N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 219-226).


LA PÊCHE




Le Canada possède dans ses pêcheries d’eau profonde, des sources de richesse telles qu’il a fallu, au berceau de la colonie même, songer a les protéger, par des traités internationaux et par une législation toute spéciale : j’ai développé ailleurs[1] le mode à suivre pour les faire fructifier et pour en assurer l’exploitation à leurs propriétaires légitimes.

Le cadre que je me suis tracé ne me permet pas de revenir sur cette matière.

Mon but dans ce petit travail, est de signaler aux amateurs, les meilleurs endroits pour pêcher à la mouche artificielle, le saumon et la truite : et de passer en revue les intéressants volumes écrits sur nos estuaires à saumon, nos lacs et nos rivières à truite.

Des diverses[2] manières de pêcher à la ligne, la pêche aux mouches artificielles, est la celle dont nous nous occuperons.

ARMEMENT DU PÊCHEUR


Le pêcheur à la ligne doit être approvisionné d’au moins deux cannes à pêche : une canne de douze mètres de long pour le saumon, que l’on se procure facilement dans les grandes villes du Canada ou des États-Unis ; et une canne à pêche, bien moins forte et moins longue, pour la truite ; la canne doit être pourvue d’un moulinet, (reel) d’une ligne de vingt-cinq à trente mètres de longueur « composée de soie et de crins tordus et tressés, finissant en queue de rats, » et « d’un bas de ligne (casting line) d’un mètre et demi à deux mètres, en boyau de ver à soie. »

La ligne n’ayant ni plomb, ni flotte, est enroulée sur le moulinet qui peut être simple ou à engrenage, et passe dans de petits anneaux fixés dans la canne. On donne le nom de multiplicateur à cette dernière espèce de moulinet ; car, au moyen de son engrenage, on obtient un mouvement de rotation infiniment plus rapide.

On peut se procurer des mouches artificielles, à Québec, à Montréal, à New-York etc., de toutes les couleurs et de toutes les variétés. Il faut de plus un panier, pour le poisson capturé, une épuisette, landing net, petit filet en forme de poche monté sur un cercle de gros fil de fer, ou sur un léger cerceau de bois. Ce filet est ajusté au bout d’un long manche. Lorsque le poisson que l’on vient d’accrocher est assez fort pour rompre la ligne, quand on essaiera de le tirer de l’eau, on passe l’épuisette sous lui et on l’enlève sans danger. Puis, une gaffe, pour donner au poisson le coup de grâce, quand il est pris.

« Le pêcheur ne doit pas surtout oublier de se munir d’hameçons, de lignes et ustensiles de rechange, afin de parer aux accidents qui pourraient arriver. »

LA TRUITE


(salmo fontinalis)


« La truite n’est pas seulement un des poissons les plus agréables au goût, elle est encore un des plus beaux. Ses écailles brillent de l’éclat de l’argent et de l’or ; un jaune doré, mêlé de vert, resplendit sur les côtés de la tête et du corps. Les pectorales sont d’un brun mêlé de violet ; les ventrales et la caudale, dorées ; la nageoire adipeuse est couleur d’or avec une bordure brune ; l’anale, variée de pourpre, d’or et de gris de perle ; la dorsale, parsemée de petites gouttes purpurines ; le dos relevé, par des taches noires et d’autres taches rouges, entourées d’un bleu clair, réfléchissant sur les côtés de l’animal les nuances unies et agréables des rubis et des saphirs.

« On la trouve dans presque toutes les contrées du globe et particulièrement dans presque tous les lacs élevés… Il paraît que le poëte Ausone est le premier auteur qui en ait parlé.

« La tête de la truite est assez grosse ; sa mâchoire inférieure un peu plus avancée que la supérieure et garnie, comme cette dernière, de dents pointues et recourbées. On compte six ou huit dents sur la langue ; on en voit trois rangées de chaque côté du palais. La ligne latérale est droite ; les écailles sont très petites ; la peau de l’estomac est très-forte ; et il y a soixante vertèbres à l’épine du dos, de chaque côté de laquelle sont disposées, trente côtes.

« La truite aime une eau claire, froide, qui descend de montagnes élevées, qui s’échappe avec rapidité, et qui coule sur un fonds pierreux.

« Les grandes chaleurs peuvent incommoder la truite au point de la faire périr : aussi la voit-on vers le solstice d’été, lorsque les nuits sont très-courtes et qu’un soleil ardent rend les eaux presque tièdes, quitter les bassins pour aller habiter au milieu d’un courant, ou chercher près du rivage l’eau fraîche d’un ruisseau ou celle d’une fontaine. Elle peut d’autant plus aisément choisir entre ces divers asyles, qu’elle nage contre la direction des eaux les plus rapides avec une vitesse qui étonne l’observateur, et qu’elle s’élance audessus de digues et de cascades de plus de deux mètres de haut.

« Il paraît que le temps du frai de la truite varie suivant les pays. »

En Canada, les truites fraient en automne. Elles montent quelquefois jusque dans les rigoles qui ne sont entretenues que par les eaux fluviales. « Elles cherchent un gravier couvert par un léger courant, s’agitent, se frottent, pressent leur ventre contre le gravier ou le sable, et y déposent des œufs que le mâle arrose plusieurs fois dans le jour de sa liqueur fécondante. » Bloch a trouvé dans les ovaires d’une truite des rangées d’œufs gros, comme des pois, et dont la couleur orange s’est conservée pendant longtemps, même dans l’alcool.

