Chronique de la quinzaine - 14 août 1893

Chronique n° 1472
14 août 1893
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août.

Un certain nombre de nos compatriotes sont présentement en train de développer cette maxime de l’Évangile : « Celui qui est le premier parmi vous sera votre serviteur. » Dans ce mois d’août, qui est par excellence celui du travail des champs et celui du repos des villes, tandis que la plupart de ses concitoyens se donnent quelques semaines de vacances, le candidat-député s’en va, par la chaleur caniculaire, tout à tous, à travers les campagnes desséchées, la main tendue, l’œil souriant et le miel sur la langue, aimable et affectueux à plaisir. Levé dès l’aurore, de foire en foire, de commune en commune, de maison en maison, il marche, guidé par ses agens, promettant, payant et buvant.

Dans les villes, la besogne change, il faut moins de jambes, mais plus de bouche ; il faut pratiquer le cabotinage des réunions publiques, la mécanique des gestes, des lieux-communs, l’exagération de la pensée et des mots, suivie des acclamations nécessaires d’une assemblée « nullement préparée. » On doit se garder d’abandonner au hasard le soin de garnir la salle : le premier usage qu’un public populaire, un peu passionné, fait de la liberté de discussion est naturellement de la supprimer, d’interdire la parole à l’orateur qui lui déplaît. Une circonscription parisienne a fourni récemment, en la personne de M. Yves Guyot, auquel il n’a pas été loisible de se faire entendre, de nouvelles preuves de cette utilité du recrutement préalable de l’auditoire.

Les programmes, individuels ou collectifs, se sont succédé naturellement, en rangs pressés, durant cette quinzaine. Chaque jour en a vu paraître de nouveaux. Il serait impossible de les disséquer tous et superflu d’en analyser seulement quelques-uns, fût-ce ceux qui sont tombés des plumes les plus illustres, parce que la matière étant forcément banale, (toute l’originalité du monde ne parvient pas à la rafraîchir, A dire : « Il fait beau temps, » ou « Comment vous portez-vous ? » un homme de génie ne se distingue pas énormément d’un imbécile. Deux faits seulement dominent la période électorale actuelle, de même que deux groupes nouveaux marqueront d’un cachet spécial la chambre qui sera élue dans quelques jours : l’entrée en scène des ralliés qui, à droite, se séparent de la droite ; celle du parti ouvrier qui, à gauche, se sépare de la gauche. Pendant quelque temps, il y a trois mois, on avait pu croire que le parti radical, qui, dans ce dessein, ajoutait à son nom l’épithète de « socialiste, » parviendrait à s’annexer les élémens révolutionnaires, auxquels M. Goblet ouvrait les bras. L’alliance n’a pu se conclure ; et nous devons féliciter celui qui l’avait rêvée, de n’avoir pu se décider à souscrire aux exigences de gens qui se soucient d’autant moins de rendre impossible le fonctionnement de tout gouvernement régulier, qu’ils n’ont aucune chance prochaine, ou même probable, de le diriger eux-mêmes.

Il n’en va pas de même du parti radical ; plusieurs de ses membres ont été ou sont aux affaires ; la plupart prétendent y arriver ou y revenir. Cette ambition impose des réserves. La nature humaine a ceci de bon que, même en politique, le sentiment des responsabilités a pour effet d’assagir les plus fous et d’inoculer quelque bon sens aux cerveaux les plus mal en ordre. Prenez à même la rue un anarchiste intelligent, placez-le devant un bureau dans un fauteuil de ministre, mettez sous ses yeux des dossiers dont vous lui expliquerez le contenu, il y a cent contre un à parier, qu’au bout de huit jours il y donnera des solutions raisonnables, qui ressembleront à celles de tous les ministres passés. C’est ainsi que les candidats les plus « rouges, » comme on disait jadis, mettent, une fois députés, beaucoup d’eau dans leur vin, et, une fois ministres, très peu de vin dans leur eau, parlant, tout comme leurs prédécesseurs, «des nécessités supérieures de discipline et de hiérarchie. » Par exemple, aucun d’eux n’a jamais composé avec l’émeute.

