Cécilia, ou Mémoires d’une héritière (1782)
Traduction par un homme de goût.
Devaux et Patris (1p. 134-153).



CHAPITRE IX.

Une humble prière.


Le lendemain miss Beverley se disposait à faire des visites indispensables ; elle allait monter en voiture lorsqu’elle fut frappée de l’aspect d’une femme de moyen âge, qui se tenait à quelque distance, et paraissait saisie de froid. Au moment où elle parut, elle remarqua qu’elle joignait les mains d’un air suppliant, et s’approchait de la voiture. Cécile s’arrêta pour la considérer. Son habillement, quoiqu’extrêmement simple, était cependant plus propre que ne l’est ordinairement celui des mendiants. Elle réfléchit quelque temps à ce qu’elle pourrait lui présenter. La pauvre femme continuait cependant à s’avancer, mais avec une lenteur qui indiquait une excessive faiblesse. Lorsqu’elle fut proche, et qu’elle eut levé la tête, elle présenta l’image la plus complète de la douleur ; elle était si défaite, si pâle, que Cécile en fut effrayée. Les mains toujours jointes, et d’une voix dont elle paraissait elle-même redouter les accents, elle s’écria : Ô ! madame, daignez avoir la complaisance de m’écouter ! Vous écouter ? répartit Cécile, en mettant sur-le-champ la main dans sa poche pour en tirer sa bourse ; trés-certainement ; dites-moi ce que je peux faire pour vous. Le ciel, Madame, vous récompense de votre bonté ! s’écria la femme d’un ton plus assuré ; je craignais de vous fâcher : mais j’ai vu le carrosse devant la porte, et j’ai voulu faire une tentative ; quel qu’en soit le succès, je ne saurais en être plus mal ; la misère, madame donne de la hardiesse. Me fâcher ! répartit Cécile, en tirant un écu de sa bourse. Non, assurément. Qui pourrait contempler votre indigence, et éprouver d’autre sentiment que celui de la pitié ? Ah ! madame, répliqua-t-elle, je pleurerais presque en vous entendant parler ainsi, quoique j’eusse cru de ne plus répandre de larmes, depuis que j’ai cessé d’en verser pour mon pauvre Guillaume ? Avez-vous donc perdu un fils ? Oui, madame ; mais il était trop bon pour rester plus long-temps sur cette terre : aussi ai-je tout-à-fait cessé de le regretter. Entrez, ma bonne femme, dit Cécile ; il fait trop froid pour rester ainsi à l’air.

À peine furent-elles entrées dans une salle basse, qu’elle lui demanda ce qu’elle pouvait faire pour son service, ajoutant, tandis qu’elle parlait, par un mouvement de compassion, un second écu à celui qu’elle tenait déjà dans la main. Vous pouvez tout, madame, répondit la pauvre femme, il ne s’agit que de plaider notre cause auprès de monsieur ; il ne connaît guère notre profonde misère, parce que sa situation est bien différente de la nôtre. Je me garderais bien de l’importuner si souvent, si la nécessité ne m’y contraignait.

Cécile, frappée de ces mots, il ne connaît guère notre profonde misère, parce sa situation est bien différente de la nôtre, eut de nouveau honte de la modicité du présent qu’elle se proposait de lui faire ; et tirant une autre demi-guinée de sa bourse, elle lui dit : Ceci pourra-t-il vous être de quelque secours ? Une guinée suffira-t-elle pour vous procurer ce qui vous est nécessaire.

