La Gazette des campagnes (p. 107-120).

XIII

LE GUET-APENS.


— George est arrivé, Mélas !

— Je le sais, maman.

— Tu ne vas pas voir ton ami ?

— Peut-être. Et il remonta dans sa mansarde.

Pauvre enfant ! soupira la mère, comme il a changé depuis longtemps. L’instruction l’aurait-il perdu à ce point d’en faire un sans cœur, un hypocrite ? Et la pauvre mère pleurait, en filant au coin de la fenêtre. Ce n’est plus le même ; le jour il s’enferme et ose à peine nous parler ; la nuit, il erre au dehors ; Plume d’aigle lui sourit sur son passage ; on dirait deux amis. Prie t-il le bon Dieu au moins ? Il ne va pas à la messe, le dimanche, que pour s’y mettre la tête dans les deux mains, quand il ne fixe pas Alexandrine, et passe ainsi le reste des offices.

Ainsi se parlait tout bas la pauvre mère.

Dans sa chambre, Mélas avait un combat à soutenir.

Mon ami, lui à qui j’ai juré fidélité, se disait-il, me voila à le renier, à le maudire, à nourrir contre lui des projets sinistres ! Ô Dieu ! où en suis-je donc rendu ? J’ai donc bien dégradé dans l’échelle de la droite voix ? Pourtant, malgré cette maudite passion qui me grise au point qu’elle me rend inconscient de mes actes, il me semble que le cœur me saigne en comparant les tourments de ma vie présente aux saintes joies de la liberté et des beaux jours d’autrefois. Il y a donc deux hommes en moi ? Dieu m’est témoin que la vue d’un beau ciel étoilé, quand j’erre au sein des bois, glace sur mes lèvres pâles et agitées le blasphème que sa froideur m’arrache. Je sens qu’à ces heures de prostration morale, que je suis sans intelligence, n’ayant pour tout partage ici bas que la douleur accompagnée d’une déception continuelle qui m’a amené graduellement à l’état actuel. Quand les oiseaux chantent partout et que la mer calme et unie réfléchit l’image des cieux ; quand aux heures du matin, le laboureur entonne son chant si fier et si mâle, dont les accents se confondent avec les mille et un bruits s’échappant des bois et des champs, mon âme se serre aux souvenirs des saintes joies puisées à bonne source, dans le calme du cœur, alors que j’ignorais, au pied de l’autel, les exigences du cœur et des maladies de l’âme trop éprise, dominée par une passion indomptée et indomptable, faute d’énergie pour la combattre. George est arrivé ! mon cœur devrait battre de joie, et voilà qu’il se serre et bat à me rompre la poitrine. Lui ici, c’est la barrière infranchissable, c’est le couteau passé et retourné dans la blessure saignante ; Oh ! oui, c’est lui qui est la cause de cette douleur mortelle qui me fait croire à l’enfer même ici-bas. Et moi, j’irais encore lui tendre la main ? Il sera plus généreux que moi ; il m’aime et il viendra au devant de moi. Je ne veux pas qu’il l’emporte en générosité apparente sur moi. Je vais le voir. Et de fait, il se rendit chez George tout heureux de le revoir. Mélas en était rendu à prendre un masque ; et George qui le croyait sincère !

Dans tout le village, il ne fut plus question que de l’arrivée de George. José Carrot, ce vieux garçon chauve et à la figure trouée par la variole, langue maudite et cerveau de jacobin, un sans culotte moderne, trouva moyen de parler à mots couverts ; mais Pierre Saint-Luc lui donna une bonne raclée, et il se tint coi dans son taudis.

Ce fut un moment digne de remarque que celui où tout le monde put voir George à la porte de l’église, après la messe, alors qu’il reconduisait Monsieur et Mademoiselle Boildieu. Dans cinq années, livré aux travaux assez durs de la manœuvre, George était devenu un homme. Le teint hâlé par les feux d’un soleil tropical, il avait pris un air martial qui allait bien avec ses yeux bleus et ses cheveux blonds. Cet ensemble de grâce et de fierté, de douceur et d’urbanité, en faisait un jeune homme accompli, attirant tous les regards, et ce qui est mieux toutes les sympathies des gens de cœur. Tout plaisait en lui, jusqu’à son maintien.

