Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 1, n°3/Texte entier


Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 1, n°3

SOMMAIRE



Chronique.
Questions et réponses.
Revue des revues.



La Société des Historiens du Théâtre fait appel à toutes les personnes s’intéressant au passé de la vie théâtrale, sous quelque forme que ce soit. La cotisation annuelle est de 100 francs (français) pour les membres bienfaiteurs, 50 francs pour les membres fondateurs, 20 francs pour les membres adhérents.

Les cotisations doivent être adressées au trésorier de la Société, 25, rue de Tournon, Paris, VIe ; Compte postal : Paris 1699-87. Pour tous renseignements, s’adresser à M. Fuchs, secrétaire, 7, rue Edmond-Guillout, Paris, XVe.

Correspondant pour la Belgique : M. Henri Liebrecht, 8, boul. de Dixmude. Bruxelles.



UNE HISTOIRE DU THÉÂTRE DE LYON



Si nous n’avons pas encore signalé le bel ouvrage de M. Léon Vallas, Un siècle de Musique et de Théâtre à Lyon (1688-1789), c’est que ce volume de 492 pages, grand in-8o — sans compter de copieux index et suppléments — n’est pas de ceux que l’on parcourt. C’est comme un récit, prenant au possible, de « fouilles » minutieuses, conduites par le plus avisé des archéologues. On y voit revivre, dans la « vice-capitale » du royaume, le monde comique avec ses illusions et ses faillites, ses mérites reconnus et ses tares indéniables ; mais on y voit aussi comment il faudrait s’y prendre pour ressusciter pareillement la vie théâtrale de toute la France d’autrefois. La qualité rare de ce travail est due à la fécondité de sa méthode autant qu’à la haute valeur des résultats.

D’où vient que des chercheurs, toujours consciencieux, souvent bien doués, n’ont tracé, de cet aspect important de notre activité spirituelle, qu’un tableau vague, décoloré, imprécis, troué d’incertitudes et d’erreurs ? C’est qu’ils ont presque uniquement dépouillé dans leurs archives le dossier Théâtre, en y joignant tout au plus les gazettes locales, lorsqu’elles donnaient une sommaire chronique des spectacles, ce qui n’était pas la règle ordinaire. On peut de la sorte connaître la vie extérieure, officielle, des entreprises on ne pénètre pas dans leur intimité.

M. Vallas a senti que les recherches devaient s’étendre bien plus loin : registres municipaux, archives hospitalières, état-civil, minutes notariales, procédures civiles et criminelles, il a tout exploré. Aussi quelle riche moisson, quel précieux instrument de travail pour les historiens à venir ! Et quand on sait tout ce qu’il faut de patience, d’ingéniosité, de « flair », de ténacité parfois, pour amasser brin à brin un pareil trésor, on éprouve une reconnaissance admirative pour le travailleur qui ose l’entreprendre et qui le mène à bien.

A-t-il épuisé la question ? Certainement non, et il nous en prévient au seuil même de l’ouvrage. Son livre est consacré surtout à l’histoire de l’Opéra lyonnais ; celle du théâtre non musical ne pouvait s’en détacher complètement, mais elle a été laissée un peu au second plan. Cette limitation légitime était imposée par l’ampleur du sujet ; souhaitons néanmoins que M. Vallas fasse école et qu’un de ses émules nous donne l’histoire des troupes dramatiques ; souhaitons aussi que son exemple nous vaille enfin une histoire des théâtres de Marseille, de Toulouse, d’Amiens, de Rennes, pour ne pas nommer tels autres grands centres, sur lesquels nous ne possédons que des travaux notoirement insuffisants.

Ces recherches, à la vérité, offriraient probablement une difficulté plus grave. En lisant M. Vallas on a l’impression qu’à l’origine du moins le personnel musical et lyrique des troupes lyonnaises fut, en grande partie, recruté sur place. Il était, par suite, relativement facile de retrouver la trace de gens qui avaient, dans la région, des parentés, des intérêts ; mais il me semble qu’à Lyon même les troupes dramatiques furent plus itinérantes, plus instables que les troupes lyriques, et que les unes et les autres furent, dans les autres villes, encore plus étrangères au terroir. Comment dès lors se renseigner sur des « oiseaux de passage », qui ne tiennent pas toujours à ce qu’on sache bien exactement d’où ils viennent ou dans quelle direction ils s’envolent, parfois à l’improviste ? Même quand ils n’avaient sur la conscience nulle gentillesse, ils dissimulaient, et pour cause, leur profession ; combien de fois, dans les actes que relève M. Vallas, se cachent-ils sous le nom vague de « musicien », ou sous le titre pompeux d’Officier d’une Altesse quelconque, voire même d’Officier du Roi ?

