Cham - Albums du Charivari/Les jours gras
— Excusez ! tu lèves les deux jambes à la fois, toi ? — Faut bien se rattraper, le carnaval est si court cette année ! |
— Ne va donc pas avec lui, c’est une ganache ! — C’est bien pour cela que je l’ai choisi ! elles sont à la mode cette année les ganaches ! |
LA BOURSE DES AMOURS.
— Qu’est-ce qu’il a fait ton cœur ce soir ? — Il a fermé avec quatre Arthurs, dont un Alfred ; les princes russes sont restés froids ; les amants de cœur sont peu demandés. |
— Je suis l’homme le plus heureux ! elle m’appelle son petit bijou ! — Méfie-toi ! elle va t’envoyer à l’hôtel des ventes. |
— Tu as lâché ton cavalier ? — Ma chère, il avait assez bien supporté l’épreuve du sucre de pomme, mais quand je lui ai touché la question des huit termes de mon propriétaire, il a faibli et manqué son examen. |
— Nous allons souper, mais je n’entends pas que ce soit vous, monsieur, qui payiez la carte ; donnez-moi votre bourse, c’est moi qui régale ! |
— Pardon, monsieur, mais il me semble avoir déjà eu le plaisir de vous voir… — Où donc cela, madame ? — Mais dans la vitrine d’un marchand de curiosités. |
— Madame, j’ai un rival ? — Oui, monsieur, le perdreau truffé : je l’adore ! |
— Je me suis habillé en diable ! — Tu as bien fait : ta femme t’avait fourni déjà une partie du costume. |
— Ah sapristi ! j’ai eu tort de prendre ce costume ! il y a trop de gens gênés dans ce moment-ci. |
— Vois donc, ma chère, ce n’est pas un homme sérieux : il m’avait promis que j’aurais voiture ! — Eh bien, il fait la roue… c’est toujours un commencement ! |
— Mais c’est une horreur ! Comment, monsieur, c’est moi qui vais payer le souper ! — Que voulez-vous, madame, il ne fallait pas venir avec moi ; je n’ai que de la monnaie de singe, mon costume vous l’indiquait ! |
Madame, je voudrais déposer une partie de mes vêtements au vestiaire ! |
— C’est une horreur de rentrer à ces heure-ci ! avec un ours encore ! Tachez qu’il ne fasse pas des ordures dans les escaliers, sans quoi je vous fais donner congé par le propriétaire ! |
— Permettez-moi, monsieur le comte, de vous présenter ma fille qui a reçu une excellente éducation… au camp de Châlons. |
— Je suis la Guerre ? — La guerre ? la guerre d’Amérique alors ! car tu n’en finis pas, grand escogriffe ! |
— Tu cherches à me souffler mon milord anglais ? — Je l’ai pris à deux heures, il en est trois ; une heure de milord, c’est trente-cinq sous ! les voici, tu n’as plus rien à dire ! |
— C’est par mesure d’économie que tu me fais payer tout ce sucre de pomme ? — Oui, mon chéri, on parle d’augmenter encore l’impôt sur le sucre ! |
— Ce sont les fruits de ta soirée ? — Oui, ma chère ; et tout me fait espérer qu’ils ont des noyaux ! |
— Madame, mouchez-moi ; ma bonne n’est pas là ! |
— Elle ne m’aimait pas ! — Ne m’en parlez pas ! il y a des femmes qui ne savent même pas leur état ! |
— Monsieur, vous m’inspirez de la confiance ; sauvez-moi des dangers que court ma vertu au bal masqué ; emmenez-moi bien vite. — Chez vos parents ? — Non, au restaurant. |
— Tu as deux Américains !… t’as pas honte ! — Dame ! un du Nord, l’autre du Sud… Je n’en garderai qu’un, quand je saurai lequel des deux aura ruiné l’autre. |
LE GROS DOMINO. — Eh bien ! monsieur, que signifie cette plaisanterie ? pourquoi me présenter toujours ce bébé ? — Mais, dame ! c’est un enfant que je présente à la tour. — Grossier personnage ! |
Quatre-vingt-quinze francs !… Saprelote, quel sevrage ! |
— Oui, madame, j’ai cru que vous n’aimiez que moi ! — Pour votre honneur, monsieur, taisez-vous ! Vous feriez croire que vous êtes un égoïste. |
— Mon chéri, je crains que tu ne sois peut-être pas assez couvert ? — Je le suis suffisamment, je ne m’enrhume jamais que de la tête. |
