Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 24 février 1834



Séance du 24 février 1834.


Présidence de M. Constant Prévost.

M. Boblaye tient la plume comme secrétaire, et après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, M. le président proclame membres de la Société ;

MM.

Jespère, à Paris, présenté par MM. Virlet et Boblaye ;

La Pylaie (de), naturaliste, présenté par MM. Bory de Saint-Vincent et Virlet ;

Dugué, ingénieur des ponts-et-chaussées, à Mamers (Sarthe), présenté par MM. Triger et Dufrénoy.


dons faits à la société.

La Société reçoit :

1° De la part de M. Bory de Saint-Vincent, les deux ouvrages suivans, dont il est l’auteur :

A. Voyage souterrain, ou description du plateau de Saint-Pierre, de Maestrich ; in-8o, 382 p., une carte. Paris, 1821 ;

B. Guide du voyageur en Espagne ; in 8°, 666 p., une carte. Paris, 1823.

2° De la part de M. Boubée, son Supplément à la relation des expériences du lac d’Oo ; in-18, 68 p. (Extrait du Bulletin d’histoire naturelle de France).

3° De la part de M. Morren : Mémoires sur les ossemens humains des tourbières de la Flandre ; in-8, 223 p., une planche. Gand, 1832.

4° De la part de M. Glocker, sa Notice sur le nouveau minéral l’ozokerit (Der Ozokerit ein neues minéral). In-8° 7 pages.

Recueil encyclopédique belge, tome Ier (juillet, août et septembre 1833) ; tome II (octobre et novembre 1833) ; in-8o, Bruxelles (en échange du Bulletin).

Mémoires de la Société d’agriculture, sciences et arts d’Angers) quatrième et dernière livraison du Ier volume ; in-8o, 463 pages. Revue normande, par M. de Caumont, IIe vol., 2e part., in-8o, 292 p. Caen, 1833.


correspondance et communications.

M. Boue communique à la Société : 1° une description nouvelle et technologique du Hartz (Das Hangebirge, etc.), par M. le docteur Christian Zimmermann, 2 vol. in-8o, avec une carte et 14 planch. Darmstadt, 1834.

2° De la part de M. Zieten, la Description des fossiles du Wurtemberg. Cet ouvrage comprend douze livraisons et les figures de 400 espèces de fossiles des terrains secondaires. Le prix de l’ouvrage complet est de 80 francs.

M. Boubée lit une lettre de M. Tournal, par laquelle ce géologue lui annonce, 1° qu’il travaille à fonder un congrès annuel à Toulouse, où la plupart des savans du Midi promettent de se réunir ; 2° qu’il vient de se former à Narbonne une société archéologique, littéraire et scientifique, à laquelle le gouvernement, accorde sa protection, et a déjà fourni le noyau d’un musée où seront réunies toutes les richesses de l’arrondissement.

M. Keilhau, de Christiania, annonce qu’il s’occupe de la rédaction d’une nouvelle description du district intermédiaire de Christiania, et qu’il fait dresser sur une grande échelle une carte détaillée de cette partie intéressante de la Norwège. Aidé de trois de ses auditeurs à l’Université, il a complété, l’été passé, les matériaux sur lesquels sont fondées ses descriptions. En adressant la carte à la Société, il enverra à l’appui une collection de roches.

