Chronique de la quinzaine - 14 septembre 1835

Chronique no 82
14 septembre 1835


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 septembre 1835.


Nous ne craignons pas d’être démentis par les esprits calmes et droits, par les hommes exempts de la passion frénétique qui s’est emparée de quelques démocrates apostats à la vue du miroir qu’on leur présentait chaque jour au visage, en disant que ce n’est pas la presse qui est sortie froissée de la dernière persécution dont elle a été l’objet. La colère et la vengeance conseillent mal. Nous avons vu un ministre, dissimulant mal sa colère, venir accuser la presse d’être violente et emportée. Un autre, apportant une loi digne de figurer dans les codes du moyen-âge, demandait des armes contre les prétendues théories sanguinaires de la presse. Ç’a été à la fois un triste spectacle et un spectacle instructif pour le pays que ce procès fait à la presse par des hommes qui n’ont d’autre titre, aux yeux de la nation, que le titre d’écrivain, et qui semblent avoir déposé, avec leur plume de journaliste, toute pudeur, tout principe de libéralisme et d’humanité. Nous en appelons à leurs propres partisans : qui voudrait avoir subi ces cruels et véridiques reproches d’apostasie que MM. de Broglie, Thiers et Guizot ont en quelque sorte acceptés dans cette discussion mémorable ? Tout ce qu’il y a de honte dans l’oubli de son origine, de ses principes, de sa parole, de la foi politique qu’on a enseignée hautement, a été dévoré par eux ; leur front est encore chaud des atteintes qu’ils ont reçues, et les reproches qui sont venus les frapper au milieu de ce qu’ils nomment leur triomphe, sont restés gravés dans tous les esprits. Et ce sont là les hommes qui veulent gouverner par l’intimidation ! Comme si la France, même la France distraite et insouciante d’aujourd’hui, était faite pour subir un pareil joug ! C’est une triste et gigantesque entreprise que de vouloir arracher à une grande nation les lois et les garanties sociales pour lesquelles elle a versé son sang ; et le ministère actuel verra, déjà peut-être dans la session prochaine, que des mains aussi faibles que les siennes, toutes hardies qu’elles sont, ne sauraient l’exécuter.

L’orgie politique que le pays semble regarder avec un étonnement précurseur de l’indignation, vient à peine de commencer. Mais voyez déjà quels pas elle a faits ! Cherchez un pouvoir qui ait été respecté par ceux qui se nomment le pouvoir, un corps de l’état dont ils aient ménagé la dignité depuis qu’ils se croient les maîtres de disposer à leur gré de toutes les forces de la France. On sait avec quelle brutalité M. Thiers traitait les députés ministériels qui doutaient de l’excellence de ses lois ? C’est à la chambre des pairs maintenant de subir le joug qu’on veut faire peser indistinctement partout. À peine vient-on de lui imposer la nécessité de voter des lois sans les amender (et quelle plus mortelle atteinte peut être portée à la liberté de discussion ?), que pour la récompenser de la presque unanimité de son vote, on procède à une nouvelle nomination de pairs. Jusqu’à ce jour, en saine politique, on ne recourait à une telle mesure que par nécessité ; une création de nouveaux pairs s’expliquait, soit par le besoin de renforcer une majorité douteuse, soit par l’obligation où se trouvait un ministère de récompenser des dévouemens qui menaçaient de s’affaiblir. Aujourd’hui on crée des pairs pour créer des pairs ; c’est une sorte de déclaration tacite, de réponse audacieuse faite à ceux qui accusent le ministère de rentrer dans les voies de la restauration. Le ministère tient à prouver qu’il ne redoute pas ces reproches, et pour mieux les braver, il s’est mis à fouiller dans les décombres des vieilles chambres du dernier régime, pour en retirer la fleur des majorités ministérielles des beaux jours de M. de Villèle et de M. de Corbière. Peu lui importe que la charte ait exigé renonciation des services rendus à l’état par les nouveaux pairs ; comme il ne pouvait écrire en tête des ordonnances de nomination de quelques-uns de ces pairs : Nommé pour avoir voté la loi du sacrilège, le milliard de l’indemnité, la loi des cours prévotales, il a préféré passer par-dessus cette formalité vaine, et s’en tirer par cette vague formule : Considérant les services rendus à l’état par M……… le nommons pair de France. M. Persil avait cru faire un acte de courage, en disant à la chambre : « Nous ne sortirons pas de la charte sans nécessité. » Mais MM. de Broglie, Thiers et Guizot sont plus courageux que M. Persil ; c’est sans la moindre nécessité qu’ils foulent encore à leurs pieds cet article de la malheureuse constitution de 1830.

