Chronique de la quinzaine - 31 août 1881

Chronique n° 1185
31 août 1881


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août.

Maintenant que c’est fait, que le même jour, entre un lever et un coucher de soleil, sept ou huit millions de Français se sont rendus de toute part au scrutin pour nommer leurs représentans, il resterait à savoir ce que signifient réellement ces élections du 21 août, ce qu’elles produiront, quelle situation politique et parlementaire elles vont créer. Ce ne sont point sans doute les commentaires qui manquent ; ils se multiplient à l’infini depuis une semaine. Les imaginations et les ambitions sont à l’œuvre, occupées à interpréter des votes, à classer des partis, à dégager des conséquences, à donner des consultations de fantaisie, et au demeurant on n’est pas beaucoup plus avancé, ou du moins on n’est pas mieux fixé sur la portée précise et définitive d’un mouvement électoral qui en est d’ailleurs à se compléter par un certain nombre de scrutins de ballottage.

Ce qu’il y a jusqu’ici de plus saisissable et de plus positif au premier coup d’œil, c’est que le succès de vote reste manifestement aux républicains, et même à une fraction républicaine assez accentuée. Les partis qui représentent ce qu’on appelle la réaction se trouvent singulièrement réduits ; ils reviennent plus que décimés dans l’assemblée nouvelle, où ils n’auront qu’un contingent de moins de cent membres. Après la droite, les modérés du centre gauche sont ceux qui ont le plus durement éprouvé les disgrâces du scrutin. Ils sont vaincus avec M. Lamy, avec M. Bardoux, avec M. Léon Renault, qui disparaissent momentanément de la scène. L’union républicaine, au contraire, s’est étendue et fortifiée, et par la réélection de la plupart de ses affiliés et par l’absorption d’une partie de l’ancienne gauche. Le radicalisme, à son tour, n’est point sans avoir conquis quelques sièges et semble se disposer à jouer bruyamment son rôle. Tout compte fait, c’est l’union républicaine qui tient la tête du mouvement, qui forme le plus gros bataillon de la majorité élue le 21 août, de telle sorte que, sans être précisément modifiée d’une manière sensible dans sa composition, la chambre nouvelle prend par la force des choses, par l’étourdissement du succès, une couleur plus prononcée, plus tranchée. C’est là ce qui apparaît au premier abord. Est-ce à dire que la situation en soit plus claire, qu’elle soit aussi simple, aussi facile qu’on semble le croire ? Elle n’est peut-être que plus obscure, plus compliquée que jamais, et, à parler en toute vérité, ces élections, républicaines dans leur ensemble, décisives en apparence, peuvent n’avoir d’autre résultat que de multiplier les confusions, de préparer des crises nouvelles à la république, d’engager les partis, les hommes qui aspirent à la direction des affaires, dans une voie où l’on ne peut plus ni se retenir, ni se conduire, ni conduire les autres.

Oui, sans doute, au premier aspect, à ne considérer que les résultats sommaires du dernier scrutin, la supputation des votes, ces élections du 21 août peuvent paraître simples. Elles ont achevé ou aggravé ou confirmé la défaite des adversaires de la république et elles ont donné la prépondérance aux républicains ; mais ce qu’elles n’ont pas donné aux vainqueurs du jour en leur assurant des avantages si marqués, c’est l’esprit politique, le respect des minorités, la pondération des idées, le sentiment des conditions essentielles d’un gouvernement sérieux, et c’est là justement ce qui fait le danger de cette situation nouvelle où la victoire même peut être un piège de plus pour la république. On a réussi, c’est entendu, c’est admis. Que fera-t-on maintenant ? Comment va-t-on s’établir dans cette domination conquise ? Quel secret a-t-on pour discipliner cette majorité récemment sortie des élections, pour imprimer un caractère sérieux à ce gouvernement qu’on prétend fonder, dont on parle sans cesse ? Il faut une majorité ! Il faut un gouvernement ! répète-t-on à tout propos. Rien de mieux. Seulement il faut savoir à quel prix ce problème aussi sérieux que délicat peut être résolu. On ne compte pas apparemment réussir en cherchant un point d’appui dans la mobilité des passions ou en s’essayant, tantôt à capter, à retenir les multitudes démagogiques par des programmes retentissans, tantôt à rassurer les instincts conservateurs par dévalues déclarations. A jouer ce jeu, on n’arrive à rien, ou plutôt on finit par se créer une de ces situations équivoques où les hommes qui semblent faits pour le premier rôle s’affaiblissent, pour aboutir un jour ou l’autre à quelque mésaventure comme celle que M. Gambetta a trouvée à Belleville.