George était heureux de se sentir au sein des joies de la famille. Capitaine au long cours, il avait désormais un rang marqué parmi ses compatriotes et ses co-paroissiens. Il pouvait maintenant envisager l’avenir avec confiance et espérer fonder une famille ; mais aussi quelle femme assez forte, assez énergique pour rester des mois au foyer, seule, attendant le retour du mari exposé sur la mer, à toutes les rigueurs des saisons, aux maladies contagieuses, en un mot à ces mille et un périls si fréquents sur l’Océan, cet abîme qui engloutit tant d’espoir sans jamais les rendre !

Alexandrine l’aimait de toute son âme. Elle se donnerait toute à lui, tant elle l’aimait, tant elle lui était attachée, mais comme elle souffrait.

Déjà George avait appris que Mélas aimait passionnément Alexandrine, et loin de s’en montrer jaloux, il fit tout en son pouvoir pour diminuer la triste passion de son malheureux ami. Il comprenait la douleur de Mélas, lui qui, au début de ses premières espérances, avait cru que Mélas l’emportait sur lui, dans le cœur d’Alexandrine. Il avait pour son compagnon d’enfance tous les ménagements possibles, et cette conduite loyale, loin de diminuer l’aigreur de Mélas, ne faisait que l’augmenter, il voyait George, son rival, non seulement l’emporter sur lui dans le cœur d’Alexandrine où il n’avait nulle place, mais encore il le voyait supérieur à lui en courage, en noblesse de caractère et en magnanimité.

Passons sous silence les longues insomnies de Mélas, ses veilles fiévreuses où, la tête en feu, les yeux secs de larmes, le front pâle et ridé, les cheveux en désordre, il n’avait à la bouche que des paroles d’imprécations et de menaces horribles ; parfois on aurait dit que le remords qui glissait presque toujours sur son âme, comme un boulet sur une surface plane, le mordait à certaines heures, et il se prenait à regretter de s’être avancé aussi loin. Mais non, il ne pouvait reculer ; la jalousie doublée de son orgueil, l’empêchait de reculer : il ne pouvait donc que se plonger davantage dans la voie tortueuse du mal. Le remords se faisait à son âme molle et déjà entre les mains de Satan ; et la rage plus forte, réagissant sur son cœur gangrené, le rendait fou.

Le mois de septembre était arrivé, et avec lui les oiseaux de la nouvelle couvée essayèrent leurs voix. George et Alexandrine coulaient des jours heureux, l’un auprès de l’autre. Pas de nuage dans le ciel de leurs amours, car José Carrot n’avait pas la langue assez sale pour aller inventer quoi que ce soit contre les jeunes amoureux.

Déjà on parlait de mariage, et George, croyant faire plaisir à Mélas lui avoua que l’hiver ne se passerait peut être pas sans qu’Alexandrine n’unisse sa main à la sienne. Ce fut le coup décisif. Mélas se troubla tellement que George lui en demanda la cause. Un prétexte futile lui réussit à sortir de ce mauvais pas, car toujours il avait un masque avec son compagnon d’enfance et de collège. Néanmoins il sut comprimer sa passion fatale ; mais pas assez pour que l’œil clairvoyant de la mère ne comprit le ravage que le démon de la jalousie avait fait dans le cœur de son enfant. Pauvre mère ! elle pria plus longtemps le soir ; ses larmes furent plus abondantes. Nouvelle Monique, elle espérait faire de son Mélas un nouvel Augustin par la conversion.

Dix heures sont sonnées depuis longtemps. Le ciel n’a pas une étoile qui réjouisse la vue, et la lune ne se montrera que sur le matin, entre les interstices des nuages. Les bois sont réveillés par la répercussion des sourds grondements de la mer en courroux, battue comme elle l’a été pendant deux jours de vent sud ouest. On entend parfois, de loin en loin, le cri des oiseaux de nuit sous le couvert, et ce cri lugubre et déchirant fait frissonner les passants qui croient aux lutins et aux loups-garous, par cette nuit noire d’encre.

