Chronique du 6 septembre 1873
30 août 1873
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CHRONIQUE
Le pétrole. — L’importation du pétrole a atteint le chiffre de 150 385 869 gallons (682 751 945 litres). Ce lotal présente une différence de 5 250 000 gallons en moins (23 835 000 litres) sur l’exportation de 1871. Cette réduction doit être attribuée aux efforts que l’on a tentés à la fin de 1872 pour élever le prix du pétrole en réduisant la production des puits. Les ports de Philadelphie et de New-York ont expédié ensemble 146 000 000 gallons (662 840 000 litres), tous les autres ports n’ont donc contribué que dans une proportion de 3 pour 100 à l’exportation.
Les vignobles en 1873. — D’après le Messager du Midi, la récolte en vin s’annonce à peu près partout en France, dans de bonnes conditions. Dans le Maine-et-Loire, le Loiret, le Loir-et-Cher, L’Indre-et-Loire, les vignes sont fort belles. Les vignobles du Bordelais présentent un bel aspect ; ceux de la Provence sont également beaux et donnent de grandes espérances malgré l’oïdium et le phylloxéra. En Savoie, dans le Beaujolais et le Mâconnais, les vignes sont relativement dans une excellente situation. Dans la Côte-d’Or, le vignoble est magnifique. Les fruits échappés aux gelées grossissent d’une manière surprenante. Le Jura, la Lorraine et la basse Bourgogne sont les contrées les plus maltraitées. En Roussillon, la récolte sera très supérieure à celle de l’an dernier. Dans l’Hérault, la plaine de Lunel est touchée par les maladies dans quelques endroits. Si le temps continue à être favorable, la récolte sera avancée, les raisins sont beaux. Dans l’arrondissement de Béziers, nous écrit-on, la température, excessivement élevée depuis deux semaines, est très-favorable aux vignes. La vigne prospère sur divers points et la maturation sera précoce, si, comme d’habitude, les nuits de septembre sont fraîches et humides.
Exploration dans le Far-West. — Le professeur Marsh, de Yale-College, a organisé une expédition scientifique pour explorer certaines régions peu connues du Far-West aux États-Unis. C’est surtout au point de vue géologique, que le voyage a été entrepris. Le professeur Marsh et ses compagnons de route sont arrivés, il y a un mois environ, au fort Macpherson, dans le Nebraska. Des fouilles habilement dirigées ont conduit à la découverte de chevaux et de rhinocéros fossiles. On a trouvé aussi des ossements de chameaux. Ces dernières espèces qui, d’après les investigations nouvelles, habitaient le continent américain, ont disparu dans la suite des temps.
Francis Ronalds. — Tous les auteurs qui ont écrit l’histoire de la télégraphie électrique parlent d’un Anglais, Francis Ronalds, qui, dès 1816, transmettait des signaux à huit milles de distance par un fil métallique recouvert d’une substance isolante et au moyen de l’électricité statique. Ce précurseur de la plus merveilleuse découverte des temps modernes est mort, le 8 août dernier, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. Il était attaché à l’Observatoire royal de Kew. Pensionné sur les fonds de l’État depuis 1852, anobli en 1870, « en récompense de ses travaux remarquables sur la télégraphie, » sir Francis Ronalds était un vrai savant, nous dit l’Athenœum, travaillant sans autre ambition que de trouver la vérité, et sans aucun souci de se faire une réputation.
Le chloroforme en chemin de fer. — Le journal anglais the Lancet nous rapporte qu’une dame a été transportée en chemin de fer, pendant un trajet d’une heure et demie, sans qu’elle se doutât qu’elle voyageait, puisqu’elle a été maintenue plus de deux heures dans l’état d’anesthésie chloroformique. The Lancet ne nous parle pas des graves motifs qui ont pu déterminer le médecin à prendre une résolution si énergique ; il affirme cependant que l’opération a parfaitement réussi. Le médecin a commencé à endormir la malade à Londres ; elle ne s’est réveillée que deux heures après, mais elle était à Norwood et avait parcouru, sans en avoir soupçon, un espace de plus de 50 kilomètres.
