Commentaire sur la grammaire Esperanto 1903/Ch6

Règle 6. — LE VERBE

Le verbe, de tous les mots le plus essentiel et le plus employé, est aussi de tous le plus difficile dans nos langues,

D’abord la conjugaison y présente plusieurs types, dits réguliers, dans chacun desquels le verbe reçoit, sous différents radicaux, un nombre de terminaisons véritablement excessif. L’ensemble complet de la conjugaison française en offre 2265 ! Aussi, comprend-on ce mot original du général Faidherbe : « Le verbe est le grand obstacle à notre colonisation. »

À ces types, prétendus réguliers et déjà très lourds pour notre pauvre mémoire, viennent s’ajouter une quantité considérable de verbes tout à fait irréguliers. L’anglais en compte deux cents environ, le français six cents, et toutes les langues un très grand nombre.

Enfin, à l’irrégularité et à la multiplicité de leurs formes, nos verbes ajoutent encore toute une collection de règles, trop souvent fantaisistes, pour l’emploi des modes et des temps[1]. Il résulte de tout cela une somme de difficultés telle que la plupart des gens en triomphent à peine dans leur langue maternelle et que la conjugaison est à coup sûr le plus grand obstacle grammatical dans une langue étrangère.

Eh bien ! l’Esperanto réduit toutes ces difficultés à la possession de 12 formes ou terminaisons qui caractérisent d’une manière complète les modes et les temps. Quelle que soit leur nature ou leur voix, tous les verbes de la langue se conjuguent à l’aide de ces 12 mots. L’auxiliaire être lui-même, irrégulier dans toutes les langues connues, n’échappe pas à cette loi. En français il offre à lui seul 34 terminaisons absolument diverses, greffées sur 22 radicaux différents, soit un total de 56 formes aussi variées que possible.

1o Le verbe ne change, en Esperanto, ni pour les personnes, ni pour les nombres. Exemples : Mi faras. Je fais. — La patro faras. Le père fait. — Ili faras. Ils font.

Les pronoms personnels marquant seuls la différence des personnes dans la conjugaison esperanto, jamais aucun d’eux ne doit être sous-entendu. Ne dites donc jamais, comme y sont portés certaines slaves : estas au lieu de mi estas ; ou encore : havas la honoron, au lieu de mi havas la honoron.

Formes du Verbe.

As caractérise le présent ;
exemple : mi faras. Je fais.
Is caractérise le passé ;
exemple : vi faris. Vous faisiez, vous avez fait.
Os caracténise le futur ;
exemple : ili faros. Ils feront.
Us caractérise le conditionnel ;
exemple : ŝi farus. Elle ferait.
U caractérise l’impératif-subjonctif ;
exemple : faru. Fais, faites. — Ni faru. Faisons.
I caractérise l’infinitif ;
exemple : fari. Faire.
Ant caractérise le participe présent actif ;
exemple : faranta. Faisant. — Farante. En faisant.
Int caractérise le participe passé actif ;
exemple : farinta. Ayant fait.
Ont caractérise le participe futur actif ;
exemple : faronta. Devant faire, qui fera.
At caractérise le participe présent passif ;
exemple : farata. Étant fait, qu’on fait.

It caractérise le participe passé passif ;
exemple : farita. Ayant été fait, qu’on a fait.
Ot caractérise le participe futur passif ;
exemple : farota. Devant être fait, qu’on fera.

Comme on le verra plus bas, par les paradigmes de la voix active et de la voix passive, ces douze formes suffisent complètement pour la conjugaison de n’importe quel verbe esperanto.

La voix passive n’est, comme en français, que la combinaison du verbe être (esti) et du participe du verbe. Seulement l’Esperanto possédant, conformément à la logique, un participe présent passif et un participe passé passif, il y a lieu de faire toujours soigneusement attention à bien prendre celui que réclame le sens. Le paradigme de la voix passive et les conseils qui le suivent enlèveront toute incertitude à cet égard.

Le de (ou le par) qui précède le complément du verbe passif en français, se rendent par de en Esperanto, parce que cette préposition marque le point de départ. Or, la préposition française de (ou par) marque bien le point de départ pour les compléments des verbes passifs, elle indique d’où, de qui part l’action dont est l’objet le sujet du verbe passif.

Exemple : Li estas amata de ĉiuj, il est aimé de tous. D’où part l’action dont li est l’objet ? de tous. L’idée à rendre est donc bien celle qu’exprime la préposition de en Esperanto.

