Commentaire sur la grammaire Esperanto 1903/Ch7
L’adverbe, nous dit cette règle, est caractérisé par e. L’exemple bone précise la pensée et montre bien qu’il s’agit là des adverbes qu’on forme d’une racine comme bone est formé de la racine bon. Le docteur s’en est clairement expliqué dans un ouvrage aujourd’hui épuisé, Dua Libro.
En d’autres termes, pour former d’une racine un adverbe, on lui ajoute la voyelle e, comme pour former d’une racine un adjectif, on lui ajoute la voyelle a.
Mais il existe, en Esperanto, une classe de mots simples, de racines qui sont adverbes par nature, comme por, pri sont prépositions par nature, sans qu’il soit nécessaire de rien leur ajouter. Ces mots simples, essentiellement adverbes, les voici :
Adiaŭ, adieu.
Ajn, que ce soit.
Exemples. — Kiu, qui ; kiu ajn, qui que ce soit. — Kiel, comment ; kiel ajn (comment que ce soit), de quelque manière que ce soit. — Kie, où ; kie ajn, où que ce soit, n’importe où. — Kiam, quand ; kiam ajn (quand que ce soit), n’importe quand. — Kiom, combien ; kiom ajn (combien que ce soit), en
quelque quantité que ce soit. — Kia, quel ; kia ajn, quel que soit.
Se iu venos, sendu lin al mt, kiu ajn li estos. Si quelqu’un vient, envoyez-le moi, qui qu’il soit. — Mi aĉetos de vi tiun ĉi libron, kia ajn ĝi estos. Je vous achèterai ce livre, quel qu’il soit. — Kiam ajn vi venos, mi vin akceptos. N’importe quand vous viendrez, je vous recevrai.
Almenaŭ, au moins, pour le moins.
Ambaŭ, l’un et l’autre, tous les deux.
Exemple. — Ili kuris ambaŭ al la stacidomo. Ils coururent tous les deux à la gare.
Ankaŭ, aussi.
Ankoraŭ, encore.
Apenaŭ, à peine.
Baldaŭ, bientôt.
Ĉi, ci, qui est plus près.
Exemples. — Tiu, celui-là ; tiu ĉi, celui-ci ; tio, cela ; tio ĉi, ceci.
Ĉiam, toujours.
Ĉie, partout.
Ĉu, est-ce que ? (Adverbe interrogatif.)
Exemple. — Ĉu vi komprenis ? Est-ce que vous avez compris ?
Ĉu s’emploie pour interroger, à moins que la proposition ne renferme déjà un des mots interrogatifs : kia, kial, kiam, kie, kiel, kies, kio, kiom, kiu.
Il est logiquement de rigueur dans notre interrogation indirecte, irrationnellement exprimée par si (conjonction de supposition, de condition).
Exemple. — Diru al mi ĉu vi venos. Dites-moi si (est-ce que) vous viendrez.
Ĉu… Ĉu, soit.… soit.
Exemples. — Ĉu li venos, ĉu li ne venos, Paŭlo foriros. Soit qu’il vienne, soit qu’il ne vienne pas, Paul partira.
Eĉ, même, jusqu’à.
Exemples. — Li eĉ pensis ke… Il pensait même que… — La viroj, la virinoj, eĉ la infanoj insultis min. Les hommes, les femmes, même les enfants (jusqu’aux enfants qui) m’insultaient.
For, loin, hors.
Exemple. — For de tie ĉi, fripono ! Hors d’ici, loin d’ici, fripon !
Hieraŭ, hier.
Ial, pour une raison, pour un motif quelconque.
Iam, jamais, un jour, jadis.
Exemple. — Se mi iam… Si jamais, si un jour je…
Ie, quelque part.
Iel, d’une manière quelconque.
Exemple. — Respondu iel. Répondez d’une manière quelconque.
Ies, de quelqu’un (appartenant à quelqu’un).
Iom, un peu, quelque peu.
Jam, déjà.
Jam ne…, ne… plus (employer plutôt ne… plu).
Jen… Jen, tantôt. tantôt.
Exemple. — Jen li ridas, jen li ploras. Tantôt il rit, tantôt il pleure.
Jes, oui.
Ju pli. des pli, plus… plus. — Ju pli... des malpli, plus… moins. — Ju malpli… des malpli, moins… moins.
