Chronique de la quinzaine - 14 mai 1896

Chronique n° 1538
14 mai 1896


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 mai.


Notre situation intérieure s’est très heureusement éclaircie depuis quinze jours. Nous annoncions dans notre dernière chronique la constitution, à peu près achevée déjà, du ministère Méline ; mais ce ministère n’avait pas encore comparu devant la Chambre, et les radicaux et les socialistes mettaient une fière assurance à prédire que, dès sa première rencontre avec le parlement, il serait renversé. Sa chute, à les entendre, était une question d’heures. Il n’y avait pas à se préoccuper beaucoup de ces sombres pronostics, car ils se produisent généralement à la naissance de tout nouveau ministère, et ils ne se réalisent pour ainsi dire jamais. La Chambre a l’habitude d’ouvrir un crédit plus ou moins long à chacun des cabinets qui se succèdent devant elle ; tantôt il se compose de mois et tantôt seulement de semaines ; mais il se prolonge toujours quelque temps. C’est ce qui est arrivé pour le ministère radical présidé par M. Bourgeois. On n’a pas oublié qu’un des membres les plus modérés de la Chambre a manifesté tout haut l’intention de le laisser et même de le faire vivre, afin de lui assurer le loisir de bien montrer ce dont il était capable, faculté dont M. Bourgeois et ses collaborateurs ont usé pendant les quatre premiers mois de leur existence au milieu d’une admirable tranquillité. Si tous les ministères ne sont pas aussi heureux, presque tous profitent de cette espèce de trêve par laquelle on accueille leurs débuts. Il est vrai que le ministère actuel est venu au monde dans des circonstances particulières. Son prédécesseur n’a pas été renversé par la Chambre, mais par le Sénat. Nous nous garderons bien de reprendre la discussion qui s’est élevée à ce sujet, et qui a mis en cause les droits respectifs des deux assemblées ; on n’est pas parvenu à y intéresser le pays ; mais les radicaux espéraient qu’ils y intéresseraient suffisamment l’amour-propre de la Chambre des députés pour provoquer dans son sein un mouvement de mauvaise humeur et même de colère dont le cabinet Méline deviendrait l’innocente victime. Cela serait peut-être arrivé s’il y avait eu, au Palais-Bourbon, le moindre regret du cabinet déchu. Les radicaux croyaient que le ministère Bourgeois jouissait sincèrement de la faveur de la Chambre, parce qu’il avait jusqu’au bout recueilli ses votes. Erreur profonde ! La Chambre, elle ne l’a que trop prouvé, n’osait pas renverser le cabinet radical, mais elle en était de plus en plus excédée. L’agitation que ce ministère était parvenu à créer en province, quelque artificielle qu’elle fût, exerçait sur son esprit une double impression ; elle en était sérieusement inquiète pour la marche de nos affaires ; elle en était aussi préoccupée pour elle-même, et l’arrogance chaque jour croissante de la presse et des comités radicaux ne laissait pas d’exercer sur elle une certaine intimidation. Malgré tout, la majorité du ministère diminuait chaque jour, et elle ne se serait pas maintenue longtemps au Palais-Bourbon quand même le secours ne serait pas venu d’ailleurs ; mais il y a lieu de croire, en dépit des apparences, que la Chambre n’a pas été fâchée que le Sénat lui ait épargné la responsabilité de renverser le ministère Bourgeois. Au fond de l’âme, elle en a été satisfaite. Certaines susceptibilités intimes, qui tiennent à l’idée qu’elle aime à se faire de la supériorité de ses pouvoirs, ont pu sur le premier moment être mises en éveil : le lendemain, elles étaient calmées. Voilà pourquoi, lorsque M. Goblet est venu apporter à la tribune la critique à la fois véhémente et acerbe de la manière dont le ministère avait été constitué, il a rencontré sur presque tous les bancs de la Chambre une froideur qu’il n’a pas réussi à vaincre.