M. Keilhau communique aussi la liste suivante des ouvrages norwégiens qu’il pense être peu connus :

1° Le plus ancien ouvrage d’histoire naturelle imprimé en Norwège est le Spéculum regale (Kong’s-skugg-sio) ; son contenu est très varié. On pense qu’il date de la fin du xiie, ou du commencement du xiiie siècle L’auteur est inconnu ; mais il est présumable que cet ouvrage a été écrit, sinon par le roi Sverre (en 1202), si ce n’est par lui-même[1], du moins sous ses yeux et d’après son plan. En parlant des merveilles de l’Islande, l’auteur émet ses vues théoriques sur les volcans ; et son raisonnement est vraiment bien curieux à lire, surtout en cette langue ancienne, dite norrona, que parlent à peu près encore les Islandais. Ces expressions, relativement à son hypothèse, sont un modèle de modestie : « Cæterum hæc licet certa venditare non ausim, interim eo fine sunt allata, ut probabilibus conjecturais, seu viam aperiant ; nam observamus, » etc. (Version de M. Einerson, p. 149 de l’édition in-4o. Soroë, 1768). Voici encore une citation de cet ouvrage : « Admirationem quoque meretur, quod de loco quodam palustri, Birkedals-myre dicto, in districtu Mœrensi (dans la partie occidentale de la Norwège) observaturi ligna enim ubi immissa sunt huic paludi, et per triennum ibidem jacuerunt, naturam illico suam exuunt, ioque petram convertuntur ; unde si flammis injiciantur, ignita et lapidum calefactorum impar apparent, quamvis antè, quemadmodum commune lignum, igne consumi possent. Lapides istos complures et vidimus et manibus tenuimus, quorum dimidia pars, ut pote paludi non immersa, lignum, dimidia vero, quæ submersa fuit, lapidem referebat. Accedit, quod palustris iste locus in fæcundo arboreto situs sit, et arbores succrescentes nihil detrimenti capiant, sed ubi excisæ fuerint et arefactæ, mox injectæ paludi, lapidis induere naturam, exuta lignea, cœperunt. » (Loc. cit., p. 84-85). Jusqu’à présent, il n’existe pas d’observations plus récentes sur ce fait intéressant.

2° Escholt, curé d’Aggerhuus (en 1666). ─ Geologia Norvegica (Underwusning om ut Jordskjolm i Norge d. 24 april 1657, samt physisk og theologisk. Betankning om Jordskjolms Aarsager og Betydning. Christiania, 1657, in-4o.) — Geologia Norvegica, c’est-à-dire, Relation d’un tremblement de terre en Norvège, le 24 avril 1567, avec des réflexions physiques et théologiques sur les causes et indices des tremblemens de terre.

E. Pontoppidan (docteur, évêque de Bergen). ─ Det forste Forsog paa Norges naturlige Historie med Kobbern. Premier essai sur l’Histoire naturelle de la Norwège, avec gravures. 2 vol. in-4o. À Copenhague, 1752-53. — Dans le second chapitre, l’auteur traite du sol, des roches, des montagnes, des cavernes. Les chap. 7 et 8 sont consacrés à des réflexions géologiques : l’auteur donne la préférence aux vues du docteur Woodward ; on y trouve le passage suivant : Si les grands théorisâtes mentionnés (Burnet, Whiston, Woodward, Buffon) avaient visité ces régions, ils auraient trouvé plus qu’ailleurs des faits importans pour leurs hypothèses.

J.-C. Spidberg (docteur en théologie, prévôt, et puis évêque à Christiansand, 1759). ─ Hislorisk og physisk Relation om det merkvordige Jordskjolv i Norge Lisabon og andre Steder d. 1 nov. 1755. Relation historique et physique du notable tremblement de terre en Norwège, Lisbonne et autres lieux, le 1er nov. 1755 ; écrite à Christiansand le 4 mars 1756. (Mémoires de la Société des sciences de Copenhague. Vol. VII. À Copenh., 1755-58).

Gannerus (docteur en théologie, évêque de Drontheim, 1773) ─ Efterretninger om Mineralier i Norland og Finmarken). Notices sur des Minéraux du Nordland et du Finmark (Laponie norvégienne). ─ (Transactions de la Société des sciences de Drontheim). (Det Trondsjemske Selskabs Skryfter.) Vol. I. Copenhague, 1761.

H. Strom (docteur en théologie, curé a Sondmor, puis à Eger, près de Drammen, 1797). — Physisk og okonomisk Beskrivelse over Fogderiet Sondmor. Description physique et économique du bailliage de Sondmor ; avec planches. 2 vol. in-4o. Soroe, 1762-66. ─ Dans le chap. 1, l’auteur parle aussi du sol et des minéraux du canton.

7° Le même. ─ Physzisk og okonomisk Beskivelse over Eger. Description physique et économique de la paroisse d’Eger (A Copenhague, 1788). — Kort Underretning om Eger Sognekeld. Relation abrégée (aussi géologique et minéralogique) sur la paroisse d’Eger. — (Mémoires de la Société royale des sciences de Danemark. Vol. II.)