Quelques-unes de ces nominations, celles de M. le marquis de Cordoue et de M. le marquis de la Moussaye, représentent la haine du ministère contre la presse, ardemment poursuivie, sous M. de Villèle, par ces deux illustres gentilshommes. La nomination de M. de Ricard, qui concourut à l’expulsion de Manuel, et voulut mander le Journal du Commerce à la barre de la chambre, exprime le même sentiment. En appelant au Luxembourg M. le duc de Cadore, M. Cambacérès, le marquis de Rochambeau et le vicomte Siméon, le ministère a voulu exprimer sa sympathie pour le principe de l’hérédité de la pairie. Quant à la chambre des députés, elle n’a fourni qu’un candidat, le comte de la Riboissière. Encore M. de la Riboissière doit-il plus sa pairie à son grade élevé dans l’état-major de la garde nationale qu’à sa qualité de député. Nous le répétons, il ne s’agissait pas de récompenser des services politiques, ni d’augmenter une majorité, mais d’émettre une déclaration de principes qui fût en même temps un fait. Le ministère ouvre ses bras aux hommes de la restauration, surtout à ceux qui s’étaient montrés ennemis de la charte de 1814 ; ceux-là, sans doute, feront bon marché de la charte de 1830. On connaît le mot d’une dame de la cour de Napoléon, lorsqu’elle apprit le retour des Bourbons : « Ah ! tant mieux, nous allons être des véritables comtesses. » Nos ministres parvenus sont ainsi faits ; ils ne se croiront vraiment ministres que le jour où ils verront dans leurs salons les centres de M. de Polignac et de M. de Villèle.

Aussi se dit-on avec orgueil qu’on refait la société, qu’on reconstitue la nation éparpillée et démoralisée par la chute du dernier pouvoir. Un ministre, qu’il n’est pas nécessaire de nommer, tant il sera facile de le reconnaître, disait il y a peu de jours : « Nous imitons en ce moment Napoléon, quand il vint au consulat. Nous rétablissons, comme fit Napoléon, la hiérarchie dans la société ; nous restaurons, comme lui, la religion, dont le pouvoir s’était séparé ; mais nous sommes dans une meilleure position que lui, parce que nous avons à notre tête des Bourbons et des princes véritables. Les souverains étrangers ne peuvent refuser notre alliance sous prétexte que nous sommes des parvenus, et pour nous entendre avec eux, il nous suffira d’écraser le parti révolutionnaire. Or, c’est ce que nous faisons et ce que nous ferons. » Ce langage vraiment curieux nous a été rapporté par un témoin auriculaire, tout-à-fait digne de foi.

Une réaction aussi nettement dessinée a son mérite en ce qu’elle sera vive et rapide. Il y a quelque temps, quelques bonnes âmes pouvaient encore se laisser tromper. M. Thiers étreignait, il est vrai, dans ses petits bras la révolution de juillet et le régime constitutionnel ; mais il feignait de les embrasser. M. Guizot parlait encore de son amour pour la liberté. Il semblait dater de 1829, et implorer l’oubli pour ses erreurs de 1815, pour ses projets de loi contre la presse et la liberté individuelle, pour sa justice de cours prévotales. On croyait encore à la probité politique de M. de Broglie, de cet homme de bien irrité, comme disait poliment M. Royer-Collard. Maintenant on se voit face à face ; et ces ministres, sortis de la presse de 1830 et des rangs du libéralisme de la restauration, dédaignent de continuer la comédie de quinze ans, qu’ils avaient jugé à propos de jouer encore durant ces cinq dernières années. Ceci vaut mieux. On saura plus tôt ce que veut la nation.