Exemples. — Ju pli mi lin konas, des pli mi lin amas. Plus je le connais, plus je l’aime. — Ju pli mi lin vidas, des malpli li plaĉas al mi. Plus je le vois, moins il me plaît. — Ju malpli mi dormas, des malpli mi sentas la bezonon dormi. Moins je dors, moins je sens le besoin de dormir.
Ĵus, justement, à l’instant.
Exemples. — Mi ĵus ricevis. J’ai reçu à l’instant (je viens de recevoir).
Kial, pourquoi.
Kiam, quand.
Kie, où.
Kel, comment, comme.
Kiom, combien.
Kvazaŭ, comme serait, comme ferait, à l’instar de.
Mem, même (moi-, toi-, soi-).
Exemples. — Mi iros mem. J’irai moi-même. — La infanoj mem. Les enfants eux-mêmes.
Morgaŭ, demain.
Ne, ne, non, ne… pas. Tute ne, pas du tout.
Nek, ni. Nek… nek, ni. ni.
Neniam, jamais ne…
Nenie, nulle part.
Neniel, nullement, en aucune façon.
Nenies, de personne (n’appartenant à personne).
Nun, maintenant, à présent.
Nur, seulement, ne… que.
Exemples. — Ili estis nur tri. Ils n’étaient que trois. — Li nur volas vidi vin. Il ne veut que vous voir ; ou : il veut seulement, etc.
Plej, le plus (pour les superlatifs).
Exemples. — La plej granda el ĉiuj. Le plus grand de tous. — Plej saĝe ni agos ne respondante. Nous agirons le plus sagement en ne répondant pas.
Pli, plus (pour les comparatifs).
Exemples. — Li estas pli forta, ol vi. Il est plus fort que vous. — Ŝi kantas pli bone. Elle chante mieux. — Li ne vivos pli, ol unu tagon. Il ne vivra pas plus d’un jour.
Plu, plus avant, au delà, davantage.
Exemples. — Mi ne marŝus plu. Je ne marcherai plus. — Li ne faros plu tion. Il ne le fera plus.
Preskaŭ, presque.
Tial, pour cela, c’est pourquoi, aussi.
Tiam, alors. Alors que, tiam.. kiam.
Tie, là bas, là, y. Tie ĉi, ici. Tie ĉi kaj tie, par ci, par là.
Tiel, ainsi, comme cela, tellement.
Tiom, autant, tant.
Tre ; très, bien, fort.
Exemples. — Li estas tre dika. Il est très gros. — Mi tre amas promeni. J’aime bien à me promener. — Ŝi estas tre kolera. Elle est fort irritée.
Tuj, aussitôt, tout de suite. Aussitôt que, tuj kiam.
Leur influence sur le cas. — Ils n’en exercent aucune. Si le nom, l’adjectif, le pronom ou le participe dont ils peuvent être suivis sont à l’accusatif, c’est en vertu de leur rôle propre et non par influence de l’adverbe.
Exemples. — Li amas min kiel vin. Il m’aime comme il vous aime. Vin et non vi, parce que vous est bien complément direct du verbe ; la phrase française le prouve. D’ailleurs, je pourrais dire aussi : Li amas min kiel vi, mais alors le sens serait tout autre, comme le montre la traduction française : Il m’aime comme vous (m’aimez). Vous étant sujet ici, a été traduit par le nominatif vi.
Complétez donc la phrase, après certains adverbes, quand vous hésitez entre le nominatif ou l’accusatif pour le mot qui les suit. Nous vous avons déjà fait une recommandation semblable à propos des comparatifs (voyez à la page 21).
Les adverbes dérivés. — Ce sont, comme nous l’avons vu, ceux qu’on forme en ajoutant e à une racine.
Exemples, — Bone bien, bonnement (dérivé de la racine bon, bon).
Eux seuls même, à proprement parler, méritent le nom d’adverbes. En effet, les autres ne sont au fond que des mots simples, des racines à sens adverbial qui peuvent produire divers vocables, comme toutes les racines, et recevoir elles-mêmes, en certains cas, la caractéristique e des adverbes. Exemples : Kiom, kioma ; tiam, tiama ; tie, tiea, ĉi-tiea, tieulo ; tiamulo ; troa (excessif), troe (excessivement) ; plie (de plus, en plus).