Et ce n’est pas uniquement, je crois, par un bas souci de garder leur place, par une satisfaction d’homme repu, qu’exprimait cyniquement un homme d’État disant à un ami : « Mon cher, il ne faut jamais chercher à appliquer son programme, attendu que c’est toujours en voulant l’appliquer que l’on tombe. » C’est plutôt parce que l’on reconnaît que le programme est inapplicable, et parce que les devoirs immédiats dominent les illusions antérieures. Le président du conseil d’aujourd’hui, interpellé dernièrement par un député avancé, M. Millerand, qui, à propos de je ne sais quelle motion, lui reprochait de « ne pas aller jusqu’au bout, » répliquait : « Est-ce que vous allez jusqu’au bout, vous ? » Et la chambre ponctuait cette phrase d’une double salve d’applaudissemens. C’est parce que les radicaux parlementaires ont entrevu que ce « bout » n’est rien autre que le chaos, le saut dans le vide, qu’ils s’abstiennent de s’en trop approcher ; ils se bornent à dire qu’ils arriveront, mais se gardent bien de partir. Ils dressent l’itinéraire du voyage, ils vont même jusqu’à faire leurs malles, mais, une fois à la gare, ils ne prennent pas de billet. C’est dire que leurs programmes sont toujours plus effrayans que leurs actions ; que, dans ce programme même du parti « républicain-radical-socialiste, » il y a fort peu de socialisme, et le peu qu’il y en a est très dissimulé, édulcoré, du socialisme honteux. Ainsi rien n’empêche un opportuniste, un centre-gauche, un rallié, voire un membre de droite, de s’engager à faire, comme le souhaitent les délégués de l’extrême gauche, des « réformes sociales conçues, non dans le sens collectiviste, mais dans l’esprit de la Révolution française, c’est-à-dire tendant à accroître la liberté et les moyens d’action de chaque citoyen ; l’État intervenant en faveur des humbles pour leur faciliter la lutte pour la vie. »

Il est même certains vœux excellens de ce parti, que nous regrettons de ne pas voir reproduits par des groupes du centre, et que nous voudrions surtout voir passer, de la catégorie des vœux stériles, dans celle des projets de loi en chair et en os : telle est la gratuité de la justice. La gratuité de la justice est aussi nécessaire que celle de l’instruction ; la justice est la première fonction, le premier devoir d’un État. Les sociétés les plus rudimentaires, qui n’ont presque aucun autre organisme, celles du moyen âge primitif, celles des peuples barbares d’à présent, avaient ou ont des juges, sujets à se tromper, comme les nôtres, mais dont les arrêts ne coûtent rien ; tandis que la réforme de notre code de procédure, depuis trente ans à l’étude, n’aboutit pas.

Ce n’est pas d’ailleurs sur le parti radical que nous devrons compter pour la voir réussir ; car tout porte à croire que le groupe dont MM. Barodet, Pelletan, Pichon et Clemenceau sont les leaders n’est pas appelé à réaliser, le 20 courant, de brillans bénéfices. Il pourrait bien avoir, sans qu’il y ait de comparaison à établir entre les deux opinions, le même sort que les progressistes d’Allemagne il y a deux mois, écrasés par les défections de leur aile droite et de leur aile gauche. De ce dernier côté de l’horizon, nos radicaux voient surgir les purs socialistes-collectivistes, ceux qui étaient hier pour la suppression immédiate et complète de la propriété individuelle, aussi bien à la ville qu’à la campagne, et pour l’abolition de l’idée de patrie. C’est le « parti ouvrier, » comme on dit aujourd’hui, de même que, sous le ministère Villèle, on disait le « parti prêtre. »

Ce parti changera, si Dieu lui prête vie, plus d’une fois d’idée et de plate-forme ; comme ses aînés, il pratiquera, lui aussi, dans son âge mûr, la « politique des résultats, » lorsqu’il sera las de faire de la politique sans résultats, c’est-à-dire de se donner beaucoup de peine pour rien. Quoiqu’il ne soit pas bien vieux, il a déjà quelque peu lâché ses raideurs primitives de petit cénacle. Le huis-clos souffre tout, mais le public veut des égards. Il distingue déjà la « propriété privée » de la « propriété capitaliste ; » et je défie bien qui que ce soit de comprendre la distinction. Mais il n’importe ! Les manifestes sont des sortes de documens qui n’ont pas besoin d’être clairs. Donc, M. Guesde, le rédacteur de la chose, s’exprime ainsi : « Des nécessités de la production et de l’échange modernes, tels que les ont créés la machine et la vapeur, une nouvelle forme de propriété est née : la propriété des capitalistes qui vivent de la mort de la propriété individuelle. C’est de cette seule propriété capitaliste, destructive de la propriété privée des travailleurs, que nous poursuivons la destruction, ou, plus exactement, la socialisation. » Ce qui revient à dire que, si vous êtes propriétaire d’un chemin de fer à vous tout seul, votre propriété, étant privée, est respectable ; mais que si vous êtes plusieurs à posséder, par actions, un billard ou une machine à battre le grain, votre propriété, étant capitaliste, est indigne de vivre et doit être « socialisée. »

