Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne/Le chat et sa mère


LE CHAT ET SA MÈRE.


Une jeune fille avait une marâtre qui la persécutait. Cette marâtre, voulant se débarrasser d’elle, alla trouver une sorcière de ses amies, dans un bois voisin. La sorcière lui donna un gâteau et lui dit : « Donnez ce gâteau à manger à la fille de votre mari, et vous en verrez bientôt les effets. » La jeune fille mangea le gâteau, et, quelque temps après, elle fut étonnée de se trouver enceinte. Le père, voyant cela, fut persuadé que sa fille se conduisait mal, et, cédant aux excitations de sa femme, il la fit exposer sur la mer, dans un tonneau. Elle aborda dans une île, se retira sous un rocher, et y accoucha d’un chat. Elle pleura beaucoup, en voyant l’être que Dieu lui envoyait. Mais le chat prenant alors la parole, comme un homme, essaya de la consoler et lui dit d’être sans crainte au sujet de leur nourriture, qu’il saurait y pourvoir. En effet, prenant un bissac sur ses épaules, il se rendit à un château qui se trouvait dans l’île, et en rapporta des provisions. Pendant plusieurs jours il se comporta de la sorte. Un jour, le jeune seigneur du château fut mis en prison, parce qu’il avait perdu ses papiers, ses titres. Le chat l’alla trouver dans sa prison, et lui promit de le remettre en liberté, et de lui faire retrouver ses papiers, s’il voulait épouser sa mère. « Épouser une chatte ! » répondit-il, on ne peut plus étonné. « Faites ce que je vous demande, reprit le chat, et vous ne le regretterez pas, plus tard. Il promit.

Pendant la dernière visite du chat au château, une fée vint trouver sa mère, et lui parla ainsi : « Lorsque votre fils le chat rentrera, prenez un couteau, éventrez-le, puis, après l’avoir écorché, jetez sa peau dans la mer, et, au lieu d’un chat, vous verrez que vous aurez pour fils un beau prince. »

Le chat arrive ; sa mère l’éventre, l’écorche, jette sa peau dans la mer, et voilà aussitôt un beau prince auprès d’elle, et qui l’appelle sa mère. La fée leur procure alors un beau carrosse, et ils montent dedans et se rendent au château, et le jeune seigneur se trouve heureux d’épouser la mère du chat, qui est devenue aussi une belle princesse, richement parée. Après la noce, ils se rendirent chez la marâtre traîtresse, et la firent brûler, avec son amie la sorcière, dans un grand bûcher.


Ce maître chat rappelle le Chat botté de Perrault. Le conte de Perrault lui-même se retrouve tout entier dans Straparole, nuit XI, fable I, sous ce titre : Soriane meurt et laisse trois enfants : Dussolin, Tésifon et Constantin le fortuné. Ce dernier, par le moyen d’une chatte, acquiert un puissant royaume.

Je possède une seconde version bretonne, avec des variantes curieuses.