Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 2 décembre 1833


Séance du 2 décembre 1831.


Présidence de M. de Bonnard.


nouveaux membres.


le Président proclame membres de la Société :

MM.

Geffroy Saint-Hilaire (Isidore), membre de l’Académie des sciences, présenté par MM. Élie de Beaumont et Duclos ;

Jussieu (Adrien de), membre de l’Académie des sciences, professeur au Musée d’histoire naturelle ; présenté par MM Dufrénoy et Élie de Beaumont ;

Villiers du Terrage (le vicomte de), conseiller d’État ; présenté par MM. Brongniart et de Bonnard ;

Adam (Th.), inspecteur des finances à Paris ; présenté par MM. Delafosse et Desnoyers ;

Vissocq (Paul-Émile), ingénieur hydrographe de la marine, à Paris ; présenté par MM. Duperrey et Desnoyers ;

De Koninck, docteur en médecine ; présenté par MM. Deshayes et Boblaye ;

Guérin (Marcelin), procureur du Roi à Grosse (Var) ; présenté par MM. Rozet et Desnoyers.

Les trois membres dont les noms suivent sont par MM. Rozet et Hogard :

MM.

Mougeot, docteur en médecine, à Bruyères ;

Puton (Ernest), propriétaire, à Remiremont ;

Jaquiné, ingénieur des ponts-et-chaussées, à Épinal.


dons faits à la société.


La Société reçoit :

1° De la part de M. Rozet : Son Mémoire géologique sur les provinces d’Alger et de Titerie (Barbarie). In-4°, 52 p., 5 pl. Paris, 1833. (Extr. du tom. II des Nouvelles Annales du Muséum d’histoire naturelle).

2° Bulletin de la Société de géographie, n° 126.

Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines, par M. Bailly de Merlieux, n° 35.

The Athenœum, n° 315, 316 et 317.

L’Institut, n° 28 et 29.

6° De la part de M. Clément Mallet : Tableau comparatif des différens thermomètres, à l’esprit-de-vin, au mercure, à l’huile de lin, à air, d’après les divisions centigrades, de Réaumur, Fahreinheit, Delisle, Newton, etc. ; indiquant la température des sources d’eau thermales de l’Europe, les degrés de fusion st d’ébullition de diverses substances, par M. G. D.

7° De la part de M. Reinwardt : son discours sur l’origine et les progrès de la géologie, prononcé à l’Académie de Leyde, le 8 février 1833. (Oratie de geologiœ ortu et progressu, etc.) In-4°, 26 p.

8° De la part de M. Gay : 11 échantillons de roches du Chili.

9 ° De la part M. Glocker : un Tableau du mode de coloration des cartes géologiques, adopté par M. de Buch.

10° M. Élie de Beaumont fait hommage à la Société, tant au nom de M. Dufrénoy qu’au sien, d’un exemplaire du Mémoire qu’ils ont rédigé en commun sur les groupes du Cantal et du Mont-Dore, et sur les soulèvemens auxquels ces montagnes doivent leur relief actuel. Ce Mémoire, dont la substance avait déjà été communiquée à la Société dans la séance du 7 mai 1832, a depuis été lu à la Société en plusieurs parties.

M. Élie de Beaumont profite de cette circonstance pour réparer une omission commise involontairement dans la rédaction du Mémoire ci-dessus. Les deux auteurs se sont bornée à rappeler qu’ils doivent à M. de Buch lui-même, qui la leur a communiquée depuis fort long-temps, l’idée de regarder les escarpements qui font face au Puy de Sancy, comme faisant partie d’un cratère de soulèvement dont la vallée des Bains serait la vallée de fracture la plus apparente ; mais ils n’ont pas dit, parce qu’ils l’ignoraient, que M. Lecoq, de son côté, dans un Mémoire lu à la section des sciences de l’Académie de Clermont le 5 novembre 1827, a considéré le groupe des Monts-Dores sous un point de vue qui coïncide presque exactement, dans son application pratique, avec celui qu’ils ont développé depuis, et qui n’en diffère presque que par le non-emploi de l’expression cratère de soulèvement, et par le mode de liaison présumé entre les phénomènes survenus dans les Monts-Dômes, et ceux dont les Monts-Dores ont été le théâtre.

Ce passage, rapporté par M. de Beaumont, ayant été lu par M. Lecoq, à la séance tenue à Clermont le 29 août, fait partie du procès-verbal de cette séance.


ouvrages présentés.

M. Virlet présente le premier numéro d’un recueil intitulé : Correspondance des élèves brevetés de l’École royale des mineurs de Saint-Étienne, ou Recueil de notes et mémoires sur divers sujets de sciences, d’arts et d’industrie. In-8° de. 94 p., et 5 pl. Saint-Étienne, 1827.

Ce Recueil contient les mémoires suivans :

Notice sur le terrain houiller de Fins (Allier), par M. J. Guillemin, membre de la Société géologique ;

Note sur les charbons de terre de Rive-de-Gier (Loire), par A. Baby, aussi membre de la Société ;

Produits chimiques de la mine brûlante du quartier Gaillard prés Saint-Étienne (Loire), et théorie de leur formation ; par le même auteur ;

Trois autres Mémoires, de MM. A. Thirion, J. Guillemin et Roche, traitant du picotage, du boisage des puits et de l’affinage du fer.

Ce numéro, le seul du Recueil qui ait encore paru, n’ayant été adressé qu’aux membres de l’association des élèves brevetés de l’École royale des mineurs de Saint-Étienne ; établie en 1826, était resté jusqu’à ce jour inconnu à la plupart des géologues. M. Virlet annonce qu’il a écrit afin d’en obtenir un exemplaire pour la bibliothèque de la Société. M. Boué présente :

1° Les fossiles du Brandenbourg, et en particulier ceux des cailloux et des blocs de la plaine au sud de la Baltique (Die Versteinerungen der Mark Brandenburg, Berlin, 1834) In-8°, 10 pl., par K. F. Kloden.

