Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 17 février 1834


Séance du 17 février 1883.


Présidence de M. Constant Prévost.

M. Virlet tient la plume en l’absence du secrétaire.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, M. le président proclame membres de la Société :

MM.

Pariset, docteur-médecin, membre de l’Académie royale de médecine, à Paris ; présenté par MM. Delafosse et Élie de Beaumont ;

D’orbigny (Alcide), naturaliste voyageur du Muséum d’histoire naturelle ; présenté par MM. Michelin et Constant Prévost :

Lambet, (le baron de) général du génie ; présenté par MM. de Naylies et Benoist ;

Hildreth, docteur-médecin, à Marietta (États-Unis d’Amérique) ; présenté par MM. Boué et Constant Prévost ;

Saget, officier d’état-major, à Paris ; présenté par MM. Rozet et Virlet ;

Wurdemann, docteur en médecine, de Charleston (Caroline du Sud) ; présenté par MM. Warden et Clemson.

Dons faits à la société.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

1° De la part de M. Boussingault, son Mémoire sur la profondeur à laquelle se trouve la couche de température invariable entre les tropiques ; détermination de la température moyenne de la zone torride au niveau de la mer ; observations sur le décroissement de la chaleur dans les Cordillères. In-8°, 24 p (Extrait des Ann. de chimie et de physique. Juillet, 1833.)

2° De la part de M. l’abbé Croizet, son Mémoire intitulé : Notice sur le tremblement de terre qui s’est fait sentir dans l’Auvergne en octobre 1833. In-8°, 24 p.

3° De la part de M. William Hutton, son Mémoire intitulé : On the stratiform basalt associated with the carboniferous formation on the North of England. In-4°, 30 p. Newcastle, 1832.

The magazine of natural history, etc. ; par M. Loudon. No 37.

Mémoires de la Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Aube. No 48.

Bulletin de la Société de géographie de Paris. No 128.

Description des coquilles fossiles des environs de Paris ; par M. Deshayes. Livraison 34.

L’Institut. N" 39 et 40.

The Athenœum. No 327 et 328.

10° De la part de M. Hibbert :

A. Son rapport à la Société wernérienne d’histoire naturelle, relativement à un calcaire fluviatile de Burdie-House, près d’Edimbourg, masse faisant partie du groupe carbonifère ;

B. Sa Note sur les restes de saurioes (une dent) trouvés dans ce calcaire. (Edimb. new. phil. j. Janvier, 1834.)

correspondance.

M. Hildreth, docteur-médecin, en demandant à faire partie de la Société, écrit de Marietta-Ohio (États-Unis d’Amérique, 7 janvier 1834), qu’il va s’occuper de réunir, pour la Société, une série d’échantillons de roches tertiaires et secondaires de l’État d’Ohio.

M. Léopold Pell-Fabroni, secrétaire de l’Académie impériale et royale économique et agraire des goérgophiles de Florence (28 janvier 1834), annonce que cette académie accueille avec reconnaissance l’échange de ses actes contre le Bulletin de la Société, et que M. Paul Savi (de Pise) s’est chargé de lui faire parvenir les volumes V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, de la continuation de ces Actes.

communications.

M. Dinkel, peintre d’histoire naturelle, met sous les yeux de la Société la première livraison de l’ouvrage de M. Agassiz sur les poissons fossiles, et annonce que le libraire Baillière reçoit les souscriptions au prix de vente fixé par l’auteur. Le prix de la livraison est de 24 francs ; il y aura 12 livraisons.

M. Boué a offert au conseil de consacrer quelques heures à des communications et conférences géologiques, qui auraient lieu, dans le local de la Société, le dimanche à trois heures.

mémoires et communications.

Depuis les deux notices ci-dessus annoncées, de M. Hibbert, l’ouverture d’une petite carrière a permis à ce géologue de déterminer positivement les relations du calcaire fluviatile de Burdie-House avec le calcaire carbonifère d’origine purbë ment marine, comme le montre la coupe ci-dessous, qu’il a adressée à la Société avec la note explicative suivante.

Coupe de l’O.-N.-O à l’E.-S.-E.

La succession des couches de haut en bas est la suivante :

1. Couches houillères de Loanhead, formant une masse considérable de grès, d’argile schisteuse, de bandes ferrifères, et de lits exploités de houille ; l’inclinaison y est au S.-E. et au S., un peu vers l’E., sous un angle qui va souvent jusqu’au 50°.

2. Couches d’un calcaire très grossier ou impur, le limestone blees des carriers, qu’on dit avoir 54 pieds d’épaisseur, et qui contient deux lits d’un calcaire très pur ; il est exploité sur une épaisseur de 6½ pieds. Cette assise offre beaucoup de coquilles marines, en particulier des Productus.

3. Nombreuses alternances d’argile schisteuse, de grès et de lits ferrifères, avec des lits minces de houille, qui s’étendent de Fontainhall à Burdie-House, en inclinant au S. vers l’E., de 30°.

4. Calcaire de Burdie-House, renfermant beaucoup de restes de sauriens, de coprolithes, de débris de végétaux du terrain houiller (Sphenopteris affinis et bifidus, Lepidostrobus variabilis. Lindley, etc.), de petits entomostracées (probablement des cypris). Cette assise a 27 pieds de puissance, et incline au S.-E., de 23 à 25°. Du reste, la roche est compacte, à cassure conchoïde, d’un aspect terreux, et à teintes grise, brune ou rougeâtre, comme les calcaires des environs.

5. Sous ce massif, il y a des argiles schisteuses, un petit lit de bouille d’un pied d’6paisseur, et enfin des couches verticales de grès, le sol étant fort couvert a l’O. et au N.-O.

Il est donc évident que le calcaire fluviatile de Burdie-House est sous le calcaire marin de montagne, et les houillères de Loanhead : ce serait donc jusqu’ici l’un des plus anciens dépôts d’ossemens de reptiles.

Depuis ma découverte de la première dent de saurien, la Société royale d’Édimbourg a pris des mesures pour la conservation de tout ce qu’on trouverait encore à Burdie-House. Le secrétaire. général de cette société, M. Robinson, a été infatigable dans ses soins à cet égard, et il en a été récompensé par la découverte d’un grand nombre d’écailles très brillantes, de vertèbres et d’autres os de sauriens. Malgré cela, on ne peut pas encore décider le genre auquel ces restes se rapportent, quoiqu’il soit probable qu’ils ont appartenu à une espèce non encore décrite. Les gavials d’eau douce seraient les animaux qui paraîtraient s’en rapprocher le plus.

Du reste, quelques ossemens sembleraient indiquer encore la présence d’autres animaux, tels qu’un tryonix ; quant aux coprolithes, on continue à en trouver en abondance, ainsi que de belles impressions de plantes et de poissons. Un de ces derniers aurait quelque analogie avec ceux du Mansfeld.

L’étendue de ce dépôt de delta doit être très grande, car il semble probable qu’il se prolonge la plusieurs milles de distance à l’O., en masse continue ou en assises plus ou moins isolées. M. Hibbert met tous ses soins à l’étudier, et remarque qu’à East-calder il y a un calcaire assez semblable, et dont une carrière donne la coupe suivante, de haut en bas :

1o Alluvions composées d’argile, de sable, etc., à blocs de Grünstein, de grès, etc. ; 2o argile schisteuse désagrégée (16 pieds d’épaisseur) ; 3o argile schisteuse, bitumineuse, à lits ferrifères (9 pieds) ; 4o calcaire brun rougeâtre, à végétaux houilles, et à écailles de sauriens, dit-on (43 pieds) ; 5o dogger, ou calcaire très grossier (16 pieds) ; 6o du grès.

Dans le Fifeshire, on doit s’attendre à trouver des calcaires semblables : ainsi M. Boué a indiqué près de Burntisland des calcaires contenant des végétaux.

M. Boué commence la lecture de son Compte-Rendu des progrès de la géologie en 1833.

M. Élie de Beaumont lit un Mémoire sur quelques points de la question des cratères de soulèvement dans lequel il s’attache à répondre à différentes objections élevées contre l’hypothèse du soulèvement du Cantal[1].

Quelque ancienne que soit l’hypothèse de la formation des montagnes par voie de soulèvement, elle avait été si complètement abandonnée par les géologues, et elle est en elle-même tellement contraire à l’opinion exagérée qu’on a généralement de la stabilité du sol sur lequel nous vivons, que les tentatives destinées à en montrer l’application à telle ou telle aspérité de la croûte terrestre devaient naturellement avoir à lutter contre des théories sanctionnées par une longue habitude, et faire naître de nombreuses objections. L’idée de regarder en particulier les points les plus saillans de la France centrale comme devant leur hauteur actuelle et les traits les plus remarquables de leur forme générale à de violens efforts exercés de bas en haut, ne pouvait échapper à cette destinée ; elle a donné lieu à des discussions animées.

Le n° du Bulletin de la Société géologique qui a été distribué dans la séance du 3 février 1834 renferme, pag. 124 et 114, une nouvelle série d’objections relatives à la théorie des cratères de soulèvement, proposée par M. Léopold de Buch, et à l’application que nous avons faite de cette théorie, MM. de Buch, Lecoq, Dufrénoy, Burat, Fournet et moi aux groupes du Cantal, du Mont Dore, et du Mezenc.

Ces objections portent plus spécialement sur le Cantal, groupe qui est à la vérité moins connu et moins fréquemment visité que ne le sont les deux autres, surtout celui du Mont Dure, que les Mémoires de MM. Lecoq et Fournet me paraissent avoir déjà mis presque complètement en dehors de la discussion, du moins quant à la question fondamentale, celle de savoir si sa forme actuelle est le résultat d’un soulèvement. D’après cela ce sera sur le Cantal que je raisonnerai de préférence.

Les objections actuelles dont la seule rédaction suppose l’abandon implicite de beaucoup d’autres objections antérieurement proposées, roulent principalement sur les trois points suivans :

1° Sur l’existence dans quelques coulées de l’Etna de parties d’une compacité presque basaltique ;

2° Sur la plus grande épaisseur de la masse trachytique et basaltique du Cantal vers son centre que vers ses bords.

3° Sur la circonstance que quelques unes des vallées de déchirement du Cantal, celle du Falgoux par exemple, paraissent l’interrompre avant d’entrer dans la grande cavité centrale.

Je vais examiner successivement ces trois questions, en évitant, pour abréger de revenir sur les considérations que nous avons consignées, M. Dufrénoy et moi, dans notre Mémoire sur les groupes du Cantal et des Monts Dore ; considérations qui, dans mon opinion, suffiraient cependant à elles seules pour résoudre en grande partie toutes les difficultés dont il s’agit.

Les partisans de la formation exclusive des cônes de roches volcaniques par éjection rayonnante, autour d’un point situé dans l’axe de la montagne conique actuelle, attachent une grande importance à trouver sur les flancs de l’Etna des parties de coulées d’une compacité comparable à celle du basalte ; il est en effet évident que s’il n’en existait aucune, ce seul fait constituerait une objection très forte contre leur opinion ; mais quelque paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, cette compacité basaltique de quelques parties des coulées de l’Etna renferme peut-être l’argument le plus décisif qu’on put produire en faveur de l’hypotbése du soulèvement du Cantal. Cette compacité de quelques parties prouve en effet que les laves journellement vomies par l’Etna sont parfaitement susceptibles de prendre une compacité basaltique dans des circonstances de refroidissement convenables, et alors si cette compacité ne se présente qu’exceptionnellement, si elle n’est pas la règle générale, si l’Etna n’est pas un cône revêtu de basalte, son origine doit différer par quelque circonstance essentielle de celle du Cantal, qui en est lui-même exclusivement revêtu. Entrons dans les détails de cette question, elle domine tout le reste de la discussion.

M. Constant Prévost dit, pag. 129 du Bulletin : « On peut voir dans la description de l’Etna de l’abbé Ferrara (pag. 103, 105) que la coulée de 1669 qui a détruit Catane avait en quelques endroits plus de 4 milles de largeur et 50 à 100 pieds d’épaisseur, et cela sur la pente du cône entre les monts Rossi et Catane (à la torre di Grifo), et la texture de la lave dont j’ai rapporté des échantillons est aussi serrée que celle de tous les basaltes du Cantal, phénomène que présentent la plupart des coulées de l’Etna jusque dans la région des neiges sur des pentes de 10 à 15° où elles ont coulé de mémoire d’homme. »

Avant de perdre de vue ce passage, il peut d’abord être utile de remarquer que cette largeur de 3 à 4 milles de la coulée de 1669, qui en elle-même n’est pas hors de proportion avec celle de plusieurs des coulées modernes ou Cheires de l’Auvergne, telles que la cheire de Côme, est loin d’être constante, mais que, d’après les observations et les dessins de Spallanzani (voyages dans les Deux-Siciles) la coulée s’élargit à la rencontre des vallons qu’elle traverse, et se rétrécit dans leurs intervalles suivant la forme du sol sur lequel elle se modèle, effet que nous avions déjà signalé dans notre Mémoire, où nous disions, pag. 8 (Annales des mines, 3e série, t. III, p. 536), qu’un courant de laves pourrait s’étendre en larges nappes sur la croupe même d’un volcan, s’il y rencontrait une dépression semblable, par exemple à celles dans lesquelles prennent ordinairement naissance les tourbières des pays de montagnes, mais que dans ce cas sa surface serait sensiblement horizontale, et qu’une large nappe basaltique disposée en plan incliné ne peut avoir eu une telle origine.

L’examen de l’intensité de la pente de chaque partie de la déclivité parcourue par une coulée, est ici d’une grande importance ; il est donc essentiel de remarquer que les pentes de 10 à 15° dont il est question dans le passage du Bulletin transcrit ci-dessus ne sont que les pentes de la base du cône supérieur de l’Etna ; la pente moyenne de la saillie totale de l’Etna, de sa cime à Santa-Anna, près Riposto, qui est le point de la côte le plus rapproché est de 10° 4′. Dans la direction de Piedemonte et dans celle d’Aderno la pente générale est à peu près la même ; dans toutes les autres directions elle est plus petite.

Or ces pentes sont loin d°êtres uniformes. Les planches jointes au beau travail hydrographique de M. le capitaine W. H. Smyth sur les côtes de Sicile, renferment plusieurs vues de l’Etna prises des distances assez grandes pour que le profil général de la montagne s’y présente avec exactitude. D’après ces vues les pentes du cône supérieur près de la pointe sont de 20 à 30°, tandis que les pentes du massif qui lui sert de base varient de 5 à 9° dans le partie qui se trouve visible, et sont disposées de manière à ce qu’il soit évident qu’elles s’adoucissent encore en approchant de la mer[2].

La section méridienne de l’Etna, dans une direction quelconque, doit évidemment présenter dans son ensemble une concavité tournée vers le ciel, puisque la cime fumante du cône est visible de tous les points de la circonférence de la base. Il est donc certain que la pente moyenne des parties basses du massif est de beaucoup moins de 10°, que, par conséquent, elle diffère peu des pentes les plus ordinaires des flancs du Cantal, qui sont de 4°, et qu’elle est beaucoup moindre que celle du Mont Dore, qui est de 8° 6′.

La pente moyenne de la base de l’Etna, entre Nicolosi (au pied des monts Rossi) et Catane, n’est, en effet, d’après les cartes et les mesures de hauteur de M. le capitaine Smyth, que de 3° 51′ ; et comme, des monts Rossi à la mer, la déclivité n’est pas uniforme. il est évident que la coulée de 1669 y a rencontré beaucoup de pentes moins inclinées que les flancs du Cantal. Il a dû se présenter des cas semblables dans toutes les directions ; et par conséquent on devait s’attendre, à priori, à trouver, sur les flancs de l’Etna des parties de coulée où la lave aurait presque stationné, et aurait pris toute la compacité dont elle est susceptible. Mais cette compacité de quelques parties des coulées de l’Etna, à laquelle, ainsi que je viens de le rappeler, nous avions déjà eu égard, ne conduit nullement à assimiler l’ensemble d’aucune d’elles à une nappe basaltique ; elle sert, tout au contraire, à mieux faire ressortir la différence de ces deux sortes de productions volcaniques.

Pour rendre cette vérité plus sensible, commençons par préciser la différence des idées que les mots de Lave et de Basalte sont destinés à exprimer.

Ainsi que M. de Buch l’a judicieusement remarqué, dans le Mémoire qu’il a joint à sa carte du terrain compris entre le lac d’Orta et celui de Lugano, le mot de Lave est une expression relative à la forme (v. Annales des sciences naturelles, t. XVIII, p. 262). Ce mot ne désigne pas une roche d’une composition particulière ; il désigne une roche d’une composition variable, mais dont la forme extérieure et intérieure annonce une matière plus ou moins visqueuse qui a coulé. Le propre d’une pareille matière, lorsqu’elle suit la ligne de plus grande pente, sur une surface irrégulière, sur laquelle elle rencontre successivement des dépressions larges où elle s’étend en restant presque stationnaire, et des parties étranglées et inclinées où elle coule plus rapidement, est de se modeler, ainsi qu’on l’a dit plus haut, sur les sinuosités qu’elle parcourt, et d’en réfléchir, pour ainsi dire, en elle-même toutes les irrégularités. Une fois refroidie, elle reste comme la peinture immobile d’un phénomène d’hydrodynamique ; et c’est là ce qui donne aux coulées des volcans anciens et modernes ce cachet particulier qui frappe si vivement l’œil même le moins exercé.

L’influence du sol inférieur se manifeste, non seulement par cette forme générale extérieure à laquelle on reconnaît tout d’abord une lave, lorsqu’on la voit même à une certaine distance ; elle se fait encore sentir dans les irrégularités de la structure et de la texture cristalline intérieure, qui sont dans un rapport nécessaire avec les formes de la surface, parce que les mêmes causes, des causes dynamiques, constamment agissantes presque en chaque point, pendant toute la durée du mouvement, ont déterminé à la fois les contours extérieurs et la répartition intérieure des parties plus ou moins tiraillées, plus ou moins rapidement solidifiées. De là, il résulte que deux tranches, prises en des points plus ou moins éloignés, diffèrent souvent presque autant par l’association de textures qu’elles offrent, que par le profil qu’elles présentent ; ce qui décèle, dans l’ensemble de la coulée, une grande hétérogénéité. Une pareille coulée est même nécessairement hétérogène, dans celles de ses parties qui est parcouru une surface unie, mais sensiblement inclinée, à cause de la manière dont la lave roule pour ainsi dire sur elle-même toutes les fois qu’elle suit une déclivité un tant soit peu sensible.

Il est essentiel de remarquer que, si le nombre variable et la disposition des cellulosités produites par des bulles de fluides élastiques est une des circonstances les plus propres à faciliter les recherches de l’observateur qui veut reconnaître comment l’action de couler a tiraillé et tortillé une lave, elle est bien loin d’être la seule qui puisse conduire à ce résultat. Les expressions de texture compacte ou grossière, et celle d’hétérogénéité qui indique le mélange de ces textures, ne s’appliquent même pas directement aux effets produits par la quantité variable des cellules. Quelques unes de ces substances terreuses, qu’on désigne sous le nom de vacques, paraissent avoir été fluides : la dolente l’a été aussi. Ces deux roches sont presque toujours exemptes de cellules ; et il existe cependant entre elles la même différence de texture qu’entre la craie et le marbre statuaire. Entre ces deux termes extrêmes, on trouve, dans des roches volcaniques non huileuses, tous les degrés de compacité intermédiaires. Ainsi, on trouve des laves dont le grain correspond à celui du calcaire grossier ; du calcaire compacte du Jura ; du calcaire compacte, à petits points spathiques, des montagnes de la Grande-Chartreuse ; du calcaire esquilleux subcristallin des terrains de transition : et de même qu’on peut reconnaître la stratification régulière d’un calcaire, à la manière dont se succèdent des strates présentant divers degrés de compacité, on peut reconnaître aussi, dans une masse fondue et solidifiée, les traces du mouvement ou du repos, à la manière dont s’entrelacent, ou dont se succèdent régulièrement les parties qui présentent ces différens genres de texture.

Ainsi, le mot de Lave désigne des masses dans lesquelles on trouve combinés les effets d’un phénomène de mouvement ou d’hydrodynamique, et d’un phénomène de refroidissement ; et dont, par suite, une certaine forme de contours, une certaine inégalité de texture, une hétérogénéité générale, sont les caractères essentiels.

Le mot de Basalte désigne, au contraire, une roche qui joint à une composition déterminée, que beaucoup de laves présentent aussi, une manière d’être constante, et qui, à cause de cette constance même, cesse de réfléchir, dans sa structure intérieure et dans la forme de sa surface supérieure, les contours des masses sur lesquelles elle s’appuie. Le mouvement s’est pour ainsi dire, solidifié dans les laves, tandis que le basalte offre un caractère général d’uniformité qui exclut toutes ces traces de mouvement.

L’observateur n’y reconnaît plus que les effets du refroidissement, combinés avec ceux des lois de l’hydrostatique. Si le basalte, répandu dans une vallée, rappelle pour sa forme celle d’un liquide, c’est celle d’un liquide en repos, et non, comme la lave de Volvic, par exemple, celle d’un torrent instantanément congelé.

