Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade LXVII

Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 68-69).


LXVII



Chiere dame, certes je ne pourroie
Vous mercier assez souffisamment
Du noble don que vo doulz cuer envoie
A moy, qui suis vostre serf ligement,
De me donner l’amour entierement
De vous que j’aim et desir a servir ;
Hé Dieux me doint pouoir du desservir !

Or avez vous remply de toute joye
Mon povre cuer, et osté je tourment
Que par long temps pour vous souffert avoye ;
Or m’avez vous mercy trop grandement.
Pensé avez de mon avancement
De moy vouloir de tous biens assouvir ;
Hé Dieux me doint pouoir du desservir !


Or seray gay trop plus que ne souloie,
Et bien est drois que vive liement ;
Car tant me plaist que vostre amour soit moye
Que, se le monde estoit mien quittement,
Mieulz vouldroie je perdre entierement
Que vostre amour, ou me vueil asservir ;
Hé Dieux me doint pouoir du desservir !