Cham - Albums du Charivari/Croquis contemporains

Journal le Charivari (6p. 309--).


Croquis
Croquis

CONTEMPORAINS

Par Cham
Par Cham



Comme quoi les nouvelles robes à queue sont très-incommodes
quand on veut se dérober à un créancier.




Paris
Paris
ARNAULD DE VRESSE, ÉDITEUR
55, RUE DE RIVOLI, 55

— Ouf ! me voilà débarqué ! Quand on a été enfermé cinq mois sur un vaisseau, on n’est pas fâché de se dégourdir un peu les jambes.

— Majesté, les Français viennent de débarquer et de nous donner une raclée atroce.

— Eh bien, qu’est-ce que ça me fait ? Ce sont les nouvelles de la. Sicile qui m’intéressent, imbécile !

— Tiens ! il mange avec un bâton ! il se promène donc sur sa fourchette ?…

La question sicilienne absorbant toutes les autres questions pour le moment.

— C’est une horreur ! s’égorger comme ça pour cette Cécile ! Ça doit pas être grand’chose que cette femme-là ! Si j’étais que du roi de Naples, je m’en occuperais plus, de la Cécile.

— Tu ne mets donc pas ton chapeau neuf pour sortir ?

— C’est pas la peine : tous les yeux sont fixés sur la Sicile !

Le mont Etna très-étonné de voir d’autres fumeurs que lui. Pas moyen de filer tranquillement son macaroni dans ces temps-ci !
Les nouveaux coricolos en Sicile.

— Lazzarone royaliste, viens te battre avec moi ; seulement je ne me dérange pas ; viens me trouver.

— Lazzarone garibaldien, viens toi-même, je ne me dérange pas non plus : c’est trop fatigant, arrive !

Garibaldi reconnaissant l’inconvénient de l’uniforme rouge adopté par ses soldats en voyant tous les troupeaux de bœufs se mettre du côté du roi de Naples.
Le mont Vésuve se mettant en tête de bombarder le mont Etna.
Le Napolitain Polichinelle dépensant tous les sous de M. Guignol pour se procurer les journaux et avoir les nouvelles de chez lui.

— Saperlote ! et moi qui attends sa copie pour la publication de ses Mémoires ! ! !

Dumas apercevant un soldat napolitain qui offre une certaine ressemblance avec M. Auguste Maquet.
M. Alexandre Dumas rendant un notable service à l’armée de Garibaldi en amortissant tous les boulets ennemis dans sa chevelure.

— C’est un fait accompli, il n’y a plus de Savoyards ; il n’y a plus que des Français !

— Ah ! mon Dieu ! me voilà joliment embarrassée ! Qui est-ce qui va ramoner mes cheminées ?

— C’est le mont Blanc ?

— Non, monsieur, il a échangé son nom avec une rue de Paris : il s’appelle maintenant le mont Chaussée-d’Antin.

— Vous croyez, madame Pochet, que nous aurons moins froid les hivers ?

— Parbleu ! madame Gibou, l’air de Nice qu’appartient à c’t’heure à la France.

— Alélaïde, quel est ce monsieur ?

— Tu es Français, c’est un Savoyard : par conséquent, toi ou lui, ça doit être la même chose pour moi depuis l’annexion.

— Joseph, que portes-tu dans ton sein ?

— Une marmotte, qui désormais ne me quittera plus.

— Mon ami, tu m’avais donné le choix entre un cachemire de l’Inde et un voyage en Italie ; je choisis le cachemire : nous resterons en France, tu me mèneras à Nice.

— Le pion t’a exempté de tes cinq cents vers ?

— Oui, j’y ai fait accroire que j’étais Savoyard et qu’il allait me dégoûter de ma nouvelle patrie.

L’allégresse se manifestant jusque dans les régions les plus élevées.

— Mais, malheureux portier, qu’est-ce que cela vous regarde, la question de Savoie ? Vous n’êtes que concierge ; encore si vous étiez suisse !

— Ce n’est pas une petite affaire que d’inspecter le nouveau département du Mont-Blanc !

— Dites donc, madame Pochet, j’ai jamais vu un été si froid.

— C’est pas étonnant : le mont Blanc avec sa mer de glaces qu’ils viennent de mettre en France, si vous croyez que ça réchauffe !

— Comment, mon brave Savoyard, vous ne croyez pas encore à l’annexion ?

— Dame ! j’entre chau Théâtre-Franchais, et ils ne jouent pas chencore en langue chavoyarde ! Comment que cha che fait ?

À L’EXPOSITION DES ANIMAUX

— Ne mets donc pas les doigts dans ton nez, malpropre !

