Cham - Albums du Charivari/Les Kaiserlicks

Journal le charivari (3p. 197--).

LES
KAISERLICKS

PAR


— Le chén’ral a subrimé le schlake.
— Ya ! Le chén’ral il a troufé le chlake faire
maindenant touple embloi afec les Vrançais
bour le dos des soldats autrichiens.


CHEZ ARNAULD DE VRESSE, EDITEUR
55, RUE DE RIVOLI.
Paris — Imprimerie J. Voisvenel, rue du Croissant, 16.
Examen de la situation… On reconnaît qu’elle est tendue. Espérons que le congrès les empêchera de pousser plus loin.

— Retirez-vous et je m’en vais.

— Je m’en irai dès que vous serez parti.

— Après vous.

— Vous êtes trop poli. Filez d’abord.

ENTRÉE EN PIÉMONT.
Ils poseront le pied plus vivement que ça pour en sortir.

— Faites attention ! si vous venez par ici, vous allez vous faire ramona.

— Il faut tout fotre argent au camp autrichien dans une heure ! Seulement moi, Croate pon enfant, accorder la vafeur de brendre fotre heure à fous. Conséquemment fous donner fotre montre à moi.

S’APPRÊTANT À DONNER UNE LEÇON DE DANSE.

Mon bétit Vrançois, mon bétit Vrançois,
Toi fouloir gue che t’abrenne…
Etc., etc…

TROUPE AUTRICHIENNE À L’EXERCICE.

— Addention ! Garte à fous ! Brébarez verges ! Fouettez femmes !

— J’ai cru que vous aviez envie de ce gâteau de Savoie ?

— Oui, mais j’aperçois maintenant un petit bonhomme dessus !

— Vous craignez que cela ne vous gêne pour l’avaler ?

— N’avoir rien pris depuis Sébastopol, ça creuse ! Je vais prendre quelque chose, je ne peux plus attendre.

— Je ne badine pas, moi ! Qu’est-ce que vous aviez là ?

— Oh ! c’était un pouquet que ch’foulais offrir à matame !

— Dumanet, mon garçon, tu t’es trompé ; tu as pris un pâtissier pour un Autrichien !

— Dam ! il est facile de s’y tromper, ils sont tous deux habillés de blanc, et à l’heure qu’il est ils font tous deux des brioches.

UN RESTAURANT À MORTARA.

— Apportez-nous deux couverts en argent !

— Qu’est-ce que ces messieurs désirent prendre ?

— Nous ne prendrons pas autre chose.

Les Autrichiens reçus en effet à bras ouverts par les populations.

— Mon bonhomme, nous avons un ancien compte à régler ensemble. Vous allez me payer tout cela, et pour cette fois je ferai de l’usure.

— Est-il égoïste le tambour-major ! Il avance toujours, lui ; il ne s’occupe pas de ceux qui le suivent !

— C’est joliment commode un brave homme qui tous tend la perche comme ça au moment où on allait s’enfoncer.

— Et puis après ?

— Croate il être doujours fainqueur ! Soldate vrançais il brendre chamais rien !

— C’est comme cela que vous êtes de cuisine ?

— Capitaine, faut que la compagnie attende encore un peu, la soupe des Autrichiens en face n’a pas eu le temps de cuire assez ; j’irai la chercher tout à l’heure.

— Che tois l’afoir tué le zouafe que j’affre diré tessus dout à l’heure ! Che ne le fois blus tevant moi !

Le correspondant du Times examinant avec sa lorgnette la conduite des Autrichiens en Italie.
Le général Giulay vengé de l’opinion publique par une députation de Peaux rouges qui viennent le féliciter sur sa belle conduite et lui déclarer qu’ils en eussent fait autant à sa place.

— Cré coquin ! je leur fais une drôle de généalogie aux cavaliers autrichiens ! Je les fais tous descendre de leur cheval !

— Faites pas addention, gamarate, c’est les Biémontais gui gommencent à nous inonter.

— Tarteifle ! si ça ne fait gue te gommencer, merci !

— Dis donc, il fait une drôle de tête, le major autrichien des avant-postes !

— Parbleu ! je viens de lui faire passer un numéro du Charivari que j’avais dans ma poche.

LE RUSSE. — Faut-il que tu sois cornichon de te frotter à mon ami ! Il en vaut deux comme moi et moi j’en vaux six comme toi.

— Nous avons gagné la bataille de Montebello, faut-il poursuivre l’ennemi ?

— C’est pas la peine, major, ils nous rattraperont tout à l’heure !