8° Le même. — Underretning om mineralske Sundhedsvamt isor Grens Kilchrand paa Sondmor. Notice sur les eaux minérales à Sondmor. (Dito, vol. II.)

Carl Deichmann (conseiller de chancellerie et assesseur a la cour supérieure en 1780). ─ Betankninger over den. red Solvwerket Kongsberg sig yttrende sonkeldte Schwaden og i anledning deraf nogle faa Anmerkninger om somme Solvwerk. Sur les mofettes (schwaden) aux mines de Kongsberg, et quelques remarques sur cette mine d’argent. — (Mémoires de la Société de Copenhague. Vol. IX, 1761-64.)

1 o° Le même. — Efterretninger om de Norske Guldertser. Notices sur les minerais d’or en Norwège. — (Même recueil, Vol. XI.)

11° M. Th. Brunnich (surintendant des mines). — Forsog til en Mineralogie for Norge. Essai d’une minéralogie pour la Norwège, à Drontheim, 1777.

12° Le même. — Om Saltgruberne i Siebenburgen. Sur les salines de la Transylvanie. — (Transactions de la Société des sciences de Drontheim. Vol. V.)

13° Le même. — Beskrivelse over Trilobiten. Description de Trilobites. — (Mémoires de la Société royale des sciences du Danemark. Vol. I.)

14° Topographisk Journal for Norge. Journal topographique pour la Norwège ; xxxiv cahiers en x vol. ; 1792-1808 ; Christiania ; in-8° ; contenant les Mémoires de la Société topographique de Norwège. Il y a dans ce recueil aussi quelques descriptions de mines, et on y trouve plusieurs renseignemens géologiques et minéralogiques.

La Société pour le bonheur de la Norwège (Selskabet for Norges issel) s’étant formée en 1809, la Société topographique cessa peu après. Parmi les ouvrages que la première a fait paraître, il y a aussi deux publications périodiques, qui contiennent des Mémoires géologiques, technologico-minéralogiques, etc. L’une est intitulée : Topographisk-statitiske Samlinger. Recueils topographico-statistiques. In-8°. Christiania, 1811-17. Dans cette continuation du Journal topographique on remarque surtout les ouvrages suivans :

15° H. Heyerdahl (curé à Toten, à présent prévôt à Storda len, dans la préfecture de Drontheim). — Bidrag til en minéralogisk geognostisk Beskrivelse over Ringsagers og Totens Prostegjelch i Agershuus-Stift. Documens pour une description minéralogico-géognostique des paroisses de Ringsager et de Toten, dans la préfecture d’Agershuus-Stift.—(Recueil cité, vol. I.)

16° Leopold de Buch. — Reise fra Christiania ower Fillefjeld lie Bergen. Voyage de Christiania à Bergen par le mont Filefjeld, trad. du manuscrit allemand par le docteur J. Müller. L’original n’a pas été imprimé. — (Dito, vol. I.)

17° Jens Esmark (assesseur du tribunal des mines à Kongsberg, à présent professeur de minéralogie à Christiania.) — Bemerkingen gjorte paa en Reise til Gousta-Fjellat i gore Tellemarken. Observations faites à un voyage au mont Gousta, en Tellemark supérieur.

18° L’autre publication périodique de la Société pour le bonheur de la Norwège est son bulletin intitulé : Rudstikker (le Messager, ou plutôt le Message), qui se continue encore, Parmi les notices intéressantes pour le géologue, on y remarque surtout plusieurs communications de M. C. Strom, officier des mines, auteur d’un Mémoire sur le granite près de Freiberg. — (Journal de M. Léonhard, 1814) ; et de plusieurs Mémoires dans le Magazin for Naturvidenskaberne.

19° J. Esmark. — Geognostisk Auslysning am d. Kongsbergske Ertsfjellt. Éclaircissement géognostique sur les montagnes métallifères de Kongsberg, dans le Skandinavisk museum (Musée Scandinave). Vol. I, p. 133 ; 1800 ; Copenhague.

