Cham - Albums du Charivari/Paris s’amuse

Journal le charivari (3p. 165--).

PARIS S’AMUSE



— Pourquoi donc que t’envoies des coups de pied
dans l’estomac de ton danseur ?
— Que t’es bête ! c’est pour lui creuser l’estomac,
afin qu’il nous mène souper.


CHEZ ARNAULD DE VRESSE, EDITEUR
55, RUE DE RIVOLI.
Paris — Imprimerie J. Voisvenel, rue du Croissant, 16.

— Viens faire dire les lettres à Toto !

— Où est ton livre, ma petite ?

— Ze lis dans la carte au restaurant.

— Oui, madame, j’ai cru que vous n’aimiez que moi !

— Pour votre honneur, monsieur, taisez-vous ! Vous feriez croire que vous êtes un égoïste.

— Eh bien ! et ton bébé ? Qué que t’en as fait ?

— Merci ! il demandait déjà à manger… J’en cherche un qui ne soit pas encore sevré.

— Ah ! madame, je vous offre ma vie !

— Tiens ! vous n’avez donc plus la bourse ?

— À bas les pattes ! vous n’avez pas de droits là-dessus.

— C’est juste, on vient de supprimer les droits sur le coton !

— Demain, chez vous, à minuit ! Mais votre portier, madame, que va-t-il penser ?

— Bah : je le laisse crier tous les soirs !

LE GROS DOMINO. — Eh bien ! monsieur, que signifie cette plaisanterie ? pourquoi me présenter toujours ce bébé ?

— Mais, dam ! c’est un enfant que je présente à la tour.

— Grossier personnage !

— Mais est-il bête, ce portier ! il ne sait donc pas que nous sommes en carnaval ?

— Le carnaval ne me regarde pas ! Je ne connais que les ordres du propriétaire qui ne veut pas d’enfants dans sa maison ; voici votre congé !

— Il est joliment pingre, ce monsieur ! je lui ai demandé de me payer du sucre de pomme…

— Eh bien ?

— Il m’a répondu que les bébés ne devaient sucer que leur pouce.

— Ciel ! mon fils n’a plus son bourrelet ! Sa mère et lui ont changé de coiffure… Ma femme est au bal masqué en bébé, j’en suis sûr !
— Monsieur, il ne serait pas convenable que j’allasse souper toute seule avec vous… Prenez mon ours ! — Quatre-vingt-quinze francs !… Saperlotte, quel sevrage !

— Eh bien, ne te gêne pas, Caroline… Combien est-ce qu’il t’en faut donc à toi ?

— Ma chère, le carnaval est si court cette année !

— Dis donc, fais attention ! ta femme me fait l’effet d’être joliment membre de la Société protectrice des animaux, ce soir !

— Monsieur, vous n’avez pas le droit de démasquer ce bébé.

— Si fait, c’est un enfant à moi que je veux reconnaître.

— Madame, c’est trop fort ! il y a des barrières qu’une honnête femme ne doit pas franchir !

— Oui, monsieur, mais on vient de les reculer, les barrières.

— Pourquoi vous quereller… avec son amant ? Faut pas, vous vous querelleriez avec tout le monde.

— Laissez-moi tranquille ! je ne vous connais… C’est désagréable, ces choses-là !

— Bonjour grand-papa ! Grand-papa qui ne veut pas reconnaître sa petite-fille !… Oh ! le vilain grand-papa !

— Amélie, un monsieur t’a payé ce sucre de pomme ?

— Mon ami, je suis un bébé en nourrice ; tu sais, on leur fournit le sucre et…

— Le savon ! tu vas l’avoir aussi, je m’en charge !

— Voila un petit bourgeois bien gentil ! On a beau lui dire des choses désagréables, il n’oserait pas lever la main sur un enfant… pas vrai, mon chéri ?

— Qu’est-ce que tu fais donc, Amélie ?

— Dam ! c’est ma dernière ressource, tous les autres hommes sont retenus !

— Si votre amie voulait me donner une place dans son cœur ?

— C’est possible. Mais dam ! vous serez serré, je vous en préviens.

— Mais, mon ami, vous me faites commencer la musique trop jeune !… Mettre un bébé au violon ! c’est absurde, mon cher…

— Comment ! Françoise, j’engage du monde pour prendre le thé et vous ne leur servez que du chocolat !

— Oui, madame… Hi ! hi ! hi ! ça me ferait trop de peine ! Le thé, ça me rappelle la Chine, où qu’est parti mon cousin du 162e de ligne… Hi ! hi ! hi !

— Je vas à la descente de la Courtille chercher mon homme.

— Faut bien vous couvrir, ma chère.

— Fait donc bien froid ?

— C’est pas ça, mais comme votre mari vous tapera dessus, faut amortir !

— Mais, ma chère, nous sommes en carême ?

— Je sais bien, j’attends la mi-carême.

— Allons, bon ! ne va-t-il pas se mettre à danser aussi, lui, pour nous faire tirer le cordon toute la nuit ! C’était pas la peine qu’il vienne alors !

— Madame ne met pas sa crinoline ?

— Non, nous sommes en carême, ça fait gras.

— Je n’ai pas d’enfants, mais j’ai des bœufs qui me donnent bien de la satisfaction !