— Excusez ! un ours et un singe ! Ton cœur est donc un jardin d’acclimatation ? |
— Mon brave homme, combien m’achetez-vous vos sucres de pomme ? — Madame veut dire combien je les vends ? — Du tout. Les autres me les achèteront, moi je vous les revendrai. |
— Dis donc, bébé, il faut qu’elle se dépêche ta nourrice, si elle veuf faire payer ta dernière dent ! |
— Tu te laisses embrasser par ce monsieur que tu ne connais seulement pas ? — Bah ! je ferai sa connaissance après, le carnaval est si court cette année ! |
LA SORTIE DU BAL MASQUÉ Cherchant à reconnaître son domestique. |
— Pas vrai, dis, que tu vas me payer un bâton de sucre de pomme pour que Bébé ne suce pas toujours son pouce ? |
— Tiens ! le décrotteur qui t’appelle son prince ! — Pourquoi pas ?… en lui présentant ma botte je lui ai bien dit : Cire ! comme au roi. |
— Tiens ! il est gentil ce petit soldat ; j’aimerais bien le commander ! — Je veux bien ! commande-moi… un bon souper aux truffes ! |
— Quelle imprudence ! venir au bal masqué avec une fluxion de poitrine ! |
— Est-il dégoûtant, mon sauvage ! Au moment de me mener souper il se fait conduire au poste ! — Dame ! c’est peut-être son restaurant ! il y a des sauvages qui avalent des lames de sabre ! |
— Tu prétends que ce Grec t’adore ?… Mais il ne t’a jamais vue ! — Justement !… Pour régner sur son cœur il faut lui être parfaitement étranger… t’entends rien à sa politique. |
— Mon cher, t’as bien fait de mettre un bourrelet. — Tu crois ? — Mais oui ; ta femme te faisait trop de bosses au front. |
— Tu n’es donc plus fatigué ? J’ai cru que tu cherchais à t’asseoir ? — Ne parle pas si haut ! Ce monsieur profiterait de ça pour m’offrir son trône. |
— Il m’a juré qu’il m’adorait ! — Lui ? Eh bien, ma chère, tu ne risques rien que de donner un bon pourboire à ce postillon-là, car il te fait joliment aller. |
— Ah ! mon Dieu ! un duel ! Vous lui avez remis votre carte ? — Oui, madame, la carte du jour… je suis restaurateur. |
— Tiens ! tu m’avais dit que tu te mettais en Espagnol et te voilà Polonais ! |
— Sapristi ! il est dur comme le diable ce bœuf ! — Monsieur, il a cependant remporté un prix ! — Un prix de vétéran, alors ! |
— Imbécile ! vas-tu pas être jaloux de c’te enfant ! |
— Dites donc, mon cher, je ne suis pas Écossaise, moi ! l’hospitalité chez moi ça se paye très-bien. |
— Où est-elle ta bonne, mon petit chéri ? — Elle est tambour-major au 64e de ligne. |
— Hi ! hi ! m’sieu ! ma bonne n’est pas là ! voulez-vous me descendre un instant dans la rue ? |
L’OUVREUSE. — Monsieur ! elle est louée ! LE MONSIEUR. — C’est une infamie ! l’administration n’a pas le droit de disposer de mon épouse ! |
— Mon cher, c’est une voiture que je t’économise ; ça fait que tu me donneras les quarante-cinq sous pour ta course ! |
— Voulez-vous quitter le bras de Monsieur tout de suite ! il est défendu aux enfants de jouer avec les allumettes ! |
— Pardon, madame ! Je vous jure que c’est sans intention ! — Vous n’êtes qu’un imbécile alors ! |
— Viens ici que je te serve de bonne ! t’as besoin qu’on te mouche ! |
— Tu m’avais dit qu’il avait l’œil américain ! — Eh bien oui ! ils sont tous comme ça depuis la guerre ! |
LE CONCOURS POUR LE BŒUF GRAS.
— Monsieur, permettez-moi de vous présenter mon élève. — Bravo ! il est devenu aussi fort que le maître. |
Roulant son élève jusqu’au concours. |
— Ventrebleu ! il est par trop mal élevé votre bœuf ! — Mais, monsieur, il fait voir ses titres ! il se présente pour le prix de culotte. |
— Premier grand prix, approchez donc. — Voilà, monsieur le président, voilà ! C’est que, voyez-vous, il est si modeste ! |
Le bœuf commence à avoir des craintes sérieuses à la vue de ses prétendants. | Mexico croyant de son devoir de prendre l’offensive vis-à-vis des Espagnols de son escorte. |