VOIX ACTIVE

MODE INDICATIF

Présent :
Mi amas, j’aime.

Passé :
Mi amis, j’aimais, j’aimai, j’ai aimé[2].

Passé antérieur :
Mi estis aminta, j’avais aimé, j’eus aimé
[3].

Futur :
Mi amos, j’aimerai.

Futur antérieur :
Mi estos aminta, j’aurai aimé.
MODE CONDITIONNEL

Forme de concomitance[4] :
Mi amus, j'aimerais.

Forme d'antériorité :
Mi estus aminta, j'aurais aimé, j'eusse aimé.

MODE INFINITIF

Présent :
Ami, aimer.

Passé :
Esti aminta, avoir aimé.

MODE PARTICIPE

Présent :
Amanta, aimant, qui aime.

Passé :
Aminta, ayant aimé, qui a aimé.

Futur :
Amonta, devant aimer, qui aimera.

MODE IMPÉRATIF-SUBJONCTIF[5]

Forme de concomitance :
Ke mi finu, que je finisse.
Ke li, ŝi, ĝi finu, qu'il ou qu'elle finisse. Ke ni finu, que nous finissions.
Ke vi finu, que vous finissiez.
Ke ili finu, qu’ils ou qu’elles finissent.

Pour commander :
Li, ŝi, ĝi finu, qu’il ou qu’elle finisse.
Ni finu, finissons.
Finu, finissez.
Ili finu, qu’ils ou qu’elles finissent.

Forme d’antériorité :
Ke mi estu fininta, que j’aie fini.
Ke li estu fininta, qu’il ait fini.
Ke ni estu finintaj, que nous ayons fini.
Ke vi estu fininta (pour un), que vous ayez fini.
Ke vi estu finintaj (pour plusieurs), que vous ayez fini.
Ke ili estu finintaj, qu’ils ou qu’elles aïent fini.

Pour commander :
li, ŝi, ĝi estu fininta, qu’il ou qu’elle ait fini.
ni estu finintaj, ayons fini.
estu fininta (à un), ayez fini.
estu finintaj (à plusieurs), ayez fini.
ili estu finintaj[6], qu’ils ou qu’elles aient fini.

Quand on se commande à soi-même, on emploie naturellement le pronom mi.

Exemple.

— Espérons, puisque tout le monde me le dit, Mi esperu, ĉar ĉiuj tion diras al mi.

VOIX PASSIVE

MODE INDICATIF

Présent :
Mi estas nomata, je suis nommé (car on me nomme).

Parfait :
Mi estas nomita, je suis nommé (car on m’a nommé), j’ai été nommé.

Passé :
Mi estis nomata, j’étais nommé, je fus nommé (car on me nommait, on me nomma).

Passé antérieur :
Mi estis nomita, j’étais nommé (car on m’avait nommé), j’avais été nommé, j’eus été nommé.

Futur :
Mi estos nomata, je serai nommé (car on me nommera).

Futur antérieur :
Mi estos nomita, je serai nommé (car on m’aura nommé), j’aurai été nommé.

MODE CONDITIONNEL

Forme de concomitance :
Mi estus nomata, je serais nommé (car on me nommerait).

Forme d’antériorité :
Mi estus nomita, je serais nommé (car on m’aurait nommé), j’aurais été nommé.

MODE INFINITIF

Présent :
Esti nomata, être nommé (parce qu’on vous nomme).

Passé :
Esti nomita, être nommé (parce qu’on vous a nommé), avoir été nommé.

MODE PARTICIPE

Présent :
Nomata, étant nommé (qu’on nomme).

Passé :
Nomita, ayant été nommé (qu’on a nommé).

Futur :
Nomota, devant être nommé (qu’on nommera).

MODE IMPÉRATIF-SUBJONCTIF

Forme de concomitance :
Ke mi estu nomata, que je sois nommé (qu’on me nomme).
Ke li estu nomata, qu’il soit nommé (qu’on le nomme).
Ke ni estu nomataj, que nous soyons nommés (qu’on nous nomme).
Ke vi estu nomata, que vous soyez nommé (qu’on vous nomme).
Ke vi estu nomataj, que vous soyez nommés (qu’on vous nomme).
Ke ili estu nomataj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (qu’on les nomme).

