Chimie appliquée à l’agriculture/Chapitre 04

Madame Huzard (Tome 1p. 171-176).

CHAPITRE IV.


DE LA GERMINATION.




L’oxigène, la chaleur et l’eau concourent presque seuls à l’acte de la germination.

L’eau pure dont on imbibe une graine en augmente le volume et facilite le développement du germe ; mais le premier de ces deux phénomènes est un effet purement physique ; il a lieu dans les semences mortes ainsi que dans les semences vivantes, comme M. de Saussure l’a prouvé. Il ne change ni le goût ni l’odeur de la semence ; il dispose la graine morte à la putréfaction, tandis que la germination réelle et vitale développe de suite de nouvelles propriétés.

Il est des graines qui peuvent germer sous l’eau, mais c’est en raison de la quantité d’air contenu dans le liquide que s’opère alors la germination ; lorsque le liquide en contient peu, il faut en employer un plus grand volume pour produire cet effet. La germination n’a pas lieu dans de l’eau rigoureusement purgée d’air.

La graine qui germe absorbe l’oxigène et s’entoure d’une atmosphère d’acide carbonique : ce résultat n’est produit que lorsque la graine est en contact avec l’air atmosphérique ou avec de l’eau bien aérée ; si la graine reste à l’abri du contact de l’air et de l’eau, elle se putréfie lorsqu’elle est fraîche et succulente ; elle n’éprouve pas de décomposition si elle est sèche, et elle conserve sa vertu germinative jusqu’au moment où, ramenée en contact avec l’air et l’eau, elle puisse se développer.

La germination est d’autant plus active, que l’air contient plus d’oxigène ; les grosses graines absorbent plus d’oxigène que les petites.

La graine qui germe n’exhale que de l’acide carbonique, et le volume du gaz oxigène consumé est constamment égal au volume du gaz acide carbonique qui est produit. Tout cela résulte des belles expériences de M. de Saussure.

Il paraît donc que, dans la germination, le seul agent est l’oxigène ; le seul produit, l’acide carbonique : il y a donc soustraction de carbone, et point d’autres combinaisons de l’oxigène avec les différens principes de la graine ; car si on fait germer des graines dans cent pouces d’air atmosphérique qui contiennent vingt et un pouces d’oxigène, on trouve que si la germination a produit quatorze pouces cubes d’acide carbonique, il reste sept pouces cubes d’oxigène libre dans la portion de l’atmosphère où la germination s’est opérée.

Il est évident que, dans ce premier acte de la végétation, l’eau ne fournit aucun principe à la graine, et qu’elle ne se décompose pas ; néanmoins elle n’est pas inutile à la germination, puisqu’il est de fait que des semences bien sèches en contact avec l’air se conservent sans germer.

L’eau me paraît produire deux effets incontestables dans l’acte de la germination : le premier, de pénétrer le tissu de la graine, et d’y déposer l’oxigène de l’air qu’elle tient en dissolution, pour opérer la première soustraction de carbone ; le second, d’ouvrir un accès facile à l’air atmosphérique, pour qu’il pénètre la graine, et opère sur elle de la manière que nous avons déjà indiquée.

Il suit de ce que je viens d’exposer, que la germination ne peut convenablement s’opérer qu’autant que l’air atmosphérique peut pénétrer jusqu’à la graine, et qu’il n’y a de germination, ni dans le cas où la graine est trop profondément enterrée, ni dans celui où une terre compacte et fortement tassée ne permet pas à l’air de pénétrer dans l’intérieur.

Il suit de ces principes que lorsque la terre reste long-temps recouverte par une couche d’eau non renouvelée, les graines doivent pourrir au lieu de germer.

Il suit encore de ces principes qu’une graine placée dans une terre sèche ne pourra pas germer si elle n’est pas humectée.

L’impossibilité où sont les graines de germer lorsqu’elles sont trop profondément enterrées, explique pourquoi, à la suite de profonds labours, on voit quelquefois se développer des plantes de la nature de celles qu’on a cultivées sur le même terrain quelques années auparavant ; et la sécheresse plus ou moins grande de la terre au moment des semailles, donne la raison (indépendamment de l’action de la chaleur) pour laquelle les graines lèvent plus ou moins promptement.

Les graines ne germent point dans le gaz acide carbonique pur ; mêlé avec l’air atmosphérique il ralentit cette opération : lorsqu’on a l’attention d’absorber l’acide carbonique qui se dégage, par la chaux ou les alcalis, on hâte et l’on favorise la germination.

Dans l’état de faiblesse où se trouve la graine qui commence sa végétation, elle repousse d’autres alimens, qui deviennent les principaux agens de nutrition lorsqu’elle est plus forte.

L’acte de la germination s’opère dans le même temps à la lumière et à l’obscurité ; mais M. de Saussure, qui a fait cette observation, a vu qu’après le travail de la germination, le développement de la plante était rapide, et plus parfait à la lumière qu’à l’ombre.

Ainsi, dans la germination des grains, tout se réduit aux faits suivans :

L’eau ou l’humidité gonflent la graine, et l’oxigène qu’elles tiennent en dissolution commence à en soustraire une première portion de carbone, principe dominant dans la graine.

Le gonflement facilite l’introduction de l’air atmosphérique dans l’intérieur de la graine : alors l’oxigène se combine plus abondamment avec le carbone, et forme de l’acide carbonique, qui se dégage à l’état de gaz.

La chaleur nécessaire à la germination des graines facilite l’action de l’oxigène et la volatilisation de l’acide carbonique, en même temps qu’elle excite le germe et provoque son développement.

La soustraction d’une portion de carbone change l’état et la nature des graines ; le mucilage et l’amidon dont elles sont composées presqu’en entier, en perdant une partie de leur carbone, passent à l’état de corps doux, laiteux et sucré, qui sert de première nourriture à l’embryon.