Chansons populaires de la Basse-Bretagne/L’oiseau de Saint-Nicolas


L’OISEAU DE SAINT-NICOLAS.


(LE MARTIN-PÊCHEUR.)
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Approchez, jeunes gens, et vous entendrez chanter
Une chanson divertissante, qui a été levée en cette année, ;

Qui a été faite à un jeune homme de l’évêché de Vannes,
Lequel, pour la saison nouvelle, s’est trouvé désolé.

   Je vais encore une fois jusqu’à la maison de ma maîtresse,
Et quand je perdrais ma peine, je l’ai fait quantes fois.

   D’après les conclusions que nous prendrons maintenant,
Il nous faudra nous quitter et nous séparer,

   — « Bonjour à vous, ma maîtresse, en vrai humilité !
En vous j’espère, aussi bien la nuit que le jour.

   Faute de savoir la claire vérité,
En vous je me confie, en vraie humilité.

   — Oh ! oui, mon serviteur, n’ayez de doute aucun,
Car vous aimer, je le fais avec un cœur parfait.

   Plutôt faillira la pluie à mouiller.
Plutôt les oiseaux dans les arbres failliront à chanter.

   — Eh bien ! donc, ma maîtresse, donnez-moi mon congé,
Puisqu’il ne m’est permis de garder amitié.

   — Oh ! oui, mon serviteur, je vous donnerai votre congé,
A la condition que vous me reviendrez encore ;

   A la condition qu’encore vous me reviendrez,
Je n’ai pas mérité d’être abandonnée.

   Comme j’étais allé au lit prendre un peu de repos,
Je croîs qu’elle était passée, l’heure de minuit,

   Moi d’entendre un oiseau fredonner une chanson,
Sur le bord de la rivière, tout près de l’eau profonde.

   Et moi de me lever sur le bord de mon lit,
D’écouter l’oiseau bleu qui chantait gai :

   Il disait, l’oiselet, si gentiment en sa langue ;
« Voilà, mon serviteur chéri, qu’elle est désolée, ta maîtresse,



   Voilà, mon ami cher, qu’elle est désolée, ta maîtresse,
Le reste de ses jours s’écoulera dans la tristesse ;

   Le reste de ses jour s’écoulera dans la tristesse,
Elle ne fait que verser des larmes dans la désolation et l’angoisse.

   Il en est parmi les siens à qui la fantaisie est venue
De la vouloir marier contre sa volonté.

   Ce sont gens qui lui sont à coup sûr apparentés,
Moi, j’ai fait mon possible, et je n’y suis pour rien.

   — Petit oiseau de Saint Nicolas, tu es bon à mon endroit[1] ,
Va pour moi jusqu’à elle. — J’ai fait mon possible.

   — Si elle est allée se coucher, entre vite en sa chambre,
Et donne-lui ma lettre, sans faire de cérémonies.

   Voilà l’oiseau parti alors, incontinent,
Pour présenter la lettre à ma maîtresse, dans sa chambre ;

   Pour lui présenter ma lettre cachetée,
Qu’il avait à grand’peine emportée dans son vol.

   Ma maîtresse, qui était sage, la lut avec lenteur.
L’eau de ses deux yeux mouillait le papier,

   En venant à considérer quels touchants propos
Je lui avais écrits, en brèves paroles.

   L’oiseau s’en retourne pour me consoler,
Avec une lettre dans le bec, pour m’apporter réponse.

   Quand je reçus sa lettre, mon cœur bondissait,
Comme un petit agneau au soleil, au mois de mai.


Keranborgne, 1847.
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  1. Les paysans bretons appellent le Martin-pêcheur l’oiseau de Saint Nicolas.