Chants populaires de la Basse-Bretagne/Jeanne Le Titro


JEANNE LE TITRO
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I

  Jeanne Le Titro chantait gaiement,
En conduisant ses bêtes (au pâturage), un dimanche matin.

  Après avoir conduit ses vaches au pré Merrien,
Eile rencontra trois merciers.[1]

  Le grand mercier disait
À Jeanne Le Titro, en la saluant :

  — Jeanne Le Titro, dites-moi,
Êtes-vous fiancée ou ne l’êtes-vous pas ?

  — Je suis fiancée et mariée,
Depuis jeudi passé.

  — Belle Jeanne, je ne vous crois pas,
Je ne vois pas vos parures.

— J’ai mis mes parures,
Jusqu’à la fin de la semaine ….

II

  — Consolez-vous, Jeanne ne pleurez pas,
J’en ai eu de plus jolies que vous ;

  J’en ai eu avec des croix d’or à leur cou,
Et vous, vous n’êtes qu’une rousse !

  Jeanne Le Titro, si vous voulez m’obéir,
Vous regarderez dans ce miroir.

  Après avoir regardé dans le miroir,
Elle alla avec eux à Saint-Brieuc.

  Quand ils arrivèrent à Saint-Brieuc,
Ils descendirent dans la grande auberge :

  Ils descendirent dans la grande auberge,
Ils y demandèrent à loger :


— Jolie hôtesse, dites-moi,
Y aurait-il moyen d’être logé ?

Hôtesse jolie, dites-moi,
Avez-vous le moyen de loger trois ?

— Je ne tiendrais pas hôtellerie,
Si je n’avais le moyen de loger trois.

III

Le clerc Le Titro demandait
À sa mère, un dimanche, à midi :

— Ma pauvre petite mère, dites-moi,
Ma sœur Jeanne où est-elle allée ?

— Depuis qu’elle est allée conduire le bétail,
Je ne l’ai pas revue.

Le clerc Le Titro disait
À sa pauvre petite mère, le dimanche, à midi :

— Faites-moi seller ma haquenée blanche,
Afin que j’aille à Saint-Brieuc à l’instant.

En arrivant à Saint-Brieuc,
Il est descendu à la grande hôtellerie ;

Il est descendu à la grande hôtellerie,
Et il a salué l’hôtesse :

— Jolie hôtesse, dites-moi,
N’avez-vous pas logé trois merciers ?

N’avez-vous pas logé trois merciers,
Et sa femme avec un d’eux ?

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— Hôtesse jolie, dites-moi,
Ne connaissez-vous pas sa femme ?

— Il est marqué sur ses coiffes
Que son nom est Jeanne Le Titro.

— Dites à ma sœur Jeanne de descendre,
Pour parler à son frère le Monsieur.

Le grand Mercier dit
À Jeanne Le Titro, quand il entendit (cela) ;

— Si je savais que tu partisses avec lui,
Tu n’irais pas d’ici en vie !

Quand le clerc Le Titro entendit (cela),
Il monta l’escalier tournant ;

Il a monté l’escalier tournant,
Et il a salué sa sœur Jeanne :

— Ma sœur Jeanne, dites-moi,
Vous a-t-il déshonorée ?

— Non, pour devant Dieu,
Devant le monde, je ne dis pas.

Cruel eût été de cœur celui qui n’eût pleuré,
S’il eût été sur le pavé de Saint-Brieuc,

En voyant le pavé qui rougissait
Par le sang des merciers qui coulait ;

Par le sang des merciers qui coulait,
Et le clerc Le Titro qui les tuait !

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— Jeanne, venez de là à la maison.
Puisque vous êtes restée en vie !


Chanté par Marguerite Philippe.






  1. On appelait merciers des marchands ambulants qui parcouraient autrefois les campagnes, avec toutes sortes d’objets à l’usage des ménages.