Comédie humaine - Répertoire/E

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E

Ellis (William), célèbre médecin aliéniste anglais qui dirigeait l’asile d’Hanwell en 1839, à l’époque où Marie Gaston, devenu fou, y fut admis (Le Comte de Sallenauve).

Émile, « lion de l’espèce la plus triomphante », de la connaissance de madame Komorn (comtesse Godollo). — Un soir de 1840 ou de 1841, sur le boulevard des Italiens, cette femme, pour échapper à Théodose de la Peyrade, prenait le bras du dandy et le priait de la conduire à Mabille[1], qui clôturait ses bals ce jour-là (Les Petits Bourgeois).

Ernest, enfant invité par Naïs de l’Estorade au bal masqué, donné à Paris, par la mère de cette petite fille, en 1839. — À cette fête, un jeune « Écossais » engageait Ernest à venir fumer un cigare dans un endroit écarté : « Je ne peux pas, mon cher ; répondait-il, tu sais que Léontine me fait toujours des scènes, quand elle s’aperçoit que j’ai fumé. Elle est charmante, ce soir. Tiens, regarde donc ce qu’elle vient de me donner. » — C’était une bague en crin (Le Comte de Sallenauve).

Esgrignon (Charles-Marie-Victor-Ange Carol, marquis d’) ou des Grignons, suivant d’anciens titres, commandeur de l’ordre de Saint-Louis, né vers 1750, mort en 1830. — Chef d’une très ancienne famille de Francs, les Karawl, venus du Nord pour conquérir les Gaules et qui furent chargés de défendre une des marches françaises. Les Esgrignon[2], quasi princiers sous les Valois, tout-puissants sous Henri IV, furent très oubliés à la cour de Louis XVIII, et le marquis, ruiné par la Révolution, vivait assez étroitement à Alençon, dans une vieille maison à pignon qui lui avait appartenu jadis, qui avait été vendue comme bien national, et que le dévoué notaire Chesnel dut racheter pour son maître, ainsi que certaines parties des autres domaines : le marquis d’Esgrignon, quoique n’ayant pas émigré, avait été obligé de se cacher. Il prit part à la lutte des Vendéens contre la République et fut l’un des membres du comité royal d’Alençon. En 1800, âgé de cinquante ans, afin de continuer sa race, il épousa mademoiselle de Nouastre, qui mourut bientôt en couches, laissant au marquis un fils unique. M. d’Esgrignon ignora toujours les escapades de cet enfant, à qui Chesnel sauva l’honneur, et il s’éteignit, peu de temps après la chute de Charles X, en disant : « Les Gaulois triomphent » (Les Chouans. — Le Cabinet des Antiques).

Esgrignon (Madame d’), née Nouastre ; du plus pur sang noble ; mariée, à vingt-deux ans, en 1800, avec le marquis Carol d’Esgrignon, quinquagénaire. — Elle mourut bientôt en couches de son fils unique. C’était « la plus jolie des créatures humaines : en elle revivaient les grâces, maintenant imaginaires, des figures féminines du XVIe siècle » (Le Cabinet des Antiques).