Pour les reconnaître dans les documents épars qui les concernent, il nous faudrait un répertoire à peu près complet de ces comédiens nomades ; mais, en attendant, on pourrait y suppléer en consultant les index de livres comme celui-ci. M. Vallas nous a donné, en effet, des renseignements circonstanciés, très souvent inédits, sur une foule d’acteurs, instrumentistes, décorateurs et autres gens de théâtre qui passèrent à Lyon dans le cours de ce siècle. Même il a eu l’excellente, la généreuse idée de publier dans un supplément les fiches qu’il n’avait pas utilisées, mais qui peuvent rendre de signalés services à d’autres chercheurs. Je voudrais montrer par quelques exemples quelles contributions précieuses il apporte à l’histoire générale des troupes et des comédiens.

Voici d’abord le chef de troupe Michel de Villedieu, signalé par M. Fransen à Mons au début de 1707 et pendant la campagne 1707-1708 (Com. fr. en Hollande, p. 178, n. 4) : en novembre 1708, il était « au camp devant Lille » (Lefebvre, Hist. Th. Lille, t. I, p. 201), puis il serait passé, nécessairement après la bataille de Pultawa (juillet 1709), au service du roi de Pologne, électeur de Saxe. Nous connaissons maintenant l’origine de ce personnage : fils de feu Michel de Villedieu, enseigne aux Gardes Françaises, et de Louise Devilliers, il a épousé à Lyon, le 9 octobre 1692, Marie-Françoise Baptiste, fille du comédien Marc-Antoine Dehouy de Rozanges et de Anne Clément ; il était encore à Lyon le 9 janvier 1695. Ainsi, quand il conduit sa troupe dans le Nord, il doit avoir dans les trente-cinq ans au moins. Qu’a-t-il fait pendant les douze années où nous perdons sa trace ? Était-il fils de comédienne, ou du moins apparenté par sa mère à des comédiens ? Car ce nom de Villiers se rencontre à maintes reprises dans la région du Nord et à Lyon : un François-Jacques de Villiers est à La Haye en juillet 1715 ; sa sœur Henriette s’engage au même théâtre en avril 1719 (Fransen, o. c., pp. 253 et 259) ; un de Villiers chantait à Lyon en 1729 ou 1730, un autre en 1739 (livret d’Omphale, Bib. Opéra), un Villiers figure dans la troupe de Monnet à Londres en 1749 (Bib. Arsenal, Mss. Portf. de Bachaumont). En nous révélant l’état civil de Michel de Villedieu, M. Vallas nous aurait-il mis sur la trace d’une de ces familles de comédiens auxquelles des alliances, parfois compliquées, donnaient une influence particulière dans la corporation ?

Et voici le cas inverse de l’acteur Restier : un chef de troupe de ce nom est signalé à Dijon par Gouvenain (Th. à Dijon, p. 87) entre avril et décembre 1746 ; M. Fransen rencontre également un Restier à Bruxelles en novembre 1751, puis à La Haye, en mai 1752 (o. c., p. 304) ; dix ans plus tard, un Restier joue les seconds comiques à Bordeaux, dans la troupe Émilie et Belmont (Obs. des Spect., 1er février 1763) ; sa femme joue les seconds rôles ; elle est encore à Bordeaux, comme soubrette en 1768 (O. Teuber, Die Theater Wiens, t. II, Anhang, p. V, n. 10), tandis qu’un Restier fait partie de la troupe Rosimond à Genève en 1766-67 (Kunz-Aubert, Spect. d’autref., p. 43). Ensuite on perdait la trace, car le maître de ballets et la dame Restier qui dansent à Nantes dans Horiphesme ou Les Bergers, en 1771 (Livret Bib. Opéra) me paraissent différents des précédents. Or, M. Vallas découvre un Restier à Lyon en 1772, 1776, 1779, et de 1782 à 1788, à peu près sans interruption. Que nous fait-il connaître ainsi : la fin d’une carrière ou l’histoire d’une famille ? Impossible de se prononcer encore, mais cela ne diminue en rien la valeur de ses trouvailles.