20° S C. Sommerfeldt (curé de Saltdalen en Nordland, à présent à Ringeboe, dans la préfecture de l’Agershuus-Stift, botaniste bien connu, et spécialement par son Supplementum Florœ Lapponicœ.) — Physisk okonomisk Beskrivelse over Saltdalen i Norlandene. Description physico-économique de Saltdalen, dans la préfecture du Nordlands. — On trouve des renseignemens hypsométriques, géologiques et minéralogiques dans cet ouvrage, qui est inséré dans les Mémoires de la Société royale des sciences de Drontheim. — (Det Kongelige norske Widenskaberskabs Skrifter i det 19. Aarhunderde. Vol. II. Drontheim, 1824-27, in-4°.)

21° P.-A. Schult (directeur de mines à Roraas). — Beretning om Kobberwerks-Dristen i Cornwall og Wales. Relation sur les mines de cuivre en Cornouailles et dans le pays de Galles. — Ce Mémoire, spécialement technologique, donne pourtant aussi des renseignemens sur les gîtes métallifères de ces localités, que l’auteur visita en 1827. — (Mém. de la Soc. royale des sciences de Drontheim. Vol. III ; i 832.)

22° Jens Kraft (ancien secrétaire expéditionnaire dans les bureaux du gouvernement à Christiania, à présent bailli de Lister et de Mandal, près de Christiansand).— Topographisk statistisk Beskrivelse over Kongeriget Norge. Description topographico-statistique du royaume de Norwège. Christiania ; vol. I, 1820, in-8°. Sept volumes sont parus jusqu’ici, et ce travail très important se continue encore.

M. de la Marmora annonce qu’il prépare une collection de roches, des îles Baléares, pour l’adresser prochainement à la Société.

M. Virlet communique deux Notes qu’il a extraites des journaux quotidiens,

La première est relative au tremblement de terre qui, le 18 janvier, a détruit la ville d’Arica, au Pérou. Le fameux morne connu sous le nom de Withe Bluff, qui se trouvait à l’entrée du port de cette ville, à 200 pieds d’élévation du niveau des terres, est descendu presqu’à la surface de l’Océan ; deux petites îles, à peu de distance de la côte, ont été englouties. Le premier choc s’est fait sentir vers dix heures et demie du soir, et a été suivi par trois autres, qui se sont succédé à des intervalles de deux, trois et cinq minutes ; la mer s’est élevée à plus de trente pieds au-dessus de son niveau ordinaire. La seconde est celle-ci :

On écrit du fort Opus, en Dalmatie : « Hier (4 janvier), entre sept et huit heures du soir, nous avons ressenti trois grandes secousses de tremblement de terre, dont la première a été la plus violente. » (Débats, du 4 février 1834.)

M. Virlet fait observer, à ce sujet, que le fort Opus est situé vers l’embouchure de la Narenta, contrée très souvent tourmentée par les tremblemens de terre ; et l’on se souvient encore que l’ile de Méléda, située à peu de distance en face, est devenue célèbre par les convulsions extraordinaires dont elle a été agitée depuis le mois de mars 1822 jusqu’en 1825. On y entendait continuellement des détonations qui ressemblaient à des décharges d’artillerie, et étaient accompagnées quelquefois de légers tremblemens de terre. Ces phénomènes, sujets de tant de rapports contradictoires, piquèrent assez l’attention publique pour que le gouvernement autrichien y envoyât, en septembre 1824, une commission chargée de constater l’effet et la cause de ces détonations. C’est à cette expédition, composée de MM. Riepl et Partsch, que nous devons l’ouvrage que ce dernier savant publia, en 1826 sur les phénomènes et la géologie de l’île Méléda, et celle de quelques parties de la Dalmatie.

M. Virlet donne ensuite communication de l’extrait suivant du Rapport annuel sur les travaux de la Société d’Histoire naturelle de l’île Maurice pendant l’année 1832, par M. Julien Desjardins.

