Cham - Albums du Charivari/Les Collégiens en vacances

Journal le Charivari (6p. 87--).

LES COLLÉGIENS

En Vacances
En Vacances



par Cham
par Cham

— Dis donc, voilà qu’on supprime le képy dans la troupe !
— C’est joliment vexant pour nous autres : on ne nous
prendra plus pour des officiers !



Paris
Paris
MAISON MARTINET
172, rue de rivoli, et rue vivienne, 41
DISCOURS DES PRIX.

— Chers élèves… (Bas.) Voulez-vous ne pas causer, méchant polisson !… (Haut.) Chers élèves…

Le discours latin se combinant cette année avec trente-cinq degrés de chaleur, plusieurs cas d’hydrophobie se déclarent dans la salle de la Sorbonne.

— C’est ton professeur ? Je vais lui demander s’il est content de toi.

— Non. papa, n’y va pas. Vois-tu, c’est que… il ne parle que latin, il ne te comprendrait pas.

— Tenez, madame Pipelet, voilà mon fils qui a remporté tous les prix dans les lettres.

— Ah ! il s’y connaît donc… Faut voir que j’lui en fasse voir une que le facteur m’a fait payer six sous, que je n’y comprends rien !

— Monsieur, voici mon fils que je voudrais placer dans votre pension.

— Quel jour, madame ?

— Le jour de la distribution des prix, afin qu’il en ait un : cela flatte toujours l’amour-propre d’une mère.

— Premier prix de mémoire, l’élève Rabutot.

— Oh ! monsieur, je le reconnais, c’est le livre que vous m’avez confisqué le mois dernier.

— Taisez-vous ! retournez à votre place. Vous l’avez reconnu, aussi c’est le prix de mémoire.

— Mon fils a chaque année le prix de mémoire, qu’en pensez-vous ?

— Mais je pense qu’il faut en faire un apothicaire, alors !

— Mon fils était le mieux mis de votre pension, le mieux frisé ; il est inconcevable que vous ne lui ayez pas donné un seul prix. On ne le voyait donc pas d’où vous étiez ?

— Professeur, il est essentiel que le petit Bonichon ait un prix, sans quoi ses parents le retirent de ma pension.

— Mais il ne travaille jamais !

— Eh bien, puisqu’il continue à ne rien faire, donnons-lui le prix de persévérance.

— Voyez, monsieur : le livre que vous m’avez donné comme prix, il est tellement vieux, que les feuilles s’en vont…

— Mon ami, le livre doit être en rapport avec le prix : vous avez le prix vétéran.

— Allons, qu’est-ce que tu veux encore ?

— J’ voudrais boire dans un verre plus grand que ça !

— Oh ! grand-papa, que tu as une belle montre ! c’est-il au mât de Cocagne que tu l’as gagnée, dis ? J’ai vu hier à la fête qu’on en gagnait comme ça aux Champs-Élysées !

— Je suis bien heureuse : les professeurs de mon fils sont très-contents de lui, il entrera en cinquième l’an prochain.

— Le ferez-vous bifurquer ?

— (Avec effroi.) Moi, faire bifurquer mon fils… jamais !

— Vous m’excuserez si je vous reçois au milieu de ce désordre… mais j’ai mes garçons qui sont revenus du collège et qui sont ici pour six semaines.

— Dis donc, c’est étonnant, je ne peux pas prendre un seul poisson !

— Ça ne m’étonne pas, il a tellement plu cette année : ils sont probablement tous noyés !

— Mon enfant, ne tirez pas la queue de ce pauvre chien : vous lui faites mal !

— Je ne croyais pas que ce fût à lui… je pensais qu’il portait peut-être une fausse natte comme maman !

LE MOIS LE PLUS LONG DE L’ANNÉE.

— Tout le mois de septembre comme cela ! Que vais-je devenir, grand Dieu ! que vais-je devenir ? Ah ! les brigands de collégiens ! les brigands !

LA LEÇON PENDANT LES VACANCES.