2° Les 1er et 2e cahiers du Journal minéralogique (Mineralogische Jahreshefte, Nuremberg, 1833. In-8°), par le docteur Glocker, faisant suite à son Traité de minéralogie, publié en 1831.

3° Le 1er volume du Traité de géologie de M. Keferstein, comprenant la physiologie de la terre et la géognosie.


communications ; lecture de mémoires.


M. le président fait part à la Société de la perte douloureuse qu’elle vient de faire de l’un de ses membres, par le décès de M. Régley.

M. le président fait connaître que, dans la séance de ce jour, le conseil a choisi M. Boué, pour exposer dans la première séance de janvier 1834, les progrès de la géologie pendant l’année 1833, M. Virlet pour les applications de la géologie pendant le même intervalle, et M. Boblaye pour présenter à la même époque le résultat des travaux de la Société pendant les années 1832 et 1833.

M. Boué, à l’occasion du tableau de coloration des cartes géologiques donné par M. Glocker, demande que la Société invite M. Brochant à vouloir bien communiquer celui qu’il a adopté pour la carte géologique de France.

M. Virlet annonce la reprise prochaine du Bulletin universel des sciences naturelles, sous la direction de M. de Férussac. Le libraire éditeur sera M. Thomine. ; le prix du Bulletin complet sera réduit de 230 fr. À 146 fr.

M. le professeur Glocker, de Breslau en Silésie, adresse à la Société l’extrait suivant des procès-verbaux des séances tenues depuis le 19 jusqu’au 23 septembre dernier par la section minéralogique et géologique des naturalistes d’Allemagne.

la réunion scientifique de Breslau a été assez nombreuse, et la section minéralogique a offert le plus de travaux. Elle a tenu six séances, et a été présidée successivement par M. le conte Gaspard de Sternberg, M. de Humboldt, M. Zippe de Prague, M. le professeur Zipser de Nensohl, en Hongrie, M. le professeur Zeane de Berlin, et le conseiller des mines Steinbeck de Brieg. M. Glocker a fait l’office de secrétaire, et est la seule personne qui ait traité un sujet minéralogique et géologique dans les réunions générales de la société entière. Il y a prononcé un discours sur les principes de classification en minéralogie et en géologie.

Dans la première séance de la section minéralogique et géologique, le 19 septembre, M. le conseiller supérieur des mines Singer a parlé sur le Liévrite de Kupferberg, et en a distribué de beaux échantillons.

M. le docteur Otto a présenté de la part de M. de Buch un certain nombre d’exemplaires de sa table de coloration pour les cartes géologiques, et la seconde et récente édition de la carte géologique de l’Europe centrale publiée par Simon Schropp etc.

M. de Humboldt, tout en faisant ressortir les avantages de la coloration adoptée par M. de Buch, préfère pour les coupes des indications symboliques, telles que celles, par exemple, qu’il emploie dans sa nouvelle carte de la vallée du Mexique.

M. Otto a offert aussi, de la part de M. de Dechen, quelques impressions remarquables de poissons, dans un calcaire schisteux du grès rouge secondaire ancien de Ruppersdorf en Bohême.

M. Glocker a montré un échantillon du soufre cristallisé, nouvellement découvert dans la Silésie supérieure, minéral placé sur de la galène et du plomb carbonaté terreux, et trouvé rarement dans le muschelkalk dolomitique à la mine de Friedricbsgrube près de Tarnowitz. M. de Humboldt est entré à cette occasion dans quelques détails sur d’autres gîtes de soufre.

M. Bocksch, de Waldembourg, a mis sous les yeux de la société un boletus turritus de la mine de Gotthelfgrube prés de Hartau, non loin de Gottesberg en Silésie.

Dans la seconde séance, le 20 septembre, M. le docteur de Mayer de Bucharest a décrit un nouveau minéral trouvé dans un grès de la Moldavie. Il est semblable à de la cire, tendre, plus léger que l’eau, et d’une odeur bitumineuse. M. Glocker propose le nom de Ozokerite (de οζων ayant de l’odeur, et de ϰμροσ cire) pour cette substance appelée en allemand Erdwachs. Elle paraît devoir des venir, utile dans les arts, car on en a déjà fabriqué des chandelles qui brûlent. comme les bougies, et répandent une agréable odeur : Le plus grand échantillon de ce minérale été déposé par M. Mayer au cabinet de l’université de Breslau, et a 7 pouces de long sur 3 pouces de large. M. Ezquerra del Bajo, ingénieur des mines de Tudela en Espagne, a présenté des Considérations générales sur la formation des roches primaires. M. de Humboldt a objecté, contre son idée, que du carbone aurait pu être dérivé de l’atmosphère.

M, Zipser a parlé de divers minéraux de Hongrie, tels que la liévrite, l’obsidienne, l’opale et le ménilite, et a discuté l’origine de ces derniers.

Ensuite la section s’est rendue dans le bâtiment royal d’anatomie pour examiner une grande suite de fossiles des calcaires de la Silésie supérieure et inférieure, collection faite par M. le docteur Otto. M. Bocksch y montra une nouvelle espèce de trilobite et des térébratules très bien caractérisées, qui provenaient du calcaire intermédiaire de Freyburg en Silésie.

Dans la troisième séance, le 21 septembre, M. Wendt a fait voir un beau morceau d’ambre jaune clair, trouvé en Silésie. M. Zeune a offert des observations sur les fossiles de la Marche de Brandenbourg, d’après le dernier ouvrage publié à cet égard par M. Kloeden. Ce savant pense que la patrie véritable des blocs de ce pays est rendue douteuse par ces fossiles, parce que quatre septièmes du nombre total n’ont été vus qu’en Prusse, deux septièmes qu’en Scandinavie, et un septième est seulement commun aux deux pays. De plus, M. Zeune adonné des détails sur un relief du Biesengebirge exécuté par un professeur à Bunzlau en Silsésie, et M. Berndt de Breslau en indiqua un semblable conservé dans l’école d’architecture de cette dernière ville.