Les modérés affirmaient, quelques jours auparavant, que le ministère Bourgeois était inconstitutionnel parce que, mis en minorité par le Sénat, il persistait à vivre. M. Goblet, au nom des radicaux, a soutenu de son côté que le ministère Méline était inconstitutionnel, parce qu’il n’avait pas été pris dans la majorité de la Chambre. Mais où est la majorité de la Chambre ? Nous nous le demandions il y a quinze jours, et nous avions quelque peine à le dire. La Chambre seule pouvait faire à cette question une réponse valable. A quoi bon discuter indéfiniment sur la majorité de la veille, au lieu de s’assurer si elle vivait encore ? Toute l’argumentation de M. Goblet s’effondrait devant le vote par lequel le débat devait se terminer. Ce vote a donné à M. Méline une majorité de 34 voix. Dès lors, même en se plaçant au point de vue où s’étaient mis les radicaux, il était impossible de prétendre plus longtemps que le ministère était inconstitutionnel. Il ne l’était pas moins de soutenir que les droits du suffrage universel, c’est-à-dire de la Chambre, avaient été sacrifiés aux prétentions du suffrage restreint, c’est-à-dire du Sénat, puisque la Chambre avait confirmé à son tour la déchéance de l’ancien ministère en donnant la majorité au nouveau. Les radicaux et les socialistes, exaspérés de ce résultat, ont annoncé dès le lendemain la fondation d’une grande Ligue ayant pour objet la défense du suffrage universel, comme si qui que ce soit le menaçait. M. Bourgeois a pris la direction de cette Ligue, entreprise assez puérile, à laquelle on peut prédire un échec certain. L’attitude de M. Léon Bourgeois dans l’interpellation adressée au ministère n’a d’ailleurs pas contribué médiocrement à la consolidation de celui-ci. Personne n’a reconnu M. Bourgeois sous la forme nouvelle, violente et agressive, qu’il a donnée à son opposition. Ce n’était plus l’homme qu’on avait connu, ou qu’on avait cru connaître. Il avait montré jusqu’alors une humeur facile, indulgente pour tous les systèmes, accueillante pour toutes les personnes ; on le soupçonnait de quelque scepticisme, celui des hommes d’esprit ; on le regardait volontiers comme supérieur au rôle qu’il avait joué, et surtout à la plupart des collaborateurs que les circonstances lui avaient peut-être imposés ; on hésitait à croire que la politique suivie par lui était vraiment la sienne, et on ne désespérait pas de le voir revenir un jour à une autre, plus conciliante et plus large. Aussi l’étonnement a-t-il été général lorsqu’on l’a entendu prendre et développer à son compte le programme radical, dont il s’appliquait à mettre en relief les arêtes les plus aiguës. Il avait l’air lui-même préoccupé, presque sombre, pourtant résolu. L’âme du vieux Madier de Montjau semblait respirer en lui, et personne n’aurait été surpris qu’il eût terminé son discours en prononçant à son tour le fameux cri de guerre : « Sus au Sénat ! » C’est, en effet, contre le Sénat qu’a été tournée toute sa harangue, comme si le Sénat avait, en le renversant, commis un crime inexpiable et mérité par-là d’être à son tour renversé, révisé, privé de ses droits essentiels, ou mis désormais dans l’impossibilité de les exercer. Rien n’obligeait M. Bourgeois à intervenir dans le débat, et les précédens le lui déconseillaient. Il est d’usage qu’un ministre, au lendemain de sa chute, soit le premier à accorder à ses successeurs le temps de répit dont nous avons parlé plus haut. Mais M. Bourgeois a changé les usages. Après tout, nous ne le lui reprochons pas ou plutôt ce n’est pas cela que nous lui reprochons. Il a eu le mérite de faire un ministère homogène, et de sortir de cette promiscuité gouvernementale que nous avons pratiquée et dont nous avons souffert assez longtemps. Il a imposé à son successeur la nécessité de faire à son tour un ministère homogène, en interdisant à ses amis d’y entrer : c’est encore un service qu’il a rendu. Les ministères homogènes ne se succèdent pas seulement, ils se remplacent. Ils sont le contraire les uns des autres, ceux-ci radicaux, ceux-là modérés. Dès lors, quoi de plus naturel que l’opposition franche et déclarée qu’ils se font mutuellement ? Nous sommes entrés dans une période politique nouvelle, où des mœurs nouvelles doivent prévaloir. Que M. Bourgeois ait tout de suite attaqué ses successeurs, soit ; il a peut-être bien fait ; en tout cas, rien n’était de sa part plus légitime. Qu’il adopte aujourd’hui le programme radical dans son intégralité, alors qu’il avait auparavant réclamé le droit d’y faire un choix judicieux et, pour le moins, d’en ajourner certaines parties, cela le regarde et ne regarde que lui. Mais où il a dépassé la mesure, c’est lorsqu’il a enjoint à M. Méline d’exécuter ce même programme, et de commencer par la révision. Il s’exposait à une réponse trop facile, et à laquelle il n’a pas échappé : — Pourquoi n’avez-vous pas fait vous-même ce que vous nous demandez de faire ?