Chose curieuse ! M. Gambetta semblait être le grand meneur des élections, l’homme appelé d’avance à profiter du scrutin qui se préparait, à organiser la victoire dont on ne doutait pas, et par un retour de fortune aussi étrange qu’imprévu, il s’est trouvé le candidat le plus meurtri dans le vote du 21 août. Le fait est qu’après avoir eu, à la veille du scrutin, des dialogues d’une éloquence assez bizarre avec ses électeurs qui ne voulaient pas l’écouter et qu’il a bravement appelés des « esclaves ivres, » il a eu de la peine à conquérir une majorité dans une des circonscriptions du fameux xxe arrondissement, à Belleville même ; dans l’autre circonscription, à Charonne, il s’est vu réduit à un ballottage, qu’il s’est empressé de décliner. Il est revenu de son « Mont-Aventin » assez bousculé, et la manière même dont il a été élu n’est peut-être pas propre à rehausser sa position. Il a reçu une blessure dans la bataille, cela est certain, et si on veut bien y regarder de près, ce n’est pas d’hier, ce n’est pas le 21 août qu’il a reçu la première atteinte dans son crédit. Depuis plus de six mois il va par une série de fausses manœuvres au-devant d’échecs successifs qui l’ont visiblement un peu diminué. Il a passé pour être l’inspirateur d’un certain nombre d’actes diplomatiques ou militaires, et il n’a pas été heureux. Il est allé à Cahors et il n’a pas réussi, ou, si l’on veut, il n’a réussi qu’à se compromettre. Il a voulu imposer le scrutin de liste, et ila échoué. Il est allé l’autre jour à Belleville, et il a éprouvé un accident qui n’a été qu’un mécompte de plus, qui n’est pas fait pour le relever. Cette malheureuse aventure, elle a même l’inconvénient de n’être point exempte d’un certain ridicule, de paraître peu intéressante, surtout peu digne d’un président de la chambre des députés. La vérité est que M. Gambetta s’est diminué lui-même depuis quelque temps par ses fausses tactiques, qu’il est la brillante victime des confusions de son esprit. Il a les faiblesses d’un orateur, d’un politique qui ne réussit pas à se fixer, qui ne peut ni se résoudre à rester un tribun ni se décider à devenir un homme de gouvernement, ou plutôt qui croit pouvoir tout concilier, être à la fois un tribun et un homme de gouvernement, le « député de Belleville » et le représentant d’un mouvement régulier d’opinion. Il finit par se créer cette position équivoque, à peu près impossible, dont le vice a éclaté dans les derniers incidens électoraux auxquels il s’est trouvé mêlé.

Pourquoi M. Gambetta a-t-il voulu aller encore une fois à Belleville ? Il a mis manifestement une sorte de point d’honneur, même un peu de jactance, à reparaître sur ce « Mont-Aventin » des premières années de sa vie publique. Il s’est flatté certainement d’en imposer par sa présence, de faire accepter sa direction, de dominer les tempêtes s’il y avait des tempêtes. Il a cru aussi sans doute se donner une force de plus en restant le mandataire, en paraissant être le modérateur ou le guide d’une remuante démocratie, et pour réussir il devait nécessairement être conduit à ne pas marchander les concessions dans son langage. Qu’est-il arrivé cependant ? Il a fait les concessions et il n’a pas réussi. Vainement il a déployé sa plus impétueuse éloquence et déroulé le tableau des réformes démocratiques ; vainement il est arrivé avec ses petits papiers, avec ses petites statistiques, promettant aux passions des démagogues les propriétés ecclésiastiques : on lui a répondu en étouffant sa voix, en lui opposant les concurrens les plus vulgaires, et on a fini par lui marchander une élection. M. Gambetta assure aujourd’hui que Belleville a ratifié sa politique en dépit des « criailleries furibondes des démagogues et des sarcasmes démodés de la réaction, » que cela lui suffit : il se contente vraiment de peu ! Il n’est pas difficile sur l’importance des ratifications, sur le chiffre des majorités. M. Gambetta a beau faire, il n’est plus qu’un bourgeois dans ces régions. Il a beau parler le langage du radicalisme, promettre une politique de réformes républicaines, — il ne promet pas assez, il n’est plus assez avancé pour Belleville ; mais en même temps il est bien clair que par ses déclamations, par l’excès de ses concessions, il réveille toutes les défiances de ceux qui veulent pour la république une direction prévoyante, un gouvernement sensé. En cherchant à Belleville une popularité qui lui échappe, il perd son crédit dans les classes régulières, et c’est ainsi qu’avec toute sa stratégie, il finit par ne satisfaire ni les uns ni les autres, par se retrouver dans un certain isolement, tout au moins dans cette situation équivoque, excentrique, où il est réduit à se débattre avec une autorité singulièrement diminuée. M. Gambetta a sans doute assez de ressources et d’importance pour ne pas se perdre dans une échauffourée électorale, pour reconquérir bientôt son ascendant et reprendre son rôle de chef de parti dans le parlement. Il y réussira, c’est possible. Il n’a pas moins fait une campagne assez malheureuse pour un homme qui, selon les circonstances, peut être appelé au ministère, et sa faiblesse est de rester avec ces programmes qui ne représentent qu’une politique d’agitation indéfinie, qui sont comme une image expressive de la position confuse et contradictoire qu’il s’est créée.