Pour commander :
Li, ŝi, ĝi estu nomata, qu’il ou qu’elle soit nommé (qu’on le nomme, qu’on la nomme). Ni estu nomataj, soyons nommés (qu’on nous nomme).
Estu nomata, soyez nommé (qu’on vous nomme).
Estu nomataj, soyez nommés (qu’on vous nomme).
Ili estu nomataj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (qu’on les nomme).

Forme d’antériorité :
Ke mi estu nomita, que je sois nommé (parce qu’on m’aura nommé), que j’aie été nommé.
Ke li estu nomita, qu’il soit nommé (parce qu’on l’aura nommé), qu’il ait été nommé.
Ke ni estu nomitaj, que nous soyons nommés (parce qu’on nous aura nommés), que nous ayons été nommés.
Ke vi estu nomita, que vous soyez nommé (parce qu’on vous aura nommé), que vous ayez été nommé.
Ke ili estu nomitaj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (parce qu’on les aura nommés), qu’ils aient été nommés.

Pour commander :
Li, ŝi, ĝi estu nomita, qu’il ou qu’elle soit nommé (qu’on l’ait nommé).
Ni estu nomitaj, soyons nommés (qu’on nous ait nommés).
Estu nomita, soyez nommé {qu’on vous ait nommé).
Estu nomitaj, soyez nommés (qu’on vous ait nommés).
Ili estu nomitaj, qu’ils ou qu’elles soient nommés (qu’on les ait nommés).

Traduction littérale. — Mi estas nomata. Je suis étant nommé. — Mi estas nomita. Je suis ayant été nommé. — Mi estis nomata. J’étais étant nommé ou je fus étant nommé. — Mi estis nomita. J'étais ayant été nommé ou je fus ayant été nommé. — Mi estos nomata. Je serai étant nommé. — Mi estos nomita. Je serai ayant été nommé. — Mi estus nomata. Je serais étant nommé. — Mi estus nomita. Je serais ayant été nommé. — Esti nomata. Être étant nommé. — Esti nomita. Être ayant été nommé. — Mi estu nomata. Que je sois étant nommé. — Mi estu nomita. Que je sois ayant été nommé.

ATA ou ITA?

La pauvreté de notre mode participe nous oblige, en français, comme dans d'autres langues d'ailleurs, à donner au même participe le sens actif ou le sens passif, selon la voix où il figure.

Exemples : j'ai lavé (sens actif), je suis lavé (sens passif).

Le fait est d'autant plus étonnant que ce participe a le sens purement passif en lui-même. C'est de toute évidence quand il est employé comme adjectif.

Exemples : Un verre lavé.

Voici donc un même participe qui, quoique passif par nature, prend le sens actif à la voix active. Mais, et c’est le pire, il peut marquer le présent aussi bien que le passé.

Exemples : En un instant, sous mes yeux, le linge est pris et lavé (lavata), sans que j'aie le temps de voir par qui ni comment (sens du présent : on le lave). — Vous pouvez emporter ce linge; il est lavé (lavita), on l’a lavé, il a été lavé.

Ce que nous venons de dire explique que nous nous soyons efforcé de mettre en garde contre toute méprise par la traduction expliquée que nous donnons dans chaque temps de la voix passive.

Prenez ata, si l'acte est en train de s'accomplir relativement au temps dont il s'agit.

Exemples : Je suis aimé (actuellement). Mi estas amata.

— J’étais aimé (alors). Mi estis amata. — Je serai aimé (au temps dont je parle ou auquel je pense}. Mi estos amata. — L’acte est, a été ou sera présent relativement au temps dont il s’agit.

Prenez ita, si l’acte a été accompli antérieurement au moment dont il s’agit.

Exemples : Je suis habillé depuis deux heures. Mi estas vestita de du horoj. — J’étais habillé depuis deux heures. Mi estis vestita de du horoj. — Je suis sûr que je serai habillé deux heures avant vous (plus tôt que vous). Mi estas certa, ke mi estos vestita du horojn pli frue, ol vi. — L’acte a été, avait été, aura été accompli avant le temps dont il s’agit, avant les deux heures en question.

Remarque. — Si l’on n’envisage que le fait accompli, le résultat de l’action et non son déroulement, on emploie ita.

Exemples : Demain je serai reçu par le roi. Morgaŭ mi estos akceptita de la reĝo. — Ce livre sera imprimé à Paris. Tiu libro estos presita en Parizo. — Je n’envisage qu’une chose, c’est que de l’acte marqué par les deux verbes résultera, dans le premier exemple, un homme reçu, et, dans le second, un livre imprimé.