Déjà M. Paul Deschanel, dans un discours vif, pressant, éloquent, avait mis au jour, point par point, l’impuissance où s’était trouvé le cabinet radical d’exécuter le moindre article de son programme. La démonstration n’était pas nouvelle, mais elle était plus opportune que jamais. Elle n’était pas nouvelle parce que M. Deschanel ne s’était pas privé, pour son compte personnel, du plaisir de la présenter déjà. Dès le début de son ministère, il avait mis M. Bourgeois au défi de réaliser une seule des réformes qui constituent le bagage politique du radicalisme : il était donc mieux que personne en situation de constater l’absolue stérilité du gouvernement radical, et c’est une tâche dont il s’est fort bien acquitté. Après cela, M. Bourgeois était mal venu à demandera M. Méline défaire quoi ? précisément ce qu’il n’avait pas osé faire lui-même. De toutes les promesses du radicalisme, celles qui se rattachent à la révision de la Constitution ne sont certes pas les plus faciles à tenir. Aussi, en arrivant au pouvoir, M. Bourgeois s’était-il bien gardé de les renouveler ; il avait ajourné la révision ; il s’était refusé à la mettre dans son programme. Mais il exige maintenant qu’elle figure dans celui de M. Méline. On conviendra que la prétention est singulière. Elle le serait en tout temps ; elle l’est plus encore à l’heure où nous sommes. M. Bourgeois est mort du conflit qu’il a eu l’imprudence et la maladresse d’ouvrir avec le Sénat. Ne pouvant pas le prolonger plus longtemps, il a donné sa démission. Le lendemain, que demande-t-il à M. Méline ? De continuer, en l’aggravant, cette même politique sous le poids de laquelle il a succombé. En l’aggravant, disons-nous : il est clair, en effet, que toute proposition de révision serait en ce moment un acte d’hostilité directe contre le Sénat, et que le Gouvernement qui en prendrait l’initiative se mettrait à l’égard de la haute assemblée dans une situation encore plus mauvaise que celle où était hier M. Bourgeois. Si celui-ci a pu croire que M. Méline tomberait dans le piège, il a été bientôt détrompé. En quelques mots empreints de cet accent d’honnêteté politique qui fait toujours impression sur les Chambres, M. Méline a refusé de suivre son prédécesseur sur le terrain où il voulait l’attirer. Il est venu, non pas pour faire durer le conflit, mais pour y mettre fin ; non pas pour maintenir le désaccord entre les pouvoirs publics, mais pour y rétablir l’harmonie ; non pas pour agiter les passions, mais pour les apaiser. On ne pouvait mieux dire, et dès ce moment M. Méline a été sûr d’avoir la majorité dans la Chambre. Mais on se demande encore ce que s’est proposé et ce qu’a espéré M. Bourgeois. Certainement, il n’a pas espéré que M. Méline se ferait docilement le simple continuateur de sa politique, et qu’il en tirerait les conséquences devant lesquelles il a lui-même reculé. Alors, quel a été son but ? En mettant désormais la révision en tête de son programme, la révision ayant pour objet d’infliger au Sénat les amputations les plus douloureuses, M. Bourgeois rendait son retour au pouvoir beaucoup plus difficile dans l’avenir : nous devons donc penser qu’il a voulu le rendre immédiat, et qu’il a cru y réussir. Il s’est trompé sur la profondeur des susceptibilités que le rôle important joué par le Sénat avait pu provoquer dans la Chambre. Celle-ci avait déjà affirmé sa prépondérance par un vote rendu au cours de l’interrègne ministériel ; il s’est imaginé qu’elle ne se contenterait pas d’une démonstration platonique, et qu’elle irait jusqu’à renverser ab irato un gouvernement qui représentait la victoire sénatoriale. Il a fait ce qui dépendait de lui pour entretenir, pour aviver dans la Chambre les sentimens de jalousie constitutionnelle qui devaient, selon lui, l’entraîner à un acte d’emportement et de violence. La Chambre a résisté à la tentation. S’il en avait été autrement, que serait-il arrivé ? Le soir même, M. Bourgeois aurait été de nouveau président du Conseil ; il serait rentré aux affaires avec ses collaborateurs déjà connus ; peut-être aurait-il éprouvé à ce dénouement une première satisfaction d’amour-propre, mais la situation du lendemain aurait été singulièrement difficile et compliquée. Il est hors de doute que le Sénat, relevant le défi qui lui aurait été adressé, aurait refusé de voter la révision. Alors, qu’aurait fait M. Bourgeois ? Un seul moyen se serait présenté à lui de sortir ou d’essayer de sortir de l’impasse où il aurait eu l’imprudence d’entrer, à savoir de demander au Sénat de dissoudre la Chambre et de faire appel au pays. Si le Sénat avait refusé la dissolution, c’était le conflit à l’état permanent, l’impossibilité de faire voter définitivement une loi quelconque, enfin le retour à un état d’impuissance gouvernementale qui, de nouveau, aurait abouti au rejet des crédits les plus indispensables et finalement du budget. Si le Sénat avait accordé la dissolution, c’était la question de la révision posée au pays lui-même dans des conditions détestables, au moment où les passions auraient étende part et d’autre le plus excitées, au moment où les esprits auraient été le plus troublés. L’agitation aurait pris dès le début une allure révolutionnaire. Toutes les forces gouvernementales et administratives, entre les mains d’un ministère jouant le tout pour le tout, auraient été mises au service non seulement du radicalisme, mais du socialisme. La Chambre, avant d’émettre son vote, a-t-elle eu la vision rapide des conséquences qu’il pouvait entraîner ? Peut-être. Mais M. Bourgeois, avant de prononcer son discours, s’est-il rendu compte lui-même des dangers auxquels, pour venger sa chute, il exposait le pays et la République ? S’il ne s’en est pas rendu compte, que faut-il penser de son esprit politique ? Et, dans le cas contraire, que faut-il penser de lui ?