Esgrignon (Victurnien, comte, puis marquis d’), fils unique du marquis Charles-Marie-Victor-Ange Carol d’Esgrignon ; né vers 1800, à Alençon. — Beau et intelligent, élevé avec une indulgence et une bonté extrêmes par sa tante, mademoiselle Armande d’Esgrignon, il s’abandonnait sans contrainte à toutes ses fantaisies, selon le naïf égoïsme de son âge. De dix-huit à vingt et un ans, il dévora quatre-vingt mille francs, sans que son père et sa tante en fussent informés : le dévoué Chesnel payait tout. Le jeune d’Esgrignon était systématiquement poussé au désordre par un complice de son âge, Fabien du Ronceret, perfide courtisan que soldait M. du Croisier. Vers 1823, Victurnien d’Esgrignon fut envoyé à Paris ; pour son malheur, il tomba dans le monde des roués parisiens, les Marsay, Ronquerolles, Trailles, Chardin des Lupeaulx, Vandenesse, Ajuda-Pinto, Beaudenord, Martial de la Roche-Hugon, Manerville, rencontrés chez la marquise d’Espard, chez les duchesses de Grandlieu, de Carigliano, de Chaulieu ; chez les marquises d’Aiglemont et de Listomère ; chez madame Firmiani, chez la comtesse de Sérizy ; à l’Opéra, aux ambassades, partout où le menaient son beau nom et sa fortune apparente. Bientôt il devint l’amant de la duchesse de Maufrigneuse, se ruina pour elle et finit par faire un faux, au préjudice de M. du Croisier, pour se procurer cent mille francs. Ramené, en toute hâte, à Alençon, par sa tante, il fut sauvé, à grand’peine, des poursuites judiciaires. Il eut ensuite un duel avec M. du Croisier, qui le blessa assez dangereusement. Victurnien d’Esgrignon épousa, néanmoins, peu de temps après la mort de son père, mademoiselle Duval, nièce de l’ancien fournisseur. Il ne se préoccupa, d’ailleurs, nullement de sa femme et reprit sa joyeuse vie de garçon (Le Cabinet des Antiques. — Mémoires de Deux Jeunes Mariées). Suivant Marguerite Turquet, « le petit d’Esgrignon avait été bien rincé » par Antonia (Un Homme d’Affaires). En 1832, Victurnien d’Esgrignon déclarait chez madame d’Espard, devant une nombreuse compagnie, que la princesse de Cadignan (madame de Maufrigneuse) était une femme dangereuse. « Je lui dois l’infamie de mon mariage, » ajoutait-il. Daniel d’Arthez, alors épris de cette femme, était présent à l’entretien (Les Secrets de la Princesse de Cadignan). En 1838, Victurnien d’Esgrignon assistait, avec des artistes, des lorettes et des hommes d’affaires, à l’inauguration de l’hôtel offert à Josépha Mirah, par le duc d’Hérouville, rue de la Ville-l’Évêque. Le jeune marquis avait été, lui aussi, l’amant de Josépha : le baron Hulot la lui avait disputée autrefois (La Cousine Bette).

Esgrignon (Marie-Armande-Claire d’), née vers 1775, sœur du marquis d’Esgrignon, tante de Victurnien d’Esgrignon, à qui elle tint lieu de mère avec une tendresse absolue. — Dans ses vieux jours, son père avait épousé, en secondes noces, la petite fille d’un traitant anobli sous Louis XIV ; elle était née de cette union, considérée comme une horrible mésalliance, et, quoique le marquis l’aimât beaucoup, il voyait en elle une étrangère. Il la fit, un jour, pleurer de reconnaissance, en lui disant, dans une circonstance solennelle : « Vous êtes une Esgrignon, ma sœur. » Émile Blondet, élevé à Alençon, avait connu et aimé, tout enfant, mademoiselle Armande, dont il louait, plus tard, la beauté et les vertus. Elle avait refusé, par dévouement pour son neveu, d’épouser M. de la Roche-Guyon et le chevalier de Valois ; elle repoussa également M. du Bousquier. Elle donna les plus grandes preuves de son affection toute maternelle pour Victurnien, à l’époque où il commit à Paris les fautes qui l’auraient mené sur les bancs de la cour d’assises sans les habiles démarches de Chesnel. Elle survécut à son frère, « à ses religions et à ses croyances détruites ». Vers le milieu du règne de Louis-Philippe, Blondet, venu à Alençon pour chercher les papiers nécessaires à son mariage, contempla encore avec émotion cette noble figure (La Vieille Fille. — Le Cabinet des Antiques.)