Ce qui caractérise, en général, les coulées basaltiques, c’est l’uniformité que chacune d’elles présente dans toute son étendue. Le grain de la roche y varie de l’intérieur à la superficie. La surface est bulleuse et le centre ne l’est pas ; mais des tranches prises dans des parties éloignées présentent la même association de textures diverses. Si une même coulée de basalte remplit un filon, et forme un épanchement superficiel, la texture du basalte du filon, et celle du basalte de l’épanchement, diffèrent à peine par un peu plus ou un peu moins de cristallinité.

les basaltes ne s’écartent de leur uniformité habituelle que dans des cas dont l’examen fait presque toucher au doigt la cause de cette uniformité. C’est celui, par exemple, où, sortis d’un cône encore subsistant, ils ont laissé, sur les flancs de ce cône, une traînée de leur propre substance, comme cela se voit sur la pente nord du cône de Thueys qui regarde Montpezat, dans le département de l’Ardèche. Cette espèce d’arrière-garde présente une texture scoriacée qui lui ferait refuser le nom de basalte par la plupart des géologues, si on la voyait isolément ; et cette texture scoriacée et tiraillée, effet de la combinaison du mouvement avec le refroidissement, fait voir que la texture basaltique uniforme ne s’est développée que dans la partie de la coulée qui, reçue sur un terrain plat, ne s’y est refroidie qu’après s’être arrêtée.

Un autre exemple, non moins concluant, dans lequel un fait analogue se présente sous une forme un peu différente, est celui qui s’observe au Cruchet-du-bois-du-Mas, au S.-O. de Pont-Gibaux (Puy-de-Dôme) ; j’en dois la connaissance à M. Fournet.

Le Cruchet-du-bois-du-Mas est un petit mamelon basaltique qui forme le point de divergence de trois coulées de basalte qui s’étendent, en rayonnant, sur le plateau horizontal qui borde, à l’ouest, la vallée de la Sioule.

Deux de ces coulées, qui s’étendent vers Hauteroche et Laudine, sont horizontales et compactes dans toute leur étendue ; la troisième, au contraire, se dirige du côté de la Sioule, et, arrivée sur la pente du flanc de la vallée, elle prend la forme d’une lave scoriacée.

M. Constant Prévost a fait remarquer, avec beaucoup de justesse, que le genre de fluidité des laves et des basaltes peut être assimilé à celui de la cire ; et on peut ajouter, en continuant la même comparaison, que l’opposition des mots de lave et de basalte exprime une différence du même genre que celle qui existe entre la cire qui s’est figée en coulant le long d’une bougie, et celle qui, en tombant sur une table, y a formé une tache plate et circulaire.

Une lave pourrait être comparée à une étoffe brochée, tandis que le basalte ressemble à une étoffe unie.

Ainsi, quoique les basaltes ne soient, à prendre la chose sous le point de vue le plus général, qu’une forme particulière des laves, puisque beaucoup de coulées de laves sont de vrais basaltes dans quelques unes de leurs parties, le seul choix qu’on fait du mot Basalte ou du mot Lave pour désigner une matière fondue et solidifiée exprime une idée très précise, qui se réduit à dire que, dans le premier cas, on ne reconnaît que l’effet combiné des lois du refroidissement et de l’hydrostatique, tandis que dans l’autre on voit intervenir aussi les résultats de phénomènes dynamiques.

Ce n’est pas d’après les échantillons réunis dans une collection qu’une pareille distinction peut être établie, mais d’après l’examen fait sur place de l’ensemble. Or, l’Etna et le Cantal ont été soumis depuis long-temps par un grand nombre d’observateurs à un pareil examen. C’est de coulées de laves bien caractérisées, et non de nappes uniformes de basaltes, que l’Etna est recouvert de sa cime à sa base ; c’est de nappes uniformes de basaltes, et non de coulées de laves hétérogènes que le Cantal est revêtu. Les flancs des deux massifs sont cependant à peu près également inclinés ; donc la croûte extérieure de l’Etna (je ne parle pas ici du val del Bove) présente, prise en masse, un caractère qui la distingue essentiellement de celle du Cantal. La croûte de l’Etna est évidemment une croûte d’éruption ; le Cantal au contraire est nécessairement un cône de soulèvement, dont la surface a été solidifiée d’abord dans une situation à peu près horizontale.

On est ainsi ramené à la conclusion à laquelle nous étions déjà arrivés M. Dufrénoy et moi, en suivant une marche différente, et les faits même qu’on nous allègue comme des objections, fournissent à posteriori une confirmation indirecte de nos premières déductions.

La seule rédaction du passage du Bulletin transcrit ci-dessus montrerait à quelqu’un qui du reste n’aurait jamais entendu parler de l’Etna, que sur ses flancs les laves n’ont acquis qu’exceptionnellement la compacité basaltique. On cite, comme un fait remarquable, que la coulée de 1669 présente une structure basaltique à la torre di Grifo : or, puisque ce fait se remarque, puisqu’on en désigne la localité précise, afin qu’un autre voyageur puisse le retrouver, il est évident qu’il est exceptionnel. Qui est-ce qui songerait jamais à désigner au Cantal une localité particulièrement favorable à l’observation de la compacité du basalte ? elle y est universelle. Il n’y existe pas un seul lambeau de matières cohérentes ayant la composition du basalte, qui ne présente cette compacité à partir d’une très petite distance de ses surfaces inférieure et supérieure.

Que pouvait-il donc exister de plus différent que la cuirasse, uniformément basaltique du Cantal et celle de l’Etna, formée de laves présentant seulement des ganglions basaltiques ? Quelle différence plus significative pouvait-il exister entre elles ?… Si la cuirasse de l’Etna eût été formée de laves d’une texture également grossière dans toutes leurs parties, on aurait pu croire que la différence indiquée était inhérente à leur nature. Mais du moment où il y a des parties basaltiques, il est évident que la texture grossière de la plus grande partie des coulées de l’Etna ne peut résulter que des circonstances de leur solidification qui doivent par suite avoir été différentes de celles dans lesquelles se sont solidifiées les nappes basaltiques du Cantal ; et comme il est certain que les basaltes superficiels du Cantal se sont refroidis à l’air libre ; aussi bien que les laves de l’Etna, on ne peut chercher la différence de circonstances dont il s’agit que dans la forme différents des surfaces sur lesquelles les matières fluides se sont étendues Les laves de l’Etna ont coulé sur une déclivité irrégulière ; les basaltes du Cantal doivent au contraire être étendu primitivement sur un plan sensiblement horizontal.

Une simple construction géométrique va achever de mettre dans tout son jour la différence des revêtements extérieurs du Cantal et de l’Etna ; concevons que la base du Cantal s’abaisse dans son centre, que chacun des secteurs basaltiques qui le couvrent tourne autour de sa base extérieure, comme autour d’une charnière, et se rabatte ainsi dans le plan général des basaltes répandus sur le plateau de l’Auvergne.

Quiconque à parcouru ces contrées en géologue, sait que si les basaltes du Cantal étaient ainsi rabaissés au niveau général des plateaux environnant, il n’existerait plus dans toute la contrée qu’un plateau basaltique uniforme, dont les diverses parties ne présenteraient aucune différence essentielle dans la nature et la texture des roches. Un emplacement du centre actuel du groupe ne serait plus reconnaissable qu’aux traces laissées par la cavité centrale, et par les vallées de déchirement que les eaux ont élargies depuis un grand nombre de siècles, et dont les bords n’auraient pu se rejoindre exactement.

Passons maintenant à l’Etna ; supposons que le cône actuel de l’Etna soit découpé artificiellement, comme le Cantal l’a été par la nature ; supposons que les secteurs de laves et de scories accumulées qui composent sa surface tournent autour de leur base extérieure, comme charnière, et se rabattent dans le plan de la surface générale de la Sicile. La surface plane, ainsi formée, présentera-t-elle un plateau de roches d’une texture parfaitement uniforme ? Chacune de ces coulées de laves, dont le caractère est d’être hétérogène, prendra-t-elle, dans son ensemble, une ressemblance quelconque avec ces nappes basaltiques dont le caractère est d’être uniformes ? Ne pourra-t-on pas distinguer encore, et presque du premier coup d’œil, ce qui fut l’extrémité supérieure, de ce qui fut l’extrémité inférieurs de chacune d’elles ? Un observateur aura-t-il besoin de faire attention aux traces laissées par la division préalable du massif aux secteurs, pour marquer la place où fut située la cheminée principale ? Ne lui suffira-t-il pas, au contraire, de faire attention à la variation de texture que présente chaque coulée, examinés en différens points, et que présente surtout, pris en masse, l’ensemble de toutes les coulées, lorsqu’on s’éloigne de la circonférence de la base primitive, pour pouvoir dire en approchant du centre : ici dut être placé l’orifice du principal conduit d’éruption ; ici fut le point de départ du mouvement, dont toutes les coulées conservent les traces ; ici fut le point de concours de toutes les pentes sur lesquelles ces matières ont coulé. Si on répond affirmativement à toutes ces questions (et il me semblerait. difficile de ne pas le faire), on aura résolu la question, que l’examen du Cantal a soulevée, on aura reconnu que les formes coniques de l’Etna moderne et du Cantal résultent de deux phénomènes très différens l’un de l’autre.

Les secteurs désunis de la croûte de l’Etna, rabattus sur le plan de sa base, présenteraient en effet à l’œil de l’observateur l’aspect le plus extraordinaire. Ces coulées de laves qui se sont si bien modelées sur la forme du sol qu’elles ont parcouru, et dont l’œil s’explique presque machinalement la forme, quand il les voit dans une position en harmonie avec la direction de la pesanteur, prendraient une étrange figure si on les voyait renversées sur un plan horizontal. Celles de leurs parties qui se sont étalées dans des dépressions presque planes, et dont la surface est aujourd’hui presque horizontale, présenteraient des pentes à rebours de 8 à 10°, dont l’œil, comme cela arrive toujours, s’exagérerait l’inclinaison, et dont rien n’expliquerait plus l’analogie de formes qu’elles présentent dans tous leurs détails avec celles d’un torrent pâteux subitement congelé.

Rien de pareil ne viendrait étonner l’observateur sur les secteurs rabattus du Cantal. Les singularités que présente en quelques points sa surface actuelle auraient disparu par le seul effet du rabattement. Chaque chose y paraîtrait en place, et dans la situation où elle a dû se former. C’est que, dans le fait, en rabattant les secteurs du Cantal, on n’aurait fait que remettre chaque chose dans sa position originaire, tandis qu’en rabattant ceux de l’Etna, on aurait tout dérangé.

Si la position seule des objets qui couvrent la pente de l’Etna explique leur forme et leur disposition, si le rabattement des secteurs du Cantal dans le plan général des basaltes de l’Auvergne explique avec la même facilité tout ce qu’on y observe, cela ne peut évidemment provenir que de ce que l’un est un cône d’éruption, et l’autre un cône de soulèvement.

On peut sans doute recueillir sur les flancs du Cantal des échantillons de basalte assez différents les uns des autres ; diverses coulées présentent différents caractères minéralogiques, tels qu’une abondance plus ou moins grande de péridot. Peut-être même trouverait-on des différences du même genre entre diverses parties d’une même coulée, mais des différences exactement semblables existent parmi les basaltes répandus sur les parties de l’Auvergne, ou leur ensemble est sensiblement plan et horizontal, de sorte que si le rabattement dont j’ai parlé était opéré, non seulement au Cantal, mais encore au Mont Dore et au Mezenc, l’ensemble de tous les basaltes de la France centrale formerait pour ainsi dire un vaste réseau dans lequel rien ne distinguerait une maille d’une autre, et où par conséquent rien n’indiquerait que pendant l’époque basaltique il se soit passé dans une des mailles des phénomènes d’une nature différente de ceux qui se seraient passés dans une autre.

Cela prouve évidemment que les différences essentielles que présente aujourd’hui la disposition des basaltes dans les différentes mailles doit résulter de phénomènes postérieurs à leur solidification.

De là sans doute il ne résulte pas que tous les basaltes de l’Auvergne se soient solidifiés dans une position rigoureusement horizontale. Nous avons déjà remarqué ailleurs que par suite de leur viscosité ils peuvent s’être solidifiés dans une position légèrement inclinée ; mais cette inclinaison, au moins pour les épanchemens un peu abondans, est restreinte dans des limites fort étroites, et bien inférieures à la pente générale du Cantal, puisque nous voyons que les pentes de la base de l’Etna, qui sont à peu près de la même intensité moyenne, ont été suffisantes pour que la persistance des traces du mouvement soit devenue le caractère dominant des laves basaltiques qui les ont parcourues.

Pour faire sentir l’opposition de caractère qui existe entre l’Etna et le Cantal, je n’ai pas eu besoin de données très précises, parce que l’opposition se manifeste surtout entre les choses prises en masse. Ce même genre d’opposition en masse existe de même, ainsi que je le montrerai plus loin, entre les nappes basaltiques du Cantal et les coulées modernes de l’Auvergne ; mais comme la disposition de ces dernières coulées nous est, quant à présent, beaucoup mieux connue que celle des coulées de l’Etna, je commencerai à leur égard par des considérations de détail qui ne peuvent que rendre plus positive la conclusion générale.

Sur quelles pentes ont coulé les laves qui sont sorties des volcans modernes de la France centrale ? les plus larges, et les plus uniformément inclinées de ces coulées modernes, appelées Cheires par les Auvergnats, sont celles des puys de Côme et de Louchadière, qui viennent se réunir à Pont-Gibaux, et qui, la première surtout, ne le cèdent guère, peut-être, en largeur aux plus larges coulées de l’Etna.

La pente de chacune de ces coulées depuis le pied du cône d’où elle est sortie jusqu’à Pont-Gibaux est à peu près uniforme, et il suffit par conséquent de connaître la hauteur d’un point de chacune de ces coulées et la distance horizontale du même point à Pont-Gibaux, pour pouvoir calculer sa pente. Or, d’après les données que M. Fournet a eu la complaisance de me communiquer, le lit de la Sioule à Pont-Gibaux est élevé de 662 mètres au-dessus de la mer.

Le terrain primitif près du Puy de Lentegy s’élève à 967 mètres. Le camp des Cazaloux, sur la coulée de Côme près des fontaines glacées, est à 777 mètres.

Le terrain primitif à Chazelle, au niveau de la coulée de Louchadière, s’élève à 808 mètres.

Le terrain primitif à Saint-Ours, au niveau de la coulée de Louchadière, s’élève à 815 mètres.

En combinant ces données avec les distances des même points, mesurées sur la grande carte de Desmarest, on trouve, d’après la première, pour la pente de la coulée de Côme, 2° 26′ 20″

Et d’après la deuxième, 2° 11′

D’après la troisième, pour la coulée de Louchadière, 2° 51′

Et d’après la quatrième, pour la même coulée de Louchadière, 2° 24′ 20″

De sorte qu’en moyenne la pente des coulées de Côme et de Louchadière est de 2° 28′ 30″

Ces résultats ne s’appliquent qu’aux parties des deux coulées dont l’inclinaison est sensible à l’œil, et où les traces du mouvement sont visibles partout. Mais la coulée de Louchadière, arrivée à Pont-Gibaux, s’y est étendue sur le fond de la vallée de la Sioule, qu’elle a suivi pendant quelque temps, et où elle s’est arrêtée, en prenant une compacité presque basaltique, et en se divisant en prismes. Dans cette partie de son étendue, la pente n’est presque plus visible à l’œil, et les traces du mouvement ont aussi à peu près disparu ; il y en reste cependant encore plus que dans le basalte ordinaire. Or, quelle est la pente réelle de cette extrémité de la coulée ? La pente de la vallée de la Sioule de Pont-Gibaux à la mine de Barbecot est de moins de 1°, et celle, de la partie évasée de la vallée, où les coulées se sont arrêtées bien avant Barbecot, est encore moindre.

Ainsi, une pente constamment au-dessous de 3° a suffi pour imprimer dans les masses fluides, d’une manière ineffaçable, les vestiges d’un phénomène d’hydrodynamique ; il a fallu que cette pente se réduisît à moins d’un degré, pour que la persistance des traces bien visibles du mouvement cessât d’en être la conséquence ; et même sur cette pente d’un degré au plus, la compacité n’est pas encore complètement basaltique. Si on réfléchit un instant la petitesse de la différence qui existe entre une pente de 2° 28′ et une pente d’un degré, et à la grande différence de texture qui existe entre les parties de la coulée de Louchadière qui ont parcouru ces deux pentes, qui diffèrent si peu en quantité absolue, on verra que l’expérience va ici bien au-delà de ce que les raisonnemens consignés plus haut auraient permis de conclure, et qu’une masse de matière fondus, qui se refroidit en coulant, est un des instruments les plus sensibles qu’on pût concevoir voir pour apprécier les différences de pentes très faibles, et pour en conserver l’empreinte ineffaçable. C’est une chose presque merveilleuse, que la nature ait fait pour nous de pareilles expériences avant peut-être la naissance du genre humain, et nous ait laissées écrites, sur un registre si facile à lire, les inégalités de reliefs aussi peu prononcés. Comment pourrait-on supposer, d’après cela, que les nappes basaltiques du Cantal, dont la pente moyenne atteint ordinairement 4°, et est quelquefois plus grande, auraient coulé sur ces mêmes pentes, sans conserver dans leur forme générale et dans leur texture aucune trace sensible de mouvement ? Il est donc évident que les irrégularités, qu’on pourrait supposer dans la forme première du plateau basaltique qui se relève sur lei flancs du Cantal, sont d’un ordre inférieur de beaucoup au Cantal lui-même.

Plus les nappes basaltiques du Cantal sont étendues, plus le limite de ces irrégularités possibles est restreinte. En effets, les pentes des coulées de la chaîne des Puys ne sont pas toutes aussi faibles que celles des coulées de Côme et de Louchadière. Des coulées moins abondantes se sont quelquefois arrêtées sur des pentes plus fortes, mais qui cependant sont toujours en elles-mêmes très peu considérables. La pente totale de la coulée de Volvic, depuis le point où on la voit sortir à mi-côte du Puy de la Nugère jusqu’au bourg de Volvic, s’élève peut-être à 6° 10′ ; mais dans cette pente moyenne totale sont comprises des parties extraordinairement inclinées. La pente de la partie inférieure et la plus régulière de la coulée, comprise entre Mersenat et Volvic, est tout au plus de 4° 16′.

La lave sortie du puy de Pariou a coulé depuis le pied du cône jusqu’à la baraque, sur une pente de 3 à 4° ; là elle s’est divisée en deux branches, qui ont suivi les deux vallons entre lesquels s’élève le cap de Prudelles, et qui se sont dirigées d’un côté vers Nohament, avec une pente moyenne générale de 5° 25′, et de l’autre vers Fontmore, avec une pente générale moyenne de 6° 41′. Dans ses dernières pentes sont comprises les chutes très rapides que les deux branches de coulée éprouvent à la cime des deux vallons dont j’ai parlé, chutes qui font que les deux pentes que je viens de donner, toutes faibles qu’elles sont en elles-mêmes, sont évidemment de beaucoup supérieures aux pentes moyennes des Cheires de l’Auvergne.

Connaissant maintenant les limites entre lesquelles oscille l’inclinaison des Cheires, nous avons un moyen bien simple de les mettre en opposition, de la manière la plus directe possible, avec les surfaces basaltiques inclinées, et cependant uniformes, du Cantal.

Concevons que tous les cônes de scories de l’Auvergne et du Vivarais soient transportés sur les flancs du Cantal avec les coulées qu’ils ont vomies ; supposons que chaque cône de scories soit placé à une distance de la circonférence égale à la longueur de la coulée, ou un peu moins grande, et telle que la partie inférieure et horizontale de cette coulée repose sur le plateau qui environne la base. Supposons même qu’on ait choisi, pour placer ainsi chaque volcan moderne, une partie des flancs du Cantal dont la pente soit égale à celle que la coulée a réellement parcourue, supposition qui n’a rien d’impossible, attendu que les pentes du Cantal sont variables, qu’elles surpassent en beaucoup de points celles des coulées modernes, et que, dans beaucoup de directions, elles s’atténuent considérablement en s’éloignant du centre. Ce transport opéré, la différence qu’on remarquera entre les parties inclinées des coulées et les basaltes qui les supporteront, la ressemblance qui existera, au contraire, généralement entre les parties inférieures et horizontales des coulées et les basaltes, tant du plateau environnant que des flancs du grand cône, fera naître dans l’esprit de tous les observateurs la vraie théorie du Cantal.

Mais pour rendre l’opposition plus sensible encore, imaginons, comme nous l’avons déjà fait, que les différens secteurs du Cantal soient rabattus dans le plan général du plateau avec les coulées que nous y avons transportées ; l’ensemble de tous les basaltes présentera alors une vaste plaque uniforme où rien ne rappellera le mouvement. Les coulées modernes, au contraire, conserveront, même rabattues, leurs caractères de Cheires, qui est un caractère essentiellement dynamique ; et ce caractère frappera d’autant plus les yeux, que la direction de la pesanteur ne viendra plus l’expliquer à l’œil d’une manière presque machinale : rien ne sera si facile que de retrouver leur tête et leur queue. Le seul examen de la manière dont l’action de couler les a en quelque tressées, indiquera la direction, de leurs cours. Elle montreront en quelque sorte du doigt le sens de la pente que le rabattement supposé viendra de faire disparaître ; elles conserveront l’empreinte variée de tous les détails topographiques de la surface, qu’elles déroberont à nos regards, et le contraste de cette variété avec l’uniformité des basaltes, rabattus de même, sera le témoignage irrécusable d’une différence essentielle dans les phénomènes auxquels les deux classes de masses doivent leur origine, et de la nécessité de recourir à l’hypothèse d’un grand phénomène mécanique pour expliquer un fait dont les seuls phénomènes de fusion et de consolidation ne peuvent nous donner la clef.