M. le professeur Sawadski de Léopold a décrit une grande ammonite des Carpathes centrales, et le gîte de la galène argentifère. en Bukowine.

M. le docteur Reichenbach, de Blansko, a lu un mémoire sur la formation de l’huile de pétrole, dans lequel il a cherché à démontrer que cette substance n’est qu’une partie constituante des houilles, et n’est qu’une huile de térébenthine provenant de conifères. M. de Humboldt a objecté que cette classe de plantes paraissent jusqu’ici les plus rares débris végétaux dans les houillères où abondent au contraire les fougères ; il demanda s’il ne se pourrait pas que les houilles aient été postérieurement imprégnées de pétrole.

M. le pharmacien Grabowsky a offert plusieurs zoolithes des environs d’Oppeln, ainsi qu’une belle suite de pétrifications du calcaire crayeux de cette partie de la Silésie.

M. Ezquerra del Bajo a montré du cannel-coal des Asturies, houille appelée azabache dans ce pays.

Enfin M. Glocker a lu une lettre de M. Boué, dans laquelle ce dernier donne des détails sur les progrès de l’institution de la Société géologique de France, sur ses travaux, et sur sa séance d’été en Auvergne. La section reçoit avec un vif intérêt cette communication, et se félicite d’être peut-être l’an prochain en position de nouer des relations plus intimes avec la Société géologique, Stuttgard ayant été choisi pour le prochain point de réunion de l’assemblée des naturalistes d’Allemagne.

Dans la quatrième séance, le 23 septembre, M. le major de Strantz a montré une équerre à pendule pour mesurer les auteurs. M. Berndt a proposé de former une société pour avancer la connaissance naturelle des Sudètes, et de publier un journal au moyen de la coopération des naturalistes de Silésie, de Moravie et de Bohème. M. le comte Sternberg a promis l’assistance de la société du Musée national de Bohème ; M. le docteur Reichenbach, celle des savans de Moravie. La proposition est renvoyée à une autre séance.

M. Zeller de Pless a communiqué des analyses chimiques, du bole, de la stilbite, de la kalaite et du chrome oxidé de Silésie. Ce dernier minéral n’a été découvert que récemment près de Waldenbourg.

Dans la cinquième séance, le 24 septembre, M. Steinbeck a lu un mémoire sur le granite de la plaine de la basse Silésie. Il décrit dans cette roche des fragmens de gneiss, autour desquels le granite est décomposé par suite de l’altération du feldspath.

M. Agassiz a donné sa distribution géologique des poissons fossiles, et leur classification d’après la forme des écailles.

M. Glocker a présenté des échantillons de paranthine découverts par lui dans la Moravie septentrionale, ainsi qu’une variété de hyalite globulaire de Striegau. Il a donné des détails sur du sel de Wieliczka mêlé de lignite et d’une odeur nauséabonde, sur un nouveau gîte de craie près de Neustadt dans la Silésie supérieure, et sur un calcaire grenu blanc, trouvé au milieu du calcaire crayeux d’Oppeln.

M. Zippe a fait quelques observations sur la coloration géologique de la Bohême dans la carte d’Allemagne de Simon Schropp et comp.

Dans la sixième séance, le 25 septembre, M. le professeur Frankenheim a lu un mémoire sur la formation des séries cristallines.

M. Glocker a communiqué des remarques sur des calcédoines et des cristaux de cristal de roche contenant des corps étrangers. Il a reconnu dans quelques calcédoines de véritables lichens, et dans du quarz un cristal de grenat parfait et isolé. Il présenta en même temps le nouveau minéral appelé Elhuyarite, et découvert près de Kriesdorf non loin de Bonn.

On s’est occupé ensuite de la proposition de M. Berndt, et l’on a décidé qu’un journal scientifique serait publié à Breslau moyennant la coopération des sociétés patriotiques de Silésie et de Moravie, et de celle du musée national de Prague. Les parties séparées de ce journal, savoir : les sections minéralogique et géologique, botanique, zoologique, etc., paraîtront sous des titres particuliers, et la partie minéralogique sera liée à la publication commencée en 1827, par M. Glocker, sous le titre de Beitrage zur mineralogischen Kenntnis der Sudetenlander (Documens pour la connaissance minéralogique du pays des Sudètes), dont il n’a encore paru qu’un cahier.

Le mode d’exécution est remis aux soins de la société patriotique de Silésie.

Enfin la séance fut close par l’exhibition d’une énorme macle de feldspath de Lomnitz dans le Riesengebirge, et par une courte allocution du secrétaire, M. Glocker. »

M. Desgenevez communique la note suivante :

« M. Élie de Beaumont, dit-il, dans ses cours de géologie à l’école des Mines et dans son mémoire sur les montagnes de l’Oisans, a beaucoup insisté sur les apparences cratériformes de la lune. S’il était vrai, comme il le pense, que les dépressions de la surface lunaire ne passent être assimilées qu’à des cratères de soulèvement, et non à des cratères d’éruptions, il s’ensuivrait que la loi qui préside à la production de la première sorte de cratères est une des plus générales auxquelles la nature soumette ses opérations. La société entendra avec intérêt sur ce sujet l’opinion d’un des plus grands astronomes de ce siècle, de sir John Herschell, qui vient de publier un traité d’astronomie dont la bibliothèque universelle de Genève (août 1833) a donné l’analyse. C’est à ce recueil que j’emprunte la citation suivante :