Ces idées sont amusantes et il serait intéressant, si l’on avait beaucoup de temps et beaucoup de place, de s’attarder à faire ressortir le côté comique de ce collectivisme, qui se déclare surtout ennemi des formes collectives de la propriété privée. Mais le point de vue vraiment important de cette campagne, ce ne sont pas les idées, mais les hommes, les cent candidatures dont le parti se fait gloire et qui aboutiront, nous dit-il, dans la nouvelle chambre, « à une représentation du prolétariat français, désormais sûr de l’avenir. » Les députés ouvriers n’ont rien pour nous effrayer, au contraire. Aux dernières élections anglaises il s’était présenté 37 candidats de cette nuance, dûment estampillés et authentiqués par le comité du parti. Il en a été nommé 12 dont 1 seulement a passé comme indépendant ; les 11 autres ont dû leur succès à l’appui des libéraux. Sans doute il en sera de même en France, et nous verrons plus d’une concentration se faire entre le premier et le second tour de scrutin. Mais l’entrée au parlement de vrais ouvriers, non pas de prolétaires d’occasion, tels que M. Lafargue, le président de ce groupe des travailleurs, connu surtout, par une singulière ironie, comme auteur du Droit à la paresse, le mandat de député conféré à des travailleurs travaillans, qui verront plus vite et mieux au palais Bourbon que devant les tables de quelques congrès borgnes, les différens aspects des questions qu’ils veulent traiter, ce mandat est une des bonnes manières d’atténuer cet antagonisme des classes, que l’on peut redouter dans l’avenir.

Au point de vue gouvernemental, le plus ou moins de succès des candidats ouvriers n’a pas une grande importance, puisqu’il n’est pas susceptible de déplacer peu ou prou l’axe de la majorité. Tout au contraire, celui des ralliés peut changer d’ici quelques mois la direction de la politique française. Par ralliés, je n’entends pas seulement les aspirans députés, mais aussi et surtout les électeurs, qui ont sincèrement et définitivement adhéré à la république, et qui, faute d’un candidat néo-républicain, s’il ne s’en trouve pas dans leur circonscription, porteront volontiers leurs suffrages, suivant le sage conseil que leur en a donné M. Piou, sur un républicain de vieille date, appartenant à la gauche libérale ou à l’opportunisme modéré. On s’est beaucoup moqué des ralliés, depuis dix-huit mois, à droite comme à gauche. Nous allons bien voir si leur tactique était vaine, si leur patriotique campagne a été comprise ou non par le pays. Bien des gens se sont demandé comment on devrait les accueillir, si la porte devait être pour eux ouverte ou fermée ; et l’on a généralement conclu, malgré le proverbe, qu’elle ne devrait être ni l’un ni l’autre, mais plutôt entr’ouverte, qu’on « prendrait note de leur demande » et qu’on en recevrait du moins quelques-uns… à correction.

Toutes ces subtilités disparaissent devant les urnes. Aux deux dernières élections législatives de 1885 et 1889, l’écart des voix entre les républicains et leurs adversaires n’a pas été très supérieur à 500,000, dans l’ensemble de la France ; chiffre qui, sur 7 à 8 millions de votans, ne représente pas une majorité énorme. On s’accorde à croire qu’une bonne partie de ces opposans de naguère sont aujourd’hui acquis au régime actuel et, ce qui le prouve, c’est le nombre des députés de droite qui ne se représentent pas et le changement de langage de presque tous ceux qui se représentent. Beaucoup de ceux-là, nous le savons de bonne part, n’auraient pas demandé mieux que de se joindre à la petite phalange présidée par le prince d’Arenberg ; mais, par une sorte de point d’honneur ou de délicatesse de conscience vis-à-vis du corps électoral, ils craignaient de n’en avoir pas le droit.

Nommés sur un programme d’opposition, ils estimaient que leur devoir était de s’y tenir, du moins jusqu’à ce qu’ils eussent reçu une nouvelle mission, une nouvelle investiture du suffrage universel. De plus, l’élément mondain, qui pèse toujours d’un certain poids sur l’état-major du parti conservateur, leur inspirait une fâcheuse timidité. Tout cela maintenant se dissipe et s’évanouit. Il est certain que le plus grand nombre des anciens représentans du côté droit, ou reviendront avec une nouvelle étiquette, ou ne reviendront pas ; et il est non moins certain que les députés qui les remplaceront seront des députés modérés. Il n’y a donc aucune témérité à prévoir que le chiffre des républicains se trouvera porté, de près de 400, à plus de 500, dans la future chambre ; et que, sur ces 500, il s’en rencontrera aisément 350 pour former une majorité gouvernementale tempérée.

Ce compromis sera dû évidemment à la marche générale des faits, à cette lassitude naturelle qui suit les luttes longues et les échecs répétés, mais le rôle pacificateur du saint-siège, de celui que les révolutionnaires appellent « le vieux du Vatican, » n’y aura pas peu contribué. Ce rôle, il l’a poursuivi sans relâche, durant des années difficiles, malgré les récriminations, respectueuses dans la forme, quoique assez vives dans le fond, des intransigeans qui reprochaient surtout au souverain pontife d’être mal renseigné sur la situation intérieure de la France ; à quoi le nonce actuel répondait avec une malicieuse philosophie : — « Eh bien ! prenez un timbre de 0 fr. 25, et écrivez-lui. » — Ce ne doit pas être une mince satisfaction, pour les catholiques, que de voir cette détente nouvelle dans les rapports de l’Église et de l’État, ces entrevues cordiales entre le président de la république et les cardinaux récemment promus, ces évêques allant saluer les ministres, non plus avec une politesse de commande, mais avec un langage loyaliste et affectueux. Il y avait longtemps qu’on n’avait vu un président du conseil faire son entrée solennelle dans une ville, assis dans sa voiture, à côté de l’archevêque, comme ce printemps, à Albi. Et ceux de nos concitoyens qui savent, comme Gambetta, à quel point l’union de la France avec la papauté est profitable à notre influence en Orient, n’ont-ils pas vu avec plaisir, au banquet du 14 juillet dernier, à Constantinople, ce toast porté à la république par le délégué papal, Mgr Bonnetti, qui paraissait pour la première fois à cette réunion de la colonie française, présidée par notre ambassadeur ?