Nous aurions tort, toutefois, d’éprouver et d’exprimer des craintes au sujet du pays, car, depuis quelques semaines, il a multiplié les preuves de sagesse et de bon sens. On n’a pas oublié les votes des conseils généraux : par eux, le pays a dit ce qu’il pensait de l’impôt sur le revenu. Il vient de donner une consultation nouvelle, d’autant plus importante qu’elle a été directe, et qu’elle s’est produite dans les trente-six mille communes de France. Les radicaux socialistes, sans prendre le temps de connaître le résultat des élections municipales, avaient annoncé avec une superbe confiance qu’il était tout en leur faveur. Ils continuent de le répéter aujourd’hui, sachant que de toutes les figures de rhétorique la répétition est celle qui exerce, à la longue, le plus d’influence sur les esprits. D’ailleurs, comment contrôler leur dire ? Il n’est pas facile de voir clair dans une telle multitude de scrutins, et c’est à peine si, jusqu’à ce jour, le ministère de l’Intérieur a pu débrouiller ce qui s’est passé dans les chefs-lieux d’arrondissement. Au moment où nous écrivons, sur 359 chefs-lieux d’arrondissement, voici comment les scrutins se décomposent. Dans 238 chefs-lieux, la majorité appartient aux républicains qui n’éprouvent le besoin de s’affubler d’aucune épithète particulière, et ils ont la totalité des sièges dans 77. Dans 66 chefs-lieux, la majorité appartient aux radicaux, et dans 27 ils ont la totalité des sièges. Dans 15 chefs-lieux, la majorité appartient aux radicaux-socialistes, et dans 7, aux socialistes purs. Les ralliés, que nous considérons comme des républicains, n’ont la majorité que dans 3 chefs-lieux d’arrondissement, et les membres de la droite l’ont dans 18. Voilà le bilan : il pourrait être meilleur sans doute, mais il n’est pas fait pour décourager. Si la même proportion se maintient pour l’ensemble des communes, — et tout porte à croire que, dans le cas où elle ne se maintiendrait pas, c’est que nos communes rurales auraient nommé un plus grand nombre de modérés ; le socialisme a encore fait peu de ravages dans les campagnes, — si la même proportion se retrouve lorsque nous ferons le total des scrutins, nous demanderons aux radicaux et aux socialistes ce qui les autorise à prétendre qu’ils ont remporté une grande victoire, et que cette victoire influera prochainement sur la composition du Sénat. On sait que les délégués des conseils municipaux forment la grande majorité des électeurs sénatoriaux. Tout porte à croire, contrairement aux affirmations radicales et socialistes, que les futures élections sénatoriales ressembleront beaucoup aux anciennes. La vérité, en effet, autant qu’on peut la dégager de cet immense pullulement de scrutins, est qu’il n’y a rien de changé en France. On peut relever quelques modifications particulières, soit sur un point, soit sur un autre, mais elles se compensent, et elles se perdent dans la masse. Qu’est-ce à dire, sinon que l’immense effort fait par les radicaux et les socialistes, la fureur de propagande à laquelle ils se sont livrés, l’appui que pendant six mois ils ont trouvé auprès du gouvernement, tout cela a été inutile et n’a abouti exactement à rien. Le fond solide du pays n’a pas été entamé. Et c’est là une constatation rassurante : il s’en faut encore de beaucoup que les radicaux et les socialistes soient les maîtres du pays. Il suffit aujourd’hui, pour remettre toutes choses en état, d’un gouvernement qui s’inspire du bon sens général, et fasse œuvre de pacification et de réparation. M. Méline a déclaré qu’il voulait être ce gouvernement : c’est pour cela que la Chambre lui a donné une majorité qui, nous n’en doutons pas, se trouvera sensiblement augmentée à la reprise des travaux du parlement.


L’importance exceptionnelle de nos affaires intérieures nous a un peu détourné, depuis quelque temps, des affaires extérieures : nous sommes obligé aujourd’hui encore d’en parler en termes rapides. ! Il faut pourtant dire quelques mots des événemens qui se sont déroulés en Afrique, soit au sud, soit à l’est, c’est à dire au Transvaal et en Erythrée, et des contre-coups qu’ils ont eus en Europe.