Que disent-ils donc ces programmes qui ont passé par Belleville, qui survivent aux élections et dont on semble vouloir faire le résumé, le symbole de la politique destinée à discipliner une majorité républicaine, à fonder le gouvernement républicain ? M. Gambetta, nous le savons bien, a pour l’usage de ses amis tout un ensemble d’idées et de projets de réformes, depuis la révision de la constitution jusqu’à la réorganisation de la magistrature, depuis la rectification de notre diplomatie jusqu’au remaniement du système d’impôts, — et dans tout cela, ce qui frappe en vérité, c’est le vague, l’incohérence, la prétention vaine. M. Gambetta a sa politique extérieure à proposer à la France, et c’est bien le moins qu’un homme d’état, un chef de parti aspirant au gouvernement, ait réfléchi sur d’aussi graves questions. Il aurait pu sans doute se dispenser de parler de certains sujets délicats, de l’Alsace et de la Lorraine ; il a préféré ne rien omettre, et qu’a-t-il à proposer pour la réintégration des provinces perdues dans la patrie française ? C’est bien simple. M. le président de l’ancienne chambre parle éloquemment de la revendication pacifique, de la puissance du droit, de ce qu’il a appelé un jour avec tout autant d’à-propos la « justice immanente. » Que n’a-t-il mis aussi dans son programme le congrès de la paix, la paix perpétuelle, les États-Unis d’Europe ? Il est certain que ces philanthropiques inventions auraient fait une honnête figure à côté de la « puissance du droit, » de la « justice immanente, » et, pour ne rien dire de plus, on conviendra bien qu’il vaudrait autant garder un respectueux silence sur des questions poignantes qu’il n’est pas permis de traiter avec de banales déclamations.

Autre partie du programme. M. Gambetta, plus à l’aise dans la politique intérieure, a ses idées de réformateur sur un certain nombre de questions livrées aux polémiques du jour, et avant tout il se prononce pour la révision de la constitution. Cette révision, il ne la voulait pas il y a deux mois à Cahors, il l’a voulue plus tard à Tours, il l’a promise à Belleville : il l’inscrit désormais en tête de son programme, et comment l’entend-il ? Comment se propose-t-il de réaliser la révision ? C’est là justement que se laisse voir une des faiblesses de cet esprit plus remuant que réfléchi, incohérent, prompt à toucher à tout sans choix et sans maturité. M. Gambetta réunit deux idées qui s’excluent : il veut tout à la fois fortifier le sénat dans son origine, dans sa constitution, et le réduire dans ses attributions. A un sénat renouvelé par un mode d’élection plus, populaire il prétend ne laisser qu’un rôle amoindri, des droits diminués. C’est une contradiction, — et au fond tout cela est pour déguiser ou préparer tout bonnement un acte de représaille, une vengeance de parti, pour arriver à un coup de tactique tendant à exclure quelques sénateurs inamovibles élus dans ces dernières années ! — Poursuivons encore. La magistrature, bien entendu, n’échappe pas à M. Gambetta, et ce qu’on voit de plus clair dans le programme, c’est que l’orateur de Belleville veut créer d’abord, cela va sans dire, une magistrature dévouée qui ne gêne pas le gouvernement, puis supprimer bon nombre de cours et de tribunaux, réduire le personnel, mieux rétribuer les magistrats qui resteront, enfin simplifier l’organisation de la justice, — en y mettant la confusion ! Ces prétendus projets de réforme de la magistrature se composent malheureusement de beaucoup de banalités, de bon nombre de déclamations contre les magistrats et de quelques idées peu réalisables. Dans les affaires religieuses M. Gambetta a ses opinions, ses propositions qui ne sont pas moins caractéristiques. La séparation de l’église et de l’état, ce n’est pas là ce qui l’occupe pour le moment. Il juge plus politique de maintenir provisoirement le budget des cultes et le concordat ; mais ce budget, il ne se défend pas de le réduire, il ouvre complaisamment la carrière à tous ceux qui voudront supprimer des crédits affectés jusqu’ici aux séminaires ou aux évêques. Le concordat, il ne cache pas qu’il entend en faire « un moyen de gouvernement du clergé. » En d’autres termes, c’est la « guerre au cléricalisme, » poursuivie plus que jamais sous toutes les formes, compliquée aujourd’hui de cette campagne de spoliation préméditée contre ce qu’on appelle la « mainmorte ! » — Dans les affaires financières enfin, M. Gambetta a un secret infaillible, invariable, — l’impôt sur le revenu. Il l’a proposé plusieurs fois, cet impôt ; il le remet dans son programme, et il ne s’aperçoit pas qu’il propose tout simplement la plus dangereuse des expériences, la plus redoutable des crises dans un moment où les finances françaises, déjà engagées, ont besoin de garder ce qui leur reste de liberté, dans un pays où une réforme de ce genre conçue par l’esprit de parti deviendrait bientôt peut-être un instrument d’inquisition, de division sociale.