Je vous remercie très-humblement, madame, dit la femme en faisant une profonde révérence : voulez-vous que je vous en donne un reçu ? Un reçu ! s’écria Cécile avec vivacité, de quoi ? Hélas ! nos comptes ne sont point encore soldés, et je me propose bien de faire quelque chose de mieux pour vous, dès que je me serai convaincue que vous en êtes aussi digne que votre extérieur me l’annonce. Vous êtes trop bonne, madame ; je vous offrais un reçu de l’argent que vous venez de me donner, que je croyais être un à-compte. Un à-compte ! de quoi ? Je ne vous comprends pas. — Votre mari ne vous aurait-il jamais parlé, madame, de ce qu’il nous doit ? De ce qu’il vous doit ? — Oui, madame, de nos comptes pour l’ouvrage fait au nouveau temple de sa campagne de Violet-Bank ; c’est le dernier un peu considérable que mon pauvre mari ait été capable de faire ; et c’est en y travaillant qu’il a gagné sa maladie. Quel ouvrage ? quelle maladie ? s’écria Cécile. Qu’est-ce que votre mari avait à faire à Violet-Bank ? Il est charpentier de sa profession, madame. J’imaginais que vous auriez pu vous rappeler le pauvre Hill, et que vous l’auriez peut-être apperçu. Non, je n’y ai jamais mis le pied ; sans doute vous me prenez pour madame Harrel. Sûrement, madame, j’ai cru jusqu’à présent que vous l’étiez. — Vous vous trompez ; mais dites-moi ce que c’est que ce compte. — C’est un mémoire, madame, pour un ouvrage très-pénible, un ouvrage, madame, qui coûtera sûrement la vie à mon mari ; et quoique je n’aie cessé jour et nuit de solliciter M. Harrel pour en obtenir le paiement, que je lui aye adressé plusieurs lettres pour exposer notre misère, et le supplier d’y avoir égard, il m’a été impossible d’en arracher un seul schelling. Actuellement les domestiques, loin de me laisser la liberté de lui parler, me refusent même la porte. Ah ! madame, vous qui paraissez si sensible, daignez intercéder en notre faveur ! Assurez le que mon pauvre mari ne saurait plus vivre ; dites-lui que mes pauvres enfants meurent de faim ; ajoutez que mon pauvre Guillaume, qui nous aidait à subsister, est mort ; que toutes mes peines, et le travail que mes forces me permettent de faire, ne suffisent pas à nous nourrir.

Grand dieu ! s’écria Cécile très-émue, quoi ! ce que vous sollicitez avec tant d’humilité, est un argent qui vous appartient si légitimement ? — Oui, madame, c’est un argent gagné honnêtement, légitimement, et à la sueur de notre front. M. Harrel ne le sait que trop, et il vous le dira lui-même. Cela est impossible, repartit Cécile ; il l’ignore sans doute, et je m’engage à l’en informer au plutôt. À combien se monte ce compte ? À vingt-deux livres sterling, madame.

Comment, il ne se monte qu’à cela ?

Ah ! madame, vous autres gens riches, vous n’imaginez guère ce qu’est une pareille somme pour des pauvres comme nous. Une malheureuse famille, telle que la mienne, vivant de son travail, s’entretient long-temps avec cet argent, et en le possédant, se croit presque en paradis.

Pauvre digne femme ! ajouta Cécile, le cœur gros, et retenant à peine ses larmes, si vingt-deux livres vous procurent une si grande satisfaction, il serait réellement bien cruel qu’on vous fît attendre plus long-temps une somme si modique, et que vous réclamez à si juste titre, sur-tout votre débiteur étant en état de vous payer sans s’incommoder. Attendez-moi ici un moment, et je vous apporterai tout de suite votre argent. Elle la quitta sur-le-champ, et revint à la salle à manger, où elle ne trouva que M. Arnott, qui lui dit que M. Harrel était à la bibliothèque avec sa sœur et quelques amis. Cécile lui dit en peu de mots de quoi il s’agissait, et le pria d’avertir M. Harrel qu’elle souhaiterait lui parler. M. Arnott secoua la tête, et obéit.

Les deux beaux-fréres revinrent ensemble ; et M. Harrel lui adressant la parole d’un air satisfait : Miss Beverley, lui dit-il, je suis charmé que vous ne soyez pas encore partie : nous avons grand besoin de vos conseils ; voudriez-vous bien prendre la peine de monter ?