L’ébranlement produit par la folle équipée du docteur Jameson n’est pas encore près de prendre fin. À mesure que le temps s’écoule, la situation semble même, au moins au point de vue moral, s’aggraver davantage. Que s’est-il passé dans la courte entrevue que M. Cecil Rhodes a eue à Londres avec M. Chamberlain ? M. Cecil Rhodes a-t-il dit toute la vérité, et même la lui a-t-on demandée sur les événemens qui se sont déroulés depuis quelques mois, dans le sud africain ? A-t-il avoué à M. Chamberlain, ce qui est aujourd’hui hors de doute, à savoir qu’il a été le principal inspirateur et instigateur de l’entreprise si imprudemment conduite par le docteur Jameson ? En tout cas, rien dans la conduite de M. Chamberlain ne permet de croire qu’il ait su toute la vérité, puisque, au cours de la dernière discussion qui vient d’avoir lieu à la Chambre des communes il s’est exprimé comme il suit : « Les dépêches chiffrées publiées par le président Krüger attestent la complicité des directeurs africains de la Compagnie à Charte, mais elles ne prouvent pas que M. Rhodes ait approuvé, au moment où elle s’est produite, l’invasion de Jameson. » Nous laissons au lecteur le soin d’apprécier ce que vaudrait cette excuse, même si elle était fondée. Après avoir tout autorisé, tout encouragé, tout préparé, il importerait assez peu que M. Cecil Rhodes n’eût pas, au dernier moment, donné le signal définitif ; mais la vérité est qu’il l’a donné. Au moment même où M. Chamberlain se livrait à de très inutiles réticences, les journaux publiaient les extraits d’un livre de notes trouvé dans la poche du major White. Le carnet porte que ces notes ont été prises pour être communiquées à Jameson. En voici les dernières lignes : « 20 décembre : reçu dépêche du colonel Rhodes disant qu’il enverra un télégramme chiffré quand il faudra se mettre en marche. Répondu que nous ne recevrons nos ordres que de Cecil Rhodes. — 29 décembre : reçu dépêche de Cecil Rhodes disant de marcher immédiatement sur Johannesburg. » Ainsi les conspirateurs déclaraient qu’ils ne se contenteraient pas du mot d’ordre transmis par le propre frère de M. Cecil Rhodes. Ils voulaient ne le recevoir que de celui-ci en personne, et ils l’ont reçu. A quoi bon, d’ailleurs, disputer sur le plus ou moins de responsabilité de M. Cecil Rhodes ? Mieux vaut, au point où en sont les choses, avouer qu’elle a été pleine, entière, et, pour parler exactement, qu’elle prime toutes les autres. M. Cecil Rhodes a été la tête, Jameson n’a été que le bras. L’invasion du Transvaal a été préparée, machinée de très longue main par les directeurs africains de la Compagnie à Charte et par le premier et le plus puissant d’entre eux. Il semble bien que les agens directs du gouvernement anglais dans l’Afrique australe, ou du moins ceux qui sont aujourd’hui en fonctions, ont été laissés en dehors de toute l’affaire et qu’ils ont pu l’ignorer ; mais alors il faut reconnaître qu’ils ont mis peu d’empressement à se renseigner. Depuis longtemps déjà l’orage grondait. L’inquiétude était générale à Johannesburg : on y parlait couramment du danger chaque jour plus menaçant. Le gouvernement anglais a un représentant au Transvaal, mais celui-ci n’a rien vu ; il a été maintenu jusqu’au dernier moment dans l’ignorance la plus profonde de ce qui se tramait ; il a été surpris par l’événement. On nous demande d’admettre tout cela et nous l’admettons. Le gouvernement anglais a été étranger à une entreprise qui a si mal tourné, soit ; il n’en est pas de même de la Compagnie à Charte. C’est par elle que l’entreprise a été conduite, et sa seule excuse est qu’elle n’a peut-être pas exclusivement obéi à des motifs intéressés. On assure que le patriotisme y est entré pour quelque chose, et cela est possible ; mais si les égaremens du patriotisme sont excusables, il faut se borner à les excuser et non pas les innocenter. M. Chamberlain est-il resté jusqu’au bout dans cette juste mesure ? Nous avons approuvé son attitude au moment où se sont produites les premières complications du Transvaal. Il a fait des efforts impuissans mais sincères pour arrêter Jameson ; il l’a blâmé ; il a parlé le langage de la raison et de la probité politiques. Lorsqu’il s’est adressé à M. Krüger pour lui recommander la clémence, il a usé des termes les plus convenables. On sait quelle a été la conduite