Oh ! sans doute M. Gambetta a des correctifs, des expédiens de temporisation. Il ne s’agit pas de tout faire à la fois, de tout précipiter, d’aller trop vite. Il s’agit de suivre une « politique réformatrice ferme, sage, loyale, méthodique,.. » la politique « de progrès réguliers, successifs, par étapes. » M. Gambetta veut marcher « lentement, mais sûrement, » et c’est par ces procédés diplomatiques qu’il croit différer des radicaux révolutionnaires, des « utopistes, » comme il les appelle. La différence n’est pas aussi grande qu’il le pense. Qu’on aille lentement, « par étapes, » la révision de la constitution n’en est pas plus opportune, la guerre aux croyances religieuses, à des traditions respectées jusqu’ici n’en est pas plus prévoyante, l’impôt sur le revenu n’en sera pas meilleur dans l’état de la France. Toutes ces propositions d’une politique prétendue réformatrice ne restent pas moins des concessions à l’esprit d’agitation indéfinie, au radicalisme, dont on a l’air de se séparer parfois, et qu’on tâche de désarmer faute d’oser le combattre en face. Malheureusement c’est ainsi. M. Gambetta cède aux radicaux, étend ses programmes pour être élu à Belleville. M. le président du conseil, à son tour, après avoir protesté contre la révision, cède à M. Gambetta sur la révision. Ceux qui ne pensaient plus à l’impôt sur le revenu ne veulent pas se laisser devancer. Successivement tout y passe, la constitution, l’ordre religieux, l’armée, les finances. On se crée la nécessité de toucher à tout sous prétexte de réformes démocratiques. Et c’est avec cet ensemble d’idées, de passions ou de condescendances qu’on se figure assurer la paix civile, la paix intérieure, qu’on croit faire une majorité pour appuyer le gouvernement, fonder un gouvernement pour affermir la république ! C’est tout cela qu’on donne comme une émanation du pays, comme le dernier mot des élections du 21, comme le programme de l’assemblée nouvelle ! Involontairement on se rappelle ce que disait M. Thiers quelques jours avant sa mort, à la veille des élections de 1877 : « Si par radicalisme, disait-il, on entend une certaine conception de l’esprit démocratique qui porterait sur l’administration civile, sur ie régime financier, sur l’organisation militaire, sur les affaires religieuses, sur les rapports des pouvoirs entre eux, il faudrait résister sans doute et résister énergiquement à une chambre qui s’y laisserait entraîner. » C’est là justement la question telle qu’elle se présentera dans le nouveau parlement à tous ceux qui ne sont pas encore résignés à tout, qui ne veulent ni se soumettre ni se démettre devant des réformateurs de fantaisie.

Les élections françaises ont certainement leur importance par les changemens ou les déplacemens qu’elles peuvent préparer dans la direction des affaires de notre pays ; elles ne sont en définitive qu’un épisode dans le mouvement des choses, dans cette vie européenne où la politique subit aujourd’hui l’influence de la saison, où les souverains et les ministres prennent leurs vacances comme les parlemens, où l’activité universelle se dérobe sous les diversions. Le parlement britannique, qui était resté le dernier à l’œuvre, vient de se séparer à son tour, après avoir entendu un discours de la reine. Le monde politique anglais s’est hâté de quitter Londres. C’est la fin d’une des plus laborieuses sessions que l’Angleterre ait vues depuis longtemps. Tout ce qui peut intéresser une nation dont la puissance s’étend jusqu’aux extrémités du monde a été l’objet de débats incessamment renouvelés, souvent passionnés. Pendant les longs mois qui viennent de s’écouler depuis l’hiver, le gouvernement a eu à répondre à toute sorte d’interpellations sur l’Afghanistan, sur le Transvaal, sur les négociations orientales, sur les affaires tunisiennes, sur les relations diplomatiques et commerciales de l’Angleterre ; il avait en même temps à poursuivre à travers tout son œuvre réformatrice en Irlande, à triompher des passions agitatrices des obstructionnistes irlandais aussi bien que des résistances qu’il pouvait rencontrer parmi les lords. Le cabinet anglais a traversé cette longue épreuve avec avantage, et, tout bien compté, s’il y a eu du temps perdu, des confusions, des incidens presque violens, cette session qui vient de se clore ne laisse pas d’avoir été fructueuse ; elle finit même au lendemain d’un succès sur lequel on commençait à ne plus compter, qui est certainement dû à l’opiniâtre énergie du chef du cabinet, de M. Gladstone. Le parlement, avant de se séparer, s’est décidé en effet à voter le bill agraire d’Irlande, qui, au premier abord, semblait devoir s’éterniser par suite des dissentimens qui divisaient les deux chambres. Depuis près de six mois qu’il est en discussion, ce malheureux bill a passé par toutes les phases possibles. Il n’est sorti de la chambre des communes qu’après des débats aussi confus que bruyans. Il est allé à la chambre des lords, où il a été sérieusement corrigé et amendé. L’œuvre primitive se trouvait presque transformée, et on était à se demander si les amendemens votés par les lords n’allaient pas tout simplement être rejetés par la majorité libérale des communes. C’était peut-être le commencement d’un dangereux conflit. Au dernier moment, tout s’est arrangé par une transaction dont M. Gladstone a été l’heureux négociateur, et ce n’est pas sans un certain plaisir que la reine a constaté ce résultat. Il reste maintenant à appliquer ce bill qui, dans tous les cas, est une libérale réforme, un évident bienfait pour l’Irlande.