« Les montagnes lunaires présentent en général une uniformité frappante et une singularité d’aspect ; elles sont étonnamment nombreuses, occupant de beaucoup la plus grande portion de la surface de la lune, et étant presque toutes d’une forme exactement circulaire ou en forme de coupe alongée, cependant en ellipse vers le bord. Les plus hautes, telles qu’elles ont été mesurées par la longueur des ombres qu’elles projettent, ont environ 1 mille et 3/4 d’élévation perpendiculaire[1]. Les plus grandes ont pour la plupart dans leur intérieur des fonds plats, d’où sort vers le centre une petite élévation escarpée et conique. Elles offrent, en un mot, dans toute sa perfection le véritable caractère volcanique, tel qu’on peut le voir dans le cratère du Vésuve et dans une carte des districts volcaniques des champs Phlégréens ou du Puy-de-Dôme. Dans quelques unes des principales, on peut, à l’aide de puissans télescopes, constater clairement des marques décisives de stratification volcanique, provenant des dépôts successifs de matières poussées dehors, et je l’ai vérifié par mes propres observations. Ce qui est particulièrement singulier dans la géologie de la lune, c’est que, quoiqu’on n’y puisse rien apercevoir qui ait le caractère des mers, cependant il s’y trouve de grandes régions parfaitement unies, et qui ont en apparence un caractère d’alluvion. » (A Treatise on Astronomy. Londres 1833.)

M. de Beaumont fait remarquer que le passage cité ne contrarie point ce qu’il a dit des sommets cratériformes de la lune ; et que M. Herschell a seulement regardé comme pouvant être formées par des dépôts d’alluvion, les régions plates de la lune dont M. de Beaumont n’avait pas parlé.

M. C. Prévost avait demandé la parole pour faire part des résultats du voyage qu’après la dernière séance de la Société à Issoire, il a fait avec M. de Montalembert dans les environs du Puy, au Mezenc, au Cantal, et de nouveau au Mont-Dore ; il y renonce pour le moment, afin de ne pas retarder la lecture des Mémoires inscrits.

M. Rozet commence l’exposé de faits nouveaux qu’il a découverts dans les terrains feldspathiques de la chaîne des Vosges pendant les étés de 1832 et de 1833. Il signale spécialement l’existence de deux systèmes de roches antérieurs au granite. Cette communication sera continuée dans une prochaine séance.

M. Deshayes, répondant à ce que M. Geoffroy Saint-Hilaire a exposé dans la séance précédente en présentant son opuscule intitulé : Paléontographie, réclame en faveur de notre célèbre Lamarck la priorité de cette idée, que les animaux sont modifiés dans leur organisation par les circonstances ambiantes.

« Cette thèse, dit-il, a été développée par Lamarck, non seulement dans sa philosophie zoologique, en 1809, mais encore dans sa belle introduction à l’histoire des animaux sans vertèbres, 1815. M. Deshayes fait observer qu’il n’est pas juste de citer, comme l’a fait M. Geoffroy Saint-Hilaire, l’Hydrogéologie de Lamarck, ouvrage antérieur aux deux précédents, et dans lequel cette idée n’est exposée que très accessoirement ; enfin, M. Deshayes termine en affirmant de la manière la plus positive, et en citant les pages 129 et 130 de l’introduction précitée, que jamais Lamarck n’a partagé les idées systématiques de Telliamed, reproduites par Bonnet et Rœdig, comme paraît le croire M. Geoffroy Saint-Hilaire.

M. de Teploff lit la note suivante sur le gisement des diamans dans la chaîne de l’Oural, qui a été envoyée par M. le comte de Cancrine, ministre des finances de Russie, en réponse aux renseignemens demandés au gouvernement russe de la part de la Société géologique, par l’intermédiaire de M. le baron de Meyendorf.

« M. le baron de Humboldt, lors de son séjour à Saint-Pétersbourg, en 1829, eut une entrevue avec M. le comte Polier, et, parmi les différens objets dont ils s’entretinrent, M. de Humboldt lui demanda des renseignemens sur l’existence de l’or et du platine dans les terres que la comtesse Polier possède en Sibérie.

À cette occasion le comte Polier lui montra la collection des sables qui contiennent ces métaux précieux dans le district de l’usine de Bissersk.

M. de Humboldt trouva que ces sables ont une grande analogie avec ceux qui, au Brésil, renferment des diamans ; il fit observer au comte Polier, qu’il était presque convaincu que l’on devait découvrir aussi des diamans dans ces sables de l’Oural, et il, donna en même temps quelques conseils sur le lavage des sables pour en tirer des pierres précieuses s’il s’en trouvait véritablement.

« Bientôt après, le comte Polier s’étant rendu à l’Oural, à l’usine de Bissersk, profita des avis de M. de Humboldt ; il donna l’ordre de laver une seconde fois les résidus grossiers du lavage des sables aurifères de la mine d’Adolph ; par suite de cette opération, on trouva, parmi une grande quantité de cristaux, de roches et de pyrites de fer, le premier diamant de l’Oural.

« Bientôt on en découvrit encore trois, et en totalité quatre pendant l’année 1829. De ces quatre échantillons, l’un était d’une grandeur considérable, et réunissait tous les caractères et qualités propres au diamant.

« Au printemps de l’année suivante, le directeur de l’usine de Bissersk commença à construire des lavoirs d’hiver, et des enfans furent employés à laver de nouveau avec plus de soin les résidus des sables qui l’avaient déjà été antérieurement. L’espoir du directeur fut justifié complètement par la découverte de trois diamans nouveaux, de qualité moyenne ; l’un était d’un demi-carat, et les deux autres d’un quart de carat.

À cette époque, M. Karpoff, officier des mines, arriva à l’usine de Bissersk, chargé spécialement par le département des mines d’assurer le gouvernement de la réalité de cette découverts dans les montagnes de l’Oural, et en même temps pour examiner la nature des sables à diamant, ainsi que celle des montagnes environnantes.