La plupart des coulées sorties sur les flancs de l’Etna, du pied de ces cônes de scories semblables à nos Puys, qui s’y élèvent au nombre de 60 à 80, pourraient de même être transportées sur les flancs du Cantal ; et, indépendamment de ce qu’elles y donneraient lieu, de leur côté, a des remarques et à des conclusions tout-à-fait semblables à celles que je viens d’exposer, on pourrait remarquer que même les plus grandes paraîtraient peu considérables, à côté des plateaux inclinés qu’elles couvriraient en partie. La coulée sortie en 1669 près de Nicolosi a été une des plus volumineuses que l’Etna ait produites ; et, d’après les calculs de Borelli, corrigés par l’abbé Ferrara (Descrizzione dell’ Etna, p. 107), son volume est d’environ 600,000,000 de mètres cubes. Par conséquent, en la supposant étendue sur un triangle de 20,000 mètres de longueur (longueur qui est moindre que celle de la plupart des secteurs basaltiques du Cantal), et en supposant son épaisseur moyenne réduite à10 mètres, sa plus grande largeur ne serait que de 6,000 mètres, sa surface moyenne serait moindre que celle d’un des plus petits secteurs du Cantal, celui qui est compris entre les vallées de Falgoux et des Maronies. Il faudrait au moins 20 coulées pareilles pour revétir d’une couche de 20 mètres d’épaisseur la surface des secteurs basaltiques du Cantal ; peut-être en faudrait-il plus de 100 pour représenter la masse des basaltes qui s’élèvent obliquement sur ses flancs ; et comme les parties d’une capacité basaltique sont, jusqu’à un certain point, une rareté dans les laves de l’Etna, on peut juger, d’après ce calcul, que si les coulées de l’Etna venaient à être réduites à celles de leurs parties qui peuvent être comparées plus ou moins exactement au basalte, elles ne formeraient plus qu’un infiniment petit par rapport à la couverture basaltique du Cantal.

L’opposition de caractères que je viens de rendre sensible au Cantal, à l’aide d’un transport idéal, existe en réalité dans les Monts Dore, sur une échelle moindre, à la vérité, mais d’une manière qui parait être encore très frappante. Pourquoi, en effet, ces petites coulées trachytiques, signalées par MM. Fournet et Burat comme sorties des flancs postérieurs des rocs de Cliergue et de Cuzeau, et comme ayant coulé sur les plateaux trachytiques inclinés, conservent-elles, dans toute leur manière d’être, l’empreinte du mouvement, tandis que les grandes nappes trachytiques dont : elles suivent l’inclinaison n’en présentent aucune trace ? Cela ne provient-il pas évidemment de ce qu’au moment où ces petites coulées se sont épanchées, les assises trachytiques, sur la surface desquelles elles ont coulé avaient déjà contracté une inclinaison qu’elles ne présentaient pas au moment où elles se sont elles-mêmes solidifiées ?

Il résulte d’un grand nombre de remarques consignées par l’abbé Ferrara, dans son ouvrage intitulé : I campi Flegrei della Sicilia, qu’une opposition du même genre existe tout autour de l’Etna, entre les laves qu’il a vomies et les basaltes qui font partie de sa base, tels que ceux des iles Cyclopes, et cette même opposition de caractères se présente aux environs de Clermont, entre les laves qui sont descendues de la chaîne des Puys dans les vallons qui débouchent vers la Limagne et les basaltes généralement horizontaux qui forment comme les chapiteaux des collines calcaires ou granitiques entre lesquels débouchent ces mêmes vallons. Les coulées modernes sont ici scoriacées jusqu’à leur extrémité inférieure, et leur pente moyenne varie de 2 à 7° ; les basaltes, au contraire, sont généralement compactes et horizontaux. La différence s’explique d’elle-même, lorsqu’on remarque que les basaltes se sont solidifiés dans la position horizontale où nous les trouvons, tandis que la porosité des laves est une conséquence naturelle de la déclivité des pentes dont elles n’ont pas atteint l’extrémité.

Un seul des lambeaux basaltiques des environs de Clermont fait peut-être exception à l’horizontalité générale des autres[3] ; c’est celui qui forme le cap de Prudelle, sur la route de Clermont à Pont-Gibaux. Ce petit lambeau basaltique, qui se trouve plus rapproché que tous les autres du foyer des éruptions modernes, et qui, par suite, a été plus exposé qu’aucun d’eux aux secousses dont ces éruptions ont dû être accompagnées, et aux dégradations dont elles ont dû être la cause, est devenu le texte d’une objection de détail. Cette objection a été rendue insignifiante par la manière dont elle a été imprimée, parce qu’on ne l’a fait porter que sur la direction des prismes basaltiques, direction qui n’est pas susceptible d’être constatée, dans son ensemble, avec assez de précision pour qu’il soit possible d’en tirer, dans un sens ou dans un autre, la moindre conclusion positive ; mais je vais examiner l’objection dans sa forme première : elle portait sur l’inclinaison que présente aujourd’hui la surface supérieure du lambeau basaltique qui couronne le cap de Prudelle.

Il est en effet certain, d’après les nivellemens que M. de Cournon a effectués pour vérifier les célèbres expériences barométriques de M. Ramond, que la partie occidentale et la plus en saillie, dans la plaine de ce lambeau basaltique, se trouve de 93 mètres plus basse que son extrémité orientale, qui est sensiblement au niveau de la Baraque ; la distance des points où ces hauteurs ont été mesurées est de 1,600 mètres ; et il résulte de ces données qu’une ligne droite, couchée sur le lambeau de Prudelle, dans son état de dégradation actuel, serait inclinée de 3° 19′, quantité qui déjà est moindre que celle de la plupart des flancs du Cantal.

Mais avant de tirer aucune conclusion de ce résultat, il faudrait savoir ce qu’il deviendrait si on restaurait complètement la surface du lambeau de Prudelle. Or, tout indique que, si cette restauration était opérée, l’extrémité occidentale, la plus saillante dans la plaine et aujourd’hui la plus basse du lambeau, gagnerait en hauteur beaucoup plus que l’autre, de sorte que la pente de 3° 19′ dont je viens de parler serait peut-être atténué au point de dispenser de tout commentaire sur la différence de compacité qui existe entre le basalte et les laves de la coulée de Parlou, qui, après avoir coulé elles-mêmes sur une pente de 3 à 4° ; sont venues se bifurquer à la Baraque.

Si, au contraire, la restauration dont j’ai parlé étant opérée, la pente de la surface basaltique restait un peu notable, si elle restait par exemple de 3°, que faudrait-il en conclure ? Il en résulterait simplement la présomption que les secousses qui n’ont pu manquer d’accompagner le commencement des éruptions de la chaîne des Puys, qui, selon toute apparence, ont élevé, à la cime du Puy-Chopine, les lambeaux de roches primitives qu’on y observe, qui peut-être même ont fait surgir les dômes du Surcouy, du Suchet et du Puy-de-Dôme, à une lieue de notre lambeau basaltique et dans la direction où il parait se relever, n’ont pas laissé complètement dans sa position originaire la base granitique de la chaîne des Puys, mais qu’elles ont produit ou augmenté le bombement général du plateau dont, par une coïncidence qui sans cela serait singulière, l’axe de la chaîne des Puys se trouve occuper précisément la ligne culminante. Cette supposition n’aurait rien de contraire à ce qu’on peut constater de l’horizontalité plus ou moins exacte que présentent, dans une coupe transversale, les calcaires d’eau douce situés plus loin des points d’éruption et les basaltes qui les recouvrent, et elle aurait cela de satisfaisant qu’elle dispenserait d’attribuer, à la seule érosion des eaux, la double pente sur laquelle les laves modernes ont coulé, les unes vers la vallée de la Sioule, et les autres vers celle de l’Allier.

Du Col des Goules à la Baraque, le calcul donne une pente générale de 3° 23′, pente qui, par un singulier hasard, se trouve presque identique avec celle de la surface de notre lambeau basaltique dans son état de dégradation actuel. Cette pente de 3° 23′ est plus grande que celle de la surface du granite, par suite de l’épaisseur des éjections récentes qui forment le Col, de même que la pente actuelle d’une droite couchée sur le basalte est trop grande, par suite de son état de dégradation. Mais si on suppose que le terrain primitif s’élève, au-dessous des Goules, à la même hauteur qu’au pied du Puy de Lentegy, qui en est très peu éloigné, supposition qui est la plus probable qu’on puisse faire, la pente de la surface granitique de ce point à la Baraque sera de 2° 1′ et on boit alors que, si la surface bombée du plateau granitique était rabattue dans le plan de son bord oriental, la surface du lambeau de Prudelle n’aurait besoin que d’avoir été très légèrement relevée par la restauration, que j’ai indiquée, pour se trouver replacée, par le seul fait du rabattement, dans une position aussi voisine de l’horizontale que l’extrémité inférieure de la coulée de Louchadière.

Je ne présente, au reste, tout ce que je viens de dire sur le lambeau basaltique de Prudelle que comme de simples aperçus, auxquels le peu d’étendue de ce même lambeau m’empêche d’attacher une bien grande importance. Il me paraissait utile de montrer que les considérations auxquelles il conduit naturellement sont en harmonie avec celles qui se déduisent de l’examen des basaltes du Cantal ; mais il ne faut pas perdre de vue que les raisonnemens que j’ai faits sur le Cantal tirent leur principale force de la grande étendue de son manteau basaltique, comparativement auquel le lambeau de Prudelle, qui a 1,600 mètres de long et une largeur beaucoup moindre, est, pour ainsi dire, un infiniment petit. Il est, par exemple, évident que l’incertitude où l’on reste sur la forme que la restauration complète du lambeau de Prudelle donnerait à sa surface supérieure, n’existerait pas, ou deviendrait insignifiante si son étendue était considérable. De là, il résulte que les conséquences auxquelles le Cantal donne naissance sont hors de comparaison avec toutes celles qu’on pourrait déduire de l’examen du lambeau basaltique de Prudelle, sur la manière d’être duquel pourraient avoir influé des causes locales auxquelles l’état d’isolement où il se trouve aujourd’hui rendrait difficile de remonter.

Essaiera-t-on d’expliquer la position inclinée du basalte de Prudelle, en supposant qu’au moment de son émission il était plus pâteux que ne le sont de nos jours et que ne l’ont été généralement les laves ? Partira-t-on ensuite de cette explication pour jeter des doutes sur l’horizontalité primitive des basaltes du Cantal ? Mais d’abord il est évident que, plus un fluide qui s’est étendu sur une surface donnée aura été pâteux, plus les traces du mouvement que son extension a nécessité auront été persistantes. Si un corps solide ou presque solide venait à être aplati de manière à prendre la forme d’une grande plaque, il présenterait, dans tous ses points, des traces d’écrasement. La ductilité du fer ne l’empêche pas de contracter, dans l’acte du laminage, une disposition fibreuse dans le sens de son allongement. L’absence, dans les basaltes, de toute trace persistante de mouvement est donc un motif pour supposer qu’ils étaient doués, au moment de leur émission, d’une très grande fluidité

Le fait de la grande fluidité initiale des basaltes est d’ailleurs indiqué par la circonstance que des nappes souvent très étendues de cette roche ont été épanchées par des ouvertures fort étroites. Il serait difficile de concevoir qu’une matière aussi peu conductrice de la chaleur que le basalte, après s’être épanchée par un orifice étroit, se fût refroidie assez vite pour ne pas avoir le temps de couler, par le seul effet de sa pesanteur, sur une déclivité un tant soit peu sensible. Enfin, cette grande fluidité de la plupart des basaltes, au moment de leur épanchement, se trouve établie d’une manière indépendante de toute hypothèse, par la grande étendue que présentent si souvent les nappes basaltiques, avec une épaisseur sensiblement constante sur des surfaces horizontales où une matière un tant soit peu pâteuse n’aurait formé qu’un dôme plus ou moins surbaissé.

Ces considérations me conduisent à m’occuper des différences qui paraissent avoir très fréquemment existé entre le mode d’émission des basaltes et celui des laves de nos volcans actuels.

Il ne serait pas impossible, sans doute, que tous les basaltes de l’Auvergne eussent coulé exactement de la même manière que ceux de Thueys et du Tartaret. Je devais mettre cette hypothèse en première ligne, car c’est nécessairement celle qu’adoptent les personnes qui ne voient, dans le massif du Cantal, qu’un Etna démantelé. Il est, en effet, évident qu’admettre la moindre différence essentielle et constante entre l’état de fluidité des basaltes et celui des laves basaltiques, serait, de la part des personnes qui supposent que tous les massifs de matières volcaniques, formés à l’air libre, l’ont été exactement de la même manière que les cônes des volcans modernes, un premier pas rétrograde. Mais en montrant que, même dans la supposition d’une complète identité dans le mode d’émission des basaltes et des laves, le Cantal devrait être regardé comme un cône de soulèvement, je ne me suis appuyé en aucune manière sur la supposition d’une pareille identité. Je puis donc maintenant revenir sur les différences qui pourraient avoir existé entre le mode d’émission des basaltes et celui des laves ; et si, considérées en elles-mêmes, ces différences sont de nature à rendre improbable la formation, par simple voie d’éruption, d’un cône tel que le Cantal, elles viendront naturellement à l’appui de mes conclusions précédentes.

Il est plus aisé de faire ressortir l’opposition de caractères qui existe entre les laves et les basaltes, sous le rapport de l’état des masses au moment de leur solidification, que de limiter, d’une manière précise, ce qu’on doit entendre par basaltes. Cette limitation est peut-être même impossible.

D’une part il paraît, ainsi que je l’ai rappelé, qu’il existe, dans les laves même de l’Etna, des parties d’une texture à peu près basaltique ; et, dans tous les cas. il est certain que les coulées de Thueys et du Tartarel, qui présentent de véritables basaltes à leur extrémité inférieure, sont sorties de cônes de scories qui ne présentent, avec ceux des environs de Clermont, aucune différence appréciable ; mais il est également certain que les basaltes se lient par une gradation insensible aux roches dites trappéennes.

Les géologues anglais et écossais ont, pour la plupart, renoncé à établir une ligne de démarcation tranchée entre les basaltes de la chaussée des Géans et de Staffa et les roches trappéennes dites Whinstones etToadstones, qu’ils appellent souvent basaltes. M. Léonhardt a compris toutes ces roches dans sa monographie des basaltes ; et on doit convenir que la rareté du péridot dans certains basaltes, tels que ceux de Staffa, et le fait constaté par M. G. Rose de l’identité fondamentale de l’amphibole et du pyroxène, rendent à peu près illusoires les caractères tranchés à l’aide desquels on a cherché jusqu’ici à établir un point d’arrêt dans cette longue série. Quelles que soient d’ailleurs les différences que des recherches ultérieures pourraient établir entre les trapps écossais et les basaltes proprement dits, il est certain qu’ils ont rempli, comme beaucoup de basaltes, des crevasses dans les roches préexistantes, qu’ils se sont épanchés comme eux à la surface du sol, qu’ils se sont de même divisés en prismes d’une régularité souvent parfaite, et qu’ils ont produit, sur les différentes roches avec lesquelles ils ont été en contact, le même genre d’altération ; de sorte qu’on ne serait fondé à supposer, entre le genre de fluidité qu’ils ont possédé et le genre de fluidité qu’ont possédé les basaltes les plus chargés de péridot aucune différence nettement tranchée.

Il est toutefois évident que, bien que les basaltes et les trapps forment une série continue, il n’y a pas eu identité complète dans le mode d’émission, à la surface du globe, de tous les termes de cette série. L’abbé Ferrara, dans son ouvrage intitulé : I campi Flegrei della Sicilia, imprimé en 1810, insistait déjà, et à ce qu’il me semble avec beaucoup de raison, sur la nécessité d’admettre une différence d’origine entre les basaltes prismatiques des îles Cyclopes et de plusieurs autres points de la base de l’Etna et les laves de l’Etna moderne, qui, en se refroidissant sur ses flancs et même sur les rivages qui l’avoisinent, n’y ont contracté que dans des cas extrêmement rares et sur une très petite échelle la division prismatique. M. Bertrand Roux de Doue et M. Burat ont insisté, de leur côté, sur la possibilité de diviser les éruptions basaltiques du Vivarais et du Vélay en plusieurs séries d’âge différent ; sur la ressemblance que le mode d’émission des basaltes les plus récens paraît avoir eue avec celui des laves actuelles ; et sur les différences de plus en plus grandes qu’a présentées, avec celui des laves actuelles, le mode d’émission des basaltes de plus en plus anciens. La loi reconnue par ces trois géologues se trouve confirmée par le fait que, si on prolonge la série basaltique jusqu’aux trapps, dont les basaltes les plus anciens se rapprochent graduellement, on arrive à constater un mode d’éruption. essentiellement différent de celui des volcans actuels.

Il me suffira, pour établir cette différence, de rappeler brièvement, d’après MM. Jackson et Alger, les circonstances du gisement des trapps de la Nouvelle-Écosse.

Sur le revers N.-O. de la Nouvelle-Écosse, une langue de terre élevée, plus élevée même que l’intérieur du pays, et désignée par le nom de Montagnes du Nord (the North Mountains), s’étend le long de la côte de la baie de Fundy, comme une digue naturelle et presque rectiligne, séparée des collines de l’intérieur par la baie de Sainte-Marie, le bassin d’Annapolis et le bassin des mines, qui sont presque liés entre eux par des terrains bas formés d’alluvions. Cette langue de terre est composée d’un trapp qui se divise naturellement en gros prismes verticaux plus ou moins réguliers. Du côté de l’intérieur, les flancs de la masse trappéenne sont arrondis ; et leur pied, abrité du vent du N.-O. par la masse elle-même, présente un sol fertile, formé du mélange des matériaux provenant de la destruction du trapp et du grès sur lequel il repose ; sol orné de riches cultures, qui ont fait surnommer les environs d’Annapolis le Jardin de la Nouvelle-Écosse. Partout, au contraire, où le pied de la masse trappéenne est battu par les flots de la baie de Fundy et par ses marées de 70 pieds de hauteur, elle présents des faces abruptes et presque perpendiculaires. Les joints naturels qui divisent la masse de trapp en prismes verticaux sont la cause de cette disposition, qui donne, à toute la côte qui en est formée, un aspect à la fois si rude et si pittoresque. La destruction. continuelle qui entretient la fraîcheur de ces falaises, et les empêche de s’arrondir comme les pentes qui regardent l’intérieur du pays, donne lieu à des accidens variés dont un grand nombre sont représentés dans les vues qui accompagnent le mémoire des deux géologues américains. L’œil compare avec étonnement les dimensions des plus grands arbres et des plus grands vaisseaux à celles de ces monumens de la nature. Les colonnades basaltiques de l’ile de Staffa et de la chaussée des Géans sembleraient presque d’élégantes miniatures, à côté des gigantesques escarpement qui bordent la brèche par laquelle les eaux de la mer, traversant la digue trappéenne, pénètrent dans le tranquille bassin d’Annapolis, où une flotte entière se rirait des tempêtes, sous la protection de cette énorme muraille.

« La formation trappéenne de la nouvelle Écosse, disent dans leurs conclusions MM. Jackson et Alger, s’étend de l’est à l’ouest, sur une longueur de 130 milles (31 myriamètres ou 45 lieues), et forme comme dépôt de trapp, un des champs les plus étendus et les plus fertiles de recherches minéralogiques et géologiques que présente le monde connu. Différant en cela de la plupart des formations étendues de la même roche, sa largeur est tout-à-fait hors de proportion avec sa longueur ; elle n’excède nulle part trois milles, et dans quelques endroits, où elle a été entamée sur le rivage de la mer par des ravins profonds, elle présente à peine une largeur égale au centième de sa longueur. En prenant une moyenne, on trouverait probablement que la largeur de la masse totale des montagnes du Nord, en y comprenant la presqu’île de Digby, n’excède pas le trentième de sa longueur totale. D’après cette circonstance, on doit être porté à y voir un immense dyke élevé de dessous le grès à travers quelque crevasse large et continue, produite par le soulèvement soudain de ses couches, ce qui ne lui a permis d’acquérir en coulant de part a et d’autre, qu’une étendue très limitée en largeur ; et si on doit admettre une théorie quelconque, nous ne concevons pas comment l’origine d’une masse si singulièrement disproportionnée peut être expliquée d’aucune autre manière. La régularité de son contour, sa continuité, et particulièrement sa direction presque en ligne droite, sont contraires à l’idée de la regarder comme le résultat d’éruptions successives, et viennent à l’appui de l’opinion que nous venons d’exprimer relativement à son origine[4]. »

Cette masse ayant une longueur de 130 milles (environ 21 myriamètres ou 45 lieues), une largeur moyenne de 3 milles (plus de 5000 mètres), et s’élevant moyennement de plus de 250 pieds (ou 175 mètres) au-dessus de la mer, dans laquelle elle s’enfonce d’une quantité inconnue, le volume de la seule partie visible de cette masse est d’environ 78,450,000,000 de mètres cubes, c’est-à-dire égal à 130 fois le volume de la coulée de 1669, l’une des plus considérables que l’Etna ait vomies, car, d’après près les évaluations de l’abbé Ferrara, déjà mentionnés ci-dessus, le volume de cette dernière coulée n’est que de 600,000,00 de mètres cubes. On arrive, il est vrai, à des nombres plus considérables, en combinant les trois dimensions de quelques coulées, telles que celles de 1783 en Irlande, celles de 1775 à l’Etna ; mais comme les largeurs et les épaisseurs de ces coulées rapportées par les observateurs, sont les largeurs et les épaisseurs maximum, les résultats de ces calculs sont évidemment de beaucoup supérieurs à la réalité. M. Cordier, après avoir cubé différentes coulées, dit dans son Essai sur la température de l’intérieur de la terre, p. 76, qu’il se croit fondé à prendre le volume d’un kilomètre cube (1,000,000,000 de mètres cubes), comme le terme extrême du produit des éruptions considérées en général. Ce terme extrême ne serait encore que le 78e du volume de la partie visible de la masse trappéenne de la Nouvelle-Écosse. Si cette masse était amoncelée en forme de cône sur une base circulaire égale à la base inférieure de tout le massif de l’Etna, base dont le rayon mesuré sur la carte de Smyth est d’environ 20,000 mètres, le cône qu’elle formerait aurait-près de 200 mètres de hauteur, ce qui montre que son volume est comparable non à celui d’une coulée unique de l’Etna, mais à celui de la totalité des déjections, qui, depuis un laps de plusieurs milliers d’années, sont venues recouvrir les assises d’un caractère différent, dans lesquelles est ouvert le val del Bove. Comment donc pourrait-on supposer que cette masse trappéenne, au lieu d’être, comme l’admettent les auteurs qui l’ont décrite, le résultat d’un épanchement opéré d’un seul coup par une énorme crevasse, serait un simple reste d’un ancien système volcanique, comparable à l’Etna moderne ? N’est-il pas au contraire évident, d’après ce seul exemple, que, dans la série des phénomènes dont les basaltes et les trapps sont le produit, il y en a en qui, à certains égards, ont différé d’une manière complète des phénomènes volcaniques actuels ?