M. M. Sauzier, dans sa correspondance avec la Société de l’île Maurice, a continué ses communications sur les différens phénomènes qui ont eu lieu au volcan de Bourbon, et particulièrement sur l’éruption du mois de juillet 1831. Dès le 14, une coulée de lave avait traversé la grande route et avait interrompu la communication par la partie du Vent ; le 25, cette coulée, qui avait de 35 à 40 mètres de largeur dans plusieurs endroits, tombait à la mer par trois bras différens, d’environ un mètre seulement de largeur. Ayant rencontré sur son passage une petite excavation de quelques mètres de profondeur, et de 6 à 8 de longueur sur autant de largeur, elle l’eut bientôt remplie, après quoi elle parut prendre pendant quelque temps une nouvelle direction. Avant d’arriver à cet endroit, elle avait passé au pied d’un rempart connu dans le pays sous le nom de Bois-Blanc. On ne se rappelle pas l’avoir jamais vue prendre cette direction. C’est la qu’elle s’est frayé un passage à travers la forêt, et c’est peut-être ce qui a le plus étonné les spectateurs que la chute de ces beaux arbres si anciens qui, enflammés depuis la racine jusqu’à la cime, tombaient en sens divers dans des flots d’une lave brûlante. Ils étaient bientôt après réduits en cendres, et laissaient échapper des tourbillons d’une fumée épaisse qui, plus d’une fois, manqua de devenir funeste à la foule nombreuse d’habitans accourus de tous les points de l’île. Au bout de dix jours, on a pu passer sur la lave, dont la surface, exposée à l’air, s’était suffisamment refroidie ; mais, malgré cette croûte épaisse, on s’est aperçu que dans plusieurs endroits elle s’était boursouflée de près d’un pied, circonstance qui était due à l’action de la lave encore en fusion, et qui coulait au-dessous.

Il paraît assez certain que ce n’est ni par le cratère Dolomieu, une des trois bouches principales du Grand-Pays-Brûlé ni par le cratère Jouvencourt, situé un peu au-delà des ravines du Bois-Blanc, que cette coulée s’est échappée, mais bien par un nouveau cratère qui s’est formé sur le flanc de la montagne. Depuis le moment où on l’a vue au pied du piton de Crack, jusqu’à celui où elle est tombée à la mer, il s’est écoulé 30 jours, et ce trajet est à peine de 3 milles.

Une autre coulée, beaucoup plus considérable, se dirigeait le 15 août suivant sur le même point à peu près que la première ; elle menaçait d’intercepter de nouveau la communication pour quelque temps. Enfin, dans le mois de mars 1832, M. Sauzier annonçait encore à la Société que le volcan, qui avait paru se ralentir, vomissait de nouvelles laves, qui formaient, en se rendant à la mer, deux coulées distinctes, et à plus de trois milles l’une de l’autre, quoiqu’elles partissent du même point.

M. Julien Desjardins, qui avait déjà découvert au quartier de Flacq, de l’île Maurice, deux nouveaux gisemens d’os fossiles de tortues terrestres, vient d’en découvrir un autre à un mille de distance des premiers. On peut, comme à la Marc-la-Chaux, y trouver beaucoup d’os en remuant seulement le sol avec la main. Le seul gisement connu depuis long-temps à Flacq, est sur la propriété de M. Nozaïc ; les trois découverts par M. Drsjardins sont, l’un, à la Mare-la-Chaux, sur ses propriétés, l’autre, à la Montagne-Blanche, sur celles de M. Clément Langlois, et le troisième, celui qui vient d’être découvert à la Mare-Pantin, sur celles de M. Hardy père, ex-commandant de ce quartier.

Jusqu’à présent M. Desjardins n’avait trouvé dans ces différens endroits que des fémurs, des humérus brisés, et quelques fragmens de plastrons. Depuis qu’il a entretenu la Société de cette découverte, il a fait faire de nouvelles fouilles à la Mare-la-Chaux, et il a été assez heureux pour rencontrer des os du bassin, des clavicules, des omoplates, ainsi que les différentes vertèbres de l’épine, et des têtes presque entières. Il a déposé des échantillons de chacune de ces parties dans le cabinet de la Société.