Pendant le séjour de cet officier à l’usine, il fut trouvé quatre diamans diaphanes et incolores, à surfaces lisses, avec un éclat assez fort, et sous la forme de cristaux à quarante-deux faces triangulaires. L’un d’eux se distinguait surtout ; il était de la nature du cristal décrit ci-dessus, mais brisé en deux.

Le poids des diamans étant pour deux d’entre eux un quart de carat chacun, pour le troisième un tiers de carat et pour le quatrième un demi-carat.

Plus tard, le directeur de l’usine de Bissers écrivit à la comtesse Polier, en demandant s’il fallait continuer le relavage pour la recherche des diamans, ou se contenter seulement de ceux que l’on rencontrerait par hasard dans le lavage pour l’or. On lui prescrivit de borner l’exploitation des diamans à ce que l’on trouverait pendant le lavage pour l’or, et de ne pas pousser plus loin la recherche dans les sables déjà lavés, car l’expérience avait prouvé que la dépense, dans ce dernier cas, surpassait la valeur des diamans.

Cependant on obtint encore des sables aurifères tirés des alluvions de la mine d’Adolph 37 diamans, dont le dernier a été trouvé en juillet 1833. Tous ces diamans sont de belle qualité et l’un d’eux pèse trois quarts de carat. Leur forme est à douze et quarante-deux faces, dont les arêtes sont curvilignes ; leur surface est lisse et assez éclatante.


Tous ces diamans sont conservés chez madame la comtesse Polier, et sont destinés à décorer les images de son église.

L’usine de Bissersk, où l’on obtient la fonte et le fer, est située sur la pente occidentale de l’Oural, dans le gouvernement de Perme, sur la rivière de Bissersk qui s’unit à celle de Kama, au moyen de la Koiva et de la Tschusova. Elle est à 200 verstes (50 lieues) N.-E. de Perme, chef-lieu du département.

Les dépôts d’alluvions aurifères sont situés dans la partie N.-E. du district de l’usine, et ont été découverts en 1825.

Ces alluvions ne sont pas très riches ; elles ne contiennent que depuis un tiers jusqu’à un demi solotnikz d’or par 100 pounds, qui correspond à vingt-un dix-millièmes de kilogramme d’or par seize cent trente-sept kilogrammes de sable. Elles renferment aussi une petite quantité de platine.

La partie de ces dépôts la plus riche en or, est celle dont on vient de parler, et qui contient les diamans. Elle a 380 toises de longueur.

La première couche qui s’y trouve est composée d’argile ferrugineuse, mêlée de sable de couleur rouge foncée ayant une épaisseur de dix-sept centimètres. Elle contient une grande quantité de cristaux. parmi lesquels dominent le quarz hyalin et l’oxide de fer ; on y trouve aussi les substances suivantes : sardoine, calcédoine, prase, cachalong, pyrite de fer, fer oligiste, anatase, dolomie noire, et schiste talqueux, soit en grains, soit en morceaux anguleux. C’est dans cette couche que se trouve l’or, le platine, et les diamans. Elle repose sur une autre couche formée de sable calcarifère noir, provenant évidemment de la destruction de cette même dolomie dont les débris se rencontrent dans la couche supérieure.

Les montagnes qui entourent les sables aurifères de Bissersk forment les branches occidentales de l’Oural, et sont composées de schistes micacés. Cette roche, à mesure qu’elle se rapproche de la chaîne principale de l’Oural, passe au schiste talqueux, qui le remplace enfin complètement.

La chaîne même qui traverse le district de Bissersk est de schiste micacé plus ou moins abondant en quarz, et passant en quelques endroits au quarz pur.

Le schiste talqueux dans les environs des sables aurifères renferme des couches subordonnées de dolomie noire, qui sont traversées par plusieurs filons de dolomie blanche avec du quarz. Des filons semblables se trouvent aussi dans le schiste talqueux.

La dolomie noire sus-mentionnée ressemble à celle dont les débris se rencontrent dans les sables des dépôts aurifères de la mine d’Adolph ; c’est la même roche dans laquelle M. Engelhardt soupçonnait depuis long-temps (dès 1820 ?) le gîte primitif des diamans.

La direction des couches de l’Oural dans le district de cette usine est du S.-E. au N.-O., sur onze heures de la boussole ; elles plongent vers le S.-O., sous un angle de 70°.

En 1831 on a encore découvert des diamant, dans les terres de M. Medjer, à 15 verstes de Ekatérinbourg sur la chaîne principale de l’Oural, dans les sables aurifères dépendant de cette propriété ; il y en a été trouvé deux, dont l’un a été donné à l’Institut des mines par M. Medjer fils, après la mort de son père.

Ce diamant à la forme d’un cristal, à douze facettes, aux arêtes rhomboïdales arrondies ; il est assez transparent, et pèse cinq huitièmes de carat.

Les recherches ultérieures de diamans n’ont pas été continuées dans les terres de M. Medjer, et jusqu’ici on n’a point encore fait de semblables découvertes dans les autres parties de l’Oural. »

Des remerciemens seront adressés à M. le comte de Canerine, ministre des finances en Russie, pour cette intéressante communication.

On lit la notice suivante de M. Fréd. Hoffmann, intitulée : Observations faites avec M. Escher fils, sur les porphyres du bord méridional des Alpes dans le canton de Tessin.

« Avant d’entrer en matière, j’avouerai n’avoir jamais été complètement persuadé que toutes les chaînes doivent leur origine à une seule et même grande formation de porphyre pyroxénique et sans quarz, Cette idée avancée par un homme justement célèbre, et introduite dans la science par son autorité, m’a paru toujours une de ces généralisations trop promptes et appuyées. sur des faits trop locaux.