Dans cette série, les basaltes du Cantal appartiennent à des termes qui s’éloignent déjà sensiblement des basaltes les plus récens, d’où il résulte nécessairement que leur mode d’émission doit avoir différé notablement de celui des laves de nos volcans d’aujourd’hui. Si donc le mode d’émission des laves actuelles se trouvait être seul en possession de produire directement de hautes montagnes coniques, le mode d’émission des basaltes du Cantal se trouverait n’avoir aucun rapport direct avec la forme conique actuelle du massif dont ils font partie.

Or c’est la précisément ce que nous indique un coup d’œil général jeté sur l’ensemble des masses trachytiques, basaltiques et trappéennes, répandues sur la surface du globe. Une remarque analogue a déjà été faite par M. Daubeny.

Dans les contrées où les formations basaltiques et trappéennes ont acquis le plus de développement, un examen attentif de leur gisement montre toujours qu’elles se composent d’un nombre plus ou moins grand de lambeaux, indépendants les uns des autres, qui ne se coordonnent jamais à l’entour d’un point central et culminant avec le degré de régularité qui s’observe dans les déjections successives de nos foyers volcaniques actuels.

Les basaltes qui s’élèvent obliquement sur les flancs des massifs coniques dont nous discutons l’origine, ne jouissent, à cet égard, d’aucun privilège, et l’excellente description que M. Burat a donnée du manteau basaltique du Cantal montre qu’il se compose lui-même de nombreux épanchemens, indépendants les uns des autres, qui, si ce manteau était rabattu dans un plan horizontal, rentreraient complètement dans la règle que je viens de signaler.

Chacun de ces lambeaux indépendants les uns des autres, dont toutes les agglomérations basaltiques et trappéennes se composent, se rapproche à la vérité, par sa forme, de certaines éruptions latérales des volcans modernes, de manière à ce que son origine par voie d’éruption ne puisse être révoquée en doute ; mais c’est à cela seulement que dans la grande majorité des cas se réduit toute la similitude de ces anciennes éruptions et de celles dont nous sommes les témoins.

Si en passant en revue tous les terrains basaltiques et trappéens que nous connaissons, nous mettons de côté les basaltes qui font partie des flancs des massifs coniques, objet de la discussion, ce qui laisse toujours la très grande majorité des basaltes connus dans le cercle de notre investigation, nous remarquerons qu’ils se divisent, ainsi que les trapps, en deux catégories, plus ou moins distinctes l’une de l’autre, savoir : 1° les basaltes et les trapps qui traversent le terrain en filons ou dykes, ou bien en colonnes irrégulières, présentant à leur partie supérieure, au niveau du sol, un élargissement, une espèce de chapiteau en forme de champignon auquel Desmarest avait donné le nom de culot. Tels sont les basaltes des cimes de l’Erzgebirge, des environs d’Eisenach, de la côte d’Essey dans les Vosges ; ces basaltes paraissent être arrivés au jour par des déchirures ou des trous de l’écorce terrestre, et les avoir seulement bouchés sans se déverser considérablement autour de leur orifice. Ils se montrent quelquefois à d’assez grandes hauteurs.

La seconde catégorie se compose des basaltes et des trapps en larges nappes continues et sensiblement horizontales présentant fréquemment, sur leurs bords dégradés, des colonnades de prismes verticaux. Celles de ces nappes qui ne présentent aucune trace de dérangemens considérables se trouvent universellement à de faibles hauteurs. C’est à de faibles hauteurs que se trouvent en effet les basaltes et les trapps du Cap de Bonne-Espérance, de Sainte-Hélène, de l’Ascension, de Gorée, des petites Antilles, des États-Unis, de la Nouvelle-Écosse, du Groënland, de l’Islande, de l’Irlande, de l’Écosse, de l’Hindoustan, des îles de l’Archipel grec sur la côte d’Asie, de l’Italie, de la Hongrie et les basaltes ou grandes nappes du nord de l’Allemagne (Meissner, Vogelsgebirge, Westerwald, etc., etc.). Si la mer s’élevait de la moitié de la hauteur absolue du plomb du Cantal ou de 930 mètres, ou ce qui revient au même, si elle s’élevait au-dessus des plateaux qui lui servent de base, elle recouvrirait et même elle surpasserait de beaucoup tous les basaltes et les trapps en grandes nappes, dont on peut assurer qu’ils sont restés à peu près dans la position où la nature les avait produits primitivement. Ces grands épanchemens basaltiques et trappéens paraissent donc ne s’être généralement produits que dans des plaines ou sur des plateaux peu élevés, où ils n’ont pu que s’étendre horizontalement.

Il était si peu dans la nature propre des anciennes éruptions qui s’opéraient sporadiquement sur des surfaces plus ou moins étendues, de produire des accumulations de forme conique, que même lorsque leurs produits ont été privés presque complètement de la faculté de s’étendre et de s’affaisser en coulant, elles n’ont produit que des masses tuberculeuses bien éloignées de présenter le profil régulier qui caractérise ce qu’on appelle les cratères de soulèvement.

Les phonolithes, les domites, et même les trachytes, sont souvent sortis, comme les mélaphyres, les serpentines et les porphyres rouges, dans un état presque solide ou très pâteux ; et lorsqu’il n’y a eu qu’une seule éruption isolée, il en est résulté un dôme ou un cône comme le Gerbier-de-Joncs, le Puy-de-Dôme, le Chimborazo, le Cotopaxi. Mais, lorsque des éruptions de ce genre se sont multipliées dans un espace circonscrit en nombre comparable à celui des éruptions anciennes dont l’Auvergne présente l’accumulation, elles n’ont produit que des masses tuberculeuses, sans caractère bien prononcé et sans convexité générale considérable.

Le trachytes de la Hongrie étaient certainement plus propres que ceux de l’Auvergne à produire un massif bombé vers son centre, puisqu’ils sont sortis pâteux, et se sont élevés sous forme de dômes à l’entour desquels leurs conglomérats se sont plus ou moins étendus, tandis que les trachytes du Mont Dore, et même souvent ceux du Cantal, sont arrivés à la surface, assez liquides pour s’étendre en larges nappes, et recouvrir plus ou moins complètement les conglomérats, qui, au Mont Dore, ne sont visibles que dans les déchirures. Le basalte, encore plus fluide, tendait à faire naître une uniformité plus grande encore dans la surface des massifs de déjections anciennes de l’Auvergne. Cependant, la surface du groupe trachytique de Schemnitz si bien décrit par M. Beudant, quoique beaucoup moins plane que celle des systèmes trappéens et basaltiques que j’ai cités précédemment, est beaucoup moins bombée que celle du Mont Dore, et même que celle du Cantal. Le dôme trachytique le plus élevé du groupe de Schemnitz, est, d’après M. Beudant, le mont Szitna, qui atteint 1,045 métres au-dessus de la mer ; le mont Szitna est à environ 3 lieues ou 13,333 mètres des bords les plus rapprochés du groupe qui sont élevés d’environ 300 mètres, d’où il est aisé de calculer que, de sa cime au bord du massif, la pente générale est seulement de 3° 12′. Dans toutes les autres directions, la pente générale est beaucoup moindre ; elle se réduit presque toujours à moins de 2°, souvent même à moins de 1°. Au Cantal, les pentes générales les plus ordinaires, qui sont en même temps les plus faibles, sont de 4°. Au Mont Dore, la pente moyenne générale est de plus de 8°.

Le fait que les terrains de trachyte et de phonolites, présentent partout des dômes accumulés les uns sur les autres ; le fait que dans la grande majorité des cas, les terrains basaltiques et trappéens ne présentent que des dykes et des nappes horizontales, sans la plus légère trace d’un cône d’éruption comparable soit au Vésuve, soit à l’Etna, soit même aux Puys de Thueys et du Tartaret, n’indiquent-ils pas évidemment que ces roches ont eu des modes d’éruption particuliers ? si chaque district, basaltique, trachytique ou trappéen, avait présenté dans l’origine un cône, d’éruption, comment ces cônes auraient-ils presque toujours disparu ? ne serait-il pas naturel de présumer que la différence qui a existé entre les éruptions basaltiques, trachytiques et trappéennes, et celles des volcans actuels, était de nature à y rendre moins nécessaire et plus difficile la production d’une montagne conique ? Or, quelle est la circonstance qui, dans les volcans actuels, entraîne comme conséquence nécessaire, la production d’un cône d’éruption : n’est-ce pas le rôle prépondérant qu’y jouent les dégagemens de substances gazeuses ?

Les substances gazeuses ont certainement joué un rôle dans les éruptions basaltiques et trappéennes. Le fait que les dykes basaltiques et trappéens sont presque toujours bulleux près de leurs deux parois, celui que les nappes basaltiques le sont de même près de leur surface inférieure et supérieure, celui que les basaltes sont généralement accompagnés de scories, prouvent invinciblement que les basaltes et même les trapps sont arrivés à la surface du globe, comme les laves de nos volcans actuels, pénétrés d’une quantité plus ou moins grande de substances gazeuses qui les rendaient comparables à une éponge liquide ; mais la quantité de ces gaz pourrait avoir été beaucoup moins grande dans le cas des basaltes et des trapps, leur rôle pourrait avoir été moins prépondérant que dans les volcans modernes.

Si on admettait cette supposition, on concevrait immédiatement que les gaz étant le principal agent qui élargit et tient ouvertes les cheminées de nos volcans, les basaltes n’ont pas eu la même tendance que les laves de nos jours à sortir toujours par une même cheminée, et à élever autour d’elle une hante montagne conique. Ce n’est que parce qu’un volcan est une espèce de machine à vapeur, qu’il entasse autour de son orifice une masse conique de déjections. Ce sont les gaz qui empêchent la cheminée volcanique de se boucher complètement, et qui commencent par la déboucher à chaque nouvelle éruption, en projetant sous forme solide les matières qui l’obstruaient. Si une colonne de matières fondues, non mélangées de gaz, venait à s’élever dans la cheminée d’un volcan, elle la boucherait pour toujours, et elle obligerait les feux souterrains à se frayer un nouveau canal après d’horribles convulsions.

Si on admettait que dans les éruptions basaltiques et trappéenes, les substances gazeuses ont joué un moins grand rôle que dans les éruptions des volcans actuels, on concevrait immédiatement que par suite de la même circonstance il a été naturel aux basaltes de se faire jour en une multitude de points isolés, en brisant et en soulevant quelquefois le sol préexistant, comme cela a eu lieu au Meissner ; que par conséquent il est tout simple que la plupart des terrains basaltiques et trappéens ne présentent pas de cônes, et soient répandus par lambeaux dans des contrées plus ou moins unies. On concevrait aussi pourquoi ils ne se sont généralement épanchés en grandes nappes que dans des contrées peu élevées.

Il est rare que dans les volcans actuels de très grands épanchemens de lave se fassent à de grandes hauteurs. M. Boussingault a définitivement constaté que les grands volcans de l’équateur n’ont jamais répandu de coulées de laves sur les plateaux élevés de Quito et de la Nouvelle-Grenade, et encore moins sur leurs propres flancs. Si dans les éruptions basaltiques la force élastique des substances gazeuses a joué un rôle moins énergique, on conçoit tout de suite qu’à cette époque les grands épanchemens ont du être encore plus rares a des hauteurs considérables ; si des ouvertures se sont faites dans des parties un peu saillantes de la croûte terrestre, le basalte n’a dû faire en général que les remplir sans s’épancher en grande quantité par leur orifice ; et que les grands épanchemens basaltiques n’ont dû se faire que sur les parties basses de l’écorce terrestre.

Si les substances gazeuses avaient été moins abondantes lors des éruptions basaltiques, on concevrait encore que les basaltes, moins pénétrés de gaz que les laves, étant par cela seul plus denses ; et devant en même temps conserver plus long-temps leur fluidité, attendu que le dégagement d’un grand volume de gaz est nécessairement pour les laves actuelles une cause puissante et rapide de refroidissement, les basaltes ont eu bien moins de facilité que les laves à se fixer sur des pentes, et bien plus de facilité, au contraire, à gagner en totalité les lieux bas où ils sont arrivés encore très chauds, et où ils se sont solidifiés par un repos très prolongé.

La supposition que les fluides élastiques auraient joué un rôle moins considérable dans les éruptions anciennes (basaltiques et trachytiques) que dans les éruptions modernes, aurait sans doute pour effet de rendre moins décisive la partie de la dissemblance entre les laves et les nappes d’anciennes matières volcaniques, qui consiste dans la différence de cellulosité ; mais elle laisserait subsister, ainsi que je l’ai déjà indiqué, la partie principale de cette différence, celle qui résulte de la présence ou de l’absence de traces de mouvement, et elle entraînerait en même temps des conséquences difficiles à concilier avec l’idée d’expliquer la forme des cônes revêtus de basalte, sans avoir recours à l’hypothèse d’un soulèvement. Si on admet que les fluides élastiques n’ont pas joué dans la production de ces cônes le même rôle dans les volcans actuels, on attaque dans sa base l’explication qu’on voudrait donner de leur forme conique, et on exclut toute idée d’analogie entre eux et le Vésuve ou l’Etna ; et si, pour conserver une raison suffisante de la forme conique, on admet qu’à l’époque trachytique et basaltique les dégagemens de fluides élastiques jouaient le même rôle que dans les éruptions actuelles, on laisse dans sa plus grande netteté l’argument tiré de l’opposition qui existe entre l’uniformité des basaltes du Cantal et l’hétérogénéité des laves basaltiques qui sur les flancs de l’Etna couvrent des pentes du même ordre.

Je suis bien loin de regarder comme à l’abri de tout objection la supposition qu’une différence plus ou moins grande, dans la quantité des fluides élastiques dégagés, aurait constitué la principale différence entre les éruptions basaltique et trappéennes et celles des volcans actuels. Je n’ai présenté cette hypothèse que comme un moyen de mieux faire sentir l’importance de considérer d’un seul coup d’œil l’ensemble des gisemens des basaltes et des trapps, si abondamment répandus sur toute la surface du globe. Je ne doute pas que le mode d’émission de ces roches ne soit pendant long-temps encore un sujet de discussion ; mais, au milieu de ces discussions, deux choses resteront évidentes : la première, qui se manifeste par la simple comparaison des niveaux, consiste en ce que les nappes basaltiques qui s’élèvent obliquement sur les flancs de ces massifs coniques, dont l’origine est en discussion, ne sont pas moins anomales par le fait de l’élévation absolue qu’elles atteignent, que par celui de l’obliquité avec laquelle elles y parviennent ; la seconde consiste en ce qu’il y a eu de grandes différences entre le mode d’émission de matières fondues qui ont pris également la compacité basaltique (témoins les trapps de la Nouvelle-Écosse, comparés aux coulées de Thueys et du Tartaret), et en ce que, par conséquent, on doit chercher la cause de cette compacité, non dans le mode d’émission de ces matières fondues, mais dans leur mode de solidification. Or, l’hypothèse du soulèvement des nappes basaltiques inclinées répond à la fois à ces deux observations fondamentales.

Si un rabattement pareil à celui que j’ai supposé précédemment, au Cantal, au Mont-Dore et au Mezenc, était opéré en même temps dans tous les autres cônes, revêtus aussi de nappes basaltiques, tels que ceux de Palma, de Ténériffe, de la grande Canarie, et si la position rabattue des basaltes qui les couvrent était considérée comme leur position initiale, l’anomalie de la hauteur absolue de ces basaltes disparaîtrait avec celle de leur obliquité et tout l’ensemble de la grande formation basaltique et trapepéenne se trouverait ramené à une position tellement simple, que Je commencement de théorie nécessaire pour rendre compte de cette uniformité de structure de chaque coulée, qui en forme pour ainsi dire le cachet, se présenterait avec une extrême simplicité : il se réduirait, en effet, à dire que, malgré l’évidente diversité du mode d’émission des différentes masses de ces roches, chaque coulée a pris une texture uniforme, parce que, d’après la position horizontale dans laquelle nous les avons toutes replacées, chacune d’elles a dû se solidifier avec la même tranquillité et la même uniformité que les parties qui se sont refroidies sans aucun trouble possible dans les ouvertures des dykes ou filons.

L’extrême simplicité de ce premier aperçu théorique, qui laisse le champ libre à toutes les spéculations ultérieures sur le mode d’émission des basaltes et des trapps, me semble équivaloir presque à une démonstration de son exactitude ; et comme il ne devient admissible que par suite de la position uniforme dans laquelle le rabattement supposé a replacé tous les basaltes, son admission entraîne, comme conséquence nécessaire, l’hypothèse du soulèvement après coup de tous les cônes revêtus de basalte.

Si on pouvant parvenir à prouver que le manteau basaltique, soit du Cantal, soit de Palma, soit de l’une quelconque de ces montagnes coniques dont on discute l’origine, a été formé dans sa situation inclinée actuelle, cette simplicité disparaîtrait de la science, sans être remplacée par une simplification équivalente dans aucune autre partie des théories géologiques ; car, d’après ce qui a été dit plus haut, il ne saurait en résulter que toutes les substances fondues qui sont sorties du sein de la terre aient été vomies exactement de la même manière que les laves de nos volcans modernes, et qu’il n’y ait jamais eu, sur la terre, qu’un seul mode d’éruption. Si, au contraire, on admet les diverses considérations auxquelles nous avons été conduits, on arrive a conclure qu’il n’y a sur la terre, de montagnes coniques considérables que celles qui sont dues à de grands dégagement de fluides élastiques, et celles qui sont dues à des soulèvemens ; ce qui explique l’existence de toutes les aspérités de notre globe, par la seule intervention des agens mécaniques dont l’existence nous est démontrée.

La simplicité de ces résultats présente une harmonie aussi remarquable que naturelle avec celle qui a été introduite dans la théorie des montagnes couvertes de restes marins, lorsqu’on a substitué l’hypothèse de leur soulèvement à celle de l’abaissement progressif du niveau des mers, et aux autres échafaudages des anciens géologues. L’hypothèse du soulèvement des basaltes se rattache, au reste, à celle du soulèvement des couches déposées dans la mer depuis que MM. Webb et Berthelot ont recueilli, à la grande Canarie, des coquilles marines dans le terrain basaltique. M. Webb dit, en effet, dans sa Notice générale sur la géologie des îles Canaries, que, « dans le voisinage de la ville de las Palmas, on trouve une couche inter-basaltique qui contient une infinité de cardiums et d’autres coquilles marines. » (Voyez Annales des sciences et de l’industrie du Midi de la France, t. III, p. 203). MM. Berthelot et Webb ont bien voulu me montrer ces coquilles dans leur importante collection, et je tiens d’eux-mêmes qu’elles ont été prises à une hauteur de 5 a 600 pieds au-dessus de la mer.

L’observation de MM. Webb et Berthelot présente, sous d’autres rapports, un genre d’intérêt que je ne puis passer sous silence. Elle prouve qu’une partie au moins des basaltes de la grande Canarie ont coulé sous les eaux de la mer. D’un autre côté, le fait que les basaltes, superficiels de l’Auvergne ont coulé sur un sol continental habité par les hyènes, les rhinocéros, les cerfs et les autres quadrupèdes de la période antédiluvienne, se trouve, depuis les recherches de MM. l’abbé Croiset, Jobert et Bertrand de Doue, au nombre des vérités les mieux établies de la géologie ; et comme les basaltes de la grande Canarie et ceux de l’Auvergne ne présentent que d’assez légères différences, on voit que la circonstance de couler à l’air libre ou sous les eaux ne produit, dans la forme que prennent les matières volcaniques, que des effets peu sensibles et infiniment moins prononcés que ceux qui résultent de l’influence du repos ou du mouvement de la matière au moment de sa solidification.

La théorie des cratères de soulèvement se réduit, en dernière analyse, à reconnaître la formation de vallées d’élévation dans des contrées antérieurement volcanisées. On doit nécessairement admettre en principe que de pareilles vallées doivent exister, à moins qu’on ne suppose que les parties de l’écorce terrestre, sur lesquelles des nappes basaltiques se sont étendues, ont acquis par là le privilège d’échapper à l’action des forces perturbatrices dont personne ne refuse plus de reconnaître les traces, dans les points que d’ancienne mers ont recouverts de leurs sédimens. Il me semble même qu’à priori, la production de ces vallées est en elle-même plus probable, en même temps qu’elle est plus facile à calculer, ainsi que M. Boblaye l’a fait remarquer, dans les points où la croûte du globe avait été préalablement tourmentée par les lieux volcaniques, que dans ceux ou un repos prolongé lui avait permis de se consolider complètement. Cependant on nie cette plus grande probabilité ; on dit que la production d’un soulèvement, au milieu d’un ancien épanchement volcanique, est un fait improbable. Tel est le point de départ de la seconde des trois objections principales dont j’ai parlé.