On se rappelle, ajoute M. Virlet, que quelques journaux nous ont parlé, il y a peu de temps, de la périlleuse ascension que le capitaine Augustin Lloyd fit, le 8 septembre 1832, sur le fameux rocher de Pieter-Both, situé au sommet de l’une des montagnes les plus élevées de l’île Maurice, dont l’abbé Lacaille a déterminé la hauteur à 420 toises, et regardé jusque là comme inaccessible. Le capitaine Lloyd ayant échoué dans une première tentative, à cause du mauvais temps, M. Lislet-Geoffroy prit occasion de cette circonstance pour communiquer à la Société une note sur ce piton d’origine volcanique, et si connu de tous les marias qui, depuis plus de deux siècles, fréquentent l’Océan indien ; cette note avait surtout pour but de rappeler l’ascension qu’exécuta Claude Penthé le 8 septembre 1790, juste quarante-deux ans avant celle du capitaine Lloyd, sur ce point presque inaccessible, à cause de sa forme. Après bien des difficultés, et à l’aide d’une corde qu’il fit passer par-dessus le roc, et qu’il fixa de l’autre côté, cet homme intrépide parvint sur la plate-forme du rocher, qui est un peu inclinée du N. au S. et a 27 pieds dans son plus grand diamètre. Le rocher a 36 pieds de hauteur, et paraît posé en équilibre sur la pointe du grand cône qui forme le sommet de la montagne. Bernardin de Saint-Pierre, dans ses Harmonies de la Nature, et M. Bory de Saint-Vincent ont parlé de l’entreprise audacieuse de Penthé, mais sans le nommer.

M. Desjardins accompagne cette note d’une synonymie curieuse du nom de cette montagne, lequel lui vient de l’amiral hollandais Pieter Both d’Amersfort, qui, en 1616, se perdit corps et biens sur les récifs de l’île. Il est remarquable que dans les 24 ou 25 manières d’écrire le nom de cette montagne, que l’on trouve dans les différent auteurs qui ont parlé de ce pic curieux, aucune ne se trouve reproduire la véritable orthographe de son nom. Le Magasin pittoresque de M. Lachevardière a donné récemment une figure de ce fameux pic, avec une relation des ascensions vraiment incroyables auxquelles il a deux fois donné lieu.

Enfin, M. Polack a communiqué, cette année, à la même Société une courte description de l’île Saint-Paul, voisine de celle, d’Amsterdam, et située sur le parallèle de 38° S. Comme il a débarqué sur cette île déserte, il a pu confirmer, dans sa description, le fait si curieux que nous trouvons dans plusieurs relations de voyages, de la présence sur ce sol volcanique de sources chaudes très rapprochées de sources froides. M. Polack a accompagné sa description de deux vues esquissées sur les lieux mêmes, et représentant cette île avec son large cratère éteint, lequel se trouve au fond du bassin où mouillent les navires. Outre ce cratère, il en existe d’autres qu’il n’a pu visiter, mais dont il a vu la fumée à quelque distance.

M. Boué communique à la Société l’article suivant, relatif aux soulèvemens cratériformes des masses volcaniques, extrait d’une dissertation de M. Van der Boon Mesch, intitulée : De Incendiis montium igni ardentium insulœ Javœ, eoremdemque lapidibus, etc. (p. 85).

« Mena accidit in insula Ternate, in qua adhuc major saxem moles sublata est. Hæ massæ e mari eriguntur supra littus et montis hujus insulæ declivitatem ; et natura atque indole maxime conveniunt cum ins insulæ Banda, ambæque valde differunt a lapidibus, quos ipsi hi montes ardentes supra has massas ejecerunt. Redeamus vero ad montem Gunung-Api, quippe qui cum stet seorsus, cumque eju radix nullis plantis vestita in mare vergat, plus quam alii montes suam formationem ostendit. Magna radicis pars quidem tegitur lapidibus, quos ipsius montis crater eructavit, alii contra loci omnino ostentant, maximam hujus montis partem tali modo non fuisse artam. Hæc autem facta est ex erassis stratis, quæ inclinant, ita ut horum stratorum media pars erigatur et incurvata sit. Videntur itaque hæ massæ omnino fluidœ fuisse, cum e mari adtollerentur (nam ex ipso monte cas non fuisse eructatas, testantur ipsius insulæ cuves, et arguunt nullus fragor et nullum montis hoc tempore incendium, atque ipsius mollis figura indoles ac situs), et impetu ex profundo facto hanc incurvatam accepisse formam. Inferiores etiam hujus molis partes admodum concretæ et duræ sunt, cum contra superiores, quæ minus pressæ sunt, adeoque fusæ se adhuc extendere potuerunt, poris sunt plenæ pumicumque lirrmam induerunt. »