La véritable Pénélope normande suivie de ses prétendants messieurs les bouchers de Paris (n’en déplaise à M. Alphonse Karr).
Le lauréat voulant absolument embrasser le président qui lui décerne son prix, ainsi que cela se pratique dans les collèges de l’Université.
RETOUR D’UN FRUIT SEC DU CONCOURS DE POISSY.

— Comment ! pas le moindre prix ! pas même un accessit ! après tous les sacrifices qu’on a faits pour vous !…

— Tu le connais donc, le bœuf Solferino ?

— Mais oui, j’ai eu des démêlés l’année dernière avec son parrain !

Il n’y a pas de plaisir sans peine.

— Mon chéri, je crains que tu ne sois peut-être pas assez couvert ?

— Je le suis suffisamment, je ne m'enrhume jamais que de la tête.

— Mais allez donc, cocher ! le bœuf gras me prie de vous dire d’avancer.

Le Temps se mettant cette année à la pluie.

— Tiens ! c’est l’Amour… J’ai cru qu’il avait un carquois avec des flèches !

— Autrefois, c’est possible ; mais l’amour aujourd’hui, c’est changé.

— Dis donc, Bichette, comment trouves-tu la robe du bœuf gras ?

— Mais je la trouve à la mode puisqu’il y a une queue par derrière.

— C’est Solferino, pas vrai, bourgeois ? Eh bien, moi, qui s’y ai z’été, je vous dirai que ça vous donne z’une idée très-imparfaite de la chose.

— Marguerite, que signifie ceci ? Votre cuisine pleine de militaires !…

— Madame a voulu manger du Solferino, c’est ceux qui z’y étaient qui s’entendent à accommoder c’te chose-là. J’y connais rien aux plats militaires.

— Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce qu’il a donc mon mari depuis qu’il a mangé du Solferino ?

— Chère amie, je vais faire un tour en ville, le premier pékin qui a le malheur de me regarder de travers…

— Monsieur Pacot, voulez-vous manger un morceau de Solferino qu’ont eu mes maîtres pour leur dîner ? il est bien tendre.

— Bien tendre ! c’est pas du Solferino alors… J’y étais, et je sais que c’était joliment dur au contraire !

Le bœuf gras arrivé à sa dernière destination.

— Enfin ! je danse ce soir. J’ai bien envie de lui faire un procès avec dommages et intérêts pour m’avoir occasionné une incapacité de travail pendant plus de vingt jours.

— Ah ! ma chère amie ! rien n’a donc de l’influence sur vous ? Je vous rencontre à la mi-carême encore dans cet état-là !

— Comment ! tu m’avais demandé de te payer un bâton de sucre de pommes ?

— Oui, mais j’ai réfléchi que c’était le dernier bal !

— Hi ! hi ! je veux aller retrouver ma bonne !

— Eh bien, mon enfant, allons la chercher. Où est-elle ?

— Elle était au bal masqué de l’Opéra de la mi-carême, nous la trouverons, c’est sûr, au prochain bal ; si monsieur veut me donner son bras ?

— Diable ! mon bras jusqu’à fin de décembre prochain… merci !

La ville de Paris se reculant jusqu’aux fossés des fortifications.

— Halte ! sapristi ! halte !

— Aller se pocharder à la barrière ! j’ai pus le moyen à c’te heure.

— T’as donc pas pour une chopine ?

— Si ; mais pour un fiacre.

Ces pauvres douaniers s’ennuyant à la campagne où les a relégués l’emplacement du nouvel octroi de Paris.

— Je ne sais pas ce que leur z’y a fait c’te pauvre ville de Paris, qu’on y dresse partout des potences.

— Des potences ?

— Mais certainement ; à preuve qu’on va lui faire l’opération de la strangulation.

Profitant du nouveau moyen anesthésique pour se débarrasser au jour de l’an de son concierge, facteur, porteur d’eau, etc., en les plongeant en catalepsie au moyen du brillant d’une pièce de cinq francs neuve.

— Couche-toi donc, ma chère amie, il est tard !

— C’est inutile, je ne peux pas fermer l’œil… Faut absolument que tu m’achètes un gros diamant, il paraît que ça fait dormir rien qu’en le fixant.

Nouveau moyen de se débarrasser d’un voleur : lui faire voir ses diamants.

— Mais c’est abominable, une découverte comme celle-là ! — Comment ! le brillant de mes yeux a suffi pour mettre ce monsieur en catalepsie rien qu’à le regarder ! — Mais, monsieur, vous ne pouvez pas rester chez moi !

— Madame, tous vos efforts seront inutiles ; mettez-moi au lit, c’est la seule chose à faire.

MARGUERITE GAUTHIER. — Ah ça ! qu’est-ce qui lui prend donc ? Il me place sur un piédestal et le voilà maintenant qui me démolit !

— Ma chère amie, vous n’avez aucune disposition pour le théâtre et vous voulez jouer la comédie !

— Je t’assure que je serai très-bonne dans la pièce de M. Labiche, les Petites mains ; je gante 5 3/4.

— Messieurs et mesdames ! donnez-vous la peine d’entrer, M. Rarey va commencer !

— Merci ! j’aime mieux qu’il ait fini pour entrer.

Le malheureux Orphée allant d’Offenbach à Carvalho pour ravoir son Eurydice.