À propos de la cherté du charbon. — MM. Tellefsen Holt et Wills, de Cardiff, observent dans leur circulaire : « Que la cause de la grande élévation du prix du charbon est un léger arrêt dans la production du charbon relativement à l’accroissement ordinaire de cette production. Quand on considère qu’en 1836, la production totale n’était que de 3 600 000 tonnes, et qu’en trente ans, elle s’est élevée à l’énorme chiffre de 120 000 000 de tonnes par an, on doit être émerveillé que la détresse ne se soit pas produite plus tôt. On surmontera cet état de malaise doucement, mais sûrement. Les hommes qui sont affectés à d’autres travaux, les laboureurs, les artisans et même les matelots, sont alléchés par les hauts prix que les mineurs ont obtenus, et ils sont attirés vers les houillères. Les consommateurs font aussi tous leurs efforts pour arriver à économiser le charbon. Ajoutons à ceci que les propriétaires de houillères s’empressent de faire ouvrir de nouvelles et d’anciennes mines que l’on ne pouvait pas exploiter avec profit lorsque les prix du charbon étaient peu élevés. »
La houille en Amérique. — Les sources les plus abondantes de charbon seront vraisemblablement, dans un avenir prochain, les grands gisements des États-Unis d’Amérique, qui n’ont pas une surface moindre de 518 000 kilomètres carrés. On compte en Amérique plus de vingt gisements, grands et petits. La Pennsylvanie possède 32 780 kilomètres carrés de terrains renfermant de la houille bitumineuse, et 1 217 kilomètres carrés, contenant de l’anthracite ; la Virginie occidentale en a 38 850 kilomètres carrés, l’Illinois 77 700 kilomètres carrés, le Michigan 33 670 kilomètres carrés, l’Iowa 62 160 kilomètres carrés, et le Missouri 54 390 kilomètres carrés. Si on ajoute à cela les immenses gisements situés dans l’ancien bassin des Apalaches et s’étendant sur une surface de 525 770 kilomètres carrés, on pourra se faire une idée approximative des immenses trésors de houille que renferme l’Amérique du Nord. (La Houille.)
Un nouveau ver à soie. — Les journaux italiens donnent des renseignements curieux que nous leur empruntons, sur des essais qui se font au Brésil, pour favoriser la production d’une soie fournie par une espèce particulière de papillon jusqu’ici peu connue au Brésil même, et inconnue en Europe. Ce papillon (bombyx saturnia), que l’on appelle communément porta-espejos ou porte-miroirs, a une envergure d’ailes au moins quatre fois plus grande que notre papillon de vers à soie. Chaque génération produit deux cent quarante cocons. Le ver à soie se nourrit de la feuille de ricinus communis et aussi de la feuille de l’anacardium occidentale. L’aspect du cocon est tout à fait différent de celui des cocons ordinaires. On dirait qu’il est enveloppé d’une pellicule en forme de sac, ressemblant à une toile d’araignée ; dès qu’on l’enlève, il reprend sa forme d’œuf. Sa couleur est toujours grisâtre son tissu diffère de celui des cocons européens en ce sens qu’il est tissé comme un nid d’oiseau ; le ver ne s’enferme pas dans le cocon, il y laisse une ouverture par où il s’échappe à l’état de papillon.