Espard (Charles-Maurice-Marie-Andoche, comte de Nègrepelisse, marquis d’), né aux approches de 1789. — Nègrepelisse de son nom ; d’une vieille famille méridionale, qui acquit, par un mariage, sous Henri IV, les biens et les titres de la famille d’Espard, du Béarn, alliée, elle-même, à la maison d’Albret, La devise du blason de ces Espard était : Des partem leonis. Les Nègrepelisse, catholiques militants, ruinés à l’époque des guerres de religion, s’enrichirent ensuite considérablement des dépouilles d’une famille de négociants protestants, les Jeanrenaud, dont le chef avait été pendu, lors de la révocation de l’édit de Nantes. Ces biens mal acquis profitèrent merveilleusement aux Nègrepelisse-d’Espard : le grand-père du marquis put, grâce à sa fortune, épouser une Navarreins-Lansac, héritière très riche ; son père, une Grandlieu (de la branche cadette). — Le marquis d’Espard se maria, en 1812, avec mademoiselle de Blamont-Chauvry, âgée de seize ans ; il en eut deux fils, mais le désaccord se produisit bientôt entre les deux époux. Par ses folles dépenses, madame d’Espard força le marquis à un emprunt, et il la quitta en 1816. Avec ses enfants, il alla se fixer rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, no 22, dans l’ancien hôtel Duperron[3], s’adonna à l’éducation de ses fils, ainsi qu’à la composition d’un grand ouvrage : l’Histoire pittoresque de la Chine, dont les profits, joints aux économies réalisées par un genre de vie austère, lui permirent de restituer, en douze ans, aux héritiers du supplicié Jeanrenaud, onze cent mille francs, représentant la valeur (au temps de Louis XIV) des terres confisquées à leur aïeul. Cette Histoire pittoresque de la Chine fut écrite, pour ainsi dire, en collaboration avec l’abbé Crozier, et ses résultats financiers soulagèrent encore discrètement la vieillesse d’un ami ruiné, M. de Nouvion. En 1828, madame d’Espard essaya de faire interdire son mari, en travestissant la noble conduite du marquis ; mais le défendeur eut, à la fin, raison devant les tribunaux (L’Interdiction). Lucien de Rubempré, qui entretint le procureur général Granville de cette affaire, ne fut sans doute pas étranger au jugement rendu en faveur de M. d’Espard ; mais il s’attira, de cette manière, la haine de la marquise (Splendeurs et Misères des Courtisanes).

Espard (Camille, vicomte d’), second fils du marquis d’Espard, né en 1815, fit avec son frère aîné, le comte Clément de Nègrepelisse, ses études au collège Henri IV ; en 1828, il était en rhétorique (L’Interdiction).

Espard (Chevalier d’), frère du marquis d’Espard, qu’il aurait voulu voir interdire pour être nommé curateur ; figure en lame de couteau, froide et âpre. — Suivant le juge Popinot, il y avait en lui un peu du Caïn. C’était l’un des plus profonds personnages du salon de la marquise d’Espard et « la moitié de la politique » de cette femme (L’Interdiction. — Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Les Secrets de la Princesse de Cadignan).