D’après cette grosseur des œufs de truites, il n’est pas surprenant qu’elles contiennent moins d’œufs que plusieurs autres poissons d’eau douce ; et cependant elles multiplient beaucoup, parce que la plupart des poissons voraces vivent loin des eaux froides, qu’elles préfèrent.

Nous renvoyons le lecteur aux Pêcheries du Canada pour ce qui a rapport à la pisciculture et à la manière de former des étangs à truites.

Il y a plusieurs variétés de truites : truite de mousse, truite de petite rivière, truite noire, truite blanche, truite ronge et truite brune.



GLISSOIRE À SAUMONS


LE SAUMON


(salmo salar)


Le saumon est un poisson d’eau douce. Il passe la première année de son existence et les deux tiers de chaque année subséquente, dans l’eau douce, émigrant à l’océan, une fois ou plus par année : l’on pense que ces voyages sont dictés par le désir de se procurer des aliments différends ou plus abondants, dans l’onde amère, que dans les fleuves.

Nul poisson, pour la beauté ou le goût, peut entrer en comparaison avec le saumon, à son arrivée des cavernes de l’océan : c’est bien là le roi des poissons : ses teintes sont plus riches, plus foncées, plus variées.

« Les côtés du saumon sont bleus ou verdâtres vers le haut, et argentés en bas. Le dos, le front et les joues sont noirs. Une teinte d’un jaune rougeâtre couvre la gorge et le ventre. Les nageoires anales et ventrales sont d’un jaune-doré ; la première dorsale est grise avec des taches brunes ; la seconde est noire et la caudale, bleue. Quelques taches noires, irrégulièrement semées parsèment le corps du saumon.

« Ce poisson abondant, habite la mer dans le voisinage de l’embouchure des fleuves, mais au commencement du printemps, la femelle remonte ces fleuves, suit les rivières, et va déposer ses œufs dans une espèce de fosse creusée par elle dans le sable ; puis, le mâle vient à son tour y répandre sa laite.

« Les saumons suivent un certain ordre dans ces migrations périodiques. Une femelle, la plus grosse de la troupe, marche en tête ; les autres femelles la suivent, nageant deux à deux ; puis viennent les mâles et enfin les jeunes saumons. Ils franchissent dans le même ordre les cascades et les digues, car le saumon peut s’élancer à une hauteur de quatre à cinq mètres hors de l’eau. Pour cela, il se courbe en demi-cercle, s’appui contre un corps solide, tel qu’une pierre, et, redressant son corps avec la force et la vitesse d’un ressort, il s’élance audessus de l’obstacle.

J’ai vu réitérément les saumon s’efforcer de franchir la passe au saumon érigée par l’état au ruisseau à Marse, près de la Grande Baie des Ha ! Ha ! district du Saguenay ; ils faisaient plusieurs sauts désespérés, infructueux, mais enfin, ils en venaient à bout.

« La vitesse avec laquelle nagent les saumons, égale celle d’une locomotive de chemin de fer ; » ils franchissent par seconde une étendue de vingt quatre pieds environ.

On ne sera pas surpris, dit Lacépède, de cette célérité, si l’on fait attention à la conformation du saumon. Les saumons ont dans leur queue une rame très puissante. Les muscles de cette partie de leur corps jouissent même d’une si grande énergie, que des cataractes élevées ne sont pas pour ces poissons des obstacles insurmontables. C’est surtout, lorsque le plus gros de leur troupe, celui que l’on a nommé leur conducteur, a sauté avec succès, qu’ils s’élancent avec une nouvelle ardeur. Après toutes ces fatigues, ils ont souvent besoin de se reposer.

Les mâles, ont d’ordinaire la tête plus grosse, le corps moins épais que les femelles. Leur mâchoire supérieure est plus avancée que celle d’en bas, et lorsqu’ils sont parvenus à leur troisième année, elle devient plus longue et se recourbe vers l’inférieure… Lorsqu’un mâle trouve un autre mâle auprès des œufs déjà déposés dans la frayère, ou auprès de la femelle pondant encore, il l’attaque avec courage et le poursuit avec acharnement ou ne lui cède la place qu’après l’avoir disputée avec obstination. Les saumons ne fréquentent ordinairement la frayère que pendant la nuit. Il arrive quelquefois cependant que les œufs pondus par les femelles et la liqueur seminale des mâles se mêlent uniquement par l’effet des courants.

Les saumons vivent d’insectes, de vers, de jeunes poissons : on les voit s’élancer avec la rapidité de l’éclair sur les moucherons, les papillons, les sauterelles, et les autres insectes que les courants charrient ou qui voltigent au-dessus de la surface des eaux.

« Les jeunes saumons, dit le Dr Henry, sont fort frêles : la moindre chose les tue. Ils sautent constamment à la mouche et si l’hameçon s’enfonce profondément dans leur mâchoire, cela suffit pour causer leur mort. Bien que quelques individus de la nombreuse famille des salmonidés aient été connus des ancien, rien ne démontre que le saumon franc, le véritable représentant de l’espèce, le fut des Grecs.



  1. Les Pêcheries du Canada, 1863.
  2. René et Liersel, dans leur traité de la pêche, décrivent deux modes principaux : Les pêches à la ligne flottante et la pêche à la ligne de fonds. Les lignes flottantes forment trois divisions, savoir, : la ligne au coup, la ligne à fouetter et la ligne à la volée, qui, elle même comprend la pêche aux mouches artificielles et la pêche aux mouches naturelles.