Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Peine de cœur d’une maîtresse


PEINE DE CŒUR D’UNE MAITRESSE
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   Approche, fauvette, avec ta voix triomphante,
Pour écouter les propos (qui ont été échangés) entre deux jeunes gens ;

   Pour écouter les propos qui ont été (échangés) entre eux ;
Tu étais bien placée pour pouvoir les bien écouter ;


   Tu étais bien placée pour pouvoir les bien écouter,
Les paroles éloquentes qui furent (échangées) entre eux.

   Ma maîtresse est semblable à un bouquet de soucis,
Ou à une rose rouge, quand elle est en sa gaîté.

   Quand ses racines sont tranchées, elle vient à se pencher tristement ;
Ô Dieu, mon pauvre cœur, tu ne saurais désormais résister !

   Ô Dieu, mon pauvre cœur, comment résisteras-tu,
Lorsqu’il te faudra dire adieu à ta douce, à ton amour ?

   Ô Dieu, mon pauvre cœur, tu te briseras de douleur,
En disant adieu à ta douce, à ta douce qui t’aime !

   Le dimanche de Quasimodo, l’année passée,
J’étais avec ma maîtresse, dans le coin de son cabinet,

   Et moi d’entendre quelqu’un mal parler de moi,
Aussi violemment que, sur les bâtiments, quand on tire le canon ;

   Moi d’entendre une mauvaise langue mal parler de ma condition,
(En langage) aussi violent que les coups de canon,
______________________________ au milieu d’un combat.

   Moi d’empoigner ma maîtresse et de me retirer,
Et moi d’aller avec elle aux chambres les plus hautes.

   Son père était là, sur le seuil de la porte de sa chambre,
Il avait une face (aussi terrible) que la face d’un tyran.

   — Si vous ne consentez, ma fille, à délaisser l’homme que voilà,
Je vous priverai de mes biens, durant ma vie !

   Françoise, dès qu’elle a entendu, va à son cabinet
Écrire une lettre, avec un cœur blessé[1].


   — Seigneur Dieu ! mon Dieu ! ne pourrais-je trouver un messager
Qui porterait pour moi à mon doux joli une lettre ?

   Qui lui porterait une lettre écrite avec mon sang,
Afin que mon ami sache quelques-unes de mes peines de cœur.

   — Ma sœur Françoise, écrivez vos lettres, quand vous voudrez,
Messager pour les porter ne vous fera point défaut...

   — Bonjour à vous, père cruel, père cruel et dénaturé,
Recevriez-vous une lettre de la main de votre enfant ?

   Recevriez-vous une lettre de la part de votre fille Françoise ?
Elle m’a dit qu’elle était à ses derniers moments.

   Son père, en entendant cela, se prend à réfléchir ;
Si cruel qu’il soit, son cœur est attendri.

   Et lui de grimper alors à sa chambre la plus haute,
(Et) de rester un peu de temps à s’examiner...

   — Tenez, ma sœur Françoise, tenez cette lettre,
Prenez un escabeau pour lire ce qu’elle contient.

   — Et toi, mon frère, dit-elle, prends lance ou glaive,
Pour me transpercer le cœur, tu ne me feras point de mal !...

   Je bâtirai une tourelle sur le bord de la mer profonde,
Et verrai de là les allées et venues de mon ami ;

   Et verrai là-bas une barque neuve venir,
Et, en celle-là, sera mon doux (ami) le plus aimé ;

   En celle-là sera mon doux, mon vrai ami,
Celui qui m’a planté un poignard dans le cœur !...

   Avant de terminer ma chanson, j’ai envie de dire
Un mot sur l’amour qui unit garçons et filles.

   Amour de jeune gars est une plume sur l’eau,
Un sentiment dissimulé et un esprit traître ;

   Amour de jeune fille est léger comme la balle (d’avoine),
Il passe en un instant, avec un coup de vent.


Chanté à Keramborgne, 1848.
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  1. — Sauf votre grâce, dit-elle, s’il faut faire cela,
    Dans trois jours d’ici, je serai morte et enterrée ;

    Dans trois jours d’ici, je serai morte, et enterrée,
    Dans le cimetière de Gurunhuel, ou bien dans le porche !

    Je vous prie maintenant, gars de Gurunhuel,
    Quand vous entendrez dire que je serai morte, de dire chacun une prière ;

    Et priez les prêtres de venir m’enterrer
    Dans le chœur le plus élevé, au coin des marches (de l’autel).

    Mettez une croix sur ma tombe, et écrivez sur elle
    Que je serai morte de mélancolie.

    Je vous prie, mon serviteur, quand vous entendrez dire que je serai morte,
    Achetez un vêtement noir, pour porter mon deuil ;

    Achetez un vêtement noir, pour porter mon deuil,
    Car c’est à cause de vous que je serai morte !