Deux points, dans le dernier discours de la souveraine du royaume-uni, vont un intérêt particulier pour la France, parce qu’ils touchent aux relations des deux pays. En dépit de tout ce qui a été tenté pour soulever les susceptibilités anglaises contre notre expédition tunisienne, la reine Victoria n’hésite pas à déclarer qu’après les communications échangées entre les deux gouvernemens, l’Angleterre doit se tenir pour satisfaite des assurances qu’elle a reçues de la république française, elle parle sans défiance et dans son langage visiblement calculé, elle fait même une distinction qui a sa portée, entre la régence de Tunis, où l’Angleterre n’a que des traités particuliers à sauvegarder, et la régence voisine de Tripoli, qu’elle décore spécialement du titre de province de l’empire ottoman. Elle semble ainsi trancher cette question tant controversée de la situation internationale des territoires tunisiens. Il n’en faut pas conclure qu’un gouvernement qui représente une nation aussi jalouse que fière cesse de suivre d’un œil attentif ce qui se passe dans cette région de l’Afrique, dans cette partie des côtes méditerranéennes : cela signifie simplement que l’Angleterre, sous le ministère libéral de M. Gladstone, n’est pas disposée à faire dépendre l’intimité de ses relations avec la France d’une intervention qui avait été d’ailleurs prévue et à peu près approuvée au temps du ministère de lord Salisbury et de lord Beaconsfield, Un autre point du dernier discours royal de Westminster a son importance pour nous. La reine Victoria dit que les négociations relatives à un traité de commerce entre les deux pays ont été récemment « suspendues, » mais que, « pour plus d’une raison, » elle appelle de ses vœux, elle secondera de ses efforts la conclusion d’un traité qui doit accroître les rapports des deux nations, — « à l’amitié intime desquelles, ajoute la reine, j’attache une si grande importance. »

La vérité est qu’il a du malheur, ce traité qu’on se propose toujours de négocier et qui semble toujours fuir. Depuis près de dix ans, nos relations commerciales sont entrées dans ce qu’on peut appeler une phase d’incertitude, un provisoire indéfini. Les traités qui ont suivi et consacré la révolution ou la semi-révolution économique de 1860 ont été successivement dénoncés, puis prorogés d’année en année, en attendant une solution sans cesse ajournée. Récemment, dans la dernière session, les chambres françaises ont discuté, adopté un nouveau tarif général des douanes, et le moment semblait enfin venu de reprendre avec plus de précision des négociations destinées à fixer les conditions essentielles de notre régime commercial. Elles ont été, en effet, rouvertes, il y a peu de temps, ces négociations : puis voici qu’elles sont tout d’un coup « suspendues ! » On dit que le cabinet de Londres, en présence de l’expiration très prochaine de l’ancien traité, aurait demandé une prorogation nouvelle de quelques mois pour se donner le temps de négocier sans trop de précipitation et que le cabinet français, se considérant comme lié par ses déclarations devant les chambres, n’aurait pas cru pouvoir se prêter à cette prorogation. Notre ministère n’aurait consenti du moins que, s’il y avait eu dès ce moment un protocole constituant un préliminaire positif. Évidemment ce sont là des difficultés qui n’ont rien d’insurmontable pour des gouvernemens animés de ces sentimens de conciliation que manifestait ces jours derniers la reine Victoria, que la France éprouve assurément elle-même. L’essentiel est de ne pas laisser traîner dans l’incertitude une affaire qui touche à tous les ressorts de la production et du travail, de la puissance industrielle de deux grands pays. La question n’est pas seulement commerciale ; elle est en même temps d’un ordre politique supérieur. Ce qu’il faut chercher dans la régularisation des rapports de commerce entre la France et l’Angleterre, ce n’est point sans doute ce qu’on peut appeler au sens propre du mot une alliance ; il n’est pas moins vrai que ce sont les intérêts libéralement satisfaits et rassurés qui aident souvent a la bonne politique entre deux nations et préparent les alliances les plus durables, qui créent dans tous les cas des situations où les jalousies ne sont pas toujours prêtes à se réveiller au moindre incident, où il n’y a pas de ces habitudes d’antagonisme violent qui dégénère parfois en hostilité.