On appuie spécialement cette seconde objection sur ce que, dans le Cantal et même peut-être dans tous les cratères de soulèvement, ou au moins dans tous ceux de l’Auvergne, l’épaisseur visible des matières volcaniques paraît être plus petite dans les parties qui se rapprochent des bords de l’espace disloqué, qu’elle ne l’est dans lei parties les plus voisines du centre de dislocation. On trouve bizarre de supposer que les matières vomies du sein de la terre se sont accumulées d’abord dans des bassins, et que c’est précisément près du centre, plutôt que vers les bords, ou même à l’extérieur de ces anciens bassins, que les forces soulevantes ont fait sentir leur action de la manière la plus prononcée. On dit qu’une pareille rencontre, si elle est possible, ne peut être que fortuite, et que par conséquent elle est en elle-même improbable. à cela, je répondrai premièrement : que tout conduit à supposer, qu’à l’époque où commencèrent en Auvergne les plus anciennes éruptions volcaniques, il devait y exister des dépressions, et que c’est près de ces dépressions que les éruptions devaient le plus probablement avoir lieu.

Secondement, que l’effet le plus immédiat de ces éruptions a dû être de combler les dépressions dont il s’agit.

Troisièmement, qu’un examen attentif des anciennes accumulations volcaniques de l’Auvergne montre qu’en effet elles se sont amoncelées dans des dépressions préexistantes.

Quatrièmement, enfin, que si, après les éruptions, le sol de l’Auvergne était venu à être disloqué, les points où les éruptions avaient en lieu précédemment devaient céder de préférence, et que cette coïncidence était rendue encore plus nécessaire par la circonstance que les éruptions avaient eu lieu dans des dépressions.

D’où il résultera que la coïncidence dont il s’agit était si loin d’être improbable, qu’il serait au contraire singulier qu’elle ne se fût pas présentée.

Le sol de l’Auvergne a cessé de très bonne heure d’être plat et uni. Ainsi que M. Dufrénoy l’a déjà fait remarquer, des dépôts houillers, des dépôts lacustres, des dépôts d’alluvion, s’y sont amoncelés à diverses époques, sur d’énormes épaisseurs, dans des dépressions plus ou moins circonscrites. L’uniformité que le sol de l’Auvergne nous présente aujourd’hui dans une partie de son étendue n’aurait pu à aucune époque s’étendre à tout son ensemble, sans constituer dans son histoire générale une circonstance exceptionnelle. Pourquoi à l’époque des premières éruptions trachytiques, le sol de l’Auvergne se serait-il trouvé en entier dans cet état exceptionnel ? pourquoi n’aurait-il pas présenté des inégalités du même ordre, que celles qu’il avait présentées auparavant, qu’il a présentées depuis, qu’il présente même encore de nos jours, où les vallées de la Loire, de l’Allier, de la Dordogne, de la Sioule, y forment des sillons très profonds ?

Il est donc naturel de penser que diverses dépressions existaient dans le sol de l’Auvergne, à l’époque où la matière des éruptions trachytiques et basaltiques s’élaborait dans les laboratoires intérieurs.

Ces dépressions, comme les inégalités du sol actuel, devaient se rattacher plus ou moins directement à des dislocations antérieures de l’écorce terrestre. Or il est notoire que toutes les fois que les forces volcaniques se font jour jusqu’à la surface du globe, elles choisissent de préférence les fractures préexistante, et se placent vers la ligne de jonction des parties basses et des parties déjà soulevées. La chaîne des puys, la double chaîne des volcans de Quito, présentent des exceptions à cette règle, mais ce sont des exceptions, et c’est parce que la règle existe, que le plupart des terrains volcaniques sont situés, soit dans le voisinage de la mer, soit du moins au pied des chaînes de montagnes.

Si donc le sol de l’Auvergne présentait des dépression à l’époque où commencèrent les éruptions trachytiques et basaltique, c’est dans ces dépressions ou sur leurs bords qu’elles ont dû le plus probablement avoir lieu, et leur effet naturel a dû être de commencer par les approfondir encore davantage, en projetant en entraînant leur fond, et de les remplir ensuite de leurs produits amoncelés.

Ce que je ne viens de présenter d’abord que comme un enchaînement de conjectures probables, s’est effectivement réalisé dans un des points de la France centrale les plus justement célèbres par les observations géologiques qui y ont été faites. Je laisse d’abord parler à cet égard Dolomieu, qui s’exprimait de la manière suivante, dans une note jointe au rapport qu’il fit a l’Institut national, sur ses voyages de l’an V et de l’an VI. (Voyez Journal des mines, t. VII, p. 412.)

« Le bassin au milieu duquel s’élèvent isolément, le mont Corneille, sous les flancs duquel est située la ville du Puy (Haute-Loire) et le mont Saint-Michel, qui, par sa forme, ressemble à un obélisque, tous deux formés d’une brèche volcanique, dont l’agglutination peut s’être faite également par la vois sèche comme par la voie humide, ce bassin, dis-je, présente l’indication de plusieurs époques bien distinctes.

1° et 2° Les deux premières époques indiquées par Dolomieu n se rapportent à la période trachytique et à la période tertiaire dont l’ordre de succession a été depuis reconnu inverse de celui qu’il avait présumé.

« 3° Il y a eu creusement au milieu de ce remplissage (tertiaire), et le nouvel espace excavé a été occupé par du tufs volcaniques, sur lesquels reposent des cailloux roulés de différens genres, les uns de laves compactes et poreuses, semblables à celles des plateaux supérieurs (basaltes), d’autres de roches granitiques, telles que celle qui sert de base aux côtes voisines, quelques unes de pétrosilex verts, à pâte fine, pareils à celui de la montagne de Pertuis, distante de deux lieues ; d’autres, enfin, venant de plus loin, et dont en place originelle je n’ai point trouvé d’analogues.

« 4° Sur cet amas de matières différentes, qui ne s’élevait pas jusqu’aux bords de la première vallée, sont descendus de différens côtés des courans de laves, lesquels paraissent de différentes époques, car la lave prismatique (basalte) qui forme le sommet isolé, dit Mont Rognon, qui repose sur la couche de cailloux roulés dont je viens de parler, est à un niveau beaucoup plus haut que les laves prismatiques (basaltes) dites les orgues d’Expailly, appartenant à un courant descendu de la montagne volcanique dite la Denise, laquelle domine l’extrémité supérieure de cette vallée, pendant que le mont Rognon est situé au-dessous de la ville, au milieu de la partie inférieure de la même vallée, et cette vallée n’a pu éprouver le recreusement qui a préparé l’espace qu’est venu occuper le grand courant de la Denise, sans que la partie inférieure en fût en même temps excavée, pour donner passage aux déblais, et c’est alors que le mont Rognon a dû être façonné et séparé du courant auquel il doit son sommet aplati.

« 5° Enfin, le courant dont on suit la marche, depuis le sommet de la Denise jusqu’aux orgues d’Expailly, est entré dans cette vallée, pour y éprouver le morcellement qui a produit le monticule isolé, dit montagne de la Paille, et tous les autres monticules isolés, voisins de celui-ci, qui, comme lui, sont à base de tuf, et ont un sommet de lave prismatique (basalte), analogue à celle qui forme les beaux prismes, dont l’assemblage représente l’instrument de musique dont il a pris le nom (orgues d’Expailly), et ce sont évidemment ces sommets de lave qui ont préservé ces monticules de l’action violente par laquelle a a été emporté tout ce qui les environnait. »

Dolomieu termine cette trop courte note par ces lignes remarquables : « En faisant une semblable analyse des faits que présente la vallée de Mural, au pied du Cantal, j’y trouverai une succession des mêmes accidens ; je les trouverais semblables dans une infinité d’autres vallées du Mont Dore

Depuis trente-six ans, quelques uns des aperçus de Dolomieu, sur le bassin du Puy, ont été rectifiés, mais la partie principale a été vérifiée et rendue beaucoup plus précise, ainsi qu’on peut le voir dans l’ouvrage classique de M. Bertrand Roux de Doue (Description géognostique des environs du Puy en Velay), et dans celui de M. Burat.

M. Bertrand Roux conclut (p. 177) que le lac sous les eaux duquel les brèches volcaniques (tufs) ont été formées aurait en dix lieues carrées de surface (5 lieues de long sur 2 lieues de large), et (p. 198) que ses eaux s’élevaient au moins (d’après la position des tufs les plus élevés), à 270 m. au-dessus de l’Hôtel-de-Ville du Puy, ou à 309 m. au-dessus du fond du bassin, dans lequel les tufs se sont entassés ; il entrevoit même la possibilité que les eaux de ce lac se soient élevées à 463 m. au-dessus du fond du bassin.

Le terrain de transport ancien, qui dans les environs de Paris a comblé les principales inégalités de la vallée diluvienne où la Seine serpente aujourd’hui, et les a remplacées par des dépôts unis en dessus, et convexes en dessous, nous offre des images en petit du genre d’accumulation qui s’est produit dans le bassin du Puy, auxquelles il ne manque, pour être complètes, que de présenter des assises régulières de roche solides.

Si on prend en considération l’analogie entrevue par l’œil perçant de Dolomieu, entre les tufs volcaniques du bassin du Puy, et ceux qui jouent un si grand rôle, dans la composition, du Cantal et du mont Dore ; si on remarque qu’ils alternent de même avec des assises de matières fondues ; si surtout on a vérifié par ses propres yeux, ces similitudes de structure, on voit qu’il s’est formé dans le bassin du Puy une accumulation de matières volcaniques comparable par sa nature et son étendue, et qui aurait pu être presque égale en épaisseur à celles dont le Cantal, le Mont Dore et le Mezenc nous offrent les lambeaux. On voit même que si le bassin du Puy, s’étant trouvé dépourvu d’issue, les matières volcaniques avaient pu le combler à la hauteur indiquée ci-dessus, et si plus tard il s’y était opéré un soulèvement, il en serait résulté un massif qui ne différerait du Cantal que par l’absence des trachytes.

Il est donc conforme à la fois aux conjectures les plus naturelles et aux analogies les plus directes de supposer que les masses du Cantal, du Mont Dore et du Mezenc se sont accumulées primitivement, dans les dépressions, du sol préexistant ; c’est cette analogie si simple qu’il s’agit maintenant de suivre, de discuter et de vérifier.

Dans l’état démantelé où sont aujourd’hui les quatre grands massifs de déjections anciennes de l’Auvergne (ceux du Cantal, du Mont Dore, du Mezenc et du Puy), nous y reconnaissons les restes de quatre masses lenticulaires, plus ou moins tuberculeuses, dont les bords, constamment assez minces, et à peu près intacts, sont situés sensiblement dans un même plan horizontal.

La seule chose qui dans l’état actuel distingue essentiellement les accumulations des matières volcaniques qui composent le Cantal, le Mont Dore et le Mezenc, de celles qui remplissent en partie le bassin du Puy, c’est que les dernières sont dominées de tous côtés par les bords de ce même bassin, tandis que les premières se trouvent aujourd’hui placées dans une position dominante, par rapport à tout ce qui les entoure.

Il s’agit de savoir si, dans l’origine, la partie centrale des trois premières de ces lentilles se trouvait en grande partie, comme sont aujourd’hui ses débris, au-dessus du plan général de ses bords, ou bien si elle se trouvait en grande partie au-dessous dans une dépression du sol inférieur, de manière à ce que sa surface supérieure s’éloignât peu de ce même plan, comme le ferait la masse du Puy, si elle s’était complétée.

Cette question a déjà été résolue dans le paragraphe précédent, puisque nous avons reconnu que les basaltes qui forment très souvent la surface supérieure des lentilles, doivent s’être solidifiés dans une position sensiblement horizontale.

Mais ce moyen de solution n’est pas le seul qui se présente. Il suffit, pour en trouver un autre, de rechercher par quel mécanisme les éruptions trachytiques et basaltiques auraient pu produire directement des massifs, ayant des gisemens aussi diamétralement opposés que ceux que nous comparons, et présentant, du reste, sur tous les points essentiels des caractères semblables.

On peut, en thèse générale, concevoir de deux manières différentes la formation par suite d’éruptions successives, d’un massif de déjections plus épais vers son centre que vers ses bords.

Cette plus grande épaisseur près du centre peut résulter de ce que toutes les déjections se seront déversées les unes par-dessus les autres, autour d’orifices concentrés, principalement près du Centre de l’espace qu’elles ont recouvert, comme cela a lieu dans les volcans actuels.

Mais elle peut résulter aussi, comme cela a eu lieu au Puy, de ce que les déjections opérées en divers points, plus ou moins éloignés les uns des autres, auront été entraînés par suite de l’action de la pesanteur, vers le point le plus bas d’une dépression, qu’elles auront plus ou moins exactement remplie, et dont leur accumulation aura contracté la forme renflée en-dessous.

Le premier mode de formation, supposant nécessairement le concentration des éruptions, dans une petite partie de la base du massif produit, est par cela même peu en harmonie avec la nature des éruptions anciennes, dont le caractère universel a été de se produire sporadiquement, en des points assez éparpillés.

Il est certain que les trachytes et les basaltes du Cantal, du Mont Dore et du Mézenc, sont sortis dans chacun de ces groupes, comme les basaltes aux environs du Puy, non d’un centre unique, mais d’un grand nombre d’orifices répandus sporadiquement sur toute la surface occupée par les groupes actuels ; qu’elles n’ont pas été assez concentrées autour d’un centre, pour rendre un compte complet de la différence d’épaisseur que présentent du centre à la circonférence les matières accumulées. D’une part, on peut reconnaître dans toute l’étendue de chaque groupe, et jusque sur ses bords, un certain nombre de ces orifices éparpillés, et de l’autre le fait, que le Cantal, le Mont Dore et le Mezenc supposés rabattus, dans le plan général de la surface de l’Auvergne, ne présentent plus, sauf les traces laissées par les vallées actuelles, aucune apparence de disposition rayonnée, prouve positivement que les éruptions ne se sont pas concentrées comme dans les volcans actuels, autour d’une seule cheminée principale.

De plus, il est de fait que dans aucune des contrées où on est fondé à présumer que les éruptions anciennes ont eu lieu, suivant leur mode sporadique habituel, sur des surfaces à peu près planes, elles n’ont produit de masses lenticulaires aussi renflées que celles dont les lambeaux s’observent en Auvergne ; ou que du moins si ces masses sont lenticulaires, elles ne sont convexes qu’en dessous, comme l’est celle du Puy, car leur surface supérieure est ou à peu près plane, ou irrégulière, sans convexité générale considérable. Ni les massifs trappéens et basaltiques de la Nouvelle Écosse, des Iles Britanniques, du nord de l’Allemagne, ni même les massifs trachytiques de la Hongrie et de la Lombardie, ne présentent cette disposition renflée d’une manière aussi prononcée que les massifs du Cantal, du Mont Dore et du Mezenc.

On voit donc qu’en tenant compte surtout de la nature souvent très fluide des trachytes de l’Auvergne, les analogies déduites de l’observation ne conduisent nullement à concevoir que des éruptions de la nature de celles qui y ont eu lieu anciennement aient pu y produire sur une surface plane autre chose qu’une galette tuberculeuse, comparable tout au plus aux groupes trachytiques de la Hongrie, qui sont si loin de présenter le profil conique régulier du Cantal et du Mont Dore.

On chercherait vainement l’explication de la forme lenticulaire de nos massifs dans l’abondance des déjections incohérentes d’où sont résultées les assises régulières de conglomérats, qui jouent dans leur structure un rôle si proéminent. Il est certain que lorsque des éruptions successives font naître une montagne de forme conique, ce sont en général les déjections incohérentes qui contribuent le plus à la production de cette forme ; mais il est évident aussi que des éruptions éparpillées sur tout l’espace qu’elles ont recouvert, en les supposant même composées en majeure partie de débris incohérents, n’auraient en aucune tendance à produire un massif ayant la forme simple d’un cône unique. Il n’est personne qui n’ait vu comment les vers qui rongent le bois, entassent, à l’entrée de leur canal, la poussière qu’ils produisent en le creusant. Tout le monde sait qu’une planche dans laquelle se sont introduites un grand nombre de ces larves est bientôt couverte d’une multitude de petits cônes de poudre ligneuse, qui souvent se tiennent par leur base, et se confondent plus ou moins les uns avec les autres. Telle aurait été à peu près la forme de l’accumulation qu’auraient produite des éruptions de matières incohérentes opérées sporadiquement sur une surface horizontale.

Il est donc difficile d’attribuer la forme renflée des massifs de déjections ancienne de l’Auvergne au premier des deux modes d’entassement que nous avons été conduits à considérer ; voyons si le second mode présenterait cet égard des chances plus favorables.

Si on conçoit que des éruptions sporadiques, au lieu de se produire sur une surface à peu près plane, viennent à s’effectuer en partie sur le fond, en partie sur les flancs et le pourtour d’une dépression, la production d’une masse lenticulaire de déjections devient non seulement possible, mais nécessaire. Si des éruptions opérées sporadiquement, comme l’ont été évidemment les éruptions trachytiques et basaltiques de l’Auvergne, n’avaient produit que des matières incohérentes et n’avaient pas agi sous une atmosphère susceptible d’intempéries, elles n’auraient produit, même sur les flancs d’une dépression, qu’une multitude de petits cônes plus ou moins distincts, qui auraient formé par leur réunion une surface mamelonnée ; mais comme, d’une part, les eaux atmosphériques ont dû travailler constamment à niveler les déjections à mesure qu’elles se produisaient, et à les entraîner dans les parties basses ; comme, d’une autre part, des matières fluides sont sorties avec les matières incohérentes, et ont dû chercher les points les plus bas ; comme, enfin, les parties fluides, tout en chassant devant elles les matières incohérentes, ont dû les tenir en partie flottantes sur leur surface, et les entraîner dans leur mouvement, l’ensemble de toutes les déjections a dû former une espèce de galette à surface plus ou moins tuberculeuse, d’une épaisseur variable, et dont le maximum devait correspondre aux points les plus bas de la surface des roches fondamentales. C’est ce qui s’est opéré en partie dans le bassin du Puy. On voit donc que dans l’hypothèse actuelle chacune des dépressions que présentait le sol de l’Auvergne a dû se trouver remplacée par une accumulation de matières volcaniques dont la surface sont encore concave, soit plane dans son ensemble, soit légèrement bombée, aura présenté les rapports que la nature des roches devait faire prévoir à l’avance avec celles des contrées où des roches du même genre épanchées à peu près à la même époque n’ont éprouvé depuis lors que de faibles dérangemens, et dont la forme renflée sera néanmoins en rapport avec les circonstances qui s’observent actuellement.

Mais indépendamment de ces considérations générales qui rendent plus probable que toute autre la supposition que les éruptions trachytiques et basaltiques qui ont formé les massifs du Cantal, du Mont Dore et du Mezenc se sont déversées originairement dans des dépressions préexistantes, cette supposition entraîne avec elle des conséquences qui sont susceptibles d’être soumises au contrôle d’observations directes.

Suivant que les déjections dont nos masses lenticulaires se composent auront été accumulées primitivement au-dessous du plan de leurs bords extérieurs dans des dépressions du sol préexistant, ou bien au-dessus de ce plan, c’est-à-dire dans la position actuelle de leurs débris, les matières qui les composent auront eu à subir un mode de transport diamétralement opposé ; dans le premier cas, celles des matières vomies du sein de la terre qui ne seront pas testées en place auront été transportées de la circonférence vers le centre, suivant les sections méridiennes de la partie encore subsistante du bassin qu’elles remplissaient graduellement. Dans le second cas elles auront été transportées du centre vers la circonférence, suivant la section méridienne de la masse conique qui s’élevait graduellement Dans ce damier cas, le mode d’accumulation des matières vomies aura dû ressembler à celui qui s’opère sur les flancs des volcans actuels ; dans le premier, il aura dû être soumis a des lois particulières qu’il s’agit d’abord d’établir.

La première de ces lois consiste en ce que les assises superposées dont la masse lenticulaire se compose doivent être plus nombreuses et plus régulières, vers le point le plus épais de la lentille qui a dû correspondre au point le plus profond du bassin, point vers lequel chaque éruption, de quelque côté qu’elle se soit faite, a dû généralement envoyer son tribut, et où les matières se sont entassées dans une position plus exactement horizontale.

Cette loi s’applique également aux matières incohérentes et aux matières fondues ; mais il est évident que les matières fondues auront dû avoir plus de facilité que les matières incohérentes à gagner le centre de la dépression, par la même raison qui fait que ce sont les matières incohérentes qui de nos jours s’accumulent le plus à l’entour des cratères d’éruption, tandis que les coulées de lave se déversent au loin. De là, il résulte que vers le centre de nos lentilles formées dans des bassins, les matières de fusion devront jouer un rôle relatif plus considérable dans la partie centrale et la plus épaisse, que dans les parties extérieures.

Enfin on peut signaler une troisième loi qui n’est relative qu’aux matières de fusion. Dans le cas de l’accumulation dans des bassins, ces matières auront dû couler, de la circonférence vers le centre, sur des pentes qui seront devenues de plus en plus faibles à mesure que le bassin se remplissait ; qui dans la plupart des cas auront pu être trop faibles pour imprimer à toutes leurs parties ces caractères dynamiques dont nous nous sommes occupés précédemment, mais qui cependant n’auront pas dû être tout-à-fait sans influence sur la forme générale des coulées.

