Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 18 novembre 1833


Séance du 18 novembre 1833.


Présidence de M. de Bonnard.


nouveaux membres.

M. le président proclame membres de la Société :

MM.

Noclesko, propriétaire à Bucharest ; présenté par MM. Constant Prévost et Domnando ;

Sanderson et Galeotti, naturalistes voyageurs à Bruxelles ; présentés par MM. Vander Maelen et Virlet ;

Morisse (Charles), propriétaire au Havre ; présenté par MM. Burat et Élie de Beaumont.


dons faits à la société.

La Société reçoit :

1° De la l’art de M. Geoffroy Saint-Hilaire, président de l’Académie des sciences :

Ses Considérations sur des ossemens fossiles la plupart inconnus, trouvés et observés dans les bassins de l’Auvergne. (Extrait de la Rev. encycl. Cah. de juillet 1833.) In-8°, 31 p.

2° e la part de M. Reboul : un ouvrage dont il est l’auteur, intitulé : Géologie de la période quaternaire, et Introduction à l’Histoire ancienne. In-8°, 222 p. Paris, 1833.

3° De la part de M. Boblaye : son Mémoire sur les dépôts terrestres ou epigéiques à la surface de la Morée. In-8°, 126 p. (Extrait du volume III des Nouvelles Annales des mines, 1833).

4° De la par de MM. Boblaye et Virlet : la 4e et la 5e livraisons de la Géologie de la Morée, comprenant les feuilles 14 à 26. (Expéd. scient. de Morée.)

5° De la part de M. Marcel de Serres, son Mémoire intitulé : De la Simultanéité des terrains de sédiment supérieurs, ou terrains tertiaires immergés. In-4°, 124 p. Paris, 1830. Extr. de l’Encycl. méth. (Géogr. phys.)

6° De la part de M. Grateloup : sa Notice géognostique sur les roches de Tercis, aux environs de Dax. In-8°, 20 p. Bordeaux, 1833.

L’Institut, n° 26 et 27.

The Athenœum, n° 314.

The Magazine of natural history, de M. Loudon, n° 34.

10° De la part de M. Voltz : un moule d’une plaque frontale de Saurien, du grès bigarré de Soultz-les-Bains.

11° De la part de M. de la Pylaie : 81 échantillons de roches des environs de Rennes.

12° De la part de M. Boué : les Autographes des personnes dont les noms suivent : Fr. Brandes de Gleiwitz ; Gueymard, ingénieur en chef des mines à Grenoble ; Albin Heinrich, professeur à Teschen en Moravie ; Léonhard Horner, membre de la Société géologique de Londres ; L. Horner, docteur et professeur de géologie à Zurich ; Gédéon Mantell, à Lewes ; Jos. Puhringer à Hall en Tyrol ; Schmerling, docteur à Liége ; Schemnitz à Odessa ; Jean Strassyl à Ustron en Silésie ; Zipser, docteur et professeur à Neusohl en Hongrie.

15° De la part de M. Michelin :

A. Une coups manuscrite (et dressée par lui) des puits artésiens creusés à Montiers (Oise), par M. Félix Lagarde ;

B. 4 échantillons de la craie jaune des communes de Gournay sur Aronde et Méry (Oise) ; 3 échantillons d’arkose, marne coquillière du lias, et tufs modernes des environs de Pouilly en Auxois (Côte-d’or), avec une Note des mollusques reconnus dans le tuf[1] ; 5 échantillons des roches granitiques et calcaires du point de partage, entre le bassin de la Loire et celui de l’Allier, près de Saint-Just en Chevalet (Loire) ; 5 échantillons des calcaires d’eau douce des environs d’Aurillac (Cantal), contenant des lymnées, planorbes, potamides, bulimes et impressions végétales ; 5 hélices venant des calcaires d’eau douce d’Aigueperse (Puy-de-Dôme), et 8 échantillons des mêmes calcaires, contenant des friganes, cypris faba, hélices, etc. ; 1 échantillon de calcaire à cyprus faba, de Gergovia.


correspondance.


M. le baron de Meyendorff (Paris, 30 août) écrit que les questions sur lesquelles la Société géologique désirait avoir des détails authentiques, savoir : le gisement des diamans de l’Oural et l’âge des dépôts secondaires recouvrant les houillères du Donetz, ont été par lui adressées à M. le baron de Cancrin, ministre des finances de Russie.