de M. Krüger, et à quel point elle a été digne d’éloges : il a remis Jameson entre les mains des autorités britanniques, en laissant à l’Angleterre le soin de prononcer le jugement qui lui paraîtrait équitable. A partir de ce jour, le ton adopté par M. Chamberlain dans ses rapports avec M. Kruger et son gouvernement s’est modifié d’une manière sensible ; il a pris le caractère d’une supériorité très accusée ; il a cessé d’avoir cet air de condescendance amicale qui convient pourtant si bien à une grande nation à l’égard d’une petite, au ministre d’un puissant empire envers le chef élu d’un pays de médiocre étendue, mais néanmoins indépendant. Sans doute les négociations poursuivies départ et d’autre ne marchaient pas au gré de M. Chamberlain. Il s’était un peu trop pressé d’annoncer que le président de la République transvaalienne se rendrait à Londres pour régler définitivement les difficultés pendantes entre les deux pays. M. Kruger ne s’y refusait pas en principe ; il se montrait au contraire disposé à donner à M. Chamberlain cette satisfaction ; mais, en homme prudent, il se rendait compte qu’une pareille démarche de sa part devait avoir pour objet de consacrer un accord déjà établi, et non pas d’en discuter et d’en fixer les bases. M. Chamberlain a déclaré depuis au parlement que les prétentions du Transvaal avaient été inadmissibles, et il en a manifesté sa mauvaise humeur en retirant l’invitation qu’il avait adressée à M. Krüger. Ce retrait était inutile, puisque M. Kruger n’était rien moins que disposé à se rendre à l’invitation du gouvernement britannique, dans les conditions où elle lui avait été faite : il signifiait seulement que les négociations étaient rompues, ou du moins interrompues. Il y a eu là, pour la politique de M. Chamberlain, un échec provisoire peut-être, réparable sans doute, mais incontestable. Les exigences de M. Kruger étaient, dit-on, considérables, et cela est vrai. D’après les livres bleus, il aurait voulu que l’Angleterre renonçât à la convention de Londres qui établit, en ce qui concerne sa politique extérieure, une certaine dépendance du gouvernement du Transvaal ; il réclamait de plus une indemnité pour le tort qui avait été causé à la république. Quant aux réformes demandées par M. Chamberlain au profit des uitlanders, et cela en termes de plus en plus pressans, M. Kruger se montrait fort réservé, non pas sans doute qu’il n’eût pas l’intention d’en faire, mais parce qu’il ne voulait les promettre que moyennant certaines satisfactions ou garanties. De part et d’autre, la situation est devenue rapidement de plus en plus tendue. Peut-être, à mesure qu’elle le devenait davantage, M. Kruger a-t-il mieux aperçu les inconvéniens de son voyage à Londres. Certaines choses ont pu légitimement le froisser, par exemple l’accueil fait à Jameson par une partie considérable de l’opinion anglaise, et aussi les interminables lenteurs de son procès. Le procès des conspirateurs de Johannesburg a été mené beaucoup plus vite, et il a abouti à une sentence de mort contre quatre des principaux conjurés. Ils seront graciés, c’est entendu, ou du moins ils bénéficieront d’une commutation de peine ; mais la sévérité de la sentence montre la gravité, aux yeux de la loi transvaalienne, du crime qu’ils ont commis. Ce crime, il ne faut pas l’oublier, leur est commun avec Jameson qui est en liberté sous caution à Londres, attendant un jugement qui viendra on ne sait quand, et avec M. Cecil Rhodes qui continue de diriger en dictateur, dans l’Afrique australe, les destinées de la Compagnie à Charte : exemple inquiétant de ce que la justice humaine a de variable suivant les latitudes et de sa subordination à de certains intérêts. Nous allons voir que M. Chamberlain a presque établi la théorie de cette subordination. M. Krüger a pris le parti de saisir en quelque sorte la conscience universelle des faits dont il avait à se plaindre au nom de son pays. Il a distribué assez copieusement aux journaux des extraits de la correspondance saisie sur les prisonniers, et c’est de cette publication qu’est ressortie avec évidence la preuve de la participation personnelle et directe de M. Cecil Rhodes à ce qu’on avait cru d’abord être un coup de tête d’un étourdi généreux, alors qu’il s’agissait d’une vaste conspiration de la Compagnie à Charte et de son principal directeur.