Mais, si j’envisageais l’action même dans son accomplissement, dans les conditions où elle se déroule, s’est déroulée ou se déroulera au moment dont je parle, j’emploierai ata, parce que, dans ce cas-là, l’idée de temps dominerait et qu’il s’agirait bien réellement d’un présent par rapport au moment en question.

Exemples : Si mon ami était soigné (serait soigné) par ce médecin, il guérirait certainement. Se mia amiko estus kuracata de tiu kuracisto, li certe resaniĝus. — Il sera reçu avec les plus grands honneurs ; la cérémonie durera au moins deux heures. Li estos akceptata kun la plej grandaj honoroj ; la ceremonio daŭros almenaŭ du horojn. — Il sera nommé Pierre. Li estos nomata Petro.

Dans ce dernier exemple, je veux dire qu’il aura constamment le nom de Pierre, ou au moins pendant toute la durée d’un temps déterminé. Mais, si je voulais parler du fait transitoire par lequel, au baptême, il recevra le nom de Pierre, je dirais : li estos nomita Petro.

En résumé, ata implique toujours une certaine durée de déroulement pour l’action, regardée comme présente dans son mode ou son temps.

Au contraire, ita implique toujours un acte transitoire, dans lequel on envisage uniquement le fait accompli, le résultat. Cette forme marque encore l’antériorité de l’action, si on compare son temps à celui d’une autre comme dans le paradigme ci-dessus.


Verbes pronominaux ou réfléchis. — Ils se rendent en Esperanto de l’une ou l’autre des trois façons suivantes :

1° Si le dictionnaire Esperanto fournit un correspondant tout prêt au verbe pronominal français, c’est naturellement ce correspondant qu’on prend.

Exemples. — S’ennuyer enui, se réjouir ĝoji, s’habituer kutimi, se repentir penti, se souvenir, garder le souvenir memori, etc.

Dans ce cas le verbe se conjugue absolument sur le paradigme de la voix active donné à la page 39.

Exemples. — Mi ĝojas, je me réjouis ; vi kutimis, vous vous êtes habitué ; li pentos, il se repentira ; ili estus memorintaj, ils se seraient souvenus. Ŝi enuis, sed nun ŝi ne enuas plu elle s’ennuyait, mais à présent elle ne s’ennuie plus.

2° Si l’Esperanto n’offre pas de correspondant, prenez le verbe transitif (actif) et traduisez le pronom complément par mi, vi, si, ni à l’accusatif. Mais vous ne pouvez logiquement agir ainsi que lorsque le sujet opère sur lui-même l’action marquée par le verbe[7].

Exemples. — Vous vous lavez, vi lavas vin (vous lavez vous). — Il s’aime, li amas sin (il aime soi). — Nous nous nettoyons, ni purigas nin (nous nettoyons nous). — Ils se sont tués, ili mortigis sin (ils ont tué soi). — Vous vous seriez blessé, vi estus vundinta vin (vous auriez blessé vous et littér. : vous seriez ayant blessé vous).

3° Si l’Esperanto n’offre pas de correspondant et que le sujet devienne tel ou tel, traduisez par iĝi (devenir) soudé à la racine voulue.

EXENPLES. — Se casser, rompiĝi ; s’asseoir, sidiĝi ; se lever, leviĝi ; se coucher, kusiĝi. — Le verre se cassa. La glaso rompiĝis. — Asseyez-vous. Sidiĝu. — Auparavant il s’était levé et nous avait dit… Antaŭe li estis leviĝinta kaj dirinta al ni… — S’il s’était couché hier, il ne serait pas malade aujourd’hui. Se li estus kuŝiĝinta hieraŭ, li ne estus malsana hodiaŭ.

En effet, « se casser, s’asseoir, se lever, se coucher », signifiant au fond « devenir cassé, assis, levé, couché », il est rationnel de traduire ces verbes réfléchis et tous les analogues par iĝi (devenir)[8].

Remarque. — En général, on ne peut logiquement traduire par le principe 3° un verbe pronominal mis abusivement en français à la place d’un verbe passif.