L’Angleterre le comprend comme la France, et l’Italie, qui a, elle aussi, un traité de commerce à négocier avec nous, serait mieux inspirée si elle s’occupait un peu plus de ses intérêts, si elle se laissait aller un peu moins à ses passions ou à ses ressentimens. L’Italie, il est vrai, commence à s’apaiser un peu, à se remettre par degrés des émotions auxquelles elle s’est abandonnée un peu légèrement. Malheureusement il n’est pas bien certain que toutes ces questions d’alliances nouvelles qui se réveillent au-delà des Alpes ne soient une suite de la mauvaise humeur de ces derniers mois et une manière de chercher quelque revanche ou quelque dédommagement. Depuis quelques jours, en effet, l’imagination de certains Italiens est en travail de combinaisons diplomatiques et de projets d’entrevues princières. Qu’en est-il de ces combinaisons et de ces projets ? Le roi Humbert doit-il rendre visite à l’empereur François-Joseph à Vienne ou dans toute autre ville de l’empire d’Autriche, et, après avoir visité le souverain autrichien, ira-t-il jusqu’à Berlin voir l’empereur Guillaume ? Quelle sera la signification, quelles seront les conséquences de ces entrevues si elles se réalisent ? Il n’est pas douteux que, dans l’esprit des nouvellistes qui voient déjà le fils de Victor-Emmanuel en voyage vers le centre de l’Europe, ces visites auraient un sens profond, qu’elles doivent avoir pour résultat de faire entrer l’Italie dans la grande alliance continentale, de lui donner ce puissant rempart d’une grande alliance européenne contre un ennemi qu’on ne nomme pas.

Eh bien ! soit, admettons que les rencontres impériales qui ont eu lieu déjà à Gastein soient suivies d’une autre rencontre du roi Humbert avec les souverains d’Autriche et d’Allemagne : les Italiens sont certainement libres de se procurer le plaisir de ces manifestations. Seulement ils ne s’aperçoivent pas qu’ils courent le risque de faire beaucoup de bruit pour rien ou de se tromper dans leurs calculs. Ils ne pourraient s’allier sérieusement avec l’Autriche et l’Allemagne qu’en leur donnant des garanties ; ils ne pourraient donner ces garanties que par le désaveu péremptoire de toute prétention sur le Tyrol, surTrieste, et moyennant cela qu’auraient-ils obtenu ? Ils seraient arrivés simplement à être les protégés des deux empires contre un danger imaginaire, contre un ennemi qui n’existe pas. Car enfin à qui en ont-ils ? qui les menace dans leurs possessions et les trouble dans leurs droits ? où est pour eux la nécessité de se donner tant de mouvement, de paraître rechercher des appuis et se mettre en défense ? Franchement c’est un peu trop s’agiter pour un petit mécompte éprouvé à Tunis. Les Italiens, pour leur avantage et pour l’avantage de tout le monde, auraient une politique bien plus simple à suivre : ce serait de ne point exagérer la portée d’un voyage royal qui, s’il se réalise, ne sera vraisemblablement qu’un acte de haute courtoisie, de ne pas laisser dire imprudemment qu’il faut armer les Alpes, d’éviter tout ce qui pourrait affecter des relations que personne en France ne songe à troubler. Les hommes prévoyans et habiles qui ont de l’influence au-delà des Alpes sentent, tout comme les Français bien inspirés, la nécessité d’en finir avec des malentendus que rien de sérieux ne justifie, qui ont déjà trop duré. Au lieu de se perdre en querelles ou en manifestations inutiles, que ne se met-on simplement, franchement à négocier ce traité de commerce dont les gouvernemens ont aujourd’hui à s’occuper, qui, en assurant des satisfactions, des garanties mutuelles aux intérêts des deux pays, peut aider au rapprochement des politiques ?

Il y a quelques jours à peine, l’Espagne comme la France était en plein mouvement électoral, et au-delà des Pyrénées comme de ce côté, le même jour, le 21, les élections se sont accomplies. Tout n’est pas fini encore, il est vrai, puisque le scrutin ne s’ouvrira que dans quelques jours pour la nomination d’une partie du sénat espagnol soumise à l’élection. Pour la chambre des députés du moins le vote est dès ce moment complet et décisif. Il est décisif en ce sens que le résultat, prévu d’avance d’ailleurs, est entièrement favorable au gouvernement. Le ministère, depuis six mois, n’a cessé de se préparer en toute liberté à cette épreuve de scrutin ; depuis six mois, il n’a eu d’autre préoccupation que d’étendre, de fortifier son influence par les changemens administratifs, par le renouvellement des municipalités, des conseils provinciaux, par tous les moyens qu’aucun cabinet espagnol ne se refuse, — et au jour voulu il a triomphé comme ceux qui l’ont précédé au pouvoir, comme triompheront sans nul doute ceux qui le suivront ! Le cabinet de M. Sagasta a obtenu une immense majorité. Cette majorité, il est vrai, n’est pas d’une cohésion complète, elle se compose de deux groupes qui répondent aux diverses nuances d’opinion représentées dans le cabinet lui-même. Il y a les amis de M. Sagasta et les amis du général Martinez Campos. À côté de cette majorité ministérielle de trois cent cinquante membres au moins, l’opposition des libéraux conservateurs ne compte guère pour le moment que cinquante représentans parmi lesquels sont, à la vérité, l’ancien président du conseil, M. Canovas del Castillo, et l’ancien ministre de l’intérieur, M. Romero Robledo, qui ont été élus dans plusieurs circonscriptions, notamment à Madrid. — M. Castelar et quelques-uns de ses amis ont triomphé dans quelques districts, sans être d’ailleurs combattus par le ministère. Il y aussi parmi les élus un petit groupe de démocrates dynastiques et un autre groupe de républicains radicaux ou révolutionnaires.