Les adverbes dérivés forment en Esperanto une classe de mots illimitée. En effet, il n’en est pas dans cette langue comme en français, par exemple, où l’adverbe fait constamment défaut. En Esperanto, toute racine et même tout composé qui s’y prêtent par leur sens peuvent prendre la forme adverbiale.
Exemples. — Kareso caresse, karese avec caresse (caressamment) ; lego lecture, lege par lecture (lisamment) ; sovaĝa sauvage, sovaĝe sauvagement ; supre en haut, malsupre en bas ; ekstere extérieurement ; senpage gratuitement ; senpene sans effort ; mallerte maladroitement ; kontentige d’une manière satisfaisante ;. nekredeble incroyablement ; senkompate impitoyablement ; surgenue à genoux ; dekstre à droite ; somere en été ; nokte de nuit ; tage de jour ; ĉiujare annuellement ; ĉiumonate mensuellement ; ĉiutage journellement ; hodiaŭ matene ce matin ; hieraŭ vespere hier soir ; eble peut-être ; ĝustatempe à propos ; mallaŭte à voix basse ; iafoje parfois ; kelkafoje quelquefois ; aliloke ailleurs ; aliparte d’autre part ; siatempe en son temps ; antaŭe antérieurement ; poste postérieurement, puis ; kontraŭe en face, au contraire ; longe longuement, longtemps ; mallonge brièvement ; de longe depuis longtemps ; antaŭ nelonge il y a peu de temps, récemment ; ree ou denove de nouveau ; tute ne pas du tout, etc.
Comparatif et superlatif. — Ils se marquent dans les adverbes de la même manière que dans les adjectifs.
Exemples. — Plus vite que bien. Pli rapide, ol bone. — Moins fort que d’habitude. Malpli forte, ol kutime. — Aussi doucement que possible. Tiel dolĉe, kiel eble. — Il chante le mieux de tous. Li kantas plej bone el ĉiuj. — Il parle le moins haut de tous. Li parolas malplej laŭte el ĉiuj. —Il a agi très prudemment. Li agis tre prudente.
L’adverbe au lieu de l’adjectif. — Il est deux cas où l’adjectif français doit être remplacé par l’adverbe en Esperanto.
1° Lorsque cette substitution est réclamée par la logique, l’adjectif français remplaçant abusivement un adverbe.
Exemples. — Il chante fort ; vous courez vite ; parlez plus haut, etc. Li kantas forte ; vi kuras rapide ; parolu pli laŭte.
2° Quand, par le fait de la traduction, la phrase esperanto ne renferme ni nom, ni pronom avec lesquels puisse logiquement s’accorder le mot qui rend l’adjectif français.
Exemples. — Il est nécessaire que… Estas necese ke… — Je crois bon qu’il vienne. Mi kredas ke estos bone, se li venos. — Il fait beau, chaud, froid, etc. Estas bele, varme, malvarme, k. t. p. — Impossible ! neeble !
Mais, naturellement, on ne doit jamais donner à un mot adjectif en français la forme adverbiale en Esperanto, si la traduction fournit un nom ou un pronom avec lesquels on puisse le faire accorder. Je dirai donc :
Estas io necesa ke… — Mi kredas ke estos io bona, se li venos. — La vetero estas bela, vurma, malvarma, k. t. p. — Ĝi ou tio ĉi estas neebla.
Dans ces phrases, en effet, les adjectifs necesa, bona, bela, varma, malvarma, neebla peuvent et doivent s’accorder avec io, vetero, ĝi ou tio ĉi.
Participes-adverbes. — En Esperanto, quand le participe ne sert pas à former un temps composé, et qu’on n’en fait pas le qualificatif d’un nom ou d’un pronom, on lui donne la forme adverbiale e.
Exemples. — Estante malsana mi ne povas viziti vin. Étant malade je ne puis vous rendre visite. — Starante ekstere, li povis vidi nur la eksteran flankon de nia domo. Se tenant dehors, il ne pouvait voir que le côté externe de notre maison. — Instruante ni lernas. En enseignant, nous apprenons. — Ferminte la pordon li ekiris kure. Ayant fermé la porte, il se mit en route en courant. — Ekvidinte sian patron li ploris maldolĉe. Ayant aperçu son père, il pleura amèrement. — Ŝi mortis havante la aĝon de dudek jaroj. Elle mourut ayant (à) l’âge de vingt ans. — Batate de la mastro li ĵuris, ke li terure venĝos. Étant battu par son maître, il jura qu’il se vengerait (littér. vengera) d’une manière effroyable. — Elpelite de la domo, la knabino rifuĝis en la preĝejon. Ayant été chassée de la maison, la jeune fille se réfugia dans l’église. — Ironte promeni, purigu vian veston. Devant aller vous promener, nettoyez votre habit.