Dans tous les cas, je crois du moins avoir des argumens qui montrent que cette doctrine, émanée de la considération des Alpes, n’a pas été appliquée heureusement aux chaînes de l’Allemagne septentrionale. Depuis long-temps je suis convaincu, par exemple, que les porphyres d’Ilefeld au Hartz, du Thuringerwald, de Meissen, etc., n’ont rien de commun avec une formation qui a produit, à une époque très récente, de si notables changements sur la surface terrestre.

D’après divers observateurs consciencieux, ces porphyres d’Allemagne appartiennent tous sans exception et évidemment à l’époque du grès rouge secondaire, et je ne sache pas qu’entre cette période et celle si récente du basalte, il y ait quelque part, dans tout le nord de l’Allemagne, des masses éruptives différentes des deux précédentes. En remontant du grès rouge secondaire (Roth liegendes) vers les dépôts plus récens, on ne trouve que du basalte perçant le zechstein, le grès bigarré, le muschelkalk, etc., tandis que les porphyres et les amygdaloïdes avec ou sans quarz, et souvent même ces deux variétés en liaison intime restent toujours sous l’horizon de ces formations secondaires postérieures au grès rouge.

Il y a quatre ans, lors de la publication de mon ouvrage sur le N.-O. de l’Allemagne, ce fait m’obsédait l’esprit ; néanmoins je me contentai d’en parler brièvement et avec retenue, parce qu’il est plus difficile de combattre par des observations de détails une hypothèse ingénieuse, que de l’énoncer en peu de mots, et de lui donner accès dans l’opinion des savans. D’ailleurs M. de Beaumont n’avait pas encore communiqué au public ses idées sur les périodes du soulèvement des chaînes, d’où il découle clairement que la seule formation des mélaphyres n’a pas pu causer la formation de différentes lignes de montagnes. Quoi qu’il en soit, la découverte des mélaphyres et des accidens qui les accompagnent dans les Alpes, reste pour cette chaîne une observation pleine de conséquences intéressantes, et il est à souhaiter qu’on poursuive les recherches dans cette nouvelle voie ouverte par M. de Buch.

Pour contribuer à l’avancement de cette partie de la science géologique, je consacrai à mon retour d’Italie, en 1832, quelques jours à l’examen des environs de Lugano, ayant à la main la belle carte géologique de M. de Buch.

En suivant la grande route de Mendrisio à Lugano, on voit ressortir immédiatement après Capo di Lago, comme l’indique la carte, la première masse de porphyre sous des rochers escarpés de calcaire. La première roche porphyrique que nous en observâmes était un argilolite porphyrique d’une teinte rouge clair à cristaux de feldspath d’un rouge plus foncé et très riche en grains informés de quarz à éclats gras. Un peu plus loin la constitution du porphyre se modifie très sensiblement, car, sans changement dans la pâte, le quarz y diminue rapidement et disparaît enfin tout-à-fait. À sa place apparaissent, en grande quantité, de petites taches talqueuses verdâtres grises ; il se montre çà et là des écailles de chlorite ou de mica un peu foncé, accident que j’ai remarqué dans plusieurs localités, où le porphyre quarzifère se trouve réuni en une seule masse avec celui sans quarz.

Il devient donc déjà difficile et arbitraire de savoir si l’on doit admettre dans ce lieu comme roche dominante le porphyre ou le mélaphyre ; néanmoins à cet égard on trouve des indications ultérieures dans la grande masse de mélaphyre indiquée par M. de Buch, le long du bord oriental du lac. Elle est séparée de la petite île porphyrique de Capo di Lago, par un éperon calcaire sur lequel sont bâties auprès du lac les maisons éparses de Melano ; puis en-deçà du petit torrent de Viggarole, le mélaphyre s’élève comme une masse bien séparée dans des collines d’environ 5 à 600 pieds d’élévation, tandis que les murailles calcaires l’environnent comme le pourtour d’une déchirure produite par la sortie du porphyre noir.

Cette roche, mise à nu fréquemment entre Mélano et Maroggia, répond entièrement à la définition de M. de Buch. Une pâte grise rouge foncé, ou passant au noirâtre, renferme de nombreux petits cristaux limpides, dont plusieurs donnent à reconnaître l’albite, tandis qu’il s’y montre encore assez souvent de petites aiguilles ou taches noires, qui pourraient bien être d’une nature pyroxénique ou amphibolique. Il n’y a pas la moindre trace de quarz, les accidens des fendillement de ces roches sont aussi très particuliers ; eu un mot, toute ressemblance avec le porphyre quarzifère semble disparue, lorsque cette dernière roche reparaît tout-à-coup, et avec des apparences fort anormales.

En suivant la route le long du lac de Maroggia à Bissone, on trouve sous la petite église de la Madone della Costa, au-dessous d’escarpements de mélaphyre, beaucoup de blocs de porphyre quarzifère, qui ont roulé d’en haut, et dont une masse en place affleure à peu de distance sur la route. M. de Buch l’indique sur sa carte comme un îlot quarzifère au milieu du mélaphyre, tandis que sur les lieux nous n’y avons vu qu’un filon de porphyre quarzifère s’élevant sur un plan incliné dans le mélaphyre, et n’occupant sur la route qu’un espace parcouru en 15 pas. (Voyez fig. 5.) Ce filon se perd plus haut dans des buissons près de l’église ; mais ses limites de contact avec le mélaphyre sont distinctes, tranchées, et sans accident particulier. À quelques pas plus loin on retrouve une apparence tout-à-fait semblable : une masse de porphyre rouge quarzifère d’environ 20 pieds de largeur, forme dans un porphyre noir un large nid irrégulier et bien circonscrit (Voyez fig. 6), et les deux roches ne paraissent cimentées ensemble que sur un des côtés, les mélaphyres y prenant la structure et la couleur du porphyre noir, et ne pouvant plus en être distingués sans une attention particulière. Enfin à 50 pas plus avant, on rencontre de nouveau une mince bande de porphyre rouge quarzifère au milieu de la roche noire, dans laquelle elle prend la forme d’une lentille alongée d’un demi-pied d’épaisseur et de 15 pieds de long. (Voyez fig. 7). De semblables accidens doivent exister encore dans les parties plus élevées et couvertes de buissons sur le bord du lac jusqu’à Bissone, puisqu’on trouve du moins des blocs nombreux de porphyre.