Ces révélations inopinées devaient avoir leur contre-coup à la Chambre des communes. Sir William Harcourt a tenu à dire ce qu’en pensait le parti libéral. Il a caractérisé sans aucun ménagement la conduite de la Compagnie à Charte, association financière, a-t-il dit, dont le crime est palpable, dont l’odieuse cupidité a produit tout l’imbroglio que découvrent les fameuses dépêches publiées par M. Krüger et qu’il a qualifiées lui-même de « monumens de l’impérialisme boursicotier. » Enfin, il a demandé au gouvernement ce qu’il comptait faire : la Compagnie à Charte dépend de lui, et il ne pourrait pas s’abstenir sans assumer une part de responsabilité ou de complicité dans toute cette affaire. Il est impossible d’être plus véhément que ne l’a été sir William Harcourt ; mais on a remarqué qu’il n’avait pas conclu, et que, parlant au nom de l’opposition libérale, il n’avait rien proposé lui-même, et s’était contenté d’interroger le gouvernement sur ses propres intentions. Ses intentions, M. Chamberlain ne les a pas cachées ; il ne veut rien faire du tout. Avant la séance de la Chambre des communes, les membres du conseil d’administration de la Compagnie à Charte avaient essayé de savoir de lui s’ils devaient accepter la démission de M. Cecil Rhodes, — car M. Cecil Rhodes a donné sa démission. Il est vrai que, par une dépêche ultérieure, il a fait entendre qu’on aurait tort d’y donner suite avant la répression de la révolte des Matabélès. Encore une révolte singulièrement opportune : dès que M. Cecil Rhodes a été de retour dans l’Afrique australe, elle a éclaté, et lui seul, personne n’en doute, est à même de la réprimer. Il est de plus en plus l’homme nécessaire. — Aussi, M. Chamberlain s’est-il refusé à donner un conseil quelconque à la Compagnie à Charte : c’est à elle à s’inspirer de ses intérêts. Devant la Chambre des communes, il a été un peu plus communicatif. Il n’a pas hésité à condamner la conduite de M. Cecil Rhodes, mais avec combien de circonstances atténuantes ! M. Cecil Rhodes a souffert, a-t-il dit, « de la suprême défaillance des nobles natures » : son patriotisme l’a entraîné. Il a été coupable, sans doute ; mais ce n’est pas une raison pour oublier les immenses services qu’il a déjà rendus, et surtout pour se priver de ceux qu’il peut rendre encore. « Sans des hommes comme celui-là, s’est-il écrié, l’histoire de l’Angleterre serait moins brillante, et les possessions britanniques seraient beaucoup moins vastes. » Ce sont des choses qu’on peut penser ; mais on hésite d’ordinaire à proclamer en langage officiel que la grandeur d’un pays repose trop souvent sur la fraude et sur la violence. M. Chamberlain n’a pas reculé devant cette confession publique. Pour être, de notre côté, tout à fait francs, nous comprenons fort bien que, dans les circonstances actuelles, le gouvernement anglais ne veuille pas sacrifier M. Cecil Rhodes, car il a grand besoin de lui ; mais M. Chamberlain aurait pu le dire avec moins de détours, et en employant des argumens plus simples et plus modestes. Ce qui déplaît le plus dans la politique anglaise, c’est le pharisaïsme dont elle s’enveloppe : nous avons de la peine à nous y faire sur le continent européen. En veut-on un exemple ? Un ministre français, ou allemand, ou autrichien, ou russe, ou même italien, aurait pu employer, en y mettant plus de rondeur, quelques-uns des argumens dont s’est servi M. Chamberlain. Il en est un pourtant qui ne serait jamais venu à son esprit. Le voici, sous la forme semi-biblique dont M. Chamberlain l’a revêtu : « Que ce soit, a-t-il dit, en qualité d’administrateur ou d’actionnaire, la place de M. Rhodes en ce moment est dans l’Afrique du Sud : c’est seulement là qu’il pourra le mieux expier sa conduite passée. » Cette nécessité d’une expiation, d’une régénération morale, qui ne peut être pleine et entière que dans l’Afrique du Sud, est une trouvaille sui generis dont il faut laisser le mérite à M. Chamberlain ; elle a quelque chose d’original et de vraiment imprévu. Tout en admirant son ingéniosité, nous nous demandons si elle inspirera une confiance absolue à M. Krüger, et il semble bien que M. Chamberlain lui-même ait eu certains doutes à cet égard : il s’est empressé d’ajouter, qu’au surplus, les mesures prises par le gouvernement mettaient M. Cecil Rhodes « dans l’impossibilité de se livrer dans l’avenir à des actes nuisibles. » Ah ! tant mieux. Pas un seul homme armé, a-t-il assuré, ne pourra bouger sans la permission du gouvernement anglais. Il est donc bien établi que, si M. Cecil Rhodes ou quelque Jameson encore ignoré veulent organiser une nouvelle invasion du Transvaal, ils ne pourront le faire qu’après avoir demandé la permission du gouvernement britannique, formalité qu’ils avaient négligé d’observer la première fois. M. Chamberlain ne met pas en doute que des garanties aussi sérieuses, et, comme il le dit, aussi raisonnables, dissiperont toutes les inquiétudes de M. Krüger. Quant à nous, nous comprenons de plus en plus que ce dernier se soit arrangé pour n’avoir pas à faire en ce moment le voyage de Londres. Puisque la place de M. Cecil Rhodes est dans l’Afrique du Sud, celle de M. Krüger ne saurait être ailleurs.


