Chansons populaires de la Basse-Bretagne/L’oiseau roux


L’OISEAU ROUX


(LA FAUVETTE.)
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Je suis un jeune homme ; — bien que je ne sois pas galant,
Je sais écrire et lire, gagner or et argent ;
Et je vous révélerai (une chose), avant la fin de mon propos :
Quiconque choisit une maîtresse ne dort ni jour, ni nuit.

Moi, j’en ai choisi une, qui est plus belle que la lune,
Plus brillante que le soleil, quand il se lève sur la terre ;
Plus brillante que le soleil quand il se lève sur le monde ;
Elle brisera mon cœur, si elle ne me donne remède.

Moi, j’ai deux maîtresses, pareilles à deux roses,
L’une d’elles est rouge, une autre est blanche ;
La blanche est dans le jardin du midi :
J’ai peur qu’elle ne se flétrisse, quand arrivera la saison dure.



La rouge est une fille belle et jolie,
Qui m’a ravi avec ses regards charmants.
Quand tout ce qu’il y a de gens au monde m’eût affirmé
Qu’elle était coquette, je n’aurais pu le croire.

Mais à présent, je crois, parce que j’en ai fait la claire expérience ;
Adieu, mon amour ! adieu, mon espérance !

J’ai une fauvette, dont on a rogné les deux ailes,
Qui vient chaque nuit, chaque nuit, sur le coin de mon manteau[1] ;
Et il n’y a heure de la nuit que je ne l’entende chanter.
Le petit cœur de ma maîtresse est semblable à cette fauvette

L’autre jour, à dix heures de nuit, comme j’étais dans mon lit,
Ayant déjà dormi un somme, j’eus un rêve ;
Ayant déjà dormi un somme, j’eus un rêve,
(Je rêvai) que ma plus aimée était à mon côté.

Hélas ! quand je m’éveillai, voyant qu’elle n’y était pas,
Je me mis à pleurer comme un agneau égaré ;
Je me mis à pleurer comme un petit agneau
Qu’on a lâché parmi l’ajonc (et qui a été) abandonné par sa mère.

Je vais encore une fois jusque chez ma maîtresse :
Quand même je perdrais ma peine, je l’ai fait bien souvent ;
Quand même je perdrais ma peine, bien souvent je l’ai fait.
Tout le monde me dit que je perds mon temps.

— Selon que vous me direz, j’irai étudier,
Et onques jamais à la maison je ne retournerai ;
Selon que vous me direz, j’irai à l’étude,
Et onques jamais à la maison je ne reviendrai.

— Allez donc, mon serviteur, allez encore à l’étude,
Une petite année ou deux, ou à tout le moins trois,
Jusqu’à ce que j’aie achevé mes vingt-cinq ans ;
Alors, je vous épouserai, sans la permission de mes parents.


Keranborgne. — 1847.
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  1. Manteau de ma cheminée ?