Ainsi se nommer (être appelé de tel ou tel nom), se construire, se trouver et tous les analogues doivent être traduits en Esperanto par la voix passive. On dira donc : mi estas nomata (je suis nommé), on me nomme. — Tiu domo estas rapide konstruita (cette maison a été vite bâtie), cette maison s’est vite bâtie. — Tiu frazo estas trovata sur la paĝo dudeka de l’libro (cette phrase est trouvée), cette phrase se trouve dans la vingtième page du livre[9].

Se trouver n’a souvent pas d’autre sens que être à telle ou telle place. Il va de soi qu’on doit alors le rendre tout bonnement par esti.

EXEMPLES. — Je me trouvais alors à Paris. —— Trouvez-vous sur la place à 9 heures. Mi tiam estis en Parizo. — Estu sur la placo je la 9a (horo).

Verbes réciproques. — L’idée de réciprocité dans les verbes se rend par nin, vin, sin reciproke ou par unu la alian.

Exemples. — Ils se battent. Ili batas sin reciproke ou unu la alian. — Nous nous aimons (lun l’autre). Ni amas nin reciproke ou unu la alian.

Verbes impersonnels. — On n’exprime pas en Esperanto le sujet apparent et impersonnel de ces verbes.

Exemples. — Il pleut pluvas, il neigeait neĝis, il tonnera tondros, il grêlerait hajlus.

Dans les temps composés de ces verbes, le participe prend la forme adverbiale (e), d’après le principe posé à la page 59, puisqu’il n’y a dans la proposition ni nom, ni pronom avec lesquels il puisse logiquement s’accorder.

Exemples. — S’il avait plu (s’il aurait) hier, nous n’aurions pas pu sortir. Se estus pluvinte hieraŭ, ni ne estus povintaj eliri. — Je ferai couper l’herbe, quand il aura plu. Mi tranĉigos la herbon, kiam estos pluvinte.

Esti, auxiliaire unique. — Pour tout son passif et pour tous les temps composés de la voix active, pronominale ou impersonnelle, en un mot partout et toujours dans sa conjugaison, l’Esperanto n’emploie comme auxiliaire que le verbe être.

EXEMPLES. — Mi estis kurinta (j’étais ayant couru) j’avais couru. — Kiam mi estos lavinta min. Quand je me serai lavé (quand je serai ayant lavé moi). — Se mi estus rekompencita, mi estus kontenta. Si j’avais été récompensé (si je serais ayant été récompensé) je serais content. — Kiam estos pluvinte. Quand il aura plu. — Dès qu’il sera arrivé. Tuj kiam li estos alveninta[10].

Ce dernier point met le comble à la simplicité de la conjugaison Esperanto, en supprimant une source de difficultés continuelles. J’étais couru, dit l’Allemand, j’avais couru, dit le Français. Je m’étais lavé, dit celui-ci. Je n’avais lavé, dit celui-là. Il arrive même que les deux auxiliaires sont susceptibles d’être employés correctement pour le même verbe : Êtes-vous monté ? et j’avais monté l’escalier !  !  ! Par parenthèse, qui comptera le nombre de fautes que ces verbes occasionnent même à des gens de la meilleure éducation ?

Grâce à la richesse de son mode participe, l’Esperanto tranche la difficulté d’une manière aussi logique que pratique.

Il y a… il y avait, il y aura, etc., se rendent par estas, estis, estos, etc.

Exemples — Il y a deux personnes dans la chambre. Estas du personoj en la ĉambro. — Il y avait un enfant sur la place. Estis unu infano sur la placo. Dans ces expressions, mettez toujours au nominatif le mot qui suit estas, estis, estos, etc., car il est sujet (Deux personnes sont dans la chambre. — Un enfant était sur la place).

Être de. — Les expressions je suis de, nous sommes de, etc., se rendent par aparteni al ou esti el.

Exemples — Je suis de ceux qui croient… Mi apartenas al tiuj, kiuj kredas… — Nous ne sommes pas de ces gens qui… Ni ne estas el tiuj homoj, kiuj