M. de Meyendorff entre, à cet égard, dans les détails suivans :

« Le ministre des finances a ordonné de faire, au sujet de cette dernière question, les recherches les plus exactes, dont le résultat, ainsi que les échantillons des roches de Lougan, seront sans doute transmis à la Société par M. Élie de Beaumont, qui en avait préalablement demandé la communication.

« Le ministre, qui sait apprécier si bien les efforts et les succès de la Société géologique, fera communiquer à la Société, j’en ai l’assurance, tout ce qui se rapporte à la question des diamans. »

En adressant à la Société, de la part du même ministre, les quatre premiers numéros du Journal des mines de Russie, pour 1833, M. de Meyendorff en signale, comme dignes d’intérêt, les articles suivans :

« La découverte de la houille, à peu de distance de l’Oural (près de la forteresse de Miask), (n° 4, p. 116) ; le rapport sur la masse d’or obtenue en 1832, dans l’Oural (n° 4, p. 135) ; enfin, l’indication d’une pépite trouvée dans l’Altaï, et dont le poids s’élève à 6,402 kilog.

« J’ai l’espoir le plus fondé que des échanges de ce genre s’établiront de plus en plus entre le foyer le plus riche en connaissances de toute espèce, et le pays le plus riche peut-être en faits géologiques et métallurgiques. »

M. Marcel de Serres (Montpellier, 13 octobre) annonce avoir publié depuis plus de trois ans, dans un Mémoire sur la simultanéité des terrains de sédiment supérieur (Encylop. méth., Géogr. phy., tome V, 1830), des détails sur Pezenas, semblables à ceux que M. Boué a communiqués à la Société géologique dans sa séance du 17 juin.

« Seulement, dit M. Marcel de Serres, je n’ai point rapproché des dépôts du val d’Arno le terrain d’eau douce graveleux, intimement lié à Riége avec des couches volcaniques, car je n’ai pas vu la Toscane. Mais ce rapprochement est d’autant plus fondé, que dans l’une et dans l’autre des localités on découvre à peu près les mêmes espèces animales, et particulièrement l’Elephas meridionalis de Nesti. »

M. Marcel de Serres fait aussi les observations suivantes au sujet du Mémoire de M. Schmerling sur les cavernes de le province de Liége.

M. Schmerling a communiqué à la Société des détails fort intéressans sur des cavernes de la province de Liége, cavernes qui ont beaucoup de rapports avec celles de Faussan (Hérault). Ces cavernes renferment à peu près les mêmes espèces que les nôtres. M. Schmerling signale une espèce d’ours, qu’à raison de sa taille, il a nommé giganteus, et qui me paraît la même que celle que j’ai décrite sous le nom d’Ursus Pitorii, en l’honneur de mon élève, M. Pitorre, qui l’a trouvée le premier.

« J’ai signalé également dans les cavernes de Lunel-Viel une espèce de Felis à laquelle j’ai donné le nom de Ferus, et voisin du chat sauvage.

Il est une autre espèce signalée par M. Schmerling, comme analogue à l’Hippopotamus minutus de M. Cuvier ; mais cette espèce n’existe pas, et n’est autre qu’un dugong ou une espèce de cétacé herbivore. Ainsi, M. Schmerling doit s’assurer si réellement son espèce est bien réellement un hippopotame, si ses dents sont bien réellement en trèfle, et enfin, si c’est une espèce adulte que celle qu’il a trouvée.

« M. Schmerling s’étonne d’avoir découvert dans les cavernes de Liége des débris de poissons marins et de dents de squales. Dans les descriptions que j’ai données des cavernes de Lunel-Viel, j’ai déjà indiqué des débris de poissons marins, et particulièrement des dents de squales, et j’ai fait remarquer que ces débris avaient été détachés des formations préexistantes, c’est-à-dire des terrains marins bestiaires, et particulièrement des calcaires moellons qui composent ces cavernes.

« Il s’étonne également d’y avoir trouvé des coquilles terrestres ; mais dans les nombreuses observations que j’ai publiées sur les cavernes du Midi de la France, j’ai signalé ces coquilles dans presque tous les limons à ossemens. »

M. Marcel de Serres annonce avoir découvert des mammifères terrestres d’espèces perdues sur les monumens antiques, et promet d’adresser une notice sur ce sujet.