Un niveau à bulle d’air n’est pas le seul instrument qui, placé sur un plan presque horizontal, puisse en manifester l’inclinaison. Une outre qui ne contiendrait qu’une petite quantité de liquide rendrait, quoique avec moins de précision, un service du même genre. Le liquide se porterait vers la partie de l’outre qui correspondrait à la partie la plus basse du plan sur lequel elle serait posée, et la distendrait plus que toutes les autres. Il arrive en partie par les mêmes causes que dans une goutte de liquide qui coule sur un plan légèrement incliné, qu’elle mouille avec difficulté, la portion de la surface qui est tournée du côté de la déclivité est plus gonflée que toutes les autres. De la il résulte que si des gouttes de résine, de cire ou de chandelle sont tombées sur une table inclinée, et s’y sont refroidies tranquillement, la forme de leur surface indique ensuite dans quel sens la table était inclinée lorsqu’elles s’y sont solidifiées. C’est aussi par l’effet des mêmes causes que les laitiers qui coulent sur la dame d’un haut-fourneau forment une masse plus épaisse vers le bas de la dame que vers sa partie supérieure. Il suffit d’avoir parcouru des yeux quelques unes de ces collines de laitiers, qu’on a fini par former en y traînant jour par jour, depuis des siècles, les produits stériles d’un même haut-fourneau, pour savoir que cette loi est générale, et que ses effets sont des plus marqués. Les circonstances physiques dont ce phénomène est le résultat sont d’une nature trop générale pour que les matières volcaniques puissent y échapper. Une lave recouverte d’une croûte solidifiée par le contact de l’air peut être comparée à une outre remplie de liquide ; la partie encore liquide de la lave distend et tient gonflée la pellicule solide vers la partie inférieure de la coulée, tandis que cette pellicule est flasque et ridée vers la partie supérieure que la matière liquide a en partie abandonnée. C’est par suite de cette circonstance que dans les volcans actuels les coulées s’épaississent et s’élargissent généralement en s’éloignant de leur point de sortie, à moins que cette tendance ne soit contrariée par la forme du terrain qu’elles parcourent ; d’où il résulte que dans leur ensemble elles présentent ordinairement la forme d’une larme. Cette disposition se manifeste généralement dans les coulées de l’Auvergne, notamment dans celles de Louchadière, du Tartaret, de Thueys, etc., etc. Les différences qui doivent avoir existé entre les modes d’émission des laves, des basaltes et des trachytes ne peuvent avoir empêché cette loi de produire son effet. Il est évident que si une matière fondue, homogène, a conservé loin de son point de sortie la faculté de s’étendre en nappes plus ou moins minces, elle a dû posséder cette faculté à un plus haut degré encore près du point d’éruption ; et que, par conséquent, quelque faible qu’ait été la pente qu’elle a suivie, pourvu que cette pente n’ait pas été tout-à-fait nulle, la nappe formée a dû être plus épaisse au bas de la pente que vers le haut, et a dû être plus épaisse encore dans les parties planes, qu’elle a pu rencontrer vers la fin de sa course. On pourrait sans doute concevoir tel mode de sortie d’une matière pâteuse qui produirait un résultat inverse, mais un pareil résultat ne saurait être le cas général ; et si, en considérant un ensemble de coulées, on les voit s’amincir généralement dans une certaine direction, et s’épaissir dans une autre, on peut être certain que le côté vers lequel les coulées s’amincissent est le plus voisin de leur point de sortie, et que le côté vers lequel elles s’épaississent en est le plus éloigné.

De là il résulte que dans le cas de la formation d’un massif lenticulaire de déjections, par le comblement d’un bassin, l’épaisseur moyenne des coulées doit généralement être plus grande dans la partie la plus épaisse de la lentille qui a répondu dans l’origine au point le plus bas de la dépression.

Les assises de la formation gypseuse des environs de Paris qui deviennent à la fois plus nombreuses, plus régulières et plus épaisses vers le centre de l’espace qu’elles occupent, présentent une image assez exacte des dispositions que je viens d’indiquer. Il est certain que les causes de cette disposition sont en partie très différentes de celles qui ont pu agir dans les bassins où se seraient accumulés les produits des anciennes éruptions de la France centrale ; mais il est cependant évident que la forme lenticulaire des assises gypseuses des environs de Paris est due elle-même à la forme du fond qu’elles sont venues recouvrir. L’extrême uniformité que présentent à leur partie supérieure les bancs dits à cythérées, ne permettent pas de douter que ces bancs ne se soient déposés sous une profondeur d’eau sensiblement constante, et par conséquent dans une position presque exactement horizontale.

Les trous lois que nous venons, de constater ; sont en partie inverses des lois correspondantes, qui s’observeraient dans la formation d’un massif lenticulaire ou conique, par une suite de déjections opérées autour d’un point central ; ici les assises seraient à la vérité plus nombreuses près du centre ; mais elles y seraient moins régulières, et les assises de matières fondues y seraient généralement moins épaisses, tandis que ce serait l’inverse pour les matières incohérentes qui joueraient un rôle plus dominant vers le centre que vers les bords.

Dans la série de ces moyens de distinction, on ne doit pas oublier celui que nous avons indiqué, M. Dufrénoy et moi, dans notre premier mémoire, où nous disions, p. 9 (Annales des mines, 3e série, t. III, p. 537) : « L’analogie qu’on a cru trouver entre les alternations de tufs et de laves qui s’étendent de la cime à la base d’un cône d’éruption, et les alternations de basalte solide et de tufs que peut présenter un cône dont la surface est formée par des nappes basaltiques inclinées… disparaît d’elle-même, si, au lieu de comparer deux coupes passant par le point central, on compare deux coupes faites par les cylindres verticaux, concentriques aux axes des deux montagnes appartenant aux deux classes dont il s’agit. Dans la coupe ainsi obtenue, dans le cône revêtu de basalte, on verra les assises successives de basalte et de tuf se terminer par de longues lignes à très peu près parallèles et horizontales (on peut en dire autant relativement aux nappes trachytiques). Dans la coupe fournie par le cône d’éruption, chaque coulée de lave ne présentera au contraire qu’une section isolée, peu étendue, et les sections das différentes coulées seront disposées irrégulièrement au milieu de la masse générale des tufs dus aux déjections incohérentes. »

Toutes ces différences une fois bien comprises en ce qu’elles ont de général et de nécessaire, il suffit d’avoir parcouru les flancs du Mont Dore et du Cantal, et les plateaux qui les environnent, d’avoir promené un œil attentif sur leurs divers arrachemens, pour savoir auquel de nos deux modes d’accumulations correspond la structure de ces deux masses lenticulaires.

N’est-il pas certain que dans les deux massifs toutes les assises sont non seulement plus nombreuses, mais aussi plus régulières vers la partie centrale et la plus épaisse ? n’est-il pas certain que dans ces parties centrales et les plus épaisses on voit généralement augmenter la proportion des roches de fusion ? n’est-il pas certain que vers ces parties centrales les assises de tufs et même les assises de matières fondues, présentent une étendue et une régularité qu’on ne serait pas fondé à attendre dans un cône d’éruption à une aussi petite distance du centre ? N’est-il pas certain que vers ces parties centrales l’épaisseur de ces coulées va généralement en augmentant ? n’est-il pas certain, par exemple, que lorsqu’on va des pâturages du lac Guery ou de la cascade de Quereilh au Puy de Sancy, par la vallée des bains du Mont Dore, on voit augmenter graduellement l’épaisseur de la grande assise trachytique supérieure ? N’est-il pas également certain que lorsqu’on va du centre du Cantal à Salers ou à Bort, en passant par le Puy-Violent, on voit diminuer graduellement l’épaisseur des coulées supérieures de basalte, qui, très épaisses derrière le Puy Chavaroche, vont finir en s’amincissant sur la surface des plateaux extérieurs ? Et n’est-il pas évident, d’après cela, que, relativement à l’ensemble des déjections, les parties centrales et les plus épaisses de nos deux massifs ont joué bien plutôt le rôle d’un point de convergence et de réunion, que celui d’un point central d’émission ? Je trouve donc dans nos deux massifs, d’une manière aussi prononcée qu’on pût être fondé à l’attendre, les caractères auxquels on peut reconnaître une masse accumulée dans un bassin, caractères diamétralement opposés à ceux qu’ils offriraient, s’ils avaient été formés avec leur saillie actuelle.

Tant que ces observations, aussi décisives que simples, n’auront pas été démenties dans leur ensemble, je croirai pouvoir en conclure que ce n’est qu’en s’arrêtant à des aperçus superficiels et incomplets qu’on a pu citer la forme lenticulaire des massifs de déjections anciennes de l’Auvergne comme un argument contre l’hypothèse de leur soulèvement. La seule structure générale de ces massifs prouve qu’ils ne peuvent avoir acquis que par un soulèvement opéré après coup, la position dominante qu’ils ont aujourd’hui, par rapport à tout ce qui les entoure.

De ces observations, je conclus même que, dans l’appendice que nous avons joint, M. Dufrénoy et moi, à notre Mémoire sur le Cantal et le Mont Dore, il a été surabondant de considérer le cas où, immédiatement après l’éruption des basaltes, le Cantal aurait déjà présenté un bombement égal au quart de son bombement actuel. S’il en avait été ainsi, les coulées basaltiques qui s’y sont épanchées auraient coulé en rayonnant sur une déclivité moyenne d’environ un degré ; déclivité plus grande que celle de beaucoup de vallées où les coulées basaltiques ont acquis vers leur partie inférieure une épaisseur plus grande que vers leur point de départ. L’augmentation d’épaisseur qu’on observe généralement dans les nappes basaltiques en approchant du centre du Cantal, tend au contraire à prouver qu’au moment ou les basaltes se sont épanchés, il y existait encore des points plus bas que les plateaux environnans, et que les cimes de quelques dômes trachytiques, tels que le Puy Marie, pouvaient seuls faire légèrement saillie au-dessus de la surface générale de la contrée.

On peut en dire autant, à peu près, pour le Mont Dore, d’après la considération des épaisseurs des nappes trachytiques supérieures.

Ainsi, lorsque les éruptions anciennes se sont terminées en Auvergne, les dépressions du sol préexistant se trouvaient remplacées par des accumulations de matières volcaniques, qui débordaient leurs bords, et dont la surface légèrement tuberculeuse, mais presque plane dans son ensemble, pouvait être comparée à un vaste cachet de cire appliqué sur les vides résultans des anciennes fractures et des érosions du sol primordial de la contrée.

Mais, dira-t-on, la nature ayant ainsi mis, pour ainsi dire, le scellé sur les parties faibles du sol de l’Auvergne, pourquoi ces parties ont-elles éprouvé plus tard un nouveau mouvement ? pourquoi chaque accumulation volcanique a-t-elle été rompue et soulevée, dans le voisinage de son centre, dans sa partie la plus épaisse ? pourquoi les assises volcaniques ont-elles été rompues de préférence aux assises de calcaire d’eau douce, qui avaient rempli précédemment des dépressions non moins profondes ?

Premièrement, chacune de ces espèces de cachets volcaniques était formée en partie de matières incohérentes : les parties solides étaient traversées d’une multitude de fissures verticales, dues au refroidissement. Il n’ajoutait ainsi que peu de chose à la résistance naturelle de la base granitique, et cette base était moins épaisse, là où les matières accumulées au-dessus présentaient le plus d’épaisseur.

Secondement, cette base granitique, perforée et chauffée par les éruptions de trachytes et de basaltes, puis refroidie par le laps du temps, se trouvait beaucoup plus fendillée, et par suite, beaucoup moins résistante après les éruptions, qu’elle ne l’était auparavant, de sorte que les parties que les éruptions trachytiques avaient déjà signalées comme les moins résistantes, devaient probablement présenter ce caractère de moindre résistance d’une manière encore plus prononcée, après les éruptions basaltiques et trachytiques, nonobstant le poids et la cohérence plus ou moins grande de la masse qui les recouvrait. La base granitique de tout le système, pressée plus tard par un effort souterrain qui aurait tendu à l’élever, aurait pu sans doute ne faire que s’élever en masse, sans se crever en aucun point ; mais si quelques points devaient céder, les anciens points d’éruption, et par conséquent les emplacements des bassins comblés, se trouvaient en quelque sorte les premiers inscrits, et on ne voit pas ce qui aurait pu les empêcher de maintenir leur ancien privilège ; ils n’avaient fait à chaque éruption qu’y acquérir de nouveaux droits. Si on s’étonnait de ce résultat, on devrait s’étonner aussi qu’une digue soutenue par des pilotis livrés pendant long-temps à l’action des tarets, vint à céder à l’action des vagues, précisément dans la partie sa plus vermoulue.

On voit donc qu’il est non seulement naturel, mais nécessaire, d’admettre qu’au moment où les premières éruptions volcaniques ont commencé en Auvergne, il s’y trouvait des dépressions considérables, et que la coïncidence plus ou moins exacte de ces dépressions du sol primordial ; des points où les premières éruptions de trachytes se sont fait jour ; de ceux où les accumulations de matières volcaniques ont acquis le plus d’épaisseur ; de ceux, enfin, qu’un grand effort souterrain a fait céder de préférence, loin de constituer une invraisemblance, présente au contraire une vérification des conjectures qu’il serait le plus naturel de faire à priori sur la manière dont ces phénomènes successifs se sont enchaînés. Il est toute fois évident que les lois qui déterminent cet enchainement ne sont pas assez absolues pour avoir exclu toute exception ; aussi voyons nous que le bassin du Puy n’a pas été rompu et soulevé dans son centre, comme l’ont été les trois autres ; l’exception dont il a été l’objet s’explique naturellement, lorsqu’on remarque que les éruptions y ont été moins abondantes et moins nombreuses, et qu’il ne s’y est produit que des éruptions basaltiques, moins propres que les éruptions trachytiques à disloquer le sol fondamental.

On pourrait aussi considérer comme des anomalies à la loi générale les soulèvemens qui se seraient produits au dehors des bassins comblés. Ces anomalies ne sont probablement pas sans exemple ; seulement elles paraissent ne s’être réalisées que sur une échelle plus petite. On pourrait en effet considérer les traces de dérangement que M. Burat, dans son ouvrage sur les volcans de la France centrale, a indiqués dans le granite, autour du volcan du Pal et du suc d’Esteil, et le bombement longitudinal que l’examen du lambeau basaltique de Prudelles m’a conduit à supposer dans le granite qui sert de base à la chaîne des puys, comme autant d’exemples de la circonstance exceptionnelle dont il s’agit.

Les objections qui ont été faites contre les idées émises par M. Burat, sur la première de ces localités, tendraient à faire disparaître une de ces anomalies ; mais ici la règle générale n’a pas besoin d’être confirmée par des exceptions ; de sorte que, quand même les objections dont il s’agit seraient fondées, elles demeureraient étrangères à la question qui nous occupe.

Si l’examen des assises de matières fondues qui entrent dans la composition du Cantal prouve que la situation dans laquelle on les observe aujourd’hui, ne peut pas avoir été leur position originaire ; si des observations directes et péremptoires montrent que les phénomènes de fusion, d’éruption et de consolidation sont insuffisans pour rendre raison de la forme générale de ce massif ; si les circonstances qui, au premier abord, pouvaient avoir l’air de rendre improbable l’hypothèse d’un soulèvement survenu après coup, dans son centre, tendent au contraire à en fournir une vérification, le fait du soulèvement du Cantal se trouve établi sur des fondemens aussi solides qu’aucun autre des faits que la géologie a réussi à constater.

Cependant comme l’attention la plus scrupuleuse ne peut mettre le géologue à l’abri de toutes les sources d’illusions, comme, par suite, les conclusions qu’on peut tirer à l’égard de faits aussi éloignés de nous que ceux dont la géologie s’occupe, ne peuvent jamais être considérées que comme des probabilités plus ou moins grandes ; il n’est jamais inutile de chercher à contrôler ces conclusions en examinant si elles n’impliqueraient pas des conséquences absurdes.

Aucun genre de phénomènes géologiques n’est plus susceptible d’un pareil contrôle, que celui d’un soulèvement qui n’aurait disloqué qu’une petite étendue de la croûte terrestre. Les fractures qu’un pareil phénomène a pu produire sont nécessairement assujéties à de certaines conditions géométriques, et, si ces conditions ne se trouvaient pas remplies, la supposition d’un phénomène de rupture deviendrait inadmissible, et les formes du massif dont l’hypothèse du soulèvement était destinée à rendre compte, resteraient, provisoirement au nombre des faits inexpliqués.

On allègue, en effet, que le massif du Cantal, dont nous concluons que la forme actuelle doit être due à un soulèvement, présente dans sa structure et dans la disposition de ses diverses parties, non seulement de grandes irrégularités qu’il était facile de prévoir d’avance, mais encore des circonstances dont l’hypothèse du soulèvement doit rendre compte, et qui, dit-on, lui sont tellement contradictoires, qu’elles constituent non plus une simple invraisemblance, mais une véritable impossibilité ; c’est sur ce point que roule la dernière des trois objections auxquelles j’ai principalement à répondre.

Cette objection se déduit de ce que plusieurs des vallées du Cantal ne pénètrent pas sans interruption jusque dans la grande enceinte circulaire du centre.

En admettant l’entière exactitude des faits sur lesquels cette objection s’appuie, elle n’aurait une véritable importance qu’autant que ces mêmes faits seraient réellement en contradiction avec toutes les dispositions que le phénomène mécanique supposé est susceptible de produire. Or, il n’en est pas ainsi ; cette objection ne s’adresse véritablement qu’à la comparaison que nous avons établie dans notre premier mémoire, entre le déchirement d’une galette basaltique qui tend à se soulever dans son centre, et la fracture d’une bouteille étoilée par un choc léger. Mais cette comparaison qu’on a souvent répétée après nous, à cause de la simplicité de l’image qu’elle présente à l’esprit, n’était destinée qu’à faire comprendre la forme générale de notre idée. Elle ne constitue pas même le point de départ de nos calculs approximatifs, dans lesquels nous portons au contraire la considération d’un cône où le soulèvement n’aurait produit que des fissures imperceptibles en nombre infini. Dans nos résultats, la disposition affective des fractures, dont la cohérence variable des masses tend toujours à limiter le nombre, reste absolument indéterminée. Nous avons fait remarquer que les fentes primitives, dont le calcul exprime la somme totale, peuvent être discontinues dans le sens de la profondeur ; elles peuvent l’être aussi dans le sens de la longueur.

Dans le cas où la section méridienne de la montagne serait rigoureusement une ligne droite, où par conséquent sa forme serait exactement conique et où elle serait parfaitement homogène dans sa composition, on ne verrait pas de raison suffisante de la non-prolongation d’une même fissure, depuis la circonférence jusqu’au centre ; mais nous avons exposé que la section méridienne de la montagne n’est presque jamais une ligne droite, que sa surface est beaucoup plus compliquée que celle d’un cône. Par suite de cette circonstance, le soulèvement, auquel cette forme est attribuée, n’a pu avoir lieu sans produire non seulement des fractures méridiennes divergentes mais aussi des fractures concentriques ; ces dernières ont dû devenir plus nombreuses en approchant du centre, parce qu’à mesure qu’on s’en rapproche, ainsi que nous l’avons indiqué dans nos descriptions, la section méridienne s’éloigne de plus en plus d’être rigoureusement une ligne droite. Si la surface du massif soulevé avait été rigoureusement un solide de révolution, les fractures rayonnantes et concentriques auraient été perpendiculaires entre elles ; et, malgré toutes les irrégularités que ce massif présente, elles ont toujours dû se croiser, et par conséquent elles ont pu s’interrompre réciproquement. Rien ne s’est donc opposé à ce qu’elles aient contracté une disposition contrariée, semblable à celle des interstices du pavé de nos rues, ou à celles des fentes qui se produisent dans une argile qui se dessèche.

L’objection tirée de l’interruption des vallées de fracture, disparais d’elle-mêmes devant cette seule considération, à laquelle on peut encore ajouter que la distribution des fissures, qui préexistaient dans la base granitique, a dû influer sur celle de fractures produites dans la masse volcanique soulevée, et en augmenter l’irrégularité. On voit clairement qu’il n’est pas dans l’essence du phénomène mécanique supposé, que les vallées de fracture qui partent de la circonférence, se prolongent d’une manière continue jusqu’au centre du massif. Par conséquent, si la non-prolongation des vallées dont il s’agit est aussi absolue qu’on l’assure, cela ne constitue ni une impossibilité, ni même une difficulté. Il est dans la nature même des choses que de pareilles interruptions se présentent ; et, si on n’en rencontrait pas d’exemples, ce serait cela qui constituerait une véritable singularité.

L’interruption plus ou moins complète qu’éprouvent quelques unes des vallées du Cantal, avant de pénétrer dans la grande cavité centrale, n’infirme donc en aucune manière les observations directes, qui prouvent que la saillie actuelle de ce massif ne peut être que l’effet d’un soulèvement ; mais il y a plus, cette interruption est accompagnée de circonstances dont on ne peut donner d’explication plausible que dans l’hypothèse du soulèvement.

Les effets d’une violente action mécanique sont tellement empreints dans toutes les formes du Cantal, que, tout en affectant de nier son soulèvement, on a admis que des dislocations ont concouru à la production des vallées qui le découpent : mais en admettant un déchirement propre à donner naissance à des vallées, on admet par le seul fait, un soulèvement plus ou moins considérable. Il ne peut y avoir eu fracture sans qu’il y ait eu changement de forme de l’écorce terrestre. Si les points fracturés sont plus élevés que les points qui ne le sont pas, ce changement de forme a été un soulèvement. S’il y a eu soulèvement au Cantal, ce soulèvement pris en masse a été central, puisque pris dans son ensemble, le massif produit est conique, et que les vallées qui le découpent convergent dans leur ensemble vers son centre, que plusieurs n’atteignent pas, mais vers lequel toutes sont dirigées.