À cette heure du soir, derrière chez le Notaire Boildieu, dans l’étendue du bois qui part du pied de la montagne, un jeune homme est assis au pied d’un arbre ; les coudes sur les genoux et la tête dans ses deux larges mains ; il pense. On dirait un peau-rouge invoquant les mânes de ses aïeux Soudain un cri strident a dominé le bruit des flots et réveillé la grande voix des bois. Le jeune homme eut un haut-le-corps, et en un instant il fut debout.

— Est-ce toi, Plume d’aigle ?

Un bruit d’aigle froissant les feuilles, lui répondit que c’était le cri d’un hibou qui l’avait ainsi troublé dans sa profonde méditation. Revenu de son erreur, il se mit à arpenter la forêt ; l’état d’excitation où il se trouvait ne lui permettait pas de rester inactif. L’heure est venue d’agir, se dit-il tout haut ; je n’aurai plus de trêve que je ne l’aie frappée dans ce qu’elle a de plus cher ; ma vengeance sera terrible, parce que ma douleur a été forte et profonde. J’ai lutté longtemps contre l’enfer qui m’entraînait. J’ai été vaincu dans une lutte inégale. Lui, la marier, la posséder à jamais ! Elle, jouir quand elle sait que je souffre pour elle et par elle ; oh ! maudite fille que j’aime follement, éperdument. Oui, un de vous deux doit disparaître de la scène. Mais la justice ! La justice n’est plus qu’un vain mot, quand son exécution est obstruée. Que m’importe le Capitaine de Milice à moi ? Qui pourra me soupçonner ? Il le faut ; il ne l’aura jamais pour épouse. Entre ses lèvres et celles d’Alexandrine dans le baiser qui doit les unir pour la vie il y a encore la place d’un cercueil, d’une fosse, d’un couteau. Oui, encore une fois, je le répète ce mot : le sort en est jeté. La haine et la jalousie bouillonnent trop fortement dans mon cœur ; je me suis livré au courant, il faut qu’il m’entraîne. Plus de place pour la pitié, car ils n’en ont pas pour moi. Qu’ils disparaissent de mon chemin !

À ce moment un bruit sec se fit entendre, et d’un fourré épais sortit un être immonde et sale ; c’était Plume d’aigle.

Viens ici, Plume-d’aigle, et ouvre bien tes oreilles.

L’interpellé s’approcha en chien-couchant ; c’était lui, cet être servile qui pouvait, pour de l’eau-de-vie et un peu de tabac, torturer l’enfant le plus faible et le plus souffreteux.

— Tu connais mes desseins, Plume d’aigle ? Tu sais quel est celui qui se met sur ma route ? Eh ! bien, il faut qu’il disparaisse au plus vite.

— Quand maître ?

— Demain, à l’heure où le soleil disparaît à l’horizon. J’irai au bois avec lui, près de la grève. Nous parlerons assez longuement, quand la chouette aura fait entendre sa voix, nous partirons ; c’est toi qui sera la chouette.

— Oui, maître.

— Alors nous partirons ; suis nos traces un peu de près. Je m’écarterai un moment, et alors bondit, et d’un coup de couteau sûr, mets fin à tout, puis silence. Tu m’as compris ?

— Oui, maître.

— Eh ! bien, regagne ton bouge.

— J’obéirai, maître, mais…

— Quoi ! mais ?

— Quoi tu donnes ?

— Vingt pièces blanches et une barrique de rhum.

Les yeux du sauvage lancèrent une gerbe d’étincelles, et joyeux il disparut en bondissant sous le couvert, et le bruit de sa course se perdit dans le lointain. Cependant Mélas put entendre : « Mon âme à Satan, pourvu que j’aie du rhum. »

Je puis compter sur lui, dit Mélas qui regagna le chemin du roi pour entrer chez lui.