Ne convient-il pas de rapprocher de cette attitude le refus opposé par la curie romaine à la demande faite par le sultan d’un concordat réglant les questions qui touchent aux catholiques de l’empire ottoman ? Ce refus ne pouvait être inspiré par la crainte de reconnaître une certaine dose d’autorité, en ces matières, à un prince qui s’est signalé plus d’une fois par son respect de la liberté de conscience, et auquel l’assemblée des rabbins envoyait dernièrement une adresse de remercîment, pour sa bienveillance en faveur des Israélites. La décision du Vatican n’était motivée que par le désir de ne pas affaiblir le protectorat de la France sur les populations chrétiennes de l’Orient.

Ce protectorat n’est pas moins intéressant que jadis, aujourd’hui que l’Orient se transforme, et que l’on recommence à parler de la réunion des églises d’Orient et d’Occident, sur laquelle le congrès tenu à Jérusalem, où le cardinal Langénieux a été reçu par les autorités turques, en qualité de légat du saint-siège, avec les plus grands honneurs, vient de rappeler l’attention.

Cette réunion est l’un des projets favoris, les sceptiques disent l’un des rêves, du pape actuel ; mais c’est le propre des œuvres difficiles d’être traitées de chimère, jusqu’au jour où elles deviennent réalités. Dès le début de son pontificat, en 1878, le saint-père exprimait, dans une lettre au cardinal Nina, l’espoir que « les graves événemens qui se déroulaient en Orient préparaient peut-être un meilleur avenir aux intérêts de la religion. » Neuf ans plus tard, dans sa lettre au cardinal Rampolla, il rappelait les schismatiques, ceux de la Grèce en particulier, à l’unité. Les deux lettres appartiennent à deux périodes différentes du pontificat : en 1878, le pape paraissait compter principalement sur le travail de la diplomatie ; en 1887, sur l’adhésion spontanée des chrétiens séparés.

Les espérances de Léon XIII ne sont point des espérances platoniques, confiées uniquement à la bonne volonté des hommes et à la grâce de Dieu. Il travaille activement à leur succès. Il a multiplié les avances à l’égard des églises d’Orient ; il n’est rien qu’il ait négligé pour complaire aux chrétiens unis. Colons de l’église romaine en terre schismatique, ils avaient été alarmés, sous Pie IX, par deux constitutions qui enlevaient aux patriarches, pour la transférer au pape, la nomination des évêques d’Arménie et de Chaldée. Les chrétientés unies, jalouses de leur autonomie, tremblaient aussi pour leurs rites. Devenues ombrageuses, elles appuyèrent la minorité au concile du Vatican ; il y eut presque des révoltes contre les prétentions de la propagande. Lorsque mourut Pie IX, le mal était grave ; par d’habiles mesures Léon XIII détourna du schisme les chrétiens unis d’Orient. Une fois leur affection reconquise, il rêva de conquérir celle des schismatiques.

Ce furent surtout des susceptibilités, aigries et développées par des conflits d’intérêts politiques, qui séparèrent jadis l’Orient et l’Occident. Elles peuvent être atténuées ou rassurées. En 1880, Léon XIII créa cardinal Mgr Hassoun, patriarche d’Arménie ; il y avait quatre siècles que les portes du sacré-collège ne s’étaient point entre-bâillées en faveur d’un Oriental. Non moins importante, la même année, fut l’encyclique Grande munus : elle annonçait urbi et orbi que la fête des saints Cyrille et Méthode serait célébrée dans toute l’église le 5 juillet de chaque année. Cyrille, Méthode, fondateurs du catholicisme slave, firent reconnaître par Rome, centre de l’unité, la variété des langues liturgiques. Les églises séparées les vénèrent comme des ancêtres et l’église romaine comme des fils. Leur mémoire est un trait d’union entre l’Orient grec et l’Occident latin. Le pape actuel a toujours recherché les traits d’union ; de là l’importance extraordinaire qu’il vient d’attacher à la réunion eucharistique de Jérusalem.