Il en est dont un chercheur moins averti ferait moins de cas, et qu’il mépriserait peut-être. Lourde faute que notre auteur s’est bien gardé de commettre : qui peut dire si le pauvre petit anneau qu’on ne daigne pas ramasser ne permettrait pas de ressouder une longue chaîne ? Mlle La Châtaigneraie, signalée en 1758-88 dans la troupe de Collot d’Herbois, avait joué en mars 1777 à Rouen (Arch. mun. Brest, ii 18, liasse 33, n° 14) ; elle avait reçu, probablement au cours de l’été de 1779, un ordre de début à la Comédie Française (Arch. Nat., O1 844, n° 154) ; en quittant Lyon, elle fut engagée à Marseille, où elle était encore le 27 mai 1789 ; c’était une actrice fort estimée dans les reines et les mères nobles. La dame Valville, qui est à Lyon le 14 août 1781, est sans doute la femme du collaborateur de la Montansier, le chef de troupe Valville, qui se trouvait précisément à Mâcon pendant le premier trimestre de la même année (Arch. mun. Mâcon, FF 57, p. 27 v°). Elle devait avoir au moins une trentaine d’années alors, puisque son fils et sa fille étaient déjà en âge de jouer des rôles d’enfants (Arch. Dép. Somme, C 1551) ; c’est probablement la même qu’on retrouve à Lille en 1783 (Lefebvre, o. c., t. II, p. 64), puis à Lyon de 1784 à 1786 (Journal de Lyon), et qui revient pendant la direction Collot d’Herbois, après un séjour à Toulouse (Molière à Toulouse, 15 mars 1787, Bib. Nîmes), puis repart pour Lille en 1789.

Terminons par l’exemple instructif du chanteur Massy, signalé une seule fois, le 4 novembre 1782 : cet inconnu jouait à Nantes en 1771 (Livret d’Horiphesme) ; c’est probablement lui qui débute à la Comédie-Italienne comme basse-taille, le 3 mai 1773 (Reg. Op.-Com., n° 5) et qu’on retrouve encore à Bordeaux au début de 1775 (Arch. Com.-Fr., Conflits prov.). En 1780 et 1781, un Jean-Louis-Noël Massy dirigeait une troupe circulante, dont le passage est noté, à deux reprises, sur les Registres de Police de Nevers. Le renseignement nouveau, d’apparence minuscule, recueilli par M. Vallas fait donc un peu plus de lumière sur la carrière d’un comédien qui ne fut peut-être pas tout à fait négligeable.

Ainsi, d’effort en effort, nous parviendrons à mieux connaître ces artisans de notre vie théâtrale française. Quand nous pourrons jalonner un nombre suffisant de carrières comiques, il nous sera plus facile de retrouver les documents révélateurs qui se cachent encore au fond de quels registres de police, de quelles minutes notariales ? Alors nous pourrons faire pour d’autres villes ce que M. Vallas vient de faire pour la sienne. Ce qu’il a trouvé n’est pas toujours édifiant, bien que, parfois, je me sente porté à juger les faits et les gens avec plus d’indulgence que lui ; mais, du moins, ce monde comique lyonnais revit sous sa plume. Son beau livre nous montre ce qu’on pourrait obtenir dans cet ordre de recherches et nous fournit, par sa précision méticuleuse, des facilités nouvelles pour les poursuivre. Qu’il en soit doublement remercié.

M. Fuchs.


HENRY LYONNET



Dans Le Figaro du 13 février dernier, M. Jules Truffier, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, a consacré un excellent article à la mémoire d’Henry Lyonnet. Nous en extrayons, avec la gracieuse autorisation de l’auteur, les lignes suivantes, où l’œuvre de ce « bénédictin » de l’histoire théâtrale est dignement louée.

« Henry Lyonnet (de son vrai nom Alfred Copin), l’un des premiers collaborateurs du Moliériste de Georges Monval, était devenu l’auteur d’innombrables livres concernant l’histoire des théâtres de France et de l’étranger. Le trésor de renseignements qu’il nous laisse consiste particulièrement dans son Dictionnaire des Comédiens français, inestimable encyclopédie en deux tomes in-4o de 700 pages, à deux colonnes, devenus rares, et dont un habile Mécène des lettres dramatiques nous devrait bien donner une édition nouvelle, considérablement augmentée, grâce aux documents considérables que Lyonnet lègue aux érudits de l’avenir.