M. Boué communique deux lettres adressées, l’une par M. William Nicol, à M. Dufrenoy (Édimbourg. 12 juillet 1833), l’autre par M. Thomas Brown, à M. Boué (Edimb., 13 juillet), ayant pour but l’une et l’autre de faire connaître le véritable auteur de la méthode de couper et de polir les bois fossiles, afin d’en faire découvrir au microscope l’organisation intérieure, et par suite l’espèce. Cet auteur est M. William Nicol, et non pas M. Witham, comme l’avait annoncé par inadvertance M. Boué dans son dernier rapport sur les Progrès de la géologie en 1832. M. Nicol dit avoir fourni à M. Witham les figures des bois fossiles contenues dans son ouvrage initulé Observations on fossil vegatables (Voy. Edim. N. phil. j. janv. 1834), et M. Macgillivray se déclare le véritable auteur du texte. Si dans la première édition M. Witham rend justice à M. Nicol, dans la seconde son nom n’est cité qu’une seule fois accidentellement.

À l’appui de cette réclamation est jointe une notice insérée dans le journal philosophique d’Edimbourg (avril 1831), intitulé Observations sur des troncs fossiles de la terre de Von Diemen ; M. Nicol y expose son mode pour examiner les bois fossiles.

M. Nicol donne ensuite les détails suivans sur les nouvelles découvertes dues à ce procédé.

« Depuis 1831, dit-il, j’ai eu occasion de scier et polir, d’après ma méthode, un grand nombre d’échantillons de bois fossiles des houillères de la Nouvelle-Hollande ; je n’y ai encore reconnu que des restes de conifères. Plusieurs de ces troncs présentaient encore la texture organique plus parfaitement que tout ce que j’avais vu dans les bois fossiles de notre pays, et cette même structure était aussi bien caramélisée que celle des conifères actuellement existans. Dans la formation tertiaire d’Antigua, les bois siliceux si abondans appartiennent aux dicotylédones et monocotylédons ; mais sur près de 200 échantillons examinés, aucun ne m’a paru se rapprocher des conifères. Parmi quelques échantillons de bois vitrifiés du sol tertiaire de Java, je n’ai reconnu encore que des dicotylédones. Pourquoi les conifères n’ont-ils encore été trouvés que dans les houillères et le lias, et pourquoi les dicotylédones et les monocotylédons sont ils les seuls bois qui aient conservé leur structure dans les formations tertiaires ? »

M. Albert de Marmora (Turin, 10 novembre) annonce être sur le point d’entreprendre une excursion géologique aux îles Baléares, et devoir visiter ensuite l’île de Malte, et la Sicile. Il offre aux membres de la Société géologique ses services pour les renseignemens particuliers qu’ils pourraient désirer sur quelques unes des localités qu’il visitera.

Il demande si, parmi les artistes dessinateurs de paysages géologiques qui ont voyagé, soit en Morée, soit en Sicile avec M. C. Prévost, soit ailleurs, il ne s’en trouverait pas qui voulussent l’accompagner en Sardaigne depuis mars jusqu’à la fin de juin 1834.

M. le docteur Daubeny écrit, qu’il doit lire, ce mois-ci, à la Société royale de Londres, un mémoire sur la théorie des cratères de soulèvement, dans lequel il tâchera surtout de répondre aux objections de MM. Scrope et Lyell. Il annonce avoir continué ses recherches sur les eaux minérales, et il a trouvé en particulier que l’eau thermale de Bath laisse échapper dans une minute environ un galon d’azote ou 223 pieds cubes en vingt-quatre heures. Il demande si on a indiqué quelque part ailleurs une si grande émission d’azote.

M. Boué communique l’extrait suivant de sa correspondance avec M. Keferstein, relative à la publication que fait en ce moment celui-ci d’une Histoire universelle du globe terrestre, Naturgeschichte des Erdkorpers. Cet ouvrage est en 2 volumes, dont le 1er est consacré à la physiologie de la terre et à la géognosie, et le 2e volume à la géologie et à la paléontologie.

« Peut-être la physiologie de la terre ou l’étude de ses fonctions, écrit M. Keferstein, ne sera pas du goût de tout le monde, parce que j’y développe des idées pour ainsi dire hérétiques ; peut-être n’en sera-t-il pas ainsi dans vingt-cinq ans. La théorie d’Hutton n’a-t-elle pas aussi été long-temps méconnue ? Je ne crois pas que la chimie actuelle soit à la hauteur des connaissances requises pour la géologie.

« Ma géognosie contient des points de vue nouveaux, en particulier sur le parallélisme des formations, les remarquables altérations morphologiques des couches, la détermination de l’âge des roches non stratifiées, etc.