  1. Nous verrons comment l’Esperanto leur assigne l’office propre et exclusif rationnellement déterminé par la nature même de chacun d’eux.
  2. La traduction la plus ordinaire de ce temps est celle de notre passé indéfini. L’anglais, l’allemand et d’autres langues rendent par la même forme l’imparfait et le passé défini. Certaines emploient le passé défini où nous employons le passé indéfini, ce qui fait qu’elles traduisent par la même forme, comme l’Esperanto, notre imparfait, notre passé défini et notre passé indéfini. La pensée n’y perd rien, car ces trois temps peuvent confondre leurs nuances dans une tonalité commune, sans plus d’inconvénient qu’il n’y en a à dire en français : j’ai vu votre frère hier, ou je vis votre frère hier.
    L’anglais, l’allemand et d’autres langues n’ayant qu’une forme pour l’imparfait et le passé défini, n’en ont qu’une, par ricochet, pour le plus-que-parfait et le passé antérieur, comme l’Esperanto.
    Rappelons que le latin n’a qu’une forme pour le passé défini, le passé indéfini, le passé antérieur.
    En réalité, pour que l’idée du passé soit bien rendue dans une langue, il suffit qu’il y ait un passé général et un passé antérieur, comme nous le disons à la note 2.
  3. Nous préférons cette appellation à celle de plus-que-parfait, comme plus simple et plus logique. Que font les deux passés qui y sont compris, sinon montrer l’antériorité du passé qu’ils représentent sur un autre passé ? Ils constituent donc bien un passé antérieur à un autre qui les a suivis, comme le futur antérieur constitue un temps antérieur au futur simple qui le suivra.
    La langue internationale doit pouvoir marquer cette antériorité d’un passé où d’un futur sur un autre, parce qu’elle est fondée en raison. En effet, de deux passés ou de deux futurs en question, il faut qu’on sache lequel des deux a précédé ou précédera l’autre. Autrement, on verrait simultanéité où il y a succession.
    Mais, si la langue internationale doit posséder, dans la conjugaison comme ailleurs, les formes nécessaires à l'expression juste de la pensée, elle n'a nullement pour programme de réunir toutes les variétés inutiles que présentent certaines langues pour les modes et les temps. D'ailleurs, à côté du superflu qu'elles possèdent sur certains points, ces langues ne manquent-elles pas souvent du nécessaire? L'Esperanto garde une sage mesure; il a tout ce qu'il faut pour une conjugaison complète et souple, mais il rejette les richesses inutiles qui feraient perdre à son verbe la simplicité et la facilité qui le caractérisent.
  4. Pour le nom de cette forme voir à la page 93, note 1.
  5. Ce mode remplace souvent notre subjonctif, tout à fait inutile, comme nous le démontrerons en traitant de l'emploi des modes et des temps.
  6. Comme on le voit par toute la conjugaison de ami et de fini, l’Esperanto n’emploie jamais que le verbe être (esti), pour former ses temps composés. Mi estis aminta, j’étais ayant aimé, donc : j’avais aimé.
  7. Il est de toute évidence qu’il ne s’agit ici que des verbes pronominaux. Pour les verbes intransitifs, dans lesquels le second pronom figure à titre de complément indirect, il faut traduire par al suivi du pronom au nominatif. Exemples : Il se dit, Li diras al si ; Je me suis dit, Mi diris al mi.
  8. Cette forme est la plus concise et peut toujours logiquement s’employer dans le cas traité par ce principe. Mais, quand le sens le permet, on peut aussi souder igi faire, rendre… à la racine et retomber alors dans le principe 2°. Exemple : Sidigi sin, kusigi sin ; s’asseoir, se coucher (Faire, rendre soi assis, couché).
    Mas on ne dirait pas : la glaso rompigis sin, car le verre ne se casse pas lui-même. Puis, d’une façon générale, on ne peut employer la forme ig avec une racine verbale à sens transitif (actif) pour traduire un verbe à la voix pronominale.
  9. Cette forme peut toujours logiquement s’employer dans le cas traité par ce principe. Mais, quand le sens le permet, on peut très bien lui substituer la forme indiquée au principe 3°. Ainsi, on peut dire : esti konstruata ou konstruiĝi, esti trovatatroviĝi, esti vidata ou vidiĝi, esti prezentata ou prezentiĝi, etc.
    Mais on ne dirait pas : mi honoriĝas. mi nomiĝas, par exemple, au lieu de mi estas honorata ou oni honoras min ; mi estas nomata ou oni nomas min, car les premières expressions n’équivalent nullement aux dernières.
  10. De la remarque que nous venons de faire découle cette constatation que le verbe esti se conjugue avec lui-même en Esperanto, comme en italien et en allemand, sans rien emprunter au verbe avoir pour ses temps composés.
    ExemplesMi estis estinta (j’avais été), mi estos estinta (j’aurais été, mi estus estinta (j’aurais été), esti estinta (avoir été), ke mi estu estinta (que j’aie été),