« Il y a quelque trente ans, nous nous plaignions, lors de l’apparition de ce Dictionnaire, de l’absence de documents généraux, groupés et réunis sur notre théâtre en France, car si l’histoire des monuments, salles, entreprises, directions, etc., reste difficilement réalisable, l’histoire des pièces représentées se pourrait effectuer en recourant aux travaux d’un Johannidès et de ses émules, sans parler des archives inexplorées au Bureau des Théâtres passées à l’Arsenal. Il n’y faudrait qu’une longue patience et… la certitude de trouver un éditeur. Il en irait de même pour l’histoire des auteurs, grâce aux bulletins de notre Société de la rue Ballu ; et quant à l’histoire des comédiens, elle n’est plus qu’à compléter, après le premier travail accompli par Henry Lyonnet, et qu’il continuait en notes manuscrites. Ne désespérons donc pas de posséder un jour un « Ensemble » des connaissances théâtrales, digne d’un pays où l’art dramatique tient tant de place.

« D’autre part, les trop pesantes encyclopédies effrayant un peu le public, et les livres coûtant cher, mieux valait, d’abord, sérier les travaux et les offrir séparément, au fur et à mesure de leur apparition.

« C’est ce que fit notre sagace Lyonnet, qui profita de la célébration du tri-centenaire de Molière pour publier, après son Dictionnaire, ce « registre » plus détaillé, plus à notre portée que celui de La Grange, et fécond en renseignements de toutes sortes, le recueil des Premières de Molière, que devaient suivre les Premières de Corneille, de Racine, de Musset, de Victor Hugo, parus à la file, sans oublier les Premières de Marivaux, La Vie de Goldoni, qui ne sont point achevées, pas plus, hélas ! que le vaste recueil de la Comédie des Comédiens, que nous rêvions de publier ensemble.

« Mais que de volumes précieux Lyonnet laisse aux professionnels et amateurs de Melpomène et de Thalie ! Ce collectionneur regretté savait toutes les langues méditerranéennes ; il l’a prouvé dans : Le Théâtre en Espagne, À travers l’Espagne inconnue, La Vie aventureuse de Cervantès, Le « Cid » de Corneille, Les Excursions historiques et littéraires, Le Théâtre au Portugal, Le Théâtre en Italie, Pulcinella et Compagnie, Mademoiselle Molière, La Grande Armée (épopée napoléonienne), Les Comédiennes du XVIIIe siècle, Les Comédiens révolutionnaires, Au rideau et derrière la toile, La Dame aux Camélias… J’en passe, et des meilleurs, des plus riches en documents… »

M. Truffier note que Lyonnet disparaît « sans avoir été récompensé selon son œuvre » malgré tous les efforts d’amitiés dévouées. Nous comprenons son amertume légitime, comme nous nous expliquons l’agacement qu’il éprouve en face de certaines critiques. Pour nous, qui voudrions ne pas agir en héritiers ingrats, il nous arrivera plus d’une fois sans doute de mettre au point, comme il l’eût fait lui-même, de préciser, de corriger bien des choses dans le trésor documentaire que nous lègue ce laborieux. Du moins, nous le ferons avec respect, avec le sentiment que notre œuvre, si elle vaut quelque chose, n’aurait pas été possible sans la sienne. Notre société, qui ne put profiter de la vieille expérience de Lyonnet, ni de son ardeur restée si jeune, devait au moins à sa mémoire de la saluer comme celle d’un précurseur.



CHRONIQUE


COLLECTION RONDEL. — Ouvrages étrangers récemment acquis :

Haas (Robert). — Die Wiener Oper (1626-1925). Vienne-Budapest, Cligius Verlag, 1926, in-8o, 70 pp., 59 ill.

Wolkan (Rolf). – Das Burgtheater in Wien. M. lib., 1926, in-8o, 47 pp., 37 ill.

Bruckmann (Hennig). – Anfänge des modernen Dramas in Deutschland (XVI ten Jh.). Iéna, 1933, in-8o, 62 pp.

Pukansky-Kadar. Geschichte des Deutschen Theaters in Ungarn (tome I. Des origines jusqu’en 1812). Munich, Ernst Reinhardt, 1933, in-8o. 175 pp.