Une discussion, à laquelle prennent particulièrement part MM. Élie de Beaumont, C. Prévost, Dufrénoy, Virlet, Rozet, etc., s’engage ensuite sur les caractères généraux des coulées sur les flancs des cônes, ou sur des plans peu inclinés.

M. Boué continue ensuite la lecture de son Comptes-rendu des progrès des sciences géologiques en 1833.

Après avoir été remplacé au bureau par M. Michelin, vice président, M. Constant Prévost fait à la Société une communication relative au volcan du Pal, en Vivarais, qui a été cité récemment comme un exemple de cratère de soulèvement dans les granites.

Ayant visité cette localité avec M. de Montalembert, au mois d’octobre dernier, M. C. Prévost s’est convaincu que le cirque est, pour la plus grande partie, formé par des déjections volcaniques meubles, et qu’il présente tous les caractères d’un cratère d’éruption, ouvert dans un sol granitique qui à peine a été dérangé.

Dans la question des cratères de soulèvement, dit M. C. Prévost, il faut bien distinguer la théorie, qui, rationnelle en elle-même, peut être applicable à certains cas particuliers, et les applications trop générales que l’on a faites de cette théorie.

Déjà de nombreuses observations ont démontré que les volcans en activité connus, ne présentent aucune des conditions exigées par la théorie.

Le Vésuve, Vulcano, Stromboli, Santorin, bien qu’ils offrent, autour du cône central d’éruption, un cirque extérieur, que l’on a regardé dans le premier moment comme les bords d’un prétendu cratère de soulèvement, ont été mis hors de cause, presque d’un commun accord, par les deux partis.

Ténériffe et Palma même, qui ont servi de point de départ pour l’Établissement de la Théorie, peuvent, par analogie, être assimilés au Vésuve et à Santorin.

Il ne reste plus réellement parmi les terrains d’origine volcanique que les volcans éteints, dans lesquels les partisans des cratères de soulèvement essaient de se maintenir. Le Cantal et le Mont-d’Or, leurs principales places fortes, défendues avec autant d’habileté que de savoir, ont déjà essuyé plusieurs assauts contre lesquels elles résistent avec courage…

Mais au midi du Cantal, dans le haut Vivarais, entre Pradelle et Montusclat, il existe un petit fort qui, au premier moment, a paru d’autant plus inexpugnable, qu’on l’a présenté comme étant entièrement. construit en granit, et comme le premier exemple incontestable d’un cratère de soulèvement dans un sol non volcanique (Voyez Bull. Soc. Géol. T. 3, p. 169.)

En effet, devant cet exemple paraissaient devoir tomber les objections puissantes faites contre les prétendus cônes et cratères de soulèvement formés de dépôts stratifiés de matières volcaniques.

On ne pouvait plus demander, en présence du cratère de Pal, 1o comment des scories, des laves, des conglomérats en lits, superposés, avaient pu être déposés d’abord horizontalement ; 2o pourquoi, là où des bouches d’éruption avaient précédemment donné lieu au rejet de matières volcaniques, et où existaient par conséquent des canaux de communication entre la partie inférieure de la croûte terrestre solidifiée et sa surface extérieure, la résistance aurait été telle, que, pour sortir, des matières (dont on ne trouve aucun vestige) auraient soulevé et brisé les dépôts volcaniques ?

Ici, plus d’analogie à invoquer, plus de comparaison à établir avec les volcans brûlans. Le Volcan du Pal présentait un cirque granitique à bords relevés brusquement, disait-on ; autour d’une cavité centrale, c’est-à-dire un cratère de soulèvement, au centre duquel l’action volcanique avait établi trois petits cônes d’éruption formés de scories.