— C’est une ponne blaisanterie ça, les journaux vrançais disent que les Croates sont des foleurs, et foila un vrançais qui fient brécisément de me foler mon drapeau tans la main !

LES AVANT-POSTES.

— Ohé là-pas ! Vrançais, fous ne bensez tonc bas à vaire la soupe ?

— Si fait, nous pensons à la soupe, mais à celle que nous allons vous tremper !

— Le bain de monsieur est prêt. Monsieur sonnera pour son peignoir.

— Très-bien, brave paysan ; tu nous a livré tes vaches et tes moutons, je vais maintenant te payer ! Caporal Schlagman, passez-moi ma bourse.

— Foilà, mach’or, foilà ! Le machor feut lui gompter ça lui-même ?

— Il ne nous attaque donc pas le betit Vrançais ?

— Mais non, j’attends que vous soyez quatre ou cinq.

— Brave sentinelle autrichienne, permettez à un humble zouave de se jeter à vos augustes pieds.

Chacun travaille à sa manière, c’est une affaire de tempérament.

— Fais pas attention, mon bonhomme, t’es pas le premier que j’arrange comme ça !

— Allons, bon ! Qu’est-ce qu’il me fiche donc là ?… Nous allons donc nous battre au hasard de la fourchette ?

— Je ne vous en veux plus, mon brave, vous allez boire à la santé de mes taloches !

— Oh ! les taloches que fous m’afez tonnées ne sont bas malates ; je vous rébonds qu’elles se portaient bien !

— Ça coûte cher les loyers à Magenta ! On a encore du mal à se loger par là !

— Fourrier, il s’agit de rédiger un rapport sur les forces de l’ennemi.

— Général, je rédige pas mal.

— Je me moque de la rédaction ! Êtes-vous fort sur la multiplication ?

— Faut m’obéir ! je suis ton supérieur !

— Je suis un tourlourou français et tu n’es qu’un major autrichien !

— C’est pas de votre faute que nous soyons vos vainqueurs, on ne change pas comme ça de vieilles habitudes.

— Attrape, mon garçon ! Voilà Cocotte qui commence à connaître son monde !

— Allons, voyons, mon chéri de Russe, dites quelque chose d’aimable à votre excellent ami l’Autrichien.

— Bono Francese ! Bono Francese !

— Ah ! bigre !

— C’est pas malin d’être tapin autrichien ; n’y a qu’une batterie, toujours la même : la retraite !

— La ! la ! itou ! — Oh ! la ! la !
Chanteur tyrolien suivi de son accompagnateur.

— Major, fou foyez mon driste bosition !

— Nix ! c’est toi qui ne gombrends bas le tactique autrichienne ; tu es son vainqueur !

— Tarteiffie ! Il barait que j’ai été fainqueur ! Qu’est-ce que ch’aurais donc reçu si j’affre été faincu ?

— Vous êtes vainqueur ? Mais quel est ce monsieur qui est derrière vous ?

— C’est un Français que je viens de faire prisonnier.

— Ce pauvre Autrichien ! il n’est pas libre de ses deux mains pour se défendre !

— Permettez, monsieur le chroniqueur, faites-moi une petite place. Si vous travaillez pour les Débats, moi je travaille pour la patrie.

— Vous avez ôté une des épingles piquées sur cette carte ?

— Oui, monsieur, pour le châle de madame !

— Malheureuse ! vous avez enlevé un corps de trente mille hommes franco-sarde ! La guerre est compromise par votre sottise !

— C’est pas toujours celui qui fait la soupe qui la mange !

Le correspondant du Times commence à regretter de ne pas s’être mis du côté des Français.

— Vous prenez un cheval, lieutenant ?

— Mais, général, ces diables de zouaves vous attrapent tout de suite quand on est à pied.

— C’est tégoûdant ! Ces Vrancais sont t’une intisgrétion !

— Pour lequel que tu paries ? Je parie pour le plumet vert : il arrivera à Vienne avant les autres ! Hardi ! le plumet vert ! Hardi !

— Hé ! la-bas. ! les Milanais vous rappellent !

— Général, vous qui avez combattu les Français autrefois, qu’en pensez-vous ?

— Hélas ! excellence, ce sont toujours les mêmes ! ! !

L’HISTOIRE. — Saprelote ! il ne vous laisse seulement pas le temps d’écrire ! Nous disons Montebello ?

LE TROUPIER. — Palestro ! Robbio !

L’HISTOIRE. — Voyons donc à la fin ! Nous disons Palestro ?

LE TROUPIER. — Palestro ! Robbio ! Magenta ! Solferino !

L’HISTOIRE. — Vous êtes assommant, parole d’honneur ! Pas moyen de vous suivre !