Espard (Jeanne-Clémentine-Athénaïs de Blamont-Chauvry, marquise d’), née en 1795, femme du marquis d’Espard ; d’une des maisons les plus illustres du faubourg Saint-Germain. — Délaissée par son mari en 1816, elle devint, à vingt-deux ans, maîtresse d’elle-même et de sa fortune, qui consistait en vingt-six mille francs de rente. D’abord, elle mena une vie retirée ; puis, en 1820, elle parut à la cour, donna des fêtes chez elle et ne tarda pas à devenir une femme à la mode ; elle s’assit alors « sur le trône où avaient brillé la vicomtesse de Beauséant, la duchesse de Langeais, madame Firmiani, laquelle, après son mariage avec M. de Camps, avait résigné le sceptre aux mains de la duchesse de Maufrigneuse, à qui madame d’Espard l’arracha ». Froide, égoïste et coquette, elle n’avait ni haine ni amour ; son indifférence était profonde pour tout ce qui n’était pas elle-même. Elle ne se remuait pas ; elle avait des procédés savants pour conserver sa beauté, n’écrivait jamais, mais parlait, sachant que deux mots d’une femme peuvent faire tuer trois hommes. Plusieurs fois, elle avait donné, soit à des députés, soit à des pairs, des mots et des idées qui, de la tribune, avaient retenti en Europe. Parmi les hommes, encore jeunes en 1828, auxquels l’avenir appartenait, et qui se pressaient dans ses salons, se remarquaient MM. de Marsay, de Ronquerolles, de Montriveau, Martial de la Roche-Hugon, de Sérizy, Ferraud, Maxime de Trailles, Listomère, les deux Vandenesse, Sixte du Châtelet ; les deux célèbres banquiers Nucingen et Ferdinand du Tillet, ceux-ci sans leur femme. Madame d’Espard demeurait rue du faubourg Saint-Honoré, 104 (L’Interdiction). C’était une superbe Célimène. Elle se montrait d’autant plus prude et sévère qu’elle était séparée de son mari, sans que le monde eût pu pénétrer la cause de leur désunion ; elle était entourée des Navarreins, des Blamont-Chauvry, des Lenoncourt, ses parents ; les femmes les plus collet-monté la fréquentaient. Cousine de madame de Bargeton, qui se réclama d’elle à son arrivée d’Angoulême en 1821, elle la guida dans Paris, l’initia à tous les secrets de la vie élégante et la détacha de Lucien de Rubempré. Plus tard, lorsque le « grand homme de province » fut parvenu à se faire accepter de la haute société, d’accord avec madame de Montcornet, elle l’engagea dans le parti royaliste (Illusions perdues). En 1824, elle se trouvait au bal de l’Opéra, où l’avait amenée un rendez-vous donné par un billet anonyme, et, au bras de Sixte du Châtelet, elle abordait Lucien de Rubempré, dont la beauté la frappait et qu’elle semblait, d’ailleurs, ne pas reconnaître. Le poète se vengeait de son ancien dédain par des mots piquants, et Jacques Collin (Vautrin), masqué, achevait de troubler la marquise en lui persuadant que Lucien était l’auteur du billet et qu’il l’aimait (Splendeurs et Misères des Courtisanes). Les Chaulieu étaient en relations fréquentes avec elle, à l’époque où leur fille Louise se faisait aimer du baron de Macumer (Mémoires de Deux Jeunes Mariées). Malgré l’opposition muette du faubourg Saint-Germain, après la Révolution de 1830, la marquise d’Espard n’avait pas fermé son salon, ne voulant pas renoncer à son influence sur Paris ; elle fut imitée en cela par une ou deux femmes de son monde et par mademoiselle des Touches (Autre Étude de femme). Elle recevait le mercredi. En 1833, elle était à une soirée chez la princesse de Cadignan, où Marsay révélait les secrets de l’enlèvement du sénateur Malin en 1806 (Une Ténébreuse Affaire). Malgré la cruauté d’un mot acéré répandu contre elle par madame d’Espard, la princesse disait à Daniel d’Arthez que la marquise était sa meilleure amie ; en même temps, elle était sa parente (Les Secrets de la Princesse de Cadignan). Par jalousie pour madame Félix de Vandenesse, madame d’Espard encourageait les relations naissantes de cette jeune femme avec le poète Nathan ; elle aurait voulu voir se compromettre celle qu’elle considérait comme une rivale. En 1835, la marquise défendait le vaudeville contre lady Dudley qui déclarait ne pouvoir le souffrir, étant pour cela, disait-elle, comme Louis XIV pour les Téniers ; madame d’Espard soutenait que « les vaudevilles étaient maintenant de charmantes comédies » ; elle s’y amusait fort (Une Fille d’Ève). En 1840, à une sortie des Italiens[4], madame d’Espard humilia madame de Rochefide, en se détournant d’elle ; toutes les femmes l’imitèrent, et le vide se fit autour de la maîtresse de Calyste du Guénic (Béatrix). La marquise d’Espard était, du reste, une des personnes les plus impertinentes de son temps ; elle avait un caractère aigre et malveillant sous les dehors les plus élégants ; mais sa maison put être dite, par un vieil académicien, « le palais de la Renommée » (Le Comte de Sallenauve).

Estival (L’abbé d’), prêtre provençal, prêcha le carême, en 1840, à l’église Saint-Jacques du Haut-Pas, de Paris. — D’après Théodose de la Peyrade, qui le signalait à madame Colleville, il s’était voué à la prédication dans l’intérêt des classes pauvres ; il rachetait, par de l’onction et de l’âme, un extérieur peu agréable (Les Petits Bourgeois).

Estorade (Baron, puis comte de l’), petit gentilhomme de Provence, père de Louis de l’Estorade ; vieillard très chrétien et assez avare, qui thésaurisa pour son fils. — Il perdit sa femme vers 1814, morte du chagrin qu’elle éprouva de ne pas revoir ce fils dont on n’avait plus eu de nouvelles depuis la bataille de Leipzig. M. de l’Estorade fut un excellent grand-père. Il mourut à la fin de 1826 (Mémoires de Deux Jeunes Mariées).

Estorade (Louis, chevalier, puis vicomte et comte de l’), pair de France, président de chambre à la cour des comptes, grand officier de la Légion d’honneur, né en 1787 ; fils du précédent. — Après avoir été longtemps soustrait à la conscription sous l’Empire, il dut être envoyé à l’armée en 1813 et servit en qualité de garde d’honneur. À Leipzig, il fut pris par les Russes et ne reparut en France que sous la Restauration. Il eut beaucoup à souffrir en Sibérie ; à trente-sept ans, il en paraissait cinquante. Pâle, maigre, taciturne, un peu sourd, il ressemblait assez au chevalier de la Triste-Figure ; il parvint pourtant à se faire agréer de Renée de Maucombe, qu’il épousa, sans dot, d’ailleurs, en 1824. Poussé par sa femme, devenue ambitieuse dès qu’elle fut mère, il quitta la Crampade, domaine provençal, et, quoique très ordinaire, arriva aux plus hautes fonctions. Il mourut à Paris, en juin 1841, d’une angine gangreneuse (Mémoires de Deux Jeunes Mariées. — Le Député d’Arcis. — La Famille Beauvisage).