Glaser (Curt). – Japanisches Theater. Berlin, Würfel Verlag, s. d. (l’Introduction est datée de février 1930), 195 pp., 22 phot. et 11 ill.

Soulié de Morant (George). – Théâtre et Musique modernes en Chine, avec une étude technique de la musique chinoise et transcriptions pour piano par André Gaillard. Paris, Librairie orientaliste de Paul Geuthner, 1926, in-4o, 195 pp., dont 64 de mus. et 17 pl. h.-t.


INTÉRESSANTE RESTITUTION. — La « Boîte à Musique », groupement artistique belge, a donné, le 6 mars dernier, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, une représentation de la Servante Maîtresse, de Pergolèse, jouée « d’après la version originale, et non d’après les versions arrangées qu’on donna à Paris, en 1752 d’abord, en 1762 ensuite ».


MÉLANGES H. HAUVETTE. — M. Henri Hauvette, professeur de langue et littérature italiennes à la Sorbonne, va bientôt entrer dans sa quarantième année d’enseignement universitaire. À cette occasion et pour fêter son élection récente à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, un certain nombre de ses collègues, de ses disciples et de ses amis ont l’intention de lui offrir un recueil de Mélanges qui seront publiés dans les premiers mois de 1934, en un fort volume in-8o. Parmi les articles annoncés, nous signalerons à l’attention des historiens du théâtre :


Ferdinand Boyer (Paris). – Musiciens, Chanteurs et Comédiens florentins au XVIIe siècle (d’après des lettres inédites).

Mirko Deanovic (Zagreb). – Les Auteurs dramatiques français et italiens au Théâtre de Zagreb.

Paul-Marie Masson (Paris). – La Musique italienne en France pendant le premier tiers du XVIIIe siècle.

Camille Monnet (Turin). – Les Misères de Monsieur Travette.

Giuseppe Ortolani (Bologne). – I drammi giocosi del Goldoni.

Stanko Skerlj (Belgrade). – Représentations italiennes à Ljubljana au XVIIIe siècle.

Nunzio Vaccalluzzo (Catane). — « Arlequin franc-maçon » e « Le donne curiose » di Carlo Goldoni.


Le prix de souscription à cet ouvrage est fixé à 80 francs (port compris) ; il sera augmenté à la publication. Prière de faire parvenir les souscriptions avant le 1er juillet prochain à M. Fernand Boyer (Mélanges Hauvette), 54, rue Pelleport, Paris, XXe (Compte de Chèques postaux : Paris 1077-25).


INDIFFÉRENCE REGRETTABLE. — Parmi les sujets d’étude proposés aux travailleurs en vue du Congrès des Sociétés savantes qui vient de se tenir à Toulouse figurait la question suivante :

« Recueillir, pour une région, les renseignements sur l’état du théâtre, la production dramatique, les représentations théâtrales et la vie des comédiens depuis la Renaissance. »

On peut constater que l’ordre du jour du Congrès ne comporte aucune communication sur ce sujet. Il est vaste cependant, et à peine effleuré ; presque partout, les archives locales réserveraient au chercheur de précieuses trouvailles. Nous essaierons de découvrir les causes de cette abstention étrange pour des recherches qui furent populaires chez nous et qui devraient continuer à l’être.



UNE EXPOSITION DE PROGRAMMES DE THÉÂTRE À BRUXELLES



On sait que la Bibliothèque de l’Arsenal contient, entre autres, les magnifiques programmes du fonds Rondel. On connaît moins les collections étrangères et particulièrement celle du British and Albert Museum à Londres, que soigne avec un soin jaloux, Mrs. Gabriel Enthoven, et la collection Lionel Renieu à Bruxelles. C’est cette dernière qui a servi de base à l’intéressante exposition de programmes de théâtre qui a lieu pendant un mois dans les locaux du Musée du Livre de Bruxelles, institution officielle sous le patronage du roi Albert. Mr. Rondel et Mr. Gordon Craig ont également prêté quelques programmes.

Le but poursuivi par M. Renieu a été de montrer l’intérêt varié que présentait une collection systématique de programmes, et la quantité de renseignements artistiques ou intéressants qu’on en pouvait tirer. À cet effet, il groupa dans une nombreuse série de vitrines des exemplaires représentatifs des groupes sur lesquels il voulait appeler l’attention, se réservant de montrer ultérieurement des séries beaucoup plus complètes de tel groupe qu’il conviendrait de mettre en lumière.