« Ma géologie est un exposé du développement successif de la terre ; et me fondant sur les preuves données dans ma géognosie, que notre hémisphère a été tantôt terre ferme, et tantôt un fond de mer, je crois pouvoir reconnaître dix époques de formation dans la croûte du globe. J’expose ensuite, à ma manière, le déluge, d’après des vues pyrotypes, et je ne le considère que comme une inondation partielle. Je traite, dans d’autres chapitres, des causes du déplacement des mers, des phénomènes volcaniques, résultant d’une fermentation vitale du globe, des tremblemens produits par des atmosphères souterraines, et du peu de profondeur du foyer des volcans.

« Dans ma paléontologie, les savans français trouveront, j’espère, avec plaisir, l’énumération aussi complète que possible, de tous les genres, et des espèces fossiles jusqu’ici décrites, avec l’indication de leurs figures et des ouvrages où l’on en a parlé. J’établis aussi la comparaison entre les espèces vivantes et fossiles. Voici le résumé de mon tableau des pétrifications :

« Hommes fossiles ; Mammifères, 86 genres, et 270 espèces ; Oiseaux, 19 genres ; Amphibies, 36 genres, et 120 espèces ; Poissons, 88 genres, et 287 espèces ; Insectes, 152 genres, et 247 espèces ; Malacostracées, 51 genres et 202 espèces ; Mollusques, 332 genres, et 6056 espèces, savoir : 1073 Céphalopodes, 9 Ptéropodes, 2361 Gastéropodes, 2061 Acéphalées, 507 Brachiopodes et 39 Cirrhipédes ; Annélides, 4 genres, et 102 espèces ; Echinodermes, 38 genres, et 411 espèces, Polypiers, 113 genres, et 907 espèces ; Plantes, 131 genres avec 807 espèces. La synonymie m’a offert les plus grandes difficultés. »

Plus je vois avancer les recherches paléontologiques, plus il me semble qu’on se trompe en croyant rencontrer dans les créations successives un développement gradué des organisations, ou en admettant plusieurs destructions totales et plusieurs renouvellements des créations. La plupart des genres actuels ont déjà existé aux époques les plus reculées conjointement avec d’autres qui ont disparu ; mais comment prouver que ces derniers ont été remplacés par d’autres. »

M. Geoffroy-Saint-Hilaire, à l’occasion de la découverte par lui signalée en Auvergne, de plusieurs nouvelles espèces de mammifères fossiles, entre dans quelques détails théoriques sur la manière de concevoir l’organisation de l’ensemble des animaux. Il considère la production successive des différentes organisations comme pouvant expliquer l’apparition des êtres de l’ancien monde. Cette apparition aurait été lente, graduelle, sans secousses, et surtout produite par des changemens dans les milieux qu’ont habités les êtres organisés, changemens faibles si l’on compare les êtres de périodes voisines, plus forts si l’on rapproche les êtres de périodes éloignées.

La Société entend la fin de la lecture des procès-verbaux des séances et des courses d’Auvergne.

M. Geoffroy-Saint-Hilaire fait observer que l’existence du genre Moschus, signalée par M. Croizet dans son mémoire lu sur les animaux fossiles de l’Auvergne, l’avait été antérieurement par lui comme tout-à-fait nouvelle parmi les ossemens de Saint-Gerand le-Puy, près de Moulins. Il se plaît d’ailleurs à rendre hommage aux observations intéressantes, et à reconnaître la richesse de la collection de M. l’abbé Croizet, qu’il a récemment visitée.



  1. Liste des coquilles terrestres reconnues au milieu des tufs de Baume près Pouilly en Auxois :

    Agathina acicula, Lamk ; Bulimus obscurus, Drap., montanus, Lamk, lubricus, Lamk, radiatus, Lamk, Clausilia bidens, Drap., ventricosa, Drap., plicatula, Lamk ; Cyclostoma elegans, Lamk, maculatum, Drap, Helix nemoralis, Lamk, hortensis, Lamk, fruticum, Lamk, ericetorum, Lamk, nitida, Lamk, rotundata, Lamk, sciata, Lamk, obvoluta, Lamk, Corocolla lapirida, Lamk, albella, Lamk ; Pupa quadridens, secale, Lamk, Goodalli, Fer, Succinea amphibia, Lamk.

    M. Michelin annonce que la vallée où sont déposés ces tufs coquilliers et les plaines qui la dominent sont presque entièrement dépourvues d’arbres, et que la plus grande partie de mollusques détaillés ci dessus n’a pas encore été retrouvée dans les environs l’état vivant.