L’entente des deux églises, à l’égard de la transsubstantiation, est complète ; on a donc célébré un dogme qui les rapproche. On n’a pas prononcé le mot de schismatiques, mais seulement celui de frères ; on a laissé voir, plutôt qu’on ne les a énoncées en termes impérieusement précis, les « conséquences providentielles » que l’on pouvait attendre du congrès. Les chancelleries ennemies de la France, auxquelles cette pacifique croisade déplaisait fort, avaient communiqué entre elles et manœuvré à Constantinople et à Rome, pour empêcher la mission du légat français. L’apostolique Autriche faisait bon marché des « conséquences providentielles » qu’on espérait au point de vue religieux. Elle craignait que ce congrès, ainsi présidé, ne tournât au profit de notre influence. En choisissant un légat français, le pape rendait un hommage décisif au droit que possède la France de protéger les chrétiens d’Orient, La triple alliance, qui conteste ce droit, voulait empêcher cet hommage. On essaya d’inquiéter le sultan pour qu’il opposât des obstacles ; M. Cambon et Mgr Azarian le rassurèrent promptement, et le congrès eut lieu au mois de mai avec un plein succès.

Est-ce à dire qu’il aura des conséquences immédiates ? Que les Orientaux, pleinement rassurés sur la conservation de leurs rites, soient prêts à fusionner avec l’église d’Occident ? Les choses n’iront pas aussi vite ; le pape lui-même ne se fait pas d’illusions là-dessus. Il est une foule de difficultés accessoires, qui nous paraissent sans importance à Paris, et qui, sur les rives du Bosphore, en ont une considérable ; ces difficultés devront être aplanies. Telle est la réforme du calendrier, la substitution au calendrier julien, que l’église grecque suit encore et qu’elle reconnaît seul conforme aux décisions du concile de Nicée, de notre calendrier grégorien. Un barnabite de Bologne, le père Tondini, poursuit sur ce sujet, en français, une campagne intéressante de conférences contradictoires, à Athènes, en Syrie, à Constantinople. Le fait même que ce prêtre latin ait été admis à parler dans le syllogue grec, ce qui n’avait pas eu lieu depuis le concile de Florence, est une preuve de progrès marquant dans le libéralisme des idées. Et l’attention avec laquelle les autorités officielles et le corps diplomatique ont suivi ces tentatives témoigne à quel point les intérêts politiques et religieux sont ici connexes. C’est le côté politique de la question qui empêchera toujours l’union de l’église orthodoxe russe, placée sous l’hégémonie du tsar. Pour l’église arménienne ou grecque, si le pape, qui est entré au mois de mars dernier dans sa quatre-vingt-quatrième année, peut craindre, comme il le dit, d’être trop âgé pour voir s’accomplir ce grand événement, il a droit de se féliciter d’en avoir posé les bases.

Trop âgé.., peut-on croire même que Léon XIII le soit effectivement, en présence de l’activité étonnante que déploie l’homme qui, en quinze ans de règne, a rajeuni de plusieurs siècles l’Église et la papauté. Tandis qu’il poursuit, à l’est, l’aplanissement de litiges qui remontent à la toute primitive église, il étend et régularise, à l’ouest, l’action de l’église toute nouvelle, celle d’Amérique. Il ne se contente pas d’envoyer aux Américains sa bénédiction apostolique, dans un phonographe destiné à figurer à l’exposition de Chicago, il apaise les dissensions qui s’élèvent, tantôt, comme l’an dernier, en s’opposant à l’établissement de clergés de races distinctes, suivant la nationalité d’origine des émigrés, irlandais ou allemands, qu’ils doivent desservir ; tantôt, comme il y a deux mois, dans sa lettre au cardinal Gibbons, en déclarant nettement que les enfans catholiques, là où ils n’ont pas d’écoles de leur religion, peuvent fréquenter les écoles laïques dont l’enseignement offre des garanties suffisantes de neutralité.

Cette décision est destinée à mettre fin aux polémiques violentes, qui se poursuivaient à cet égard entre Mgr Ireland, l’archevêque bien connu de Saint-Paul, soutenu par le nonce, et Mgr Corrigan, l’archevêque de New-York. On sait que l’école, aux États-Unis, est une charge de la commune ; mais, en vertu du premier amendement de la constitution, d’après lequel le congrès ne doit faire aucune loi établissant une religion d’État, et par suite d’ailleurs de la multiplicité des sectes religieuses, l’école est strictement neutre. Aucune instruction confessionnelle n’y est donnée ; c’est à la famille de l’enfant et à ses coreligionnaires d’y pourvoir. Mais l’établissement d’écoles libres n’était pas partout possible, et la solution libérale de Rome a été accueillie avec soulagement de l’autre côté de l’Atlantique.