Demandez au ministère où est la nation, ce qu’elle veut ; M. Thiers vous dira que par un relevé des votes des conseils-généraux, fait récemment dans des bureaux de M. Gasparin, il appert que la France subit avec répugnance la liberté de la presse, la liberté individuelle, et toutes les libertés garanties par la Charte. De ce rapport il résulte que dans un grand nombre de localités, le ministère est supplié d’augmenter encore la centralisation impériale, de prendre encore quelques-unes des libertés publiques, et d’ajouter encore quelques monopoles à ceux que maintient l’administration. Le ministère ne demande pas mieux que d’aller au-devant de tous ces vœux ; mais il attend sans doute que le parti ultra de 1835, qui se renforce et grossit chaque jour, ait jeté de plus profondes racines ; alors on avisera aux moyens de remplir ces désirs officiels de la nation. Au moins, M. de Villèle subissait à contre-cœur les exigences de la congrégation ; aujourd’hui c’est avec joie qu’on se rapprocherait d’elle.

Tandis qu’en France on s’occupe activement à former une aristocratie, et à ramener les idées vers l’hérédité de la pairie, en Angleterre on se fait, sans trop d’effroi, à l’idée d’abattre cette noble et antique chambre haute, ou du moins on songe à l’empêcher de se perpétuer par la voie de succession. Qui eût dit, il y a quelques années, que l’Angleterre serait prochainement gouvernée par deux chambres électives ? Du continent et du pays où nous vivons, il est bien difficile de se faire une idée de la situation présente de l’Angleterre. S’il est très vrai, en thèse générale, qu’une aristocratie illustre, puissante, possédant depuis des siècles le rang et la fortune qu’il faut pour vivre dans l’ordre d’idées politiques le plus élevé, pour envisager les affaires publiques sous le plus large aspect, dégagée de toutes les entraves mesquines, de toutes les préoccupations journalières, de tous les petits calculs d’économie qui font de bons citoyens, des esprits droits et sévères, mais de pâles et timides hommes d’état ; s’il est vrai qu’une telle aristocratie soit bien propre à soutenir la splendeur d’un grand état, il faut convenir aussi que les lords dont se compose la majorité tory dans la chambre haute, ne forment pas une semblable aristocratie. Voyez quels sont les hommes qui dominent aujourd’hui dans l’opposition de la chambre haute, quels sont les lords qui s’opposent ordinairement aux projets de réforme, ceux qui traitent avec plus de dédain les ministres et les communes, ceux qui parlent sans cesse, ceux qui causent le plus d’irritation, ceux qui mettent tout en branle. Ce sont, pour la plupart, des hommes ruinés, tarés : les uns sans nom, pairs de fraîche date ; les autres sans fortune, ne vivant que de places et de traitemens, décriés, méprisés, ou traînant un nom royal dans le scandale des plus criminelles débauches. Nous nous abstiendrons de les nommer, mais leurs noms viendront à la bouche de tous ceux qui connaissent l’Angleterre. Loin de nous cependant la pensée de flétrir en eux toute l’aristocratie anglaise. Nous savons plus que personne peut-être combien elle compte d’hommes éclairés, instruits, de vénérables pères de famille, de grands citoyens, de bons officiers dévoués à leur pays, de savans agronomes qui consacrent une immense fortune à l’amélioration de la terre ; mais ceux-là étudient, méditent, combattent, naviguent, travaillent, et ne s’opposent pas violemment aux progrès nécessaires, et jusqu’alors vraiment sages, d’une saine réforme. Malheureusement, le public et les masses ne jugent l’aristocratie anglaise que par les hommes qui la représentent avec le plus d’assiduité dans le parlement, et ne sentent son action que par la violence de leurs discours contre le peuple. C’est là que se trouve la partie agissante de la pairie, c’est à cette bande d’aveugles ou de furieux, que s’adresse la curieuse lettre de Daniel O’Connel ; c’est elle qu’il nomme, aux applaudissemens de toute l’Angleterre, une meute constitutionnelle de chiens altérés de sang, constitutionnal blood-hounds, où le terrible et habile agitateur fait figurer, avec Wellington à leur tête, lord Winchelsea, lord Londonderry, lord Lyndhurst, lord Newcastle, les lords Kenyon, Ellenborough, Devon, et le duc de Cumberland lui-même.