Pour que cette disposition convergente des vallées ne fût pas un argument en faveur de l’hypothèse du soulèvement, il faudrait qu’elle pût être expliquée d’une autre manière. Or, la disposition dont il s’agit, combinée avec les circonstances qui accompagnent la non-prolongation jusqu’au centre du massif de quelques unes de ces vallées, s’oppose à ce qu’on renouvelle à leur égard l’hypothèse presque banale d’une simple action érosive produite par des courans aqueux.

L’objection relative à la non-prolongation de certaines vallées de fracture repose essentiellement sur l’existence de ces crêtes étroites en forme de murailles, presque tranchantes au sommet, et formées d’assises trachytiques uniformes et faiblement inclinées, qui séparent la grande cavité centrale du haut des vallées de Dienne et d’Apschon ; murailles dont M. Burat a donné une description aussi exacte que pittoresque dans son ouvrage sur les volcans de la France centrale, p. 80, et dont il existe aussi des traces dans le haut de la vallée de Falgoux.

Dans l’hypothèse où le Cantal ne serait autre chose qu’un cône d’éruption simplement démantelé par les seuls agens de dénudation, l’existence de ces murailles serait inexplicable. Déjà le seul fait de la disposition régulièrement divergente des vallées est un obstacle à peu près insurmontable contre la supposition que leur première ébauche ait été faite uniquement par l’action de ces courans violens et passagers, qu’on nomme courans diluviens, et l’existence des murailles dont il s’agit porte le dernier coup à cette hypothèse ; comment en effet de pareils courans, s’ils avaient à eux seuls creusé les vallées, auraient-ils laissé subsister des barrages aussi frêles placés dans une direction transversale à leur cours ? On ne pourrait concevoir la réunion de l’une et de l’autre circonstances, la divergence des vallées jointe à l’existence des barrages, qu’en imaginant poétiquement des courans diluviens descendant du ciel en ligne perpendiculaire !

Les courans diluviens ne peuvent donc avoir façonné à eux seuls les vallées du Cantal, et ils ne peuvent avoir concouru à la production de leur forme actuelle qu’en agrandissant des vallées déjà ébauchées.

Les causes lentes et continues qui agissent pendant les périodes de tranquillité auraient-elles été assez puissantes pour produire à elles seules, soit les vallées actuelles, soit une ébauche de ces vallées déjà assez marquée pour tracer la route aux courans diluviens ? Pour résoudre cette question négativement, il suffit de remarquer, avec M. Burat à quoi se réduisent les sillons où coulent les ruisseaux qui circulent sur les plateaux trachytiques et basaltiques, avant de tomber en cascades dans les vallées.

Les témoins trachytiques, en forme de murailles longues et étroites, qui ferment quelques unes des vallées du Cantal, prouvent même que les phénomènes auxquels ce massif doit sa forme générale l’ont laissé dans un état très peu différent de son état actuel, et que, sauf le déblaiement des parties fendillées, éboulées et presque démolies, les agens de dégradation actuels n’y ont produit que des résultats très peu sensibles. En effet, pour qu’on pût attribuer à ces agens une action considérable sur les parties que les premiers phénomènes avaient laissées intactes, il faudrait que le façonnement des murailles dont il s’agit pût être attribué à leur seule action long-temps continuée ; or, comment pourrait-on supposer que, dans plusieurs directions différentes, l’action de ces agens qui a rencontré des obstacles si variables ait marché avec assez de concert pour arriver précisément de nos jours à produire ces arêtes minces qui semblent aujourd’hui sur le point de s’écrouler simultanément ? La similitude de ces arêtes est une preuve presque certaine qu’elles sont à peu près permanentes, et qu’elles doivent leur première origine à des causes indépendantes de la marche du temps.

D’autres circonstances concourent encore à rendre évident que les flancs escarpés de ces murailles sont réellement, depuis le commencement de la période actuelle, dans un état très sensiblement stationnaire. Ils sont exactement dans la même situation que les autres escarpements des vallées du Cantal ; or, le fait que la cascade des Vaulmiers, dans la vallée de Falgoux, tombe à peu près à fleur de l’escarpement général de la vallée, prouve, d’après des considérations que j’ai indiquées dans un autre mémoire (Faits pour servir à l’histoire des montagnes de l’Oisans, Annales des Mines, 3e série, t. V, page 38), que, depuis que le Cantal a pris sa forme générale, l’action du temps sur cet escarpement a été à peu près insensible.

Il est donc évident que c’est ailleurs que dans les agens extérieurs de dégradation qu’il faut chercher la cause première des divers escarpements que présente le Cantal, et de ceux en particulier que présentent ces murailles, dont l’existence est devenue le point de départ d’une objection contre l’hypothèse du soulèvement.

Plusieurs personnes s’étonnent avec raison de la grande étendue des parties des assises du Cantal qu’on suppose avoir été démolies dans le voisinage de son centre. Les restrictions que les considérations qui précèdent obligent à assigner au rôle qu’il est permis d’attribuer aux simples agens de dénudation ne peuvent qu’ajouter encore aux motifs de cet étonnement ; mais je répondrai, comme nous l’avons déjà fait dans notre premier mémoire, que la démolition dont il s’agit est bien plus difficile à concevoir dans l’hypothèse d’un cône d’éruption simplement dégradé par des agens extérieurs, que dans celle d’un soulèvement qui aurait occasionné un crevassement considérable, un fendillement très étendu et un ébranlement général ; et j’ajouterai que la difficulté dont il s’agit s’étend à des montagnes d’une nature toute différente. Les petits lambeaux de terrain crétacé restés dans les Pyrénées sur les sommets des pics de Baletous, de Lestibet et d’Anie y sont autant de témoins de l’ancienne continuité, sur l’emplacement de l’axe actuel de la chaîne des assises de ce terrain, qui se trouve aujourd’hui réduit à deux bandes appliquées sur les bases de ses deux flancs[5]. Pour reculer de part et d’autre de cette manière, le terrain crétacé a dû subir une démolition infiniment plus considérable que celle qu’on est conduit à admettre dans le Cantal, démolition qui n’est pas moins étonnante, qui présente plus en grand le même problème, et qui est cependant incontestable. Je pourrais citer aussi plus près de nous les dénudations du pays de Bray et des Wealds du S.-E. de l’Angleterre. Des exemples de ce genre se présentent partout, et l’énigme y existe tout aussi bien qu’au Cantal.

Cette énigme est donc absolument indépendante de la nature de roches qui la font naître au Cantal et des rapports que leur composition minéralogique présente avec celles qui composent les véritables cônes d’éruption. Quel que soit le mot de cette énigme, quelle que soit la combinaison d’efforts qui a fait disparaître les déblais dont on n’observe plus que l’ancien emplacement resté vide, il est certain que l’habitude de n’étudier dans les montagnes que la nature minéralogique des roches qui les constituent, et de considérer isolément les montagnes de telle ou telle composition, pourrait seule faire regarder l’origine des vallées du Cantal et des escarpements qui les bordent comme présentant un problème spécial. Pour un observateur attentif aux grands traits des phénomènes géologiques, rien ne distingue les escarpements qui forment le caractère du paysage des groupes montagneux qui dominent le plateau de l’Auvergne de ceux qui forment le caractère des paysages alpins. Les escarpemens à fleur desquels tombent les cascades de Quereilh, de la Dore, de la Dogne, de Mandailles, des Maronies, des Vaulmiers, ne diffèrent que par la nature minéralogique dm roches qui les composent, de ceux à fleur desquels bondissent les eaux du Staubach, de la Pisse-Vache, de la cascade de Gavarnie. Partout où ces formes alpines se présentent, elles attestent avec une égale évidence l’intervention de ces forces prodigieuse, qui, en faisant éclater l’écorce terrestre, ont donné naissance aux chaînes de montagnes. Nos longues et étroites murailles de trachyte, qui souvent se découpent en obélisques, sont une forme alpine des plus prononcées, placée au centre du Cantal comme un jalon naturel, destiné à nous rendre plus sensibles les affinités de sa forme.

Elles y occupent une place exactement correspondante à celle qu’occupent dans les montagnes de l’Oisans ces murailles et ces obélisques de granite, dans lesquels se divise la crête circulaire qui entoure la Bérarde. Elles rappellent également ces murailles et ces obélisques calcaires, composés d’assises horizontales, qui sont souvent restés debout sur la partie culminante d’un groupe de couches replié autour d’un axe horizontal, phénomène dont il existe tant d’exemples dans les Alpes calcaires du Dauphiné, de la Savoie et de la Suisse.

Peu de géologues sans doute se refuseraient aujourd’hui d’attribuer la cause première de l’isolement dans lequel sont restées les murailles granitiques et calcaires dont je viens de parler aux ruptures qui ont accompagné le soulèvement des Alpes : rien n’empêche d’attribuer une origine analogue à nos murailles trachytiques ; tout conduit même à l’admettre.

Il serait facile en effet d’établir, comme un fait au moins très probable, l’existence au Cantal d’une ligne de dislocation semi-circulaire, qui, prenant naissance derrière le Puy-Chavaroche, passant par la masse phonolithique du haut de la vallée du Falgoux, courant ensuite derrière le Puy-Marie, la montagne de Peyrarte et celle de Bataillouse, traversant la vallée de l’Alagnon, près du lambeau tertiaire de la Vissiére dont on a cité l’inclinaison au rebours de la pente générale, et se prolongeant derrière le plomb du Cantal, va se terminer derrière le Puy-Gros, et de montrer que c’est à cette ligne de dislocations que se sont arrêtés les vallées du Falgoux, d’Apschon et de Dienne. D’après les observations de M. des Genevez, la ligne dont je viens de parler joue souvent, par rapport aux assises du Cantal, le rôle d’une ligne anticlinale semi-circulaire, ce qui place nos murailles trachytiques dans une position exactement comparable à celle des murailles granitiques et calcaires auxquelles je les ai comparées.

Ainsi on voit que l’hypothèse du soulèvement du Cantal, bien loin de se trouver en opposition avec la disposition des traces de déchirement qu’il présente, renferme des élémens propres à expliquer, au moins par comparaison, les points de sa structure semblant, au premier abord, les plus singuliers, et qui sont les moins susceptibles d’être expliqués par les dégradations que de simples agens extérieurs auraient fait subir à un cône d’éruption.

L’objection fondamentale de la non-prolongation de quelques vallées de fracture jusqu’au centre du massif soulevé, a été accompagnée d’une série d’objections de détail basées sur les diverses irrégularités que présente la structure du Cantal. On a cité comme donnant lieu à autant d’objections, divers points où la surface des assises volcaniques et tertiaires, au lieu de plonger directement vers l’extérieur, plonge dans des directions obliques ou même vers le centre du système ; il me semble cependant que nous avions fait d’avance une part suffisamment large à toutes ces irrégularités partielles en disant que l’hypothèse d’un soulèvement régulièrement conique ne pouvait être qu’une approximation. L’existence de toutes ces irrégularités est même implicitement comprise dans l’hypothèse du soulèvement, puisqu’il est évident que l’inégalité de résistance, tant de la masse volcanique superficielle que de la base qui la supporte, tend à modifier la tendance que le phénomène doit avoir eue en lui-même à imprimer au massif soulevé et à la surface de ses diverses assises la forme d’un sol de révolution.

Il est d’ailleurs aisé de voir que des faits particuliers de ce genre auraient dû se présenter, même dans l’hypothèse d’un soulèvement régulièrement conique. Les surfaces primitives des assises des conglomérats trachytiques et basaltiques n’ont pu manquer, d’après leur mode d’entassement, de présenter quelquefois des irrégularités considérables ; et comme la pente moyenne des assises du Cantal n’est, aujourd’hui, que de 4 à 5°, il suffit que les surfaces primitives de ces assises se soient écartées de quelques degrés de l’horizontale, pour qu’elles présentent aujourd’hui, dans les points correspondans, des pentes sensiblement différentes de la pente générale, quelquefois des pentes beaucoup plus grandes, d’autres fois des pentes inverses, et, dans certains cas très particuliers, une horizontalité complète.

Ces dernières considérations suffiraient, à elles seules, pour montrer que ce ne sont que les résultats les plus généraux des phénomènes de soulèvement qu’on peut espérer de trouver soumis à quelques règles fixes.

Ce ne serait donc pas en montrant que la simplicité d’un énoncé général dans lequel on réduit le phénomène à sa plus simple expression se trouve débordée par la complication des détails qu’on pourrait prouver que la supposition du soulèvement est inadmissible ; mais en signalant dans les traits de l’ensemble quelque circonstance générale et simple qui viendrait la contrarier, et c’est à quoi on n’a pas réussi.

La rupture de l’écorce terrestre pourrait avoir été un phénomène très compliqué, sans qu’il cessât d’être utile de donner une image simple de ses traits généraux, d’exprimer par le calcul la partie la plus simple et la plus importante du résultat total, et de montrer, comme nous nous sommes attachés à le faire, que dans le Cantal et dans les mieux connus des autres massifs analogues, qu’on a proposé de considérer comme des cratères de soulèvement, il y a un parallélisme satisfaisant entre la marche des résultats d’un calcul approximatif et celle des parties du phénomène avec lesquelles ils sont en rapport.

Ces calculs et les énoncés approximatifs dont ils sont la traduction ne sont que des moyens de parvenir à résoudre une question unique et absolue, celle de savoir si l’écorce terrestre a été crevée ou si elle ne l’a pas été. Depuis que la question des cratères de soulèvement a été remise sur le tapis, on a parlé plus d’une fois de concessions mutuelles, de moyens de s’entendre, d’accommodements ; mais il n’y a pas ici d’accommodements possibles. Un cratère de soulèvement ne peut exister que comme résultat de fracture ; une fracture dans un corps solide ne peut exister à moitié ; la question des cratères de soulèvement ne peut être résolue que par Oui ou par Non. Il n’était pas nécessaire pour servir utilement à la solution d’une question aussi tranchée, que nos calculs fussent poussés au point de représenter tous les détails possibles du phénomène.

Ce serait même méconnaître entièrement le caractère de la question des cratères de soulèvement. et la nature des difficultés qu’elle peut encore présenter que de la compliquer par la considération des irrégularités de détail qui peuvent exister dans le massif soulevé. Ce que le Cantal et les autres cratères de soulèvement offrent de réellement problématique, ce ne sont pas ces irrégularités de détail, c’est bien plutôt la petitesse des dérangemens que présentent leurs assises comparées a l’état de bouleversement des couches qui sont soulevées sur les flancs des chaînes de montagnes.

Ce qui caractérise principalement les cratères de soulèvement, c’est que sur leurs pentes extérieures les élémens de la surface primitive sont simplement désunis et inclinés sans être tourmentés et repliés. Ce fait réduit à une forme très simple la condition géométrique à laquelle ces élémens doivent satisfaire. Il est nécessaire, et il suffit, pour que le soulèvement ne soit pas contredit par les faits observés, que les crevasses qui séparent ces élémens dans leur position actuelle, soient telles et distribuées de telle manière, que si on commençait par enlever les matières d’éruption ou d’éboulement qui peuvent en avoir rempli quelques unes, elles permettent de concevoir la surface actuelle rabattue à peu près exactement dans le plan de la base de la surface soulevée, sans que dans aucun point plusieurs masses soient venues se présenter pour occuper le même point. Or il résulte bien évidemment des calculs auxquels nous nous sommes livrés dans notre premier mémoire, que dans le Cantal et dans tous les cratères de soulèvement sur lesquels on possède des données exactes, on peut admettre l’existence de plus de crevasses, soit ouvertes, soit remplies de matières adventives, qu’il n’en faudrait à la rigueur pour permettre de concevoir le rabattement dont je viens de parler.

Mais cette disposition si simple que présentent les élémens de la surface plane primitive, en même temps qu’elle rend facile le contrôle des observations, peut servir de point de départ à des problèmes importans ; ainsi que nous l’avons déjà indiqué dans notre premier mémoire, il reste là une question d’écrasements traiter par les principes de la mécanique. Il reste à déduire de la forme que la surface a reçue la quantité et le mode de distribution de l’écrasement intérieur, dont les dérangemens de cette surface donnent la preuve.

Cette question présentera peut-être d’assez grandes difficultés analytiques, et tant que ces difficultés n’auront pas été levées, on pourrait craindre au premier abord qu’elle ne conduisit à quelque résultat absurde. Mais on ne doit pas oublier que le résultat d’un calcul quelconque sur cette matière ne sera jamais que le développement d’une hypothèse sur la structure et la composition de la base de l’écorce terrestre. Or personne ne peut se flatter de posséder des notions assez exactes sur les parties de l’écorce terrestre inaccessibles à nos regards pour en déduire à priori l’absurdité du résultat d’observations faites sur les parties exposées au grand jour. Ce sont au contraire ces observations et les déductions auxquelles elles conduisent qui peuvent nous fournir des données sur les fondemens de l’écorce terrestre.

Ainsi que M. Boblaye l’a fait remarquer, la production d’un cratère de soulèvement se conçoit plus aisément dans les parties de l’écorce terrestre dont la base, criblée par une multitude d’éruptions antérieures et pour ainsi dire vermoulue, pouvait permettre à la pression soulevante de venir s’exercer directement sur des points peu éloignés de la surface. Prise pour base d’un calcul exact et complet, sous le rapport de ce qui s’est passé dans la profondeur, l’existence des cratères de soulèvement pourrait bien finir par prouver qu’il y a eu dans l’écorce terrestre de points faibles susceptibles d’un mode d’écrasement qui ne se produirait que difficilement en un point quelconque, et ce résultat n’aurait rien en lui-même que de rationnel ; mais un calcul approfondi, d’un ordre élevé et peut-être difficile, est nécessaire pour résoudre la question même dans ce sens.

On doit remarquer, en outre, que, ramenée à des difficultés de géométrie et de mécanique, sur ce qui a dû se passer dans l’intérieur de l’écorce terrestre, la question des cratères de soulèvement ne pourrait être résolue négativement que d’une manière générale et absolue, et qu’un seul cas bien constaté d’un phénomène de ce genre suffit pour prouver que la nature sait échapper aux difficultés qu’on pourrait concevoir à priori. Or, ainsi que je l’ai déjà rappelé plus haut, la théorie des cratères de soulèvement n’est que l’application à des contrées antérieurement volcanisées de la théorie des vallées d’élévation. Les difficultés géométriques dont les cratères de soulèvement pourraient être l’objet, celles même qui seraient basées sur la simplicité de disposition du assises soulevées circulairement, opposée à la complication des reploiemens qu’ont éprouvés les couches des chaînes de montagnes alongées, s’appliqueraient aux vallées d’élévations qui présentent non seulement une disposition circulaire semblable, mais aussi, dans beaucoup de cas, une simplicité de formes aussi grande. Pour que les difficultés théoriques qu’on pourrait être tenté d’élever contre l’hypothèse des cratères de soulèvement prissent un caractère sérieux, il faudrait qu’elles pussent être opposées non seulement aux argumens par lesquels j’ai essayé de montrer que les cônes revêtus de basalte sont nécessairement des cônes de soulèvement, mais encore aux argumens d’un genre entièrement distinct, qui prouvent que dans des montagnes d’une nature toute différente les forces soulevantes ont donné naissance des formes tout-à-fait semblables. Ce ne sont pas seulement des montagnes à flancs basaltiques et trachytiques, qui présentent une forme conique et cratériforme, sans qu’on puisse l’expliquer par l’effet des seules éruptions et de la dénudation ; la masse granitique du Mont-Blanc, la masse trachytique de l’Elbruz, s’élèvent chacune dans une enceinte plus ou moins régulièrement circulaire ou elliptique, formée par d’énormes assises sédimentaires qui se relèvent de toutes parts vers la pyramide centrale, et lui présentent leur tranche escarpée. D’autres groupes, moins larges et moins élevés, présentent une disposition semblable avec ou sans pyramide au milieu, comme le cirque de la Bérarde dans l’Oisans, le cirque de Gavarnie dans les Pyrénées, le cirque de Morey et le creux du Vent dans le Jura, le cirque de Sombernon dans la Côte-d’or, les vallées circulaires des plaines crayeuses du Dorsetshire et du Hampshire.

Mais tout en admettant l’hypothèse du soulèvement pour les montagnes calcaires et arénacées, beaucoup, de géologues se souviennent encore de la répugnance qu’ils lui ont si long-temps opposée. On n’attache tant d’importance à combattre la théorie des cratères de soulèvement que parce que les cônes formés de matières d’éruption sont aujourd’hui les seuls points de la surface du globe où les adversaires du soulèvement trouvent encore à se réfugier. Il n’est pas étonnant qu’ils y défendent le terrain pied à pied, car une fois qu’ils auront abandonné ce dernier retranchement, les phénomènes mécaniques auront acquis définitivement un des rôles principaux dans la géologie. Je crois même pouvoir faire remarquer que si le présent mémoire ramène au même point les questions relatives aux phénomènes de fracture dont les roches de sédiment et d’éruption présentent également l’empreinte, ce n’est qu’en faisant intervenir la considération des traces laissées par un phénomène mécanique particulier, celui que présente une masse visqueuse qui se refroidit en coulant ; traces qui sont pour l’étude des masses produites par éruption ce que les traces de l’horizontalité initiale des dépôts de sédiment sont pour l’étude des masses calcaires et arénacées. L’examen des caractères minéralogiques des échantillons de roches est insuffisant pour résoudre des questions de ce genre.