Tout-à-l’heure, répondit-elle, il faut auparavant que je vous entretiène au sujet d’une pauvre femme à laquelle j’ai parlé par hasard, et qui m’a suppliée de vous engager à acquitter une petite dette qu’elle imagine que vous avez oubliée, et dont vraisemblablement vous n’avez jamais eu aucune connaissance. Une dette ? s’écria-t-il en changeant subitement de ton : qui est cette femme ? Je pense qu’elle se nomme Hill. C’est la femme du charpentier que vous avez employé à la construction d’un nouveau temple à Violet-Banck. — Comment, quoi, cette femme ?… Eh bien ! eh bien, je penserai à la faire payer. Allons, ne perdons pas de temps, venez avec moi à la bibliothèque. — Qui, moi ! après avoir si mal réussi dans ma commission ? J’ai promis d’intercéder pour elle, et de faire en sorte qu’elle eût tout de suite son argent. Bon ! il n’y a rien de si pressé ; je chercherai son compte : je ne sais ce que j’en ai fait.

Je cours la rejoindre, et lui en demander un second. — Je ne le permettrai jamais ; elle pourra m’en envoyer un autre dans quelques jours. Elle mériterait que je la fisse attendre encore une année, pour la punir de l’impertinence qu’elle a eue de vous rompre la tête de cette affaire. — Elle ne m’en a parlé que par hasard, et je lui ai promis de faire en sorte qu’elle fût payée. C’est à vous maintenant à me faciliter les moyens de m’acquiter de ma promesse. Il doit vous être à peu près égal de lui remettre aujourd’hui ces vingt-deux livres, ou de ne les lui donner que dans un mois. Mais cette différence pour cette pauvre malheureuse est si considérable, qu’il y va pour elle de la vie ou de la mort ; car elle m’a assuré que son mari était sur le bord de sa fosse, que ses enfants mouraient presque de faim ; et quoique son extérieur annonce la plus grande misère, ils n’ont cependant qu’elle pour support.

Oh ! s’écria M. Harrel en riant, il faut avouer qu’elle vient de vous conter une histoire bien lamentable ! Elle s’est sans-doute apperçue que vous arriviez tout nouvellement de province. Si vous ajoutez foi à tous les contes de cette espèce, vous ne serez pas un instant tranquille, et il ne vous restera jamais un sou dans votre bourse. Cette femme, répondit Cécile, ne saurait chercher à m’en imposer ; son visage porte des marques trop évidentes et trop effrayantes des peines qu’elle éprouve.

Bon bon ! ajouta-t-il, lorsque la ville vous sera mieux connue, il sera plus difficile de vous tromper ; vous verrez qu’il n’est rien de si commun que de trouver des femmes de cette espèce, qui, pour vous émouvoir, parlent d’un mari malade et de cinq petits enfants mourants de faim. Ce sont des moyens usés, qui ne produisent plus aucun effet, et dont on se moque. — Je ne me moquerai jamais des malheureux ; et les cœurs durs qui verront leurs peines avec indifférence, n’auront rien de commun avec moi. Cette pauvre femme, dont j’ai osé entreprendre la cause, n’eût-elle point d’enfants, serait encore elle-même un objet de pitié. Elle est si faible, qu’à peine peut-elle se traîner, et si pâle, qu’elle paraît presque mourante. — Imposture que tout cela ; rien n’est plus certain. À peine vous aura-t-elle quittée, qu’elle cessera de se lamenter. Non, Monsieur, lui répliqua Cécile un peu impatientée ; rien ne m’engage à soupçonner qu’elle ait la moindre envie de me tromper, puisqu’elle ne vient point ici comme mendiante, quoique sa pauvreté l’y autorisât ; elle y vient pour solliciter le paiement d’un ouvrage que son mari a fait ; et si elle en impose à cet égard, rien de si facile que de découvrir la fraude.

À ces mots, M. Harrel parut pendant quelques moments assez déconcerté ; mais, s’étant bientôt remis, il dit d’un air aisé : comment a-t-elle fait pour parvenir jusqu’à vous ? Je l’ai trouvée à la porte de la rue. Dites-moi, je vous prie, auriez-vous quelqu’objection contre ce mémoire ? Je ne saurais encore en former aucune ; je n’ai pas eu le temps de l’examiner. Vous savez cependant qui est cette femme, et que son mari a travaillé pour vous ; par conséquent il est vraisemblable que l’argent qu’elle demande est bien légitimement dû. Cela est-il possible, vrai, ou non ? — Oui, oui, j’avoue que je reconnais cette femme ; elle a bien pris soin de me le rappeler. Voilà neuf mois qu’elle ne cesse de me tourmenter.