Ce n’est pas qu’il n’y ait que des hommes violens et inhabiles dans le parti des orateurs du camp tory. Assurément, on ne pourrait donner une de ces épithètes à sir Robert Peel sans être taxé de folie. Le duc de Wellington ne manque, en certains jours, ni de profondeur ni d’habileté ; mais la dernière lutte a révélé la faiblesse des ressources parlementaires du parti. Pour sir Robert Peel, c’est, dans son parti, un homme unique. Les actes de son ministère et ses discours à cette époque resteront comme un monument de sagacité et de finesse. Si la cause du torisme pouvait être sauvée, sir Robert Peel serait le Christ ou le Luther de cette vieille croyance qui tombe de corruption et de vétusté. Dernièrement encore, dans un discours aux électeurs de Tamworth, il a su relever pour quelques momens, et par des prodiges de talent, la fortune abattue de son drapeau. Il faut convenir que la marche et les actes de notre ministère l’ont servi à souhait. Il lui a suffi d’étendre la main vers la France, et de montrer où les hommes d’état sortis de la démocratie, et parvenus au pouvoir à la faveur d’une révolution et d’une réforme, mènent un pays. Il a montré les libertés de la France s’en allant une à une, les démocrates, une fois assis au pouvoir, devenus les plus cruels ennemis des franchises populaires ; il a désigné du doigt toutes les plaies, encore saignantes, qu’on nous fait chaque jour ; et, s’appuyant d’exemples si récens, il a prouvé à ses électeurs déconcertés que toutes ces assemblées si vantées, qu’elles se nomment chambre des députés ou chambre des communes, ne se composent pas communément, comme ils pourraient le croire, de philosophes et de patriotes dévoués à l’intérêt du pays. « Ainsi il est bien prouvé, a dit sir Robert Peel, qu’il y a peu de fonds à faire sur un gouvernement populaire. L’espérance même qu’on avait fondée ici sur les trois glorieuses journées de juillet s’est à peu près dissipée, et les actes du gouvernement français sont le sujet de toutes les conversations. Quant à moi, je ne me plains pas du roi des Français, qui, je le crois, désire faire le bonheur de son peuple. Ce n’est pas sa faute s’il est forcé de recourir aux mesures qui, tout récemment, viennent d’être discutées par les chambres ; ce n’est pas la faute du gouvernement si la nation française est obligée de se soumettre à une tyrannie plus grande que celle qui pesait sur elle sous l’empire des anciennes lois du pays. Je crois pouvoir dire que les Français jouissent maintenant de moins de liberté que nous n’en avons nous-mêmes sous nos anciennes lois et avec le régime mixte et pondéré sous lequel nous sommes appelés à vivre. » — Voilà pourtant où en est une aristocratie plus vieille que le trône, et qui l’a établi, réduite à se défendre par d’humbles moyens qui ne le sauveront pas. Est-ce bien l’antique aristocratie anglaise qui demande grâce à genoux aux pauvres électeurs d’un bourg, et qui est réduite à promettre au peuple plus de liberté que n’en donnent les gouvernemens populaires ? Et pendant ce temps, on cherche dans un royaume voisin, nivelé par quarante ans de débats révolutionnaires, à courber la nation sous une aristocratie d’hier, incapable de pourvoir à ses propres besoins, au lieu de s’occuper des nécessités publiques, pouvant à peine se protéger elle-même, et réduite à vivre d’aumônes de fonds secrets, de places et de pensions !

Le principe démocratique qui lutte aussi en Espagne n’est pas, comme en Angleterre, aux prises avec une aristocratie nobiliaire qui défend les priviléges de son rang. Il se débat contre le principe bourgeois qui vient à peine de s’établir dans le gouvernement. Aussi le ministère français regarde-t-il l’affaire d’Espagne comme sa propre cause, et le cabinet espagnol est comme un télégraphe et un écho qui répète à la fois les paroles et les gestes de M. de Broglie et de M. Guizot. Le manifeste du nouveau ministère espagnol avait été complaisamment rédigé par M. de Broglie, et on dit même en famille ; du moins, on peut le soupçonner en voyant un gouvernement, et un gouvernement espagnol, citer Mme de Staël comme une autorité en politique et en diplomatie. Cette pièce si peu conforme aux idées de l’Espagne, écrite dans le jargon doctrinaire et philosophique de l’école, n’était pas composée pour Madrid, on le voit bien, mais pour Paris. Les livres de Mme de Staël devenus l’évangile politique de l’Escurial, les utopies de Coppet prêchées dans le palais de Ferdinand et de Philippe ii ! ce n’est pas là une des conceptions les moins bizarres de ce temps, une des idées les moins folles de nos grands hommes politiques.