Que se passera-t-il dans la nouvelle chambre espagnole ? Évidemment, avec l’immense majorité dont il dispose, le cabinet a le moyen d’obtenir la ratification de tous les actes qu’il a accomplis depuis six mois, même de la perception discrétionnaire des impôts. Il rencontrera devant lui cependant des adversaires redoutables par le talent, par l’expérience des affaires, qui semblent résolus à soutenir énergiquement la lutte, qui peuvent dans certaines circonstances ne pas combattre sans succès sous un chef comme M. Canovas del Castillo. La meilleure preuve que les oppositions peuvent réussir en Espagne sans avoir le nombre, que les majorités ne font pas toujours vivre les ministères, c’est que M. Canovas del Castillo a été renversé il y a huit mois en pleine possession d’une majorité, et que M. Sagasta, alors chef d’une opposition peu nombreuse, a réussi. Ces crises intimes peuvent renaître, elles sont toujours possibles à Madrid ; elles ne se reproduiraient dans tous les cas que lorsque le parlement sera réuni, sous le coup de quelque incident nouveau ou de quelque conflit que le roi Alphonse serait appelé à résoudre par un acte d’autorité souveraine.

Ch. de Mazade.
LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


La crise monétaire a éclaté plus tôt qu’on ne l’avait prévu et avec une intensité qui a causé quelque surprise. On s’attendait à voir s’ouvrir en octobre ou au plus tôt dans la seconde quinzaine de septembre une période de cherté d’argent, mais on ne comptait pas que l’escompte serait à 4 pour 100 à Londres et à Paris avant la fin du mois d’août. De là l’effarement auquel s’est abandonné le marché aussitôt qu’il a vu ses prévisions si promptement démenties par l’événement.

Il y a quinze jours à peine, les journaux financiers hebdomadaires en Angleterre étaient d’avis que le drainage d’automne pour les États-Unis commencerait tard et ne porterait que sur des sommes relativement peu importantes. Une semaine après que ces prédictions étaient lancées, l’argent subissait un resserrement soudain à New-York, la réserve des banques associées tombait au-dessous du minimum légal, le change américain sur Londres descendait à 4.79 3/4 et l’on enlevait 25 millions de francs à la Banque d’Angleterre pour les États-Unis. Ainsi tous les calculs étaient bouleversés. On avait beau établir que l’Europe avait expédié 900 millions d’or au-delà de l’Atlantique en deux ans et demi, il était trop clair que les besoins de numéraire n’étaient encore nullement satisfaits dans cette immense agglomération sociale qui compte actuellement 50 millions d’habitans, qui inonde l’Europe de ses produits, tout en ne lui prenant que fort peu de marchandises en échange, et qui, soumise au régime du cours forcé depuis la guerre civile, n’a commencé qu’il y a quelques années à se constituer une circulation métallique.

L’effet a été immédiat. Le marché monétaire, qui avait supporté sans difficulté des retraits d’or s’élevant à 60 millions de francs pour le gouvernement italien parce qu’on sait à quelle limite s’arrêteront les demandes ayant cette destination, a été profondément troublé parce qu’il a été pris environ 25 millions de francs en quinze jours pour les États-Unis. C’est qu’il est impossible de prévoir quelles seront les exigences américaines, et comment il sera possible de protéger les encaisses métalliques du vieux monde contre les assauts qui vont leur être livrés.

La Banque d’Angleterre n’a donc pas hésité à élever le taux de l’escompte officiel de 2 1/2 à 3 pour 100, puis presque immédiatement de 3 à 4 pour 100. Les directeurs de la Banque de France ont adopté une mesure analogue, indiquant bien nettement par là qu’ils entendent suivre une politique différente de celle qui avait prévalu l’année dernière dans les conseils de cet établissement, alors que le taux de l’escompte avait été maintenu sans changement et qu’on avait laissé le champ libre aux exportations d’or, ce qui avait atténué, dans une très large mesure, les effets de la crise monétaire à cette époque.

Bruxelles et Berlin ont suivi l’exemple de Paris et de Londres, et aujourd’hui encore on se demande si, jeudi prochain, la Banque d’Angleterre ne sera pas forcée de porter le taux de l’escompte à 5 pour 100.