Cet esprit d’apaisement du pape est si connu, l’opinion, dans les deux mondes, fonde sur lui tant d’espérances, qu’on a plusieurs fois, et récemment encore, prêté à Léon XIII des projets d’encyclique sur le désarmement européen. Mais ici toute action internationale paraîtrait, non-seulement vaine, mais susceptible d’aller contre son but. Soulever la question du désarmement dans un congrès, ce serait peut-être, à plus ou moins bref délai, provoquer la guerre. Aussi, quelque ingénieuse que soit sa diplomatie, quelque vaste que soit son rôle, le pape le sait et s’abstient. On se figure volontiers, en France, qu’il n’y a pas en Europe d’autres inquiétudes, d’autres rancunes que les nôtres, et que l’Alsace-Lorraine soit le nœud gordien de la paix du monde. Il est sur les frontières russo-allemandes, où la guerre de tarifs bat aujourd’hui son plein, il est entre Vienne et Pétersbourg de vieux griefs et des plaies encore fraîches, que le temps seul cicatrisera. Un vieil administrateur prétendait que les affaires, en apparence insolubles, ne s’arrangeaient jamais si bien que dans les cartons où on les laissait dormir. La question du désarmement est de celles-là. S’il doit se faire, il se fera tout seul.

On n’en peut dire autant des réformes que le ministère hollandais a entreprises, et qu’en ce moment, tandis que presque tous les parlemens sont en vacances, les chambres continuent de discuter péniblement dans les salles du Binnenhof, où le thermomètre a marqué dernièrement plus de 100 degrés Fahrenheit. Les innovations financières, mises en vigueur dans les Pays-Bas, ne nous paraissent pas à l’abri de la critique. L’impôt sur le capital, variant progressivement de 1 à 2 florins pour 1000, équivaut à un prélèvement moyen de 2 1/2 à 5 pour 100 du revenu des capitaux. Ce n’est pas une lourde charge, surtout pour les plus gros contribuables, ceux qui, par exemple, à Amsterdam, ont déclaré des fortunes de 50 et 100 millions de francs ; mais, comme on n’a supprimé aucun autre impôt, la nouvelle taxe, ajoutée à toutes les autres, paraît vexatoire aux petits commerçans, aux petits fonctionnaires. Le ministère a promis, il est vrai, de réduire la contribution personnelle ; seulement cette réduction paraît problématique, en présence des résultats financiers de l’exercice actuel, qui accusent déjà un déficit de 10 millions de francs sur les évaluations budgétaires.

Une autre modification, apportée par le cabinet Tak van Portvliet au régime des impôts intérieurs, est la suppression des patentes, remplacées par une taxe sur les professions, que la seconde chambre a votée à une majorité de près des deux tiers. Désormais la loi frappera toutes les professions ou métiers dont le revenu annuel dépasse 1,300 francs, et le taux de l’impôt sera proportionnel au revenu déclaré par le contribuable. Le gouvernement néerlandais a profité de ce remaniement pour répondre à nos tarifs protectionnistes en élevant ses barrières douanières. Désormais, les maisons étrangères qui vendent directement aux particuliers seront frappées, à l’entrée, d’un droit s’élevant à 20 pour 100 de la valeur des marchandises, outre les droits actuels de 5 pour 100 : ce qui augmentera ainsi d’un quart de leur prix tous les produits expédiés du dehors à des consommateurs hollandais.

Si ces mesures, au point de vue de l’intérêt bien compris des Pays-Bas, nous paraissent discutables, nous ne pouvons qu’approuver la réforme électorale, actuellement soumise par le ministère aux délibérations des états-généraux. Les Hollandais, qui ont été les éducateurs de l’Europe en fait de liberté et de parlementarisme, — ils avaient la chose, sinon le mot, avant tous les autres peuples, même avant l’Angleterre, — se trouvent, au point de vue du droit de suffrage, maintenant que la Belgique vient d’accroître le sien, la nation la plus aristocratique du continent, parmi celles qui ont des représentations élues. La France, l’Allemagne et l’Espagne appliquent le suffrage universel au recrutement de leurs députés ; en Italie, le cens ne dépasse pas vingt francs ; en Angleterre, il suffit, pour voter, de payer 250 francs de loyer ou d’avoir 50 francs de rente ; il n’est pas jusqu’à l’Autriche où les simples paysans participent en quelque façon à la nomination des diètes. En Hollande, la chambre populaire n’est encore élue que par des censitaires payant, suivant les localités, de 42 à 336 francs d’impôt direct. Ce système donne à peine 300,000 électeurs sur une population de 4 millions et demi d’habitans. Le projet en discussion de M. Tak aurait pour effet, en conférant le droit de suffrage à tout Néerlandais sachant lire et écrire et pouvant entretenir sa famille, de porter à 800,000, chiffre qui représente 14 pour 100 de la population masculine des Pays-Bas, le nombre des membres du corps électoral.