Estorade (Madame de l’), née Renée de Maucombe, en 1807, d’une très ancienne famille provençale, établie dans la vallée de Géménos, à vingt kilomètres de Marseille. — Élevée au couvent des carmélites de Blois, elle s’y lia avec Louise de Chaulieu : les deux amies restèrent en relations constantes ; elles échangèrent, pendant plusieurs années, une longue correspondance sur la vie, l’amour et le mariage, où la sage Renée donnait à la passionnée Louise des conseils de raison et de prudence peu suivis. En 1836, madame de l’Estorade accourut de la province, pour assister aux derniers moments de son amie, devenue madame Marie Gaston. Mariée à l’âge de dix-sept ans dès qu’elle fut sortie du couvent, Renée de Maucombe donna trois enfants à son mari, qu’elle n’aima jamais d’amour, et se livra, tout entière, aux devoirs de la maternité (Mémoires de Deux Jeunes Mariées). En 1838-1839, la quiétude de cette sage personne fut troublée par la rencontre de Dorlange-Sallenauve ; elle put se croire désirée de lui et eut à se défendre d’un secret penchant pour cet homme. Madame de Camps conseilla et éclaira avec beaucoup de clairvoyance madame de l’Estorade dans cette crise délicate. Beaucoup plus tard, devenue veuve, madame de l’Estorade fut sur le point de donner sa main à Sallenauve, qui devint son gendre. Elle ressemblait, comme une sœur, à Marianina de Lanty : toutes deux avaient, en effet, sans le savoir, le même père, M. de Maucombe ; mais Marianina était la fille légale de M. de Lanty (Le Député d’Arcis. — Le Comte de Sallenauve. — La Famille Beauvisage). En 1841, madame de l’Estorade disait de M. et madame Savinien de Portenduère : « C’est le plus joli bonheur que j’aie jamais vu ! » (Ursule Mirouet).

Estorade (Armand de l’), fils aîné de M. et madame de l’Estorade ; filleul de Louise de Chaulieu, successivement baronne de Macumer et madame Marie Gaston. — Né en décembre 1825, il fit ses études au collège Henri IV. D’abord lourd et méditatif, il se dégagea ensuite, fut couronné en Sorbonne, ayant obtenu le premier prix de version latine, et, en 1845, passa, avec éclat, sa thèse pour le doctorat en droit. Il n’aimait pas Sallenauve, qui, pourtant, le sauva d’une assez méchante affaire avec le repris de justice Bélisaire (Mémoires de Deux Jeunes Mariées. — Le Député d’Arcis. — La Famille Beauvisage).

Estorade (René de l’), second enfant de M. et madame de l’Estorade. Il s’annonçait, dans son enfance, comme hardi et aventureux ; il avait une volonté de fer, et sa mère était convaincue que ce serait « le plus rusé marin du monde » (Mémoires de Deux Jeunes Mariées).

Estorade (Jeanne-Athénaïs de l’), fille et troisième enfant de M. et madame de l’Estorade. — On l’appelait ordinairement « Naïs » par abréviation. Mariée, en 1847, à Charles de Sallenauve. — V. Sallenauve (madame Charles de).

Estourny (Charles d’), nom d’un jeune élégant de Paris qui vint au Havre, sous la Restauration, pour voir la mer, se fit recevoir dans la famille Mignon, et enleva Bettina-Caroline, la fille aînée. — Il l’abandonna ensuite, et elle mourut de chagrin. En 1827, Charles d’Estourny fut condamné par la police correctionnelle pour de constantes fraudes au jeu (Modeste Mignon). Un Georges-Marie Destourny, se faisant appeler Georges d’Estourny, fils d’un huissier de Boulogne, près Paris, et qui est, sans nul doute, le même homme que Charles d’Estourny, fut un instant le protecteur d’Esther van Gobseck, dite la Torpille. Il était né vers 1801, et, après avoir reçu une brillante éducation, avait été laissé sans aucune ressource par son père, obligé de vendre sa charge dans de mauvaises conditions. Georges d’Estourny avait fait des affaires à la Bourse avec l’argent des femmes entretenues dont il était le confident. Après sa condamnation, il quitta Paris sans payer ses différences. Il avait patronné Cérizet et l’avait même associé à ses affaires. Il était joli garçon, bon enfant et généreux comme un chef de voleurs. Bixiou, en raison des tricheries qui l’avaient mené devant les tribunaux, le surnommait : la Méthode des Cartes (Splendeurs et Misères des Courtisanes. — Un Homme d’Affaires).

