Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Madame la comtesse d’Houdetot

Mme LA COMTESSE D’HOUDETOT.


Madame la comtesse d’Houdetot (Elisabeth-Françoise de la Live de Bellegarde) naquit à Paris en 1730. Elle était fille d’un fermier-général, et fut mariée en 1748 au comte d’Houdetot. Cette dame, qui fut amie de Saint-Lambert, et que Rousseau et Marmontel citent avec éloge, cultivait les lettres sans prétentions ; mais seulement comme femme de beaucoup d’esprit. On ne connaît d’elle que quelques pièces fugitives. Elle est morte en 1813.


IMITATION DE MAROT.


Jeune, j’aimai ; ce temps de mon bel âge,
Ce temps si court, l’amour seul le remplit.
Quand j’atteignis la saison d’être sage,
Encor j’aimai, la raison me le dit.
Me voici vieille, et le plaisir s’envole ;
Mais le bonheur ne me quitte aujourd’hui,
Car j’aime encore, et l’amour me console :
Rien n’auroit pu me consoler de lui.


À DAMON.


Quand je pense, Damon, qu’une flamme constante
Doit éterniser nos amours,
Je sens que mon bonheur s’augmente
Sur l’espoir de l’aimer toujours.
Non, je crains de ne pas survivre
À la perte des biens que tu me fais goûter ;
S’ils pouvoient cesser d’exister,
Seroit-ce la peine de vivre ?
Par un si triste sentiment
Mon ame n’est point poursuivie.
Malheureux, qui croit en aimant
Ne pas aimer toute sa vie !