— Maman, c’est tous cochons par ici ; c’est pour les flatter que je fais ça.

— Ça vaut deux cents francs, un mouton comme celui-ci ; voyez-moi cette laine !

— J’en voudrais un meilleur marché ; cela m’est égal qu’il soit moitié coton.

— Monsieur, faut que vous soyez bien cruel pour vous tenir comme ça devant ces pauvres moutons pour les humilier avec vos gigots !

— Tiens, la belle vache laitière ! Dis donc, Paméla, pourquoi n’as-tu pas exposé ton baron ? T’aurais eu un prix aussi avec ta vache à lait !

— Comme c’est ennuyeux ! tu n’as pas vu mon mari, que je cherche depuis une heure ?

— Ma chère, tu dois le retrouver certainement par ici !

— Dis donc, papa, ? pourquoi qu’il porte pas des pantalons comme toi, dis ? ça y cacherait ses jambes comme à toi, dis ?

— Qu’est-ce que tu caches derrière toi ?

— Finis donc, tu vas me faire pincer par le gardien ! C’est mon couteau et ma fourchette : je voudrais prendre quelques échantillons ici pour faire voir à ma cuisinière.

— Ceci, madame, c’est une machine de mon invention pour battre le blé. Madame a précisément des épis sur son chapeau, je vais lui faire voir la chose.

— Qu’est-ce que c’est que c’te plante-là ?

— Que t’es bête ! tu vois donc pas que c’est un grenadier : voilà son bonnet à poil qui pousse !

— Taisez-vous, Lolo, je ne vous mènerai plus jamais à l’exposition !

— Hi ! hi ! je veux que tu m’achètes ce ballon ! hi ! hi !

— Parait, mon cher, que vous avez tous les deux le même chapelier.

APRÈS L’EXPOSITION DES CHAMPS-ÉLYSÉES
Vieux cochon et sa truie pleurant de joie en voyant leur enfant revenir du concours de Paris chargé de prix.
Justement ému par ces semblants d'obélisques qui s’élèvent dans Paris, l’obélisque de Luxor demande des explications au conseil municipal.
Les géomètres chargés de la triangulation allant au jardin des Plantes pour voir comment ils devront s’y prendre pour grimper à leur cabinet de travail.
Madame Saqui chargée de mettre les géomètres en communication les uns avec les autres pendant l’opération de la triangulation.
Le comité d’artillerie se mettant à la disposition des géomètres chargés de la triangulation pour les envoyer dans leur cabinet de travail.
L’administration des postes s’adjoignant des petits ramoneurs pour faire le service des lettres adressées aux géomètres triangulateurs dans l’exercice de leurs fonctions.
Le cou de la girafe utilisé pour la triangulation du quartier du jardin des Plantes.
Les géomètres chargés de la triangulation ayant la sage précaution de s’attacher un fil à la jambe pour le cas où il ferait grand vent le jour de l’opération.

— Descendez ! on ne monte pas là haut !

— Ma femme et moi avons loué ces places à un monsieur pour voir les affaires de Sicile.

— Pourquoi bouscules-tu tout le monde comme cela pour entrer dans les tribunes ?

— Ma chère, je vois sur le programme des courses : Prix de tribune ; je vais tâcher de le gagner en entrant le premier.

— Dis donc, est-ce qu’ils ne vont pas bientôt partir ?

— Ma chère, ce sont les courses du printemps !

— Eh bien ?

— Eh bien, ils attendent que le printemps se fasse sentir pour partir.

— Pardon monsieur, je vous prierai de ne pas le retirer encore : ma femme n’a pas eu le temps de le bien voir.

Aux courses de la Marche, ce qui saute encore le mieux, ce sont les bouchons !

— Être pressé de traverser la rue, et se voir contraint d’attendre la fin du défilé d’une robe à la mode !

Les robes à queue en omnibus.

— Fais donc attention ! tu t’assieds sur ton chapeau !

— C’est exprès, ma chère, c’est pour lui donner la forme à la mode !

— Le concierge me trompe… Ernest n’est pas sorti ! Il est enfermé avec une femme ; je vois sa robe à queue !

— Si c’est la tunique, comment qu’est donc la veste ?

— Atchi !… Il en a trop coupé, le maître tailleur ! je m’enrhume dans le bas du dos ! Atchi ! Atchi ! Atchi !

— Voilà juste le sac qu’il nous faudrait pour aller avec le nouvel uniforme. Si madame voulait avoir la bonté de le faire voir au colonel…

— Excusez, caporal, c’est la nouvelle uniforme qui fait ça. Je me sens tellement légère dans cette tenue, que le moindre brin d’air ça me fait aller tout de travers !