Indépendamment des objections plus ou moins sérieuses que je viens de discuter, on a cherché à faire valoir quelques autres considérations auxquelles leurs auteurs eux-mêmes n’attachent pas sans doute une bien grande importance.

Ainsi on a allégué la direction à peu près horizontale de la tranche des couches de calcaire d’eau douce qui se montrent dans de petits escarpements près de Thiesac ; je connais moi-même ces escarpements, ils sont très peu étendus, et je doute fort qu’on puisse y constater positivement si le calcaire est horizontal ou s’il plonge de quelques degrés en avant ou en arrière, circonstance qui du reste ne sera importante à examiner que lorsqu’on descendra à la discussion des irrégularités locales du soulèvement.

On a de plus allégué qu’au-dessus de ce calcaire supposé horizontal on voit du basalte incliné. L’objection serait spécieuse si le basalte se trouvait verticalement au-dessus du calcaire ; mais ce basalte, quoique situé à un niveau supérieur à celui du calcaire, s’en trouve à une assez grande distance horizontale, et dès lors l’objection s’évanouit.

M. Constant Prévost s’est attaché à prouver que l’intercalation de lambeaux de calcaire d’eau douce dans le tuf trachytique de la vallée de Vic ne prouve rien relativement aux soulèvemens postérieurs à l’éruption des basaltes. Si M. Prévost avait lu notre mémoire avec attention, il aurait vu que nous ne citons (p. 59, Annales des Mines, 3e série, tom. 111, p. 587) le fait de cette intercalation que pour faire voir que, loin du centre actuel du Cantal, le terrain tertiaire a été disloqué par l’arrivée au jour des trachytes et de leurs tufs (ce qui concourt à démontrer la nature sporadique des éruptions trachytiques) et pour montrer combien sont légères et trompeuses les ressemblances accidentelles que présentent ces tufs avec ceux qui se forment de nos jours sur les flancs des volcans en éruption. On aurait cependant pu croire que M. Prévost avait compris la portée de notre argument lorsqu’il a mis tant d’importance à combattre les observations par lesquelles MM. Dufrénoy, Murchison et Lyell, ont établi le fait de cette intercalation, que je persiste, d’après mes propres observations, à regarder comme incontestable.

Enfin on a dit que les dépôts d’eau douce du bassin d’Aurillac sont demeurés dans leur position horizontale primitive ; cette assertion prouve seulement que les personnes qui ont entrepris en 1833 l’examen du Cantal n’y ont pas porté de baromètres. Si elles y en eussent porté, si seulement elles fussent montées sur les collines de roches primitives qui bordent le bassin vers le sud, elles. auraient vu tout le sol de ce bassin présenter, du midi au nord, un relèvement faible, mais uniforme, que l’œil seul distingue, et que le baromètre vérifie. J’ai constaté qu’entre les collines de calcaire d’eau douce au nord d’Aurillac, et la surface du bassin d’eau douce près de Bex, il y a une différence de niveau de plus de cent mètres, sans compter qu’au nord d’Aurillac le calcaire d’eau douce, plus élevé et plus voisin du foyer volcanique, a été détruit par le temps sur une plus grande épaisseur.

Que serait-ce si on comparaît le fond du bassin d’eau douce à Aurillac avec le calcaire de Thiesac, dont il paraît que les phénomènes volcaniques n’ont laissé subsister que les parties les plus basses, immédiatement appliquées sur le gneiss ? On allègue qu’il y avait plusieurs bassins d’eau douce, et on se fonde sur ce qu’on voit pointer le gneiss sur les bords du ruisseau près du pont de Thiesac, comme s’il n’était pas tout simple qu’un ruisseau qui coupe d’abord le calcaire d’eau douce, vienne, un peu plus bas, se jeter dans les roches primitives.dont la surface raboteuse sert de support à ce calcaire.

Mais je n’insiste pas sur le fait du relèvement général que présente le terrain tertiaire, quelque évidente que soit sa liaison avec le soulèvement du Cantal, vers le centre duquel le relèvement se dirige. Ce relèvemens n’est en effet qu’un cas particulier d’un fait beaucoup plus général que j’ai déjà mentionné ailleurs, et sur lequel je compte revenir ; je veux parler du relèvement général de toutes les assises tertiaires et d’alluvions anciennes, vers une ligne de faîte qui traverse la France dans le prolongement de la ligne de soulèvement de la chaîne principale des Alpes. Toutefois sans chercher, quant à présent, à rattacher plus complètement que je ne l’ai fait dans un autre travail[6] le soulèvement du Cantal, du Mont Dore et du Mezenc, au grand phénomène dont il a fait partie, je ne dois pas omettre de remarquer une circonstance importante du gisement géographiques de ces trois groupes de montagnes.

Nos trois massifs soulevés sont placés à très peu près par rapport à l’extrémité occidentale de la chaîne principale des Alpes, canne les îles soulevées des Canaries, par rapport à l’extrémité occidentale de la chaîne principale de l’Atlas, comme Santorin, par rapport à l’extrémité occidentale de la chaîne du Taurus, et même jusqu’à un certain point comme l’Etna, par rapport à l’extrémité orientale de l’Atlas, dont la chaîne principale de la Sicile peut être considérée comme un rameau.

D’autres rapprochemens, qu’il serait trop long d’indiquer ici, complèteraient la similitude de position de ces différens points.

Il est assez naturel que d’anciens massifs volcaniques placés d’une manière aussi analogue, aient cédé d’une manière à peu près semblable à l’action des forces soulevantes, tandis que d’autres massifs volcaniques anciens placés d’une autre manière, comme cana du nord d’Irlande, du nord de l’Allemagne, de la Hongrie, leur ont résisté.

Sans attacher ace rapprochement une importance qui ne pourrait résulter que de développemens qui me sont interdits par les bornes déjà trop étendues de ce mémoire, je ferai remarquer qu’il se trouve en harmonie avec les analogies que différens observateurs ont depuis long-temps signalées entre les anciennes déjections qui forment la base de l’Etna, et les produits des éruptions volcaniques anciennes de diverses contrées.

Ces analogies ne se réduisent pas à de simples rapports minéralogiques ; on a indiqué aussi de grandes analogies de forme entre le Cantal et les masses qui servent de base au cône moderne de l’Etna, telles que celles qui entourent le Val del Bove.

Or ces analogies qu’on a signalées comme présentant une objection contre le soulèvement du Cantal, tendraient au contraire à prouver que l’accumulation d’anciennes matières volcaniques sur laquelle repose l’Etna aurait elle-même été soulevée avant les éruptions modernes, et conduisent assimiler le Val-del-Bove, sinon aux cratères de soulèvement, du moins aux Cratères-Lacs.

M. Lyell, après avoir établi, t. III, p. 87 de ses principles of geology, que le Val-del-Bove ne peut être considéré comme le reste d’un cratère d’éruption, et avoir discuté les probabilités qui lui paraissent militer, soit en faveur de l’hypothèse qui attribuerait à un éboulement la formation de cette même cavité, soit en faveur de celle qui l’attribuerait à une explosion, conclut p. 96-97 en disant… « Dans l’imperfection actuelle de nos connaissances sur l’histoire des volcans, nous éprouvons quelque difficulté pour nous prononcer sur la probabilité relative de ces hypothèses ; mais si nous adoptions la théorie des explosions de bas en haut, la cavité ne constituerait pas un Cratère dans l’acception ordinaire du mot, et cependant elle cadrerait encore moins avec la notion de ce qu’on appelle Cratères de soulèvement. »

J’avoue que la dernière partie de cette conclusion me paraît voisine de la subtilité. Après avoir lu avec attention tout ce que M. Lyell dit sur l’Etna en général et sur le Val-del-Bove en particulier, je ne trouve rien qui puisse me conduire de mon côté, à pencher plutôt en faveur de l’hypothèse des explosions que de celle des enfoncemens ; mais j’y trouve encore moins de faits qu’on puisse opposer à l’idée que le morcellement éprouvé par l’ancienne accumulation de matières volcaniques dans laquelle le Val-del-Bove est entaillé, aurait été la suite d’un bombement de la masse entière de ces déjections anciennes. Rien ne prouve en effet que, dans l’origine, les assises de cette masse aient été aussi éloignées de l’horizontale qu’elles le sont aujourd’hui, et rien ne prouve par conséquent que la concentration autour d’un foyer unique des éruptions modernes de l’Etna ne remonte pas à un violent effort souterrain exercé de bas en haut dans l’emplacement de ce foyer. Or il faudrait prouver que la supposition d’un pareil effort est inadmissible pour pouvoir dire que la théorie des cratères de soulèvement ne s’applique pas à l’Etna, car c’est la trace observable d’un premier effort très violent, et non telle ou telle forme, plus ou moins régulière, imprimée à la surface qui constitue la base de la théorie des cratères de soulèvement.

Nos cratères de soulèvement de la France centrale ont eu un sort comparable à celui de Palma, oh il ne s’est produit d’éruptions modernes qu’à l’extérieur. À l’Etna, au contraire, les éruptions modernes se produisent, comme les éruptions les plus considérables de Ténériffe, vers la partie centrale de l’espace soulevé.

Cette idée d’une succession de phénomènes graduellement différens, sur le sol de l’Etna, est loin d’être nouvelle. M. Fleuriau de Bellevue, à qui la géologie est redevable de recherches et d’aperçus si ingénieux, a exprimé depuis long-temps et même avant l’abbé Ferrara l’opinion, que la partie de la Sicile où s’élève aujourd’hui l’Etna a été auparavant le théâtre de phénomènes d’une nature volcanique, mais d’une plus grande dimension que ceux qui s’y passent de nos jours. On se trouve seulement conduit aujourd’hui à établir des distinctions plus tranchées entre les différens phénomènes successifs, et à séparer plus nettement les phénomènes de fracture des phénomènes de déjection.

L’idée à laquelle je me trouve conduit sur la succession des phénomènes, dont la forme actuelle de l’Etna a été le produit, est presque identique avec le résultat des observations que M. Jackson a faites en Sicile en 1832, et qu’il a bien voulu me communiquer pendant le séjour qu’il a fait ensuite à Paris, avant de retourner en Amérique.

Mais je dois laisser aux différens observateurs qui ont visité l’Etna le soin de débattre et de résoudre les nombreuses et importantes questions auxquelles sa structure peut encore donner lieu. Il me suffit d’avoir écarté les difficultés qui avaient été opposées à l’hypothèse du soulèvement du Cantal, en faisant voir que les rapprochemens qu’on a essayé d’établir entre les revêtements superficiels du Cantal et de l’Etna, loin d’en montrer la similitude, en font mieux ressortir la différence, et donnent de nouveaux motifs pour chercher, dans un phénomène de soulèvement, la cause de la forme conique du Cantal ; et d’avoir prouvé en même temps que l’épaisseur des matières volcaniques au centre du Cantal, et la non-continuité de ses fractures méridiennes, au lieu de pouvoir être objectées comme des circonstances improbables ou impossibles, fournissent au contraire une vérification de conséquences implicitement comprises dans l’hypothèse d’une série d’éruptions trachytiques et basaltiques, suivies d’un violent effort exercé de bas en haut.

Qu’une suite d’éruptions vienne à se faire jour au centre du Cantal, que leurs déjections remplissent la grande cavité centrale, que la cime de leur cône s’élève par degrés a quelques centaines de mètres au-dessus de la cime actuelle du plomb, que les coulées s’étendent dans les vallées divergentes et sur les plateaux basaltiques, on aura alors un véritable Etna au milieu de l’Auvergne ; mais jusqu’ici je n’y vois encore que son piédestal.

(Le mémoire de M. Fournet, dont il a été question dans le commencement de cet article, p. M6, vient de paraître dans les Annales des mines, 3e série, tom. V, 2e livraison, 1833.)

Après la lecture de ce Mémoire, M. C. Prévost dit que, craignant de n’avoir pas suffisamment compris la portée de tous les faits et de tous les raisonnemens, au moyen desquels l’auteur essaie de détruire les diverses objections qui ont été proposées contre l’hypothèse du soulèvement du Cantal, du Mont-Dore et du Mezenc, après l’épanchement des Basaltes de ces contrées sur un plan sensiblement horizontal ; il attendra pour répondre à la dissertation, qui vient à juste titre de fixer l’attention de la Société, que cette dissertation lui soit mieux connue.

Jusque là il s’en réfère aux diverses notes qu’il a précédemment insérées dans le bulletin, relativement à la question controversée ; et comme il est juste que personne n’accepte la solidarité de toutes les objections que M. Élie de Beaumont a cru devoir confondre dans sa réfutation, quelque opposées que soient d’ailleurs les opinions des auteurs qui les ont faites, M. C. Prévost, pour bien préciser ce qui le concerne, indique dans le tome 4 du Bulletin les pages ─ 8, 19, 33, 39, 44,45, 46, 48, 50, 117, 119, 120, 124, afin de mettre à même les membres de la Société, de faire la part de chacun, et de porter leur jugement avec connaissance de cause.

Quelle que soit au surplus l’issue de cette discussion scientifique, elle aura rempli l’un des buts que se propose d’atteindre la Société géologique, en provoquant un grand nombre d’observations qui contribueront aux progrès de la science.

La considération relative à la distinction des circonstances particulières qui ont pu permettre aux matières minérales fondues de s’étendre en grandes nappes, à texture compacte et homogène, est d’un très grand intérêt, et sur ce point M. C. Prévost est presque entièrement d’accord avec M. E. de Beaumont ; il rappelle que dans son Rapport sur l’île Julia il a lui-même cherché à expliquer la disposition des coulées en grandes nappes dans les volcans, soit par la petite quantité de gaz dégagés avec la lave, soit par la grande dimension en un sens, des bouches d’émission, soit enfin par l’absence d’un cône de scories autour de ces bouches, dernière circonstance qui peut résulter des deux premières, ou bien être due à la présence et aux mouvemens des eaux dans les volcans submergés ; aussi, avant d’avoir revu l’Auvergne, M. C. Prévost avait-il été disposé à croire que ses basaltes avaient été déposés sous les eaux.

Avec M. E. de Beaumont, M. C. Prévost pense que le repos, avant sa consolidation par le refroidissement, de la matière incandescente et fluide, est une condition principale pour que cette matière se dispose en grandes tables homogènes, et l’épanchement sur un sol peu incliné est sans doute l’une des principales conditions qui puissent produire ce résultat, mais les laves arrêtées dans les cheminées et fentes d’épanchement, ou dans les anfractuosités du sol déclive, ou bien même derrière des obstacles ou digues qu’elles rencontrent sur les pentes, peuvent aussi revêtir les caractères basaltiques ; il est vrai que le premier cas est la règle, et que les autres sont des exceptions ; mais si l’on venait à démontrer, après avoir admis la distinction proposée par M. de Buch entre les laves et les basaltes, que presque tous les basaltes de l’Auvergne, qui présentent des nappes continues prismatisées, homogènes sur une grande étendue, sont justement les dépôts qui entourent le pied des cônes trachytiques, tandis que les mêmes roches basaltiques sont beaucoup plus rares et plus circonscrites sur les flancs de ces cônes, on se servirait avec avantage de cette distinction judicieuse pour appuyer l’opinion que le Mont Dore, le Cantal et le Mezenc étaient déjà de puissans cônes d’éruption, lorsque les matières qui ont produit les basaltes se sont épanchées de leurs flancs par de nombreuses ouvertures ; M. C.Prévost a déjà dit qu’il n’a pu se convaincre que, sous les grandes pelouses des pâturages de l’Auvergne, il existe, ainsi qu’on le répète sans en être certain, des nappes basaltiques continues, et il a de fortes présomptions pour admettre le contraire, comme il espère le démontrer plus tard.

Si les questions scientifiques pouvaient être décidées par le nombre et l’autorité des noms des observateurs, ne pourrait-on pas opposer aux géologues, que dans le commencement de son Mémoire M. E. de Beaumont désigne comme étant associés à ses efforts pour appliquer au Cantal les idées théoriques de M. L. de Buch, les savans dont l’opinion est contraire à l’hypothèse des cratères de soulèvement, en faisant remarquer que parmi ces derniers, MM. Cordier, Virlet, Poulett-Scrope, Lyell, F. Hoffmann, Bory de Saint-Vincent ont visité les volcans en activité et fait une étude particulière des phénomènes volcaniques qui ont servi de bEase à la théorie ?

M. de Beaumont explique ensuite comment il entend le dépôt horizontal du basalte en nappes successives et de plus ou moins d’étendue, formées à l’aide de dykes dans des cavités préexistantes du sol, et comment, malgré la dislocation du calcaire d’eau douce d’Aurillac, le cratère de soulèvement du Cantal a pu se former postérieurement. Son opinion se trouve appuyée par des observations de M. Fournet, qui a reconnu à la base du Mont Dore, et à l’aide du baromètre, une dépression très sensible.

M. Fournet ajoute que cette dépression existe entre les deux chaînes parallèles des Puys de Dôme et celle des Puys de Pont-Gibaud, et qu’elle s’est fait sentir dans une autre chaîne dirigée de l’E. À l’O., qui est venue couper les deux premières.


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M. le trésorier présente le budget pour l’année 1834, tel

qu’il a été adopté par le conseil : la Société confirme cette adoption.

BUDGET


adopté par la société géologique de France pour 1834.


RECETTE.


NATURE DES RECETTES. Budget
de
1833
Somme
admises
pour 1834
F. c. F. c.
Art. 1er. Reliquat de l’année précédente 1,438 20 846 25
Art. 2. Arriéré de 1830 Droits d’entrée 100 » 20
Cotisations annuelles 75 » » 20
Art. 3. Arriéré de 1831 Droits d’entrée 40 » 20 »
Cotisations annuelles 540 » 262 »
Art. 4. Arriéré de 1832 Droits d’entrée 60 » 40 »
Cotisations annuelles 2,035 » 775 »
Art. 5. Année de 1833 Droits d’entrée 800 » 1,040 »
Cotisations annuelles 6,360 » 3,540 »
Art. 6. Année de 1834 Droits d’entrée » » 1,200 »
Cotisations annuelles » » 10,800 »
Art. 7 Vente des premiers volumes du bulletin 320 » 600 »
Art. 8 Vente aux membres de la Société des volumes de Mémoires » » 1,000 »
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Totaux 11,768 20 20,143 25
DÉPENSES.


NATURE DES DÉPENSES. budget
de
1833
Somme
admises
pour 1834
Art. 1er. Impressions divers et lithographies 200 » 300 »
Art. 2. Impressions du Bulletin 2,000 » 3,500 »
Art. 3. Port du Bulletin à raison de 6 fr. à l’étranger, et de 3 fr. pour les départ. » » 1,000 »
Art. 4. Mobilier 250 » 250 »
Art. 5. Ports de lettres et affranchissements 300 » 400 »
Art. 6. Agent de la société 1,000 » 1,200 »
Art. 7. Loyer et impositions 1,000 » 1,100 »
Art. 8. Chauffage et éclairage 260 » 250 »
Art. 9. Dépenses diverses, dont 200 f. de gages pour le garçon de bureau 300 » 400 »
Art. 10. Bibliothèque, achat de livres, reliures et port des ouvrages envoyés à la Société 2,000 » 1,500 »
Art. 11. Collection et port des envois faits à la Société 200 » 800 »
Art. 12. Remise fait par la Société sur le prix des mémoires vendus à se membres 600 » 400 »
Art. 13. Prélèvement d’une somme de 1500 francs sur le recette, qui devra être placé en nom et pour le compte de la Société, à l’effet de produire des intérêts, et qui provient des cotisations une fois payées » 1,500 »
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Totaux 8,100 » 12,150 »


RÉSULTAT.
La Recette présumée étant de 20,143 25
La dépense autorisée étant de 12,150 »
─────────
L’excédant de la recette serait de 7,993 25

Proposé et déposé au conseil, par le Trésorier soussigné, le 10 février 1834.

Camille GAILLARD.

Approuvé par la Société le 17 février 1834.

Attendu le nombre des Mémoires inscrits pour la lecture, la Société décide qu’il y aura une séance supplémentaire le lundi 24 février.



  1. Ce Mémoire sera imprimé séparément avec plusieurs notes qui auraient pris trop de place dans le Bulletin.
  2. En réimprimant ce Mémoire séparément, on y joindra, outre plusieurs notes, des copies de quelques unes des vues du capitaine Smyth.
  3. Un excellent observateur, M. le comte de Montlosier, a été frappé il y a déjà bien des années de ce fait, que le basalte de Prudelle présente, dans sa manière d’être comparée a celle des autres basaltes des environs de Clermont, une circonstance exceptionnelle ; Voici comment il s’exprime à ce sujet dans son ouvrage sur les volcans de l’Auvergne. « Cette montagne, qui forme une arête longue et étroite du couchant à l’orient, devient fort intéressante dans la partie de la grande route qui la traverse et où commence ce qu’on appelle le Grand-Tournant. La lave ne repose là que sur un granite friable, et encore se trouve-t-il entre deux une couche de détritus volcaniques scorifiés ; ce qui fait qu’à cet endroit le rocher de lave, dont une partie a dévalé dans la gorge, s’est affaissé considérablement. La montagne commence à prendre un col, et il ne s’en faut plus que de quelques pieds pour que la montagne. qui tient encore au continent supérieur, ne fasse plus qu’une masse isolée et détachée. »
  4. Remarks on the mineralogy and geology of nova Scotia, par MM. T. Jackson et F. Alger, p. 59.
  5. Voyez le mémoire de M. Dufrénoy, sur le terrain de craie dans les Pyrénées. Annales des mines, 3e série, t. 1, p. 27.
  6. Voyez recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe (Annales des sciences nat., t. XIX, p. 187 et 188).