Ce fut ainsi qu’il exposa en premier lieu une partie historique où figuraient de très anciens programmes de Bruxelles, de France et de Londres. Parmi les premiers, à noter particulièrement un programme de 1701 que M. Renieu tient de M. Henri Liebrecht, concernant une représentation au Théâtre de la Monnaie, qui venait de s’ouvrir. Pas plus que chez nous, ces programmes ne contenaient le nom des artistes qui ne devait y figurer que près d’un siècle plus tard. Par contre, les anciens programmes de Drury Lane (1769 à 1772) offraient déjà, outre une typographie bien curieuse, une liste interminable de noms d’artistes. D’anciens programmes contemporains français contiennent, au lieu, une adresse en vers aux dames ; décidément, la galanterie ne perdait jamais ses droits. Un peu plus tard, voilà l’ancien Théâtre du Parc, devenu successivement Théâtre Anglais pendant les guerres napoléoniennes, alors que Bruxelles contenait une forte garnison anglaise, puis Théâtre Néerlandais pendant l’union avec la Hollande. Comme chez nous, les théâtres belges reflétaient les fluctuations de la politique…

Les représentations « par ordre » eurent, elles aussi, leurs programmes intéressants, sobres chez nous sous les deux Empires et la Restauration, plus sobres encore à Bruxelles, mais ornés à Windsor (1847 à 1850), à Sandringham et même au Caire à l’occasion de la visite du roi Albert.

La série de « souvenirs » émis en Angleterre à l’occasion de la création de pièces importantes, ou de la 100e, de la 500e ou encore pour chaque anniversaire annuel, étonne par l’importance des brochures que l’on éditait et que l’on remettait gracieusement à chaque spectateur. Non seulement, ils contenaient fréquemment des illustrations en couleurs et des vues de scènes, mais souvent la partition complète ou le texte en entier s’il s’agissait d’une comédie.

La musique est représentée de nombreuses façons, par des extraits et des études. Notons, en passant, un vieux programme de l’Eden Théâtre de Bruxelles, ancien music-hall d’où partirent les quadrilles réalistes et dont André Messager était chef d’orchestre.

Le nu se présente sous toutes ses formes : comme album de music-hall, comme photographies d’artistes et comme nu symbolique sur les couvertures.

Les mouvements de danse ont suscité les merveilleux albums de la Pawlowa, de la Balachowa et quantité d’autres.

Quant aux maquettes de décors ou de costumes, c’est une véritable débauche, où les programmes édités par les de Brunoff, à l’occasion des ballets russes ou des représentations de Monte-Carlo sont en bonne place.

Et, à ce sujet, se souvient-on des essais intéressants de M. Rouché au Théâtre des Arts avant qu’il ne prît la direction de l’Opéra et qui, naturellement, sont représentés ici ?

Puis, il y a les illustrations artistiques de toute espèce, en commençant par les plus anciennes — combien modestes et naïves parfois — pour passer par les illustrations contemporaines et finir par les dessins futuristes. Tous nos grands artistes les ont signées.

D’ailleurs, les groupes de sujets les plus imprévus se rencontrent. Il y a la mode, bien amusante, mais cela ce n’était pas imprévu. Il y a les dessins militaires, les locomotives et la marine, les renseignements religieux, les exotiques — Chine, Cambodge et Japon — que sais-je ? Il y en a, il y en a encore.

Au point de vue technique, il y a la merveilleuse série de programmes représentatifs des procédés d’impression : programmes au pochoir, hélios en couleurs, eaux-fortes (et Paris est bien représenté), beaux programmes de tout ordre parmi lesquels la palme revient sans conteste à la brochure-programme éditée à l’occasion du gala de l’Ordre de Malte à Liège en 1932, et établi « autour » de la pièce Prince chéri dont le personnage central était le prince de Ligne (1765). Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir plus en détail. À noter aussi la série de brochures-programmes qu’édite « La Boîte à Musique », pour ses galas du Palais des Beaux-Arts et qui contiennent une série d’articles et d’études illustrées bien intéressantes et, notamment, des études sur ces mêmes programmes de théâtre dont nous parlons.

Puis il y a les programmes curieux en forme d’éventail, en matières diverses, soie, satin, éditions sur Japon ou sur Hollande. Il y a les plagiats, rapprochements amusants, sauf pour les dessinateurs.