Étienne et Cie, négociants à Paris, sous l’Empire. — En relations avec Guillaume, marchand de draps rue Saint-Denis, qui prévoyait leur faillite et l’attendait « avec anxiété, comme au jeu » (La Maison du Chat qui pelote).

Eugène, Corse, colonel du 6e de ligne, presque exclusivement composé d’Italiens, qui entra le premier dans Tarragone, en 1808. — Le colonel Eugène, second Murat, était d’une bravoure extraordinaire ; il savait tirer parti des espèces de bandits qui formaient son régiment (Les Marana).

Eugénie, prénom-pseudonyme de Prudence Servien. — Voir ce dernier nom.

Euphrasie, courtisane à Paris, sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe. — Jolie et gracieuse blonde aux yeux bleus et à la voix mélodieuse, à l’air le plus candide, profondément dépravée et experte en vices raffinés, en 1821, elle communiqua au second clerc du notaire Crottat une terrible maladie dont il mourut. Elle demeurait, alors, rue Feydeau. Euphrasie prétendit que, dans sa première jeunesse, elle avait passé des jours et des nuits, en vue de nourrir un amant qui l’avait laissée pour un héritage. Avec la brune Aquilina, Euphrasie prit part à une orgie fameuse, chez Frédéric Taillefer, rue Joubert, en compagnie d’Émile Blondet, de Rastignac, de Bixiou et de Raphaël de Valentin. On la vit ensuite, au Théâtre-Italien, avec l’antiquaire centenaire qui vendit à Raphaël la célèbre « peau de chagrin » : elle dévorait les trésors du vieux marchand (Melmoth réconcilié. — La Peau de Chagrin).

Europe, nom d’emprunt de Prudence Servien. — Voir ce dernier nom.

Évangélista (Madame), née Casa-Réal, en 1781, d’une grande famille espagnole descendant collatéralement du duc d’Albe et alliée aux Claës (de Douai) ; créole venue à Bordeaux, en 1800, avec son mari, gros financier espagnol. Restée veuve, en 1813, avec sa fille. Elle ignorait la valeur de l’argent et n’avait jamais su résister à ses caprices. Aussi dut-elle, un matin de 1821, faire appeler le brocanteur-expert Élie Magus, pour l’estimation de ses magnifiques diamants, au milieu desquels figurait certain « discreto », pierre superbe, antique et historique. Lasse de la vie de province, elle favorisa le mariage de sa fille avec Paul de Manerville, afin de suivre le jeune ménage à Paris, où elle rêvait de paraître en grand équipage et d’exercer encore de la puissance. Elle se montra, d’ailleurs, très astucieuse dans le règlement des intérêts relatifs à ce mariage, où maître Solonet, son notaire, épris d’elle au point de désirer l’épouser, la défendit chaudement contre maître Mathias, tabellion des Manerville. Sous les apparences d’une femme excellente, elle savait, comme Catherine de Médicis, haïr et attendre (Le Contrat de Mariage).

Évangélista (Natalie), fille de madame Évangélista ; mariée à Paul de Manerville. — Voir ce dernier nom.

Évelina, jeune fille noble, riche et bien élevée, d’une austère famille janséniste, aimée et recherchée en mariage par Benassis, au commencement de la Restauration. Évelina répondait à l’amour de Benassis ; mais les parents s’opposèrent à l’union des deux jeunes gens. Devenue libre, Évelina mourut, et le docteur ne lui survécut pas (Le Médecin de Campagne).


  1. À la place du célèbre bal Mabille, disparu depuis quatre ans environ, on a bâti une maison de rapport qui est habitée aujourd’hui par le professeur Germain Sée.
  2. Ils portaient d’or à deux bandes de gueules. « Cil est nostre » devint la devise de leur blason.
  3. Cette maison a disparu, par suite de l’ouverture de la rue des Écoles.
  4. Installés alors dans la salle de l’Odéon.