Quoiqu’il n’y ait pas là un péril pour l’ordre établi, quoiqu’il semble même naturel, dans un État où le socialisme révolutionnaire est devenu une puissance assez forte pour qu’un parti ait pu s’y fonder sous la seule dénomination « d’antirévolutionnaire, » de donner aux classes rurales et ouvrières leur part légitime d’influence, pour les détourner des voies illégales, néanmoins le projet rencontre dans le parlement une opposition assez vive pour que l’on puisse encore douter de son succès. On affirme même que la régente et son entourage y seraient notoirement hostiles, et que les relations entre le ministère libéral actuel, plutôt subi qu’accepté par la couronne lors de sa formation, et la reine Emma seraient assez tendues. Ce n’est pas que les opposans, ainsi qu’en témoignent les discours dont ils sont prodigues, repoussent d’emblée toute modification au régime actuel ; mais la plupart trouvent l’extension projetée trop large, et voudraient la restreindre, soit aux pères de famille, comme le propose M. Beelaerts van Blokland, l’un des chefs des conservateurs, soit à la création de catégories, analogues au vote plural de la Belgique, prônée par M. Van der Kaay, le président du groupe libéral, soit enfin à un simple abaissement du cens actuel, système recommandé par M. Roel, le personnage indiqué, en cas de crise ministérielle, comme le chef du futur cabinet. C’est en effet à une dissolution ou à la chute de M. Tak qu’aboutirait, à La Haye, l’échec de la loi proposée ; et il y aurait avantage, pensons-nous, dans l’état d’excitation des esprits, à éviter l’une et l’autre conjoncture.


Vte G. D’AVENEL.


LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


La rente française valait 98 fr. le 31 juillet dernier. Le 8 août, elle a dépassé 99 fr. Ce mouvement s’est produit presque sans résistance ; la liquidation a révélé une situation de place peu chargée à la hausse, les reports ont été aisés, à peine rémunérateurs, et les acheteurs ont été encouragés par l’heureuse terminaison du conflit engagé avec le royaume de Siam. Des élections, la Bourse n’a aucun souci. Elle suppose que le suffrage universel va renvoyer au palais Bourbon une chambre des députés peu différente, dans sa composition et dans ses tendances politiques, de celle qui a terminé il y a quinze jours sa peu brillante carrière.

Ce qui serait plutôt de nature à causer au marché financier quelque préoccupation, c’est le développement non interrompu des difficultés monétaires avec lesquelles sont aux prises nombre d’États étrangers, et notamment deux pays voisins dont le crédit avait été si longtemps soutenu par l’aide des capitaux français, l’Italie et l’Espagne.

La rente italienne a perdu près de quatre points depuis le détachement du dernier coupon semestriel, soit depuis un peu plus d’un mois. À la fin de juillet, elle se tenait en équilibre très instable aux environs du cours de 87 fr. La voici maintenant à 86 fr., on l’a même vue à 85.85. Cette chute rapide d’un fonds d’État qui pendant une longue série d’années avait été un placement favori de l’épargne française se rattache à des causes à la fois politiques et financières, sur la portée desquelles l’attention des capitalistes a été bien des fois appelée à cette place.

Longtemps un syndicat italo-allemand a pu soutenir artificiellement les cours de la rente italienne contre toutes les raisons de dépréciation du crédit du royaume. Le moment est venu où ce syndicat ne peut plus suffire à sa tâche et laisse tomber les prix sur un marché impuissant à absorber les titres flottans. Et cette baisse survient au moment même où l’on pourrait supposer que les efforts persévérans du cabinet Giolitti réussiront enfin à arrêter les finances italiennes sur la pente de la banqueroute éventuelle. Les difficultés monétaires présentes du royaume sont, il est vrai, encore formidables : le change s’est élevé à 109 fr., le cours forcé est pratiquement rétabli en Italie, toute monnaie d’or ou même d’argent ayant disparu, y compris les pièces divisionnaires, dont sont inondées la Suisse et la France.

La dette flottante du royaume s’élevait, à la fin de juin 1893, à 493 millions de lires, et à 624 millions, si l’on y comprend 131 millions de bons septennaires du trésor, dont 75 ont été émis en 1891-92 et 56 en 1892-93. M. Giolitti serait décidé à consolider cette énorme dette remboursable à court terme par une grande opération dont les circonstances détermineront l’époque et les modalités, mais que l’on présume dès maintenant devoir prendre la forme d’un transfert à une société privée (consortium italo-allemand] du monopole des tabacs. Déjà on aurait offert à l’Italie une somme de 400 millions pour la cession de ce monopole, Le gouvernement trouverait là les moyens d’amortir 300 millions de la dette flottante et en même temps de surmonter les embarras, aujourd’hui inextricables en apparence, que lui cause l’émigration de la monnaie divisionnaire d’argent.

Si la hausse du change est la raison la plus immédiate de la mauvaise tenue de la rente italienne, le vote de la loi sur les banques d’émission, qui a eu lieu à la fin de juillet à la chambre des députés et est imminent au sénat, ne saurait avoir que d’heureux effets sur les changes d’abord et sur tout l’ensemble de la situation financière. Il ne peut être indifférent, au point de vue du crédit du royaume, que la constitution du régime de la circulation fiduciaire, objet de débats si passionnés depuis près de dix années, soit enfin fixée pour vingt ans.