Il est bien évident, n’est-ce pas, que estante, starante, instruante, ferminte, ekvidinte, havante, ne sont pas des qualificatifs pour les sujets des propositions où ils figurent. Ils ne peuvent donc logiquement prendre la caractéristique (a) des qualificatifs. Ce fait est tout aussi réel pour batate, elpelite, quoique, à cause de nos habitudes françaises, il puisse vous paraître moins évident. C’est comme si on disait : « pendant qu’on le battait », « comme on l’avait chassée ». On vise l’action soufferte par le sujet, de même que dans instruante, ferminte, on visait l’action faite par lui. Il en est de même pour ironte, qui, n’étant pas non plus un qualificatif pour vi, ne doit pas recevoir la forme adjective, mais la forme adverbiale.
Ces participes équivalent logiquement à des adverbes. Ainsi je pourrais dire : vi tion ĉi lernos lege ou vi tion ĉi lernos legante, vous apprendrez ceci par lecture, en lisant, c’est-à-dire au fond lisamment. Puisque ce sont de vrais adverbes, il est rationnel qu’ils en prennent la caractéristique e.
Adverbes de quantité. — Tous les adverbes marquant la quantité, tels que iom un peu, quelque peu, malmulte peu, multe beaucoup, kiom combien, pli multe ou pli plus, davantage, malpli moins, tro trop, sufiĉe assez, etc., ont toujours leur complément précédé de la préposition da, spéciale aux idées de quantité, de mesure.
Exemples. — Un peu, peu, beaucoup, assez de vin. Iom da, malmulte da, multe da, sufiĉe da vino. — Combien d’hommes ? Kiom da homoj ?
Les expressions en plus ou de plus, en moins ou de moins, en trop ou de trop, au plus, pour le moins, se rendent par plie, malplie, troe, pleje, almenaŭ.
Exemples. — Une voix en plus ou en moins peut perdre ou sauver un homme. Unu voĉo plie aŭ malplie povas pereigi aŭ savi homon. — De plus je vous dirai que… Plie mi diros al vi ke… — Dans la caisse j’ai trouvé deux livres en trop. En la kesto mi trovis du librojn troe. — Nous serons cinq au plus et eux sept au moins. Ni estos kvin pleje, kaj ili (estos) sep malpleje.
Rien de bon, de nouveau, etc. ; quelque chose de beau, de grand, etc., s’expriment par nenio bona, nenio nova ; io bela, io granda.
Exemples. — Avez-vous quelque chose de beau à me raconter ? Ĉu vi havas ion belan por rakonti al mi ? — Quoi de nouveau ? Kio nova ? — Rien d’intéressant. Nenio interesa.
En signifiant de là se rend par de tie ou par el tie. On emploie de tie, quand on ne sort pas du lieu, et el tie, quand on en sort.
EXEMPLES. — Éloignez-vous-en. Malproksimiĝu de tie. — Sortez-en. Eliru el tie. Par ici, par là se rendent par tien ĉi, tien.
Exemple. — Passez par ici, nous passerons par là. Pasu tien ĉi, ni pasos tien.
Y signifiant là se rend par tie ou par en avec le pronom voulu.
Exemples. — En entrant dans ma chambre, j’y trouvai… Enirante en mian ĉambron mi tie trovis (ou trovis en ĝi). — Allez dans les mines, vous y trouverez… Iru en la minejojn, vi tie trovos… (ou trovos en ili).
Les expressions qu’y a-t-il ? (qu’arrive-t-il ?) ; il y a un an, huit jours, etc. ; il y a longtemps ; il y a peu de temps, récemment, se rendent par : Kio estas ? kio okazas ? antaŭ unu jaro ; antaŭ ok tagoj ; antaŭ longe, antaŭ nelonge. L’idée « il y a tant de temps que cela est passé » se rend de deux manières, au choix.
Exemple. — Il y a deux ans qu’il est mort (ou il est mort depuis deux ans). Li mortis antaŭ du jaroj ou pasis du jaroj de l’tempo, kiam li mortis (ou de l’tempo de lia morto).