Le travail du bombyx saturnia est assez rapide ; il ne lui faut guère plus de trois semaines pour construire son cocon, et une période égale pour en sortir, en sorte que la récolte de la soie peut s’obtenir en sept semaines environ. Le procédé de la filature est très-simple : les fils, grâce à la structure du cocon, se dévident sous l’action de l’eau chaude ; la fibre du fil a beaucoup de consistance. Un seul fil de 12 pouces de longueur peut soutenir un poids de 4 grammes, et une liasse de 54 fils soutient un poids d’environ 1 kilogramme. Les fils sont malheureusement un peu grossiers. On s’efforce d’en obtenir d’une plus grande finesse par des essais ardemment poursuivis, afin de les adapter au tissage et à la couture. Si ce produit de la soie brésilienne pouvait victorieusement sortir de la période des essais, il fournirait de la soie très-bon marché. Les frais de production sont bien inférieurs à ceux que nécessite la culture en Europe. Le cocon est très-abondant dans le nord du Brésil, surtout dans les provinces de Piahuy. Le ver se nourrit sur l’arbre et il résiste aux intempéries. L’arbre abonde tellement qu’on pourrait élever assez de cocons pour suffire à la cargaison de plusieurs navires.
Le vent chaud des déserts du Turkestan. — Nous avons parlé des températures extraordinaires observées pendant l’expédition russe de Khiva (article). L’invalide russe donne de curieux détails que nous allons reproduire au sujet de la météorologie de ces régions maudites. On va juger des simouns du Turkestan par les extraits suivants d’une lettre écrite par un officier russe faisant partie de l’expédition.
« Nous avons essuyé aujourd’hui ce vent brûlant et suffocant auquel M. Vambéry donne le nom de « tebbad » et qui devient si redoutable pour le voyageur des steppes. Il soulève des masses énormes de sable incandescent, change entièrement l’aspect des monticules de sables (barkhans), et enfouit sous le sable des caravanes entières. C’est après avoir traversé l’Amou-Daria et une partie de l’oasis de Khiva, sur une étendue de 60 verstes, que ce vent est venu fondre sur la ville de Khiva. Au soleil, il est insupportable, surtout par une température de 35 degrés Réaumur à l’ombre, comme celle d’aujourd’hui ; on ne respire un peu que dans les saclias (maisons) aux plafonds élevés et dont les volets sont hermétiquement clos. Les indigènes assurent que plus tard il fera encore plus chaud. » Les cas de maladie sont cependant peu fréquents, ajoute le correspondant russe à la date du 10 juillet 1873.
Vambéry a failli périr sous l’action de ce vent chaud qui menaçait d’enfouir littéralement le voyageur et ses compagnons sous de véritables marées de sable brûlant, et de les enterrer vivants au milieu de déserts abandonnés.
Curieuse application de la photographie. — Il résulte d’un rapport sur les photographies des criminels à Londres, dit l’Officiel d’après le Pall Mall Budget, que, du 2 novembre 1871 au 31 décembre 1872, 373 arrestations ont eu lieu en Angleterre, parce que l’identité des criminels avait pu être établie grâce à leurs portraits photographiés. Pendant cette période, en effet, on a reçu des prisons de comtés et de bourgs à l’Habitual Criminal’s Office, 30 463 photographies de criminels. Ce qui précède prouve donc que l’habitude de faire le portrait des malfaiteurs au moyen de la photographie est utile, et nous dirons de plus qu’il ne coûte pas très-cher, puisque les portraits des détenus de 115 prisons de l’Angleterre et du pays de Galles, depuis le jour où l’acte de 1870 eut force de loi jusqu’au 31 décembre de l’année dernière, n’ont coûté que 2 948 l. st. 18 sh. 3 pence. Peut-être devrait-on désirer, pour qu’elle pût rendre des services plus réels, que la galerie des portraits des criminels fût ouverte au public. Il serait possible par là d’arrêter plus facilement les malfaiteurs que la police recherche et sur lesquels elle ne peut mettre la main. Il en serait de même des corps de personnes mortes et qui n’ont pas été réclamés. On trouverait par là, nous n’en doutons pas, le moyen d’arrêter des meurtriers, dont le nom, le plus souvent, reste aussi bien un secret que celui de leurs victimes.