Cette réponse ferma la bouche à Cécile ; elle avait supposé jusqu’alors, que la vie dissipée de M. Harrel l’avait empêché de s’appercevoir de l’injustice de son procédé ; mais lorsqu’elle reconnut qu’il en était si bien informé, et qu’il avait pu souffrir avec indifférence, qu’une pauvre femme l’eût tous les jours pendant neuf mois sollicité vainement pour obtenir le paiement d’une dette aussi légitime, elle en fut aussi surprise que révoltée. Ils gardèrent l’un et l’autre pendant quelques moments le plus profond silence. Ensuite M. Harrel bâilla, étendit les bras ; et demanda nonchalamment : mais pourquoi le mari ne vient-il pas lui-même ? Ne vous ai-je pas déjà dit, repartit Cécile, qui s’attendait peu à une pareille question, qu’il était très-malade, et hors d’état de travailler ? — Eh bien ! dès qu’il sera mieux, ajouta-t-il en s’avançant vers la porte, il n’a qu’à venir, et je lui parlerai.

Cécile, accablée de cet excès d’insensibilité, se tourna machinalement du côté de M. Arnott, d’un air qui semblait implorer son assistance. Celui-ci baissa la tête, et craignant de rencontrer ses yeux, sortit brusquement.

M. Harrel se tournant alors à moitié, quoique sans envisager Cécile, lui dit familièrement : Eh bien, ne voulez-vous pas venir ? Non, Monsieur, répondit-elle froidement. Il continua son chemin, et remonta à la bibliothèque, la laissant aussi surprise que mécontente de la conversation qu’ils venaient d’avoir ensemble. Grand dieu, s’écria-t-elle, quelle étrange insensibilité ! Laisser périr de faim une malheureuse famille, uniquement par opiniâtreté, et pour prouver que sa misère n’est pas telle qu’on la dépeint ! Ajouter à sa calamité, en retenant le salaire qui lui est dû, et qu’on sera à la fin forcé de lui donner, quoique l’indolence, l’oubli ou l’injustice s’obstinent à le lui refuser ! Que mon oncle connaissait peu, qu’il était loin de soupçonner le caractère du tuteur auquel il m’a confiée !

Avant qu’elle fût sortie de la salle, un des domestiques vint lui dire que son maître la priait de se rendre à la bibliothèque. Peut-être se repent-il, dit-elle en elle-même ; et flattée de cette idée, elle se hâta de l’aller joindre. Il était avec sa femme, le chevalier Robert Floyer et deux autres personnes, dissertant tout à leur aise autour d’une grande table couverte de plans et de modèles en petit.

M. Harrel lui adressa tout de suite la parole, et lui dit : vous m’avez fait un grand plaisir de venir ici ; nous ne saurions rien conclure avant de vous avoir consultée : ayez la bonté de jeter la vue sur ces différents modèles, et dites-moi celui que vous trouvez le plus de votre goût. Cécile, sans avancer d’un seul pas, resta immobile à la vue de ces plans pour la construction de nouveaux édifices, tandis que les ouvriers qui avaient construit les anciens n’étaient point encore payés. La cruelle sottise qu’il y avait à vouloir élever de nouveaux trophées au luxe, lorsque ceux qu’on venait à peine de finir avaient occasionné la ruine des malheureux qui y avaient travaillé, excita en elle une indignation qu’elle crut inutile de chercher à déguiser. L’aisance et l’air dégagé de l’auteur de ces injustices lui inspirèrent autant d’aversion que de répugnance, et se rappelant la leçon que lui avait donnée l’étranger à la répétition de l’opéra, elle résolut de changer de demeure le plutôt qu’elle pourrait, répétant en elle-même : « Oui, j’aurai soin de me soustraire à la distraction dont l’opulence sourde aux plaintes du misérable est menacée. »

