Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade LXVIII

Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 69-70).


LXVIII



Dame, oncques mais je ne vous vi
Que maintenant ; mais, sanz mentir,
Mon cuer avez du tout ravi
A tousjours mais, sanz departir.
Si me fauldra mains maulz sentir,
Se m’escondissiez ; ce vous pry.
Dame, pour Dieu, mercy vous cry.

Grandement m’arez assouvi,
S’il vous plaist a moy consentir
Vostre amour, et je vous plevi
Que tout vostre, sanz alentir,
Suis et seray, n’en quier partir.
A jointes mains je vous depry ;
Dame, pour Dieu, mercy vous cry.

Durement m’ara asservi,
Vostre beaulté qui amatir
Fera mes ris, et assouvi
Sera mon bien ; se assentir

Voulez ma mort, comme martir
Me mourray ; si oyez mon cry :
Dame, pour Dieu, mercy vous cry.