Le lendemain, la journée était belle. Il y avait bien quelques nuages épars çà et là, légères nacelles au sein de l’azur des cieux ; mais le vent chaud devait bientôt les nouer à l’horizon où la mer semblait se confondre avec le ciel. La mer avait tu peu à peu sa grande et forte voix ; on n’entendait plus que le brisement de ses flots sur la grève.

Comme la journée fut longue et pleine d’anxiété pour Mélas, ce Caïn qui voulait trahir son ami comme Judas, son maître, par un baiser. Rien ne le touche, ni le spectacle de sa pauvre mère en larmes, ni la vie de la victime désignée d’avance au couteau du meurtrier. Enfin ! l’heure est sonnée. Les coups de l’horloge ont eu un dur retentissement dans le cœur ingrat de Mélas.

George est invité à faire une promenade au bois, vers l’heure du soleil couchant. Alexandrine lui avait demandé sa veillée. Non, mon ange, lui avait-il dit, je dois des ménagements à mon ami Mélas ; et pour adoucir la rigueur de son sort, je dois lui sacrifier quelques instants du bonheur que je goûte auprès de toi.

Oh ! George, nous avons été si longtemps sans nous voir, que nous avons besoin de tous nos instants. C’est un besoin pour moi de te voir, de te sentir là, tout près de moi qui t’ai laissé partir une fois et qui ai tant souffert de cette longue absence. George, tu es devenu une moitié de mon âme, et sans toi c’est vivre à moitié, sans douceur, sans joie.

Quand l’heure du souper arriva Alexandrine ne put se décider à laisser George partir. Un pressentiment secret, qu’elle n’osait lui avouer, lui serrait le cœur comme dans un étau. Elle pleura, la pauvre enfant, près de George qui essuya ces larmes précieuses. Il s’arracha doucement de l’étreinte de la jeune fille, et l’encourageait à se remettre. Il lui promit, pour la consoler, de revenir la voir après la promenade qui devait être la moins longue possible. Puis il partit pour se rencontrer avec Mélas.

— Quelle belle journée, George ! N’est-ce pas que j’ai bien fait de t’inviter d’aller avec moi au bois, où nous jouirons des beautés de la nature tout en parlant de tes voyages ?

— Je me suis rendu avec plaisir à ta demande, Mélas. Je suis toujours heureux de te faire plaisir, et si cette promenade te plaît, elle ne m’est pas moins agréable, puisqu’elle va te prouver qu’en me séparant d’Alexandrine pour aller avec toi, je fais preuve d’amitié.

Ces paroles si chaudes, si convaincues, amenèrent une ride au front de Mélas. Mais ce ne fut qu’un éclair subit. Oh ! son cœur n’avait plus de côté qui fut susceptible d’être mordu par un bon sentiment. Assis sur un arbre renversé, les deux amis restèrent plongés dans une conversation dont George fit presqu’à lui seul tous les frais. Mélas avait des distractions que George remarqua bien, mais il n’osa lui en demander la cause ni la nature.

Quand la Chouette eut jeté dans les airs son cri plaintif et morne, Mélas eut un frisson glacé qui lui parcourut tous les membres.

— L’heure est avancée, Mêlas ; nous allons regagner le village.

— Comme il te plaira, George. Et ce dernier entonna l’air si sonore : Tu veux savoir jusqu’à quel point je t’aime. À mesure qu’il avançait dans sa chanson, on entendait les branches sèches crier sous la pression d’un être inconnu. Mélas savait tout, et tout son sang refluait au cœur qui battait à rompre sa poitrine. Quand George eut fini les quatre vers suivants :

L’un à l’autre ayons confiance,
Le doute assombrirait nos jours ;
Malgré le temps, malgré l’absence,
Crois-moi, je t’aimerai toujours.

Le bruit devint plus évident.

— Quel est donc ce bruit insolite ? dit George.

— Attends, reprend Mélas, je vais aller voir, et il disparut dans les bois, laissant George seul.