LE MAÎTRE, lisant. — L’attitude du Péloponèse dans cette guerre… (Haut.) Mon ami, veuillez me prêter quelque attention !

— Allez toujours, monsieur, je vous écoute ; allez toujours !

— Hi ! hi ! maman, laisse-moi mettre mes effets !

— Du tout, mon enfant, il faut profiter des vacances pour ménager la tunique, afin que je ne sois pas obligée de t’en acheter une neuve peur la rentrée.

— Polisson ? tu me demandes de l’argent pour le bain, et tu le dépenses au café !

— Je l’assure que je ne t’ai pas trompée ! je me suis fait servir le bain de pied par le garçon ; vois plutôt !

— Comment ! vous ne voulez pas travailler, petit cancre ! vous voulez donc rester une bête toute votre vie ?

— Oui, quand je serai bête, on me mettra au jardin d’acclimatation : c’est une position, ça, et j’adore le bois de Boulogne.

— Père Mathurin, voici mon fils qui a obtenu un prix…

— Tiens ! faut que je lui fasse faire connaissance avec mon porc, qui en a eu un aussi, ça fait qu’ils sont camarades ensemble.

— Georges, veux-tu bien te soutenir ! Je vous demande un peu ce que cela peut lui faire à cet imbécile, que Mlle Estelle se soit mariée pendant son absence ?…

— Mais c’est une horreur !… je te demande ce que tu as appris à ton collège, et tu me sautes sur les épaules !

— Maman, la gymnastique fait aujourd’hui partie de l’éducation que l’on reçoit dans les lycées.

— Maman, je m’ennuie ! tu serais bien aimable de me donner une feuille de papier blanc.

— Pour te faire un chapeau ?

— Non. pour me faire des cigarettes !

LE PÈRE, terrifié. — Eh bien, non, tu n’auras pas de répétiteur pour te faire travailler pendant les vacances… eh bien, non… eh bien non !

— Mon ami, pourquoi tourmenter la sœur ?

— Ça me soulage… je n’ai plus mon pion sous la main !

— Voyons, mon ami, avant de vous interroger… qu’avez-vous vu principalement dans votre année scolaire ?

— Principalement ?… mais des haricots, j’en ai vu tous les jours.

— Je vais te donner un professeur qui te donnera quelques leçons pendant le mois le septembre.

L’ÉLÈVE, à part. — C’est bien dur, quand on n’a rien fait pendant toute l’année, d’être obligé de travailler encore pendant les vacances !

— Vilain paresseux ! tu t’estimes heureux de n’avoir pas eu de prix ?

— Ma foi, oui : j’aurais peut-être été tenté de les lire !

— Hi ! hi ! hi ! je ne peux pas jouir de mes vacances ! Hi ! hi ! hi ! il ne fait que pleuvoir !

— Imbécile ! ne pleure donc pas alors… tu vois qu’il y a assez d’eau sans que tu t’en mêles !

— Dis donc, je suis joliment content. J’ai entendu dire que papa joue à la Bourse et qu’il y perd tout son argent : peut-être que l’année prochaine il n’aura plus le moyen de me laisser au collège ; quelle chance !

— Brigand d’enfant ! mon journal que je n’ai pas encore lu et que je cherche partout !

— Vos parents désirent que je vous fasse un peu travailler pendant les vacances ; il faut que je sache d’abord ce que vous avez étudié pendant le cours de l’année.

— Monsieur, j’ai étudié la question romaine.

1er COLLÉGIEN. — Dis donc, si nous entrions là dedans pour gagner de l’argent ?… Combien que t’as dans la poche ?

2e COLLÉGIEN. — J’ai vingt-trois sous.

1er COLLÉGIEN. — Et moi deux francs, c’est pas assez.

2e COLLÉGIEN. — Si, que t’es bête ! j’ai entendu dire à papa qu’il y avait des gens qui avaient fait fortune là dedans avec rien du tout.

— Mais qu’est-ce que tu lis si attentivement dans le journal ?

— Papa, je cherche dans les décès pour voir si je ne trouverais pas celui de mon maître de pension.