De Londres, nous passons à Rome, sans sortir de l’Afrique : la politique africaine absorbe aujourd’hui toute l’Europe. Ici, nous sommes heureux d’avoir à rendre justice à la parfaite loyauté du gouvernement italien. M. di Rudini et son ministre des affaires étrangères, M. le duc di Sermoneta, savent ce qu’ils veulent et ils n’hésitent pas à le dire. Ils mettent très correctement, très courageusement leurs actes en harmonie avec leurs paroles. Les attaques passionnées de la presse de M. Crispi ne les ont ni troublés, ni ébranlés dans leurs résolutions premières. C’est déjà un très grand mérite : ils en ont eu un plus grand encore, qui a consisté à ne pas modifier leur attitude après l’échec des premières tentatives de conciliation auprès de Menelik. L’avenir dira si le négus a bien ou mal fait de ne pas accepter les ouvertures qui lui étaient faites : il y a répondu en émettant des prétentions qui ont été jugées inadmissibles, et qui devaient l’être puisque le nouveau ministère italien ne les a pas admises. Personne ne peut douter aujourd’hui de la sincérité avec laquelle celui-ci désire et poursuit la paix. Il persiste dans ce désir, même lorsque l’ennemi ne paraît pas le partager, et au moment de prendre ses quartiers d’été, — où la guerre se trouve nécessairement suspendue en Afrique, comme elle l’était autrefois lorsque les armées de la vieille Europe prenaient leurs quartiers d’hiver, — il abandonne spontanément ce qu’il n’a pas l’intention de garder, et se cantonne, pour s’y fortifier, dans les territoires où il est résolu à se maintenir. Son programme peut se résumer en peu de mots : l’Erythrée aux Italiens, le Tigré aux Abyssins. Il l’exécutera d’accord avec le négus si le négus veut s’y prêter, et seulement d’accord avec lui-même et avec le parlement italien s’il rencontre ailleurs des hésitations ou des difficultés. Ce n’est pas à dire qu’il suspende son action militaire en Afrique. La fin de la campagne a très heureusement réparé la plupart des fautes qui avaient été commises quelques mois auparavant. Il ne pouvait y avoir que des succès partiels, mais ils ont été brillans. S’ils s’étaient produits du temps de M. Crispi, celui-ci n’aurait pas manqué de partir de là pour se jeter dans des entreprises nouvelles et démesurées : il n’en a pas été de même avec le ministère actuel. [L’Italie était inquiète, émue du sort d’Adigrat, non pas à cause de la place elle-même, mais à cause de la garnison qui l’occupait et la défendait avec héroïsme, mais qui fatalement devait succomber au bout de quelques semaines. Le général Baldissera a organisé une expédition sur Adigrat ; il a dégagé la place ; il en a fait sortir la garnison ; puis il a abandonné un point stratégique qui, dans le nouveau plan adopté, n’avait plus d’intérêt pour lui. Très probablement, d’après le langage tenu par M. le duc di Sermoneta, Kassala aurait été évacué et abandonné de même, c’est-à-dire sans le moindre regret, si les Italiens ne devaient pas aujourd’hui, par une sorte de renversement des rôles, aider les Anglais dans leur future expédition sur Dongola et maintenir, au moyen d’une diversion obstinée, une partie des forces mahdistes dans le sud-est. Quoi qu’il en soit, le gouvernement italien, qui se laissait autrefois aller à l’aventure, a désormais une politique précise, c’est-à-dire limitée. Une interpellation lui a permis de la soumettre à la Chambre : il l’a fait sans aucune espèce de réticence. M. le marquis di Rudini a tenu à déclarer avant le vote qu’il était absolument résolu à évacuer Adigrat : il a voulu dissiper tous les malentendus sur ses intentions. M. Crispi n’a pas pris la parole ; il a laissé ce soin à ses lieutenans. Le résultat a été une majorité considérable en faveur du nouveau cabinet.

Cela prouve une fois de plus que la meilleure tactique parlementaire consiste à être franchement ce qu’on est, à le dire très haut, et à se fier au jugement du pays et de ceux qui le représentent. Que reste-t-il aujourd’hui de la politique de M. Crispi ? Elle est désavouée par la Chambre même que M. Crispi a fait élire. Il n’aurait peut-être pas fallu un grand effort à M. di Rudini pour obtenir de cette même Chambre qu’elle mît M. Crispi en accusation. Les adversaires les plus ardens de l’ancien dictateur le demandaient ; M. di Rudini s’y est refusé. Il veut la paix au dedans comme au dehors ; il repousse avec énergie les mesures qui auraient pour résultat de surexciter les passions, alors qu’il se propose de les calmer : il mérite d’y réussir. En tout cas, son attitude est très honorable. Ses adversaires annoncent une nouvelle discussion sur les affaires de Sicile, et ils en prédisent le résultat qui, d’après eux, sera la chute du cabinet. C’est ce qu’on nous permettra de ne pas croire. La majorité qui vient de se former autour de M. di Rudini est solide, parce qu’elle est une majorité de raison. Le nouveau ministère n’excite pas l’enthousiasme, mais il rassure, — sentiment qui, depuis quelques années déjà, était devenu étranger à l’Italie.


FRANCIS CHARMES

Le directeur-gérant, F. BRUNETIERE