Je crois donc devoir conclure que dans ces lieux le porphyre rouge est distinctement en filon dans le porphyre noir, tandis qu’on avait adopté l’idée contraire. Mais pour achever ma démonstration, je vais continuer l’exposé de mes observations de détail.

Sur la rive opposée et occidentale du lac se présentent les mêmes modifications des mélaphyres. Au-devant de soi on a au N. le cône obtus et isolé du Monte Salvatore, s’élevant à environ 2,000 pieds sur le lac, et reposant par son côté septentrional distinctement et immédiatement sur le porphyre noir. La nature dolomitique si parfaite des roches de cette montagne a été décrite par M. de Buch avec autant d’exactitude que d’élégance, et l’on avoue avec plaisir qu’aucun type meilleur n’aurait pu être trouvé pour servir d’exemple à la théorie de la dolomisation. Néanmoins la force démonstrative de ces apparences perd un peu de son importance, lorsqu’on se porte de la limite méridionale du Monte Salvatore vers son bord au N., près de Lugano. Dans ces lieux, à mesure qu’on s’éloigne du porphyre noir, on voit se développer petit à petit de la dolomie, un calcaire compacte, roche d’abord très cassante, et divisée en petits fragmens angulaires ; puis devenant une seule masse gris de fumée, et divisée en lits d’un pied à un pouce d’épaisseur. La direction des couches est environ h. 8 et l’inclinaison forte au S.-O. Ainsi, en approchant de Lugano, on s’approche de leurs parties inférieures, et on y voit d’abord nous le calcaire, le grès de SantMartino, indiqué par M. de Buch.

Ce grès est argileux, micacé, rouge foncé, comme le grès bigarré ou le grès rouge secondaire de l’Allemagne septentrionale. Ce grès argileux passe par des mélanges insensibles au calcaire superposé, et s’y lie par une stratification en tout conforme. Deux dépôts, l’un arénacé, l’autre calcaire, se sont succédé sans interruption. Sous ce point de vue, il est étonnant de voir une si grande partie de ce grès être le dernier produit d’un agglomérat très distinct, qui renferme des cailloux mêlés de toutes les variétés des porphyres bordant le lac.

« M. de Buch a nié, il est vrai, cette dernière particularité : « Un examen attentif, dit ce grand savant, a prouvé que l’agglomérat curieux qui sépare le schiste micacé de la dolomie à Saint-Martin près de Lugano ne contient ne des débris de porphyre rouge quarzifère, quoique souvent on serait tenté de les croire combinés avec d’autres appartenant au mélaphyre. »

J’avoue à regret ne pouvoir adopter cette proposition, car l’agglomérat offre des cailloux nombreux, et même de la grosseur du poing, qui ne sont que du mélaphyre incontestable et sans quarz, et même ils dominent dans certaines couches, où ils sont mélangés sans ordre, avec des cailloux de porphyre quartifère, ainsi que de quarz blanchâtre.

Le calcaire du Monte Salvatore, et par suite, très probablement, toute la dernière chaîne calcaire des Alpes, entre les lacs Majeur et de Come, serait plus récente que les éruptions des porphyres avec ou sans quarz des pays environnans, et ainsi la dolomisation du calcaire ne peut pas y être un produit du mélphyre.

D’une autre part, je n’ai pu quitter Lugano sans visiter entre cette ville et Morcote, la presqu’île curieuse dont M. de Buch a donné un profil détaillé, et qu’il mentionne plusieurs fois. Nous devions nous attendre à y trouver une grande étendue de granite percée distinctement par le porphyre noir : malgré mes recherches consciencieuses, je n’y ai pu trouver ni l’un ni l’autre de ces accidens.

J’ai d’abord longé le côté occidental de la masse de calcaire et de dolomie du Salvatore, en me portant de Lugano à Puzzallo, Carabbia, etc. ; et après avoir dépassé une crête avancée au S.-O, j’ai atteint, près d’Oggione, le porphyre qui forme le plateau de Carona, s’élevant environ vers son milieu à 1,000 pieds. Cette masse est très instructive, car c’est un mélaphyre véritable sans quarz, quoique rougeâtre ; cependant on remarque çà et là des débris pleins de grains de quarz, ainsi que des morceaux avec des cristaux distincts de feldspath et d’albite, comme cela se voit dans beaucoup de porphyres, par exemple près de Halle. En un mot, on est porté à se faire encore plus ici la même question qu’à Capo di Lago, savoir : si le porphyre avec et sans quarz sont deux formations différentes. Si les faits précédens ne sont pas assez concluans, on observe bientôt dans le Monte d’Arbostoro, en-deçà de Carona, un filon qui résout tous les doutes. Ce mont n’est pas composé de granite, comme semblerait l’indiquer la carte, car M. de Buch n’a pas pu vouloir indiquer les blocs erratiques granitiques qui le recouvrent, et qu’il nous a lui-même fait connaître le premier. La roche du monte d’Arbostoro est un porphyre bien caractérisé, surtout d’une teinte rouge claire, avec ou en partie sans quarz ; et dans ces lieux se trouvent mêlées l’une avec l’autre, ou réunies même dans un seul bloc, toutes les variétés des porphyres, que j’ai énumérées jusqu’ici isolément. À la vérité, le porphyre y prend assez souvent une structure grossière, et plus voisine de la cristallisation pure, de manière que les parties non quarzifères rappellent très souvent la syénite à grains fins, et les portion quarzifères quelquefois certaines variétés de granite. Néanmoins le caractère du porphyre domine toujours, de manière que je n’oserais pas séparer ces deux roches. Quant à une séparation tranchée telle que l’indique le profil de M. de Buch, il n’en peut pas être question ; déjà très improbable d’après les passages et les variétés nombreuses indiquées, elle ne se trouve pas vraiment le long des escarpements entre Carona et Mélide, localité que nous avons visitée avec attention.

