caractère, tel amour pour son pays, tel noble respect pour le monarque et pour la loi, qui écarteroient toutes les arrogances de la force armée, quels qu’en fussent les chefs. De tels ministres, ne se permettant jamais un acte arbitraire, ne seroient point dans la dépendance du militaire ; car, c’est bien plus pour établir le despotisme que pour défendre le pays, que les divers partis ont courtisé les troupes de ligne. Bonaparte, comme dans les siècles de barbarie, prétendoit que tout le secret de l’ordre social consistoit dans les baïonnettes. Comment sans elles, dira-t-on, pourriez-vous faire marcher ensemble les protestans et les catholiques, les républicains et les Vendéens ? Tous ces élémens de discorde existoient sous des noms différens en Angleterre, en 1688 ; mais l’invincible ascendant d’une constitution mise à flot par des pilotes habiles et sincères, a tout soumis à la loi.

Une assemblée de députés vraiment élus par la nation exerce une puissance majestueuse ; et les ministres du monarque dans l’âme desquels on sentira l’amour de la patrie et de la liberté, trouveront partout des François qui les aideront, même à leur insu ; parce qu’alors les opinions, et non les intérêts, formeront le lien entre le gouvernement et les gouvernés. Mais si vous chargez, ne cessons de le répéter, les individus qui haïssent les institutions libres, de les faire marcher, quelque honnêtes qu’ils soient, quelque résolus qu’ils puissent être à tenir leur promesse, sans cesse le désaccord se fera sentir entre leur penchant involontaire et leur impérieux devoir.

Les artistes du dix-septième siècle ont peint Louis XIV en Hercule, avec une grande perruque sur la tête ; les doctrines surannées, reproduites à la tribune populaire, n’offrent pas une moindre disparate. Tout cet édifice des vieux préjugés qu’on veut rétablir en France, n’est qu’un château de cartes que le premier souffle de vent doit abattre. Il n’y a que deux forces à compter dans ce pays : l’opinion qui veut la liberté, et les troupes étrangères qui obéissent à leurs souverains : tout le reste n’est que bavardage.

Ainsi donc, dès qu’un ministre dira que ses concitoyens ne sont pas faits pour être libres, acceptez cet acte d’humilité pour sa part de François, comme une démission de sa place ; car le ministre qui peut nier le vœu presque universel de la France, la connoît trop mal pour être capable de diriger ses affaires.

  1. Le roi donna l’ordre, en 1815, que sur ce supplément les deux millions déposés par mon père au trésor royal fussent restitués à sa famille, et cet ordre devoit être exécuté à l’époque même du débarquement de Bonaparte. La justice de notre réclamation ne sauroit être contestée ; mais je n’en admire pas moins la conduite du roi, qui, portant l’économie dans plusieurs de ses dépenses personnelles, ne vouloit point retrancher celles que l’équité recommandait. Depuis le retour de Sa Majesté, le capital de deux millions nous a été payé en une inscription de cent mille livres de rente sur le grand livre. ( Note de l’auteur. )