AU RESTAURANT.

LE GARÇON. — Que servirai-je à ces messieurs ?

LE COLLÉGIEN. — J’veux d’ tout !

— Dis donc, maman ?

— Quoi, mon enfant ?

— Je suis sûre que tu ne voudras pas…

— Parle toujours.

— Je voudrais que tu me mettes dans une pension de garçons !…

Fonctions du maître de latin emmené à la campagne pour faire travailler le fils de la maison pendant les six semaines de vacances.

— Mon ami, achète-lui un chapeau ou une casquette pour ses vacances.

— Allons donc ! sa pension lui a donné une couronne ; je pense que c'est pour qu'il la porte : les empereurs romains ne portaient pas autre chose, et l'histoire cependant ne parle pas de leurs rhumes de cerveau !

— Tenez ! voilà mon fils : il n’a pas obtenu un seul prix !

— Oh ! quelle injustice !… on aurait dû lui donner au moins le prix de santé.

Commençant à s’ennuyer de trop s’amuser.

— Mon fils ne peut pas apprendre son alphabet, il n’a pas de mémoire !

— Alors faites-en un portier : ils retiennent toutes les lettres.

— Allons, voyons, vous avez assez mangé comme ça ; vous voulez donc vous donner une indigestion ?

— Hi ! hi ! c’est pas que j’ai faim ; mais il y a aujourd’hui fête aux Champs-Élysées, j’veux être bien lourd pour quand je me ferai peser… j’veux faire honneur à papa.

— Attendez un instant, maman, pour que je puisse essuyer mes mains, qui sont pleines de confitures.

— Allons, bon ! voilà une nouvelle idée… aller se débarbouiller dans cette cuvette… lui qui, à la maison, ne se lave jamais.

— Charles, je veux que tu profites des vacances pour apprendre la musique ; quel instrument veux-tu ? le flageolet ?

— Oh ! non, pas le flageolet… ça me rappellerait trop les haricots du collège !

— Quelle fatalité, d’avoir ce drôle-là en vacances ! il a fait tant de train dans la maison, qu’il a attiré sur moi l’attention du propriétaire, qui avait oublié, jusqu’ici, d’augmenter mon loyer !

— Méchant polisson ! veux-tu bien ne pas faire enrager ta petite sœur !

— Maman, laisse-moi, je n’ai plus que jusqu’au premier lundi d’octobre.

— Tu ne veux pas rentrer en classe ! tu ne veux donc rien savoir ?

— Maman, je ne suis pas curieux.

— Françoise, donne-nous pour dîner de la choucroute et beaucoup de gâteau de plomb, je t’en supplie…

— Mais, mon enfant, ça vous fait mal : la dernière fois que vous en avez mangé, vous avez été quinze jours dans votre lit !

— Justement, imagine-toi que c’est lundi la rentrée des classes.

— Est-il heureux, celui-là… il ne rentre pas au collège, lui !… Papa, j’ten prie, laisse-moi être domestique aussi !

Ne voulant pas rentrer en classe et cherchant à se donner une fluxion par un moyen aussi factice qu’ingénieux.

— Oh ! monsieur, je vous en prie, papa et maman veulent me renvoyer demain à ma pension ; je vous en supplie. fourrez-moi en prison.

— Tu n’as rien à me dire avant de rentrer à ton collège ?

— Si fait, papa. Pendant que nous étions à la campagne, j’ai oublié de te faire voir un endroit où il y a beaucoup de lapins ; si tu veux me ramener, je te le ferai voir, toi qui aimes tant la chasse !

LA RENTRÉE EN PENSION.

— Papa! papa! je veux retourner à la maison… le petit Chopinel vient de m’assurer que le choléra était dans la pension.

Le jour fatal ! Un retardataire.
L’institution Piédeloup remettant ses élèves au régime des racines grecques et des haricots français.
LE LENDEMAIN DE LA RENTRÉE DES VACANCES.

— Cristi ! comme c’est loin maintenant, les fêtes de Pâques !