Madame Harrel étonnée de son silence et de son air sérieux, lui demanda si elle était malade. Le chevalier Floyer, se tournant alors de son côté pour la considérer plus à son aise, lui dit : « commenceriez-vous déjà à vous ressentir des influences de l’air de Londres ? » Cécile tâcha de recouvrer sa tranquillité, et répondit le mieux qu’elle put à ces différentes questions ; elle persista néanmoins à refuser de donner aucun avis relativement aux plans ; et après y avoir jeté un coup-d’œil en passant, elle se retira.

M. Harrel, qui, dans le fond de l’âme, connaissait mieux que personne la raison d’une pareille conduite, se garda bien d’en donner l’explication ; et voyant avec peine qu’elle était plus affectée qu’il ne l’aurait cru d’une affaire qui, à ses yeux, était si peu importante, il chercha à l’en distraire. Il la suivit, et lui dit : miss Beverley, sera-ce assez-tôt demain de s’occuper de votre protégée ? Oui, sans doute, répliqua-t-elle, agréablement surprise d’une pareille question. En ce cas, ayez la complaisance de la faire avertir de venir me trouver demain matin.

Charmée d’une commission aussi inattendue, elle le remercia par un gracieux sourire de l’en avoir chargée : et en se pressant de descendre pour porter cette bonne nouvelle à celle qui l’attendait, elle inventait mille excuses pour justifier les délais qu’elle avait essuyés jusqu’alors, se persuadant facilement que M. Harrel, qui commençait à reconnaître l’injustice de sa conduite, se proposait d’en changer par la suite. La pauvre femme la vit revenir avec un air si satisfait, qu’elle imagina que M. Harrel ne tarderait pas à acquitter sa dette. Elle s’apperçut bientôt de son erreur ; car aussi-tôt qu’elle fut instruite de sa réponse, elle dit : Ah, Madame, c’est toujours le même langage ! il me remet continuellement au lendemain. Mais je suis actuellement en état de supporter de nouveaux délais ; ainsi je me garderai bien de me plaindre de ce contre-temps ; l’indulgence que je viens d’éprouver de votre part, suffirait pour me faire tout oublier. Ayez soin, je vous prie, lui dit Cécile, de consulter un médecin sur la manière dont votre mari doit être médicamenté et nourri. Je vais vous donner de quoi payer sa première visite ; et s’il est nécessaire qu’il en fasse d’autres par la suite, ne craignez pas de me le faire connaître. En parlant ainsi, la compâtissante Cécile ouvrait de nouveau sa bourse ; mais madame Hill lui saisissant la main, s’écria : non, madame, non ; je ne suis point venue ici pour abuser de vos bontés. Bénie soit l’heure où j’y suis arrivée ! Elle lui dit alors qu’elle ne se trouvait plus actuellement dans un besoin si urgent, et que pendant son absence un monsieur était entré dans la chambre où elle était, et lui avait donné cinq guinées.

Cécile ne douta pas, d’après le portrait qu’elle lui en fit, que cette personne ne fût M. Arnott. Cette libéralité de sa part, si analogue à sa façon de penser, lui donna la meilleure opinion possible de son caractère, et affermit encore l’estime que ce vertueux jeune homme lui avait inspirée. Elle garda pour une autre occasion le secours qu’elle destinait à la femme Hill ; et en lui recommandant de la faire demander le lendemain, lorsqu’elle viendrait recevoir son paiement, elle la renvoya auprès de son mari.

Les promesses de M. Harrel avaient inspiré à miss Beverley une confiance entière ; et pour lui en marquer son contentement, elle eut pour lui, pendant toute la journée, des égards plus marqués qu’à l’ordinaire. M. Arnott, de son côté, enchanté d’avoir obtenu une approbation dont il faisait tant de cas, et qu’il lisait dans les beaux yeux de Cécile, se trouvait amplement récompensé de ses cinq guinées, et aurait volontiers donné à ce prix tout et qu’il possédait au monde.