Le volcan du Pal était un volcan parfait ; il pouvait devenir un volcan Type, et peut-être le dernier refuge des partisans de la Théorie de M. de Buch.

Dans mon dernier voyage en Auvergne, au Cantal et au Mezinc, je n’ai pu me dispenser d’aller étudier le volcan du Pal, et ce sont les observations qui m’ont été fournies par cette localité que je vais exposer en quelques mots à la Société :

On sait que la Loire, après avoir pris naissance au pied du Gerbier-de-Jonc, traverse du nord au sud le grand plateau granitique sur lequel sont établis les terrains tertiaires des environs du Puy, du Velay et du Haut-Vivarais.

Un peu au-dessous d’Usclade, au Rioutord, presqu’à l’endroit où la route du Puy à Mont-Pezat traverse la Loire, celle-ci fait un coude pour remonter au nord-ouest, direction générale qu’elle conserve jusqu’à Nevers.

À ce coude, et sur le plateau granitique, se voit le grand volcan de Bauzon, cône composé de scories rouges et de cendres, et incontestablement formé par éruption.

Au sud de ce volcan, et à son pied, existe un bassin circulaire rempli d’eau ; c’est le lac Saint-Laurent, dont les bords sont en partie granitiques, et en plus grande partie formés par des scories et des cendres stratifiées ; du côté du sud de ce bassin (véritable cratère-lac), on remarque une coulée de lave pyroxénique bulleuse renfermant beaucoup de péridot, qui s’est épanchée sur le granit à peine altéré au contact, et cette lave va descendre comme en cascade dans un autre bassin qui a sans doute formé un lac, mais dont le fond, aujourd’hui à sec, présente un aspect remarquable.

C’est un cirque presque parfait, ayant à peu près la dimension du Champ-de-Mars ; au fond est une plaine cultivée, au milieu de laquelle s’élèvent trois petits cônes d’inégales dimensions.

Ces cônes sont couverts de bois, ainsi que les pentes intérieures des collines qui forment l’enceinte ; à travers ces bois on voit saillir dans plusieurs points des rochers de granit, et, si on ne s’en rapporte qu’à l’apparence, si par la pensée on réunit les masses granitiques isolées, il est facile à l’imagination d’en construire un cirque complet ; mais le moindre examen ne permet pas de s’arrêter à cette idée.

Non seulement les rochers granitiques visibles sont recouverts par des cendres, des lapilli, des scories, des conglomérats solides en lits superposés ; mais les deux tiers de la circonférence du cirque sont entièrement formés par ces matières.

De plus, le granit visible, soit en dehors sur le plateau, soit à l’intérieur du bassin, ne présente aucune apparence de dérangement et presque pas d’altération.

Parmi les matières projetées, on trouve bien un grand nombre de fragmens de granit de toutes dimensions, qui prouvent qu’une explosion et des éruptions ont eu lieu à travers un sol granitique ; mais rien n’annonce un effort, un soulèvement préliminaire et antérieur de ce sol.

Le cratère du Pal n’est donc pour moi, et pour M. de Montalembert, avec lequel j’ai fait cette excursion, qu’un cratère d’éruption ordinaire, un volcan naissant, et loin de pouvoir servir à appuyer la Théorie de M. de Buch, il doit aider à démontrer que les volcans peuvent s’ouvrir à travers tous les sols sans occasionner de notables dérangemens ; vérité déjà bien évidente par les terrains tertiaires de la Limagne, d’Aurillac et du Puy, qui ont conservé leur horizontalité auprès des cheminées par lesquelles sont sorties les matières volcaniques qui couvrent ces contrées.



  1. Comme preuve que les grands seigneurs du Nord, dans ses siècles que, d’ordinaire, on présume avoir été si barbares, se sont occupés des sciences naturelles, on peut citer le Jare (Earl comte) Knud Hakonson (1261), duquel on lit dans la Sturlunga-Saga (écrit a la fin du XIIIe siècle) : Eingivar sa madr i Noregi, er sva kunni skynia steina natturo sem hann : Il ne fut personne en Norwége qui mieux que lui connaissait la nature des minéraux.