On parle toujours d’intervention ; mais nous pouvons affirmer que M. de Broglie et M. Guizot s’opposent à cette mesure. M. Guizot dit qu’il faut donner à la France le spectacle salutaire des désordres que causent les principes démocratiques quand on ne leur oppose aucun frein. Le savant professeur se souvient des maximes classiques de Lacédémone, et des esclaves ivres dont on nous parle à l’école. Reste à savoir si la sainte-alliance, dont on veut mériter l’approbation, ne nous enverra pas une seconde fois en manière de gendarmerie pour étouffer le volcan révolutionnaire qui vient de s’allumer de nouveau dans la Péninsule. Au train dont vont les choses, ce ne serait pas la reine Isabelle, mais bien don Carlos que soutiendraient nos soldats. En attendant, on meuble les appartemens du château de Fontainebleau pour la régente d’Espagne. C’est une réponse assez péremptoire et un refus assez net à ses pressantes demandes d’intervention.


— Le Théâtre Italien ouvrira le 1er octobre. On annonce deux cantatrices nouvelles, deux opéras nouveaux, et la Norma, de Bellini, qui a déjà reçu les applaudissemens de l’Italie et de l’Angleterre. Tout nous promet une saison des plus brillantes ; Mlle Grisi, Rubini, Tamburini et Lablache nous reviennent, prêts à nous faire entendre le Matrimonio secreto, le Mosè, la Donna del Lago, la Prova, etc. On ne saurait donner trop d’éloges à l’habile direction de MM. Robert et Severini.

— L’Opéra s’occupe avec ardeur de la mise en scène de la nouvelle partition de Meyerbeer, que l’orchestre et les premiers sujets applaudissent chaque jour avec enthousiasme aux répétitions. Les chœurs de l’Opéra, déjà si beaux, viennent d’être augmentés de plus de trente sujets, parmi lesquels on compte des voix remarquables, appelées tout exprès de Vienne et de Berlin. On s’apprête aussi à représenter à l’Académie royale de Musique le magnifique deuxième acte de Fidelio, où les chœurs jouent un si grand rôle. Ainsi, M. Duponchel, dont on connaissait le goût pour le luxe des costumes et des décors, débute par de louables tentatives musicales, et introduit Beethoven à l’Opéra. Nous sommes heureux de voir M. Duponchel dans cette voie ; ses efforts méritent d’être encouragés. Nous voyons encore un témoignage du goût de M. Duponchel pour une bonne exécution musicale dans la mise à la retraite de M. et Mme Dabadie.

— Un nouveau roman de Fenimore Cooper, les Monikins, a paru chez le libraire Charpentier. C’est une fine critique de la société moderne. Cest principalement sur les institutions politiques, sur les coutumes de l’Angleterre, ainsi que sur les mœurs et les usages de son propre pays, que le célèbre romancier a jeté le sarcasme à pleines mains. M. Benjamin Laroche, auquel nous devons en ce moment une excellente traduction de Byron, a rendu avec bonheur le texte anglais ; nous recommandons spécialement sa traduction.

M. Ch. Calemard de Lafayette publie une nouvelle traduction avec le texte en regard de la Divine Comédie de Dante Alighieri. La tâche du traducteur chargé de naturaliser en français les beautés de l’original est un supplice que Dante avait oublié de placer dans son enfer. Déjà, en 1829, M. Antoni Deschamps avait essayé de traduire plusieurs fragmens du poète gibelin. M. Calemard de Lafayette n’a pas reculé devant la traduction complète de la Divine Comédie. S’il est quelquefois tombé dans l’obscurité et l’incorrection, néanmoins on ne saurait trop encourager de pareils essais ; la langue et l’auteur gagnent également à ces tentatives.