La question du prix des reports est étroitement liée avec celle du taux de l’escompte. Si l’argent se resserre pour le papier de banque ou de commerce, il est difficile qu’il s’offre à des conditions plus douces aux acheteurs de valeurs mobilières. Aussi l’élévation du taux de l’escompte a-t-elle immédiatement suscité de vives inquiétudes sur le sort de la liquidation mensuelle qui allait s’effectuer dans quelques jours. Elle a eu pour résultat immédiat de déterminer une baisse importante sur le 5 pour 100 et de compromettre irrémédiablement les positions des acheteurs à terme engagés sur ce fonds et qui depuis plusieurs mois se faisaient reporter à des conditions insensées.

Le 5 pour 100, dont le cours de compensation avait été fixé à 118 fr. Le 1er août, est tombé hier soir à 116 fr. 50, et à 116 fr. 30 après Bourse. Si l’on tient compte du report de fr. 50 à fr. 55 payé en liquidation, c’est plus de 2 pour 100 de perte pour les acheteurs. Des exécutions seront inévitables.

Les 3 pour 100 ont été moins maltraités, bien qu’on puisse les considérer comme offrant à l’épargne un placement moins rémunérateur que le 5 pour 100 au cours actuel, même avec la perspective, toujours lointaine, de la conversion. Aussi est-il probable que les capitaux de placement et les établissemens de crédit vont ramasser les rentes que l’on oblige aujourd’hui les acheteurs sans crédit à jeter sur le marché.

L’action de la Banque de France, contrairement aux autres valeurs mobilières, est appelée à bénéficier directement de toute élévation du taux de l’escompte. Aussi la hausse a-t-elle été fort importante en août; de 5,600 francs, ce titre s’est élevé au cours que nous prédisions le mois dernier, 6,000 francs.

Le Crédit foncier a reculé assez vivement jusqu’à 1,625. On a publié le texte de l’arrêt du conseil d’état, à propos duquel s’était élevée la querelle du rejet ou de l’ajournement. Aujourd’hui, il est avéré que le conseil d’état a bien rejeté les propositions du Crédit foncier dans leur forme actuelle, mais qu’il a simplement ajourné, jusqu’à plus ample informé, l’examen au fond de la question relative à l’augmentation du capital social.

La Banque de Paris a baissé sans raison spéciale jusqu’à 1,255, et il en a été de même de la plupart des titres des sociétés de crédit, qui ont fléchi de quelques francs sous l’influence des tendances générales du marché.

L’Union générale et sa fille aînée, la Banque des pays autrichiens, ont, par contre, poursuivi vaillamment leur carrière de hausse. Le premier de ces titres a été poussé jusqu’à 1,700, le second à 925. La fidélité des actionnaires de l’Union, leur confiance inébranlable dans la fortune de cet établissement et dans l’habileté de sa direction, la certitude que des bénéfices énormes ont été réalisés déjà dans le cours de l’exercice actuel, enfin l’imprudence des vendeurs à découvert, voilà ce qui peut expliquer cette prime de 1,200 fr. sur un titre libéré de 125 fr. seulement. En ce moment, on peut ajouter un autre motif spécial de hausse, la part prise par l’Union, conjointement avec la Banque des pays autrichiens, dans la création en Autriche de la Compagnie minière et métallurgique des Alpes autrichiennes, au capital de 30 millions de florins, divisé en trois cent mille actions de 100 florins chacune. Cette vaste entreprise représente huit sociétés anciennes fusionnées sous le patronage de l’Union et dont l’ancien capital s’élevait à 198 millions de francs et le domaine forestier et minier à 170,000 hectares. Elle est constituée au moment même où l’emploi du fer et de l’acier va prendre en Autriche-Hongrie une grande extension, par suite de la construction des chemins serbes et des autres lignes qui doivent raccorder le réseau austro-hongrois au réseau ottoman. Ajoutons, en ce qui concerne le Banque des pays autrichiens, que ses actionnaires sont convoqués en assemblée générale pour le 19 septembre et auront à se prononcer sur une proposition de doublement du capital social.

Les actions des chemins français, devenues des titres de spéculation, ont subi de larges fluctuations, mais se sont maintenues au-dessus des cours du commencement du mois. On a porté les lombards à 320, et le mouvement ne semble pas terminé.

Les titres des entreprises industrielles ont été bien tenus pendant tout le mois. Il y a longtemps que le gaz n’avait donné lieu à d’aussi faibles mouvemens de cours. Les recettes du Suez restent excellentes.

Le syndicat du 5 pour 100 italien n’a pas maintenu sans peine ce fonds au-dessus de 90 francs. L’arrivée à Constantinople de MM. Bourke et Valfrey a porté le turc à 17.50 et la Banque ottomane à 715. Dès que les délégués allemand et autrichien seront arrivés, les négociations seront engagées avec la Porte, qui paraît sincèrement désireuse d’arriver à un arrangement.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.