La Rente extérieure d’Espagne a repris d’abord de 62 à 63.50, sur le vote définitif du budget par les deux chambres des Cortès. Le ministre des finances va mettre à profit les vacances parlementaires pour étudier les mesures les plus propres à tirer des réformes fiscales, enfin sanctionnées, tout le rendement qu’il en espère. Mais déjà des troubles éclatent sur divers points du royaume où l’application de ces réformes menace de contrarier des habitudes invétérées. Des désordres sérieux ont eu lieu à Vittoria et ont été promptement réprimés. Le dernier bilan de la Banque d’Espagne accuse encore une augmentation sensible de la circulation fiduciaire, et le change, à 19.50, ne se détend pas. De là l’indécision des spéculateurs et les fluctuations de la rente aux environs du cours de 63. Les nouveaux budgets seront appliqués à partir du 1er septembre prochain. Le ministre ajourne définitivement tout emprunt intérieur, le public ne prenant que très lentement les obligations du trésor de la dernière émission, 2 millions en moyenne par semaine, ce qui porte à 66 millions, à l’heure actuelle, le montant de la souscription. Dans ces conditions, un emprunt à réaliser par un simple échange de ces titres contre des inscriptions de rentes ne peut être lancé avant six ou huit mois. Quelques symptômes favorables sont pourtant à signaler dans la situation financière de l’Espagne : le déficit de 1892-93, d’après les premières publications officielles provisoires, ne dépasserait pas une quarantaine de millions ; les produits des douanes, qui avaient été de 109 millions en 1890-91 et de 113 en 1891-92, se sont élevés à 126 millions en 1892-93, augmentation qui résulte, il est vrai, pour la majeure partie, de l’importation des blés de Russie et des États-Unis.

Malgré la guerre de tarifs engagée entre la Russie et l’Allemagne depuis le 1er août, le rouble à Berlin a été tenu avec une grande fermeté. Au surplus, la lutte ne sera sans doute que momentanée. Déjà les deux gouvernemens ont arrêté de nommer, pour la recherche d’un terrain d’entente, une commission mixte qui commencera ses travaux en octobre prochain.

Les valeurs turques voient leur clientèle s’élargir lentement, mais sûrement. Depuis une année, elles ont fait d’énormes progrès ; la dette générale série D a été portée de 18 à 22 pour 100, l’obligation des douanes s’est élevée de 425 à 500 francs ; elle vaut actuellement 485 ex-coupon. La Priorité 4 pour 100 s’est avancée de 410 à 460. Depuis quinze jours, l’attention s’est surtout portée sur l’obligation 4 pour 100 de consolidation qui, de 395, a haussé brusquement à 415. La Banque ottomane, bien que profitant de ces progressions de cours, s’est tenue sans changement à 570.

Les valeurs portugaises et helléniques sont délaissées dans les bas cours où les a précipitées la banqueroute plus ou moins déclarée du Portugal et de la Grèce. Le crédit de ces deux petits États a succombé sous le poids des emprunts excessifs, des dépenses exagérées, soit d’armemens, soit de travaux publics, et finalement de la disparition de la monnaie métallique et de la tension croissante du change.

Le marché anglais s’est remis peu à peu de la violente secousse qu’il avait subie en juillet. Les pertes au Stock-Exchange ont été énormes, il y a eu de nombreuses faillites sur lesquelles tout le silence possible a été fait. Des valeurs comme les actions de mines, Rio-Tinto, de Beers et autres, les actions des chemins de fer des États-Unis surtout ont éprouvé des réactions d’une grande importance. À la dernière liquidation, toutefois, la place a paru plus dégagée et rassérénée ; la dépréciation sur tous les titres qu’affectait la crise des métaux semblait arrivée à son terme. En revanche, des appréhensions se sont fait jour sur les perspectives du marché monétaire. L’or a été réexpédié en forte quantité aux États-Unis, qui, dans l’année 1892-1893, en avaient expédié en Europe pour plus de 400 millions de francs. La Banque d’Angleterre, pour défendre son encaisse, a dû élever le taux de son escompte de 2 1/2 à 3 pour 100 le jeudi 3 courant, et une nouvelle élévation à bref délai reste probable.

Le 53e congrès des États-Unis, dont l’élection, l’automne dernier, a coïncidé avec celle du président Cleveland, s’est réuni à Washington, le 7 courant, convoqué en session extraordinaire pour délibérer sur l’opportunité de l’abrogation de la loi Sherman du 14 juillet 1890. Le message de M. Cleveland rejette sur cette loi, qui oblige le gouvernement à acheter 54 millions d’onces d’argent par an, la responsabilité de la panique financière récente. Le président conclut en demandant l’abrogation, dans le plus bref délai possible, de la funeste loi.


Le Secrétaire de la rédaction, gérant,

J. BERTRAND.