Un faible cri, suivi de la chute d’un corps, vint avertir Mélas que tout était consommé. Une sueur froide perlait à ses tempes. Il se hâte lentement, et arrivé enfin auprès du cadavre de son ami, il faillit, le lâche, se trouver mal. « Caïn, Caïn, qu’as tu fait de ton frère ? » semblait lui crier toutes les voix de la nature. Il part, affolé de terreur et crie : au secours, au secours. Un frisson d’horreur courut par tout le village en entendant ces cris, avant-coureurs d’un grand malheur.

Les premiers habitants s’empressent et arrivent en toute hâte, auprès de George immobile, raide sur le sol ; sa pauvre figure regardait le ciel, et le corps était replié sur lui-même. Une mare de sang souillait la terre.

Pourra-t-on comprendre la panique dans laquelle fut plongé tout le village entier. Comment dépeindre les cris et les larmes et de la mère de George, et d’Alexandrine, à l’arrivée du cadavre. Le vénérable pasteur du village, toujours où il y avait quelque douleur à consoler, fut le premier rendu chez la mère de George. Il avait le cœur large et rempli de sainte charité. Il avait vu bien des scènes pénibles, et celle là le frappait davantage, parce que la victime était jeune et pleine d’espérances. Il parla longuement, pendant que le docteur était en devoir de constater si réellement il n’y avait plus d’espoir, et réussit à tranquilliser les esprits en leur assurant (sans en être certain) que George n’était pas mort et ne devait pas mourir.

D’un autre côté, Mélas était questionné sur tous les incidents d’une semblable tragédie qui fait toujours tant d’impression sur les populations. Il lui fallut un tempérament de fer pour résister à tous ces assauts et ne pas se compromettra par des paroles ambiguës et évasives. Je le laisse un moment dit-il, pour connaître la nature des bruits qu’on entendait dans les bois ; un cri m’appelle à la hâte ; j’arrive et trouve George baigné dans son sang. On peut m’accuser, dit-il, mais George est mon ami ; et d’ailleurs l’assassin a dû être vu et connu par lui. S’il revient à la vie, il pourra parler et dire la vérité.

On était à cent lieues de croire à la culpabilité de Mélas ; mais enfin, quel ennemi pouvait avoir George ? lui si aimé partout, lui que tout le monde accueillait avec un sourire de bienveillance, quel pouvait donc être cet ennemi inconnu qui aurait pu avoir du ressentiment à son égard ? On avait bien des doutes ; et José Garrot, donc ? C’était le triste sire du village, comme il s’en trouve tant de nos jours ; ces immondes créatures trouvent souvent des protecteurs, même dans les hautes classes. On les craint, et, sans le vouloir, on se fait leur instrument de haine basse et de vengeance noire. Combien de victimes alors ? On ne regarde pas aux avenirs brisés, aux vies troublées. Quand on a de l’argent, on peut bien se moquer du monde : mais on ne brise pas en un jour d’oubli de soi-même l’avenir d’un jeune homme énergique et qui a encore au cœur l’amour du travail. Qui n’a pas lu le « Démon de l’argent, » par Henri Conscience ? On y voit l’intelligence, les dons de l’esprit en butte aux persécutions de l’homme qui pouvait dire :

À Satan j’ai vendu mon âme,
À Satan, pour un trésor,
Puisque dans ce monde infâme,
Tout s’achète avec de l’or.

Qui l’emportera dans cette lutte de l’esprit contre la matière ? Le plus noble des deux doit l’emporter, même en ce bas monde. Oh ! c’est là la suprême consolation de ces pauvres parias de la société qui ont du cœur et de l’intelligence, mais qui n’ont pas d’argent. Consolez vous jeunes gens de mon pays, qui avez le cœur assez haut et noble pour ne pas vendre votre plume. Celui qui a de l’argent dédaignera vos efforts ; mais il est des intelligences supérieures qui vous donneront leur amitié. Souvenez vous de Gilbert mourant à l’hôpital, dédaigné des grands, mais plein de gloire, et vous aurez du courage.