Au bas du côté occidental du monte d’Arbostoro que nous longeâmes le long du lac de Figino à Morcote, il n’y a rien qui nous aurait pu tromper dans notre opinion. Il est vrai que le porphyre quarzifère rouge ressortant près de Figino est déjà plus semblable à un granite que celui du sommet de la montagne ; mais nous préférerions toujours le nommer porphyre plutôt que granite ; et le passage complet à cette dernière roche n’a probablement lieu que sur le bord opposé du lac près du Brusimpiano et Cuasso al Monte, lieux que nous n’avons pu visiter. Cependant la distinction entre le porphyre et le granite deviendrait peu importante, même à Figino, puisque, M. de Buch a montré lui-même dans les limites de sa carte la liaison si intime de ces deux roches, qu’on serait tenté de ne les regarder que comme des modifications l’une de l’autre. Mais entre Figino et Morcote le même porphyre granitique passe au mélaphyre véritable, si distinctement et sous autant de formes que nous avons pu le remarquer dans les lieux décrits ci-dessus.

Déjà au sud de Figino le micaschiste ressort le long du rivage sous le porphyre ; une plus grande étendue de schistes apparaît à la pointe méridionale de la presqu’île, immédiatement à côté de Morcote, bâti au-dessus d’eux. Le micaschiste y passe au gneiss sous l’église de ce bourg ; plus haut il se remontre en petites zones, et vers Vico-Morcote, le porphyre quarzifère a percé les schistes, comme M. de Buch l’a bien démontré. Enfin, près de Vico-Morcote nous vîmes ces derniers affleuremens de micaschiste et de gneiss, roches traversées dans la route par un filon de porphyre euritique compacte. Il renferme des grains de quarz grisâtre, à dix pieds d’épaisseur, et coupe les schistes presque à angle droit du plan de leur stratification.

D’après les observations précédentes, malheureusement trop peu nombreuses, je pense qu’on peut déduire les conclusions suivantes :

Le granite, le porphyre quarzifère et le mélaphyre appartiennent dans les contrées sus-mentionnées à une même grande formation, dont les membres doivent être considérés de la même époque géologique. Le porphyre rouge et noir y sont dans les rapports qu’on connaît au granite et à la syénite dans tant d’autres contrées, comme à Meissen, dans la Thuringe, etc. Le percement en filons de l’une de ces roches par l’autre n’a pas plus d’importance que des filons granitiques dans le granite, comme sur les côtes du Cornouailles, dans l’ile d’Elbe, et au château d’Heidelberg, d’après la découverte remarquable de M. de Léonhard.

Les roches cristallines de cette contrée, en particulier le mélaphyre, sont d’une époque plus ancienne que la formation des calcaires environnans ; et si la sortie de ces masses a pu contribuer à donnent au calcaire sa surface déchirée, la production du mélaphyre ne peut pas être liée avec la transmutation du calcaire en dolomie grenue.

Tout en laissant aux observations futures à confirmer ou contredire cette manière de voir, il me semble curieux d’observer que dans toutes les localités des Alpes où l’on a indiqué des mélaphyres, il y a des porphyres quarzifères, et qu’il en est de même en Angleterre, en Écosse, en Allemagne sur les bords du Rhin, en Thuringe, au Harz, près de Meissen, en Silésie, etc. Dans toute l’Italie proprement dite, ces deux dépôts paraissent manquer, cependant il y a eu bien des changemens, que jusqu’ici on a été tenté d’attribuer seulement au mélaphyre.

Cette lecture donne lieu à quelques remarques.

M. Rozet croit apercevoir une grande analogie dans la liaison intime reconnue par M. Hoffmann, entre les porphyres quarzifères, le mélaphyre et les granites du Tessin, et celle que lui ont présentée différentes roches feldspathiques de la chaîne des Vosges.

M. de Beaumont trouve que les objections faites par M. Hoffmann aux opinions de M. de Buch sur les différences d’âge et de formation de porphyres de Lugano, attaquent plutôt une opinion ancienne de M. de Buch, que celle exprimée en dernier lieu par ce géologue.

M. de Beaumont ayant visité avec M. de Buch les environs de Lugano, y a bien reconnu l’existence de plusieurs éruptions porphyriques, l’une de porphyre rouge, qui se lie au granite, l’autre plus récente, de mélaphyre.

Il pense qu’on doit reconnaître dans cette contrée trois faits principaux :

1° Une grande formation de gneiss et de micaschistes traversée par le granite, les porphyres rouge et noir ;

2° Des éjections postérieures de ce granite et du porphyre rouge ;

3° Une éruption de mélaphyre plus récente encore.

M. Boué croit pouvoir distinguer plusieurs âges de porphyres pyroxéniques dans divers pays, et même peut-être dans la chaîne des Alpes ; il ne pense pas que dans le nord de l’Allemagne ces roches soient de l’époque tertiaire, comme les mélaphyres du Tyrol ; ce sont pour lui des produits secondaires tels que ceux qui ont percé le terrain houiller et de grès rouge d’Écosse, tandis qu’il y aurait en Allemagne certains basaltes qui auraient bien pu s’être formés en même temps que les roches pyroxéniques du Tyrol.

M. de Beaumont assure que M. de Buch reconnaît aussi aujourd’hui plusieurs âges de mélaphyre.



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