Il y a la série des journaux-programmes dont les anciens reconstituent l’histoire de nos théâtres de bien amusante façon. Et il y a les brochures éditées par les revues de théâtres pour telle ou telle pièce, depuis les photo-programmes d’avant 1900, jusqu’aux albums de L’Art du Théâtre ou de Comœdia Illustré. Il y a les journaux satiriques édités par le Chat Noir de Paris, le Diable-au-Corps de Bruxelles et d’autres après eux ; et la série de programmes des théâtres d’art, depuis le Théâtre Libre, en passant par l’Œuvre, jusqu’aux théâtres d’aujourd’hui.

Il y a les programmes des galas de bienfaisance et les programmes de guerre.

Il y a les programmes étrangers : Londres, New York, Berlin, les beaux albums de la Scala de Milan, les programmes historiques de Syracuse. Il y a, il y a tant d’autres choses encore… qu’il serait bien intéressant d’avoir à Paris une exposition pareille à condition sine qua non, d’obtenir le concours de la « Boîte à Musique », qui organisa de si intéressante façon celle de Bruxelles.

Lionel Renieu.


QUESTIONS ET RÉPONSES



Selon O. Teuber (Das K. K. Hofburg-Theater seit seiner begründung. Vienne. 1897, in-8, p. 62, n. 1), la Bibliothèque de la ville de Lucerne (Lüzerner Bürgerbibliothek) posséderait la collection d’une gazette parue vers 1748, Luzernische Samstag Zeitung, qui donnerait des renseignements sur des représentations françaises à l’étranger, notamment en Autriche.

Un chercheur suisse voudrait-il nous faire l’amitié de vérifier le fait et de nous donner quelques renseignements précis sur cette gazette et les documents qu’elle contiendrait ?

À M. Desarthis sur les Marionnettes :

On nous signale le passage suivant du livre de M. P. Courtault, La Révolution et les Théâtres à Bordeaux. Paris, Perrin, 1926, in-16, chap. XVII, p. 250 :

« Au mois d’octobre 1798, un petit théâtre de marionnettes s’était installé sur les allées de Tourny. L’impresario était Jean-Baptiste Cortay, dit Bojolay ou Beaujolais. Il était arrivé à Bordeaux un an avant et avait obtenu, le 16 novembre 1797, de montrer en public « une pièce méchanique » : c’étaient les fameux fantoccini. Il les avait installés dans une de ces baraques qui se multiplièrent alors sur le glacis du Château-Trompette… Le théâtre de Beaujolais était fréquenté par un public populaire. »

Quel chercheur bordelais voudra bien nous signaler les articles contemporains ou les documents relatifs à ce théâtre ?

À M. Trémolières sur Fenouillot de Falbaire :

Le succès de ce dramaturge oublié fut plus considérable qu’on ne serait tenté de le croire. Mlle Hubertowna, étudiante à Paris, a relevé sa trace en Pologne, dans le livre de Ludwik Bernacki, Teatr, Dramat y Muzyka za Stanislawa Augusta Lwow, 2 vol. in-8o, t. I, p. 461 :

Les Deux Avares furent joués en français à Varsovie en 1776 et 1788 ; ils furent joués en polonais en 1780-1781 (huit fois), 1783 (quatre fois) et en 1788, en même temps que l’original français.

Une édition polonaise parut à Varsovie, chez Dufour, en 1782.

L’École des Mœurs fut jouée en polonais les 28 et 29 décembre 1793.

Le Fabricant de Londres fut joué en polonais en 1784, 1787, 1788 et 1790 ; la traduction polonaise de M. Gröll fut éditée dès 1784.

L’Honnête Criminel, joué d’abord en allemand en 1782, fut joué en polonais en 1783 (trois fois), 1790 (deux fois) et 1791 ; la traduction polonaise fut éditée en 1783.

Mélide ou Les Navigateurs fut joué en allemand avec musique nouvelle de Dittersdorf, en 1783, et traduit en polonais en 1793.

À M. Kunz-Aubert sur Aufresne :

Ce comédien a donné à Bruxelles une série de représentations extraordinaires, du 16 au 27 décembre 1773 ; la dernière lui fut accordée à son bénéfice. J’ai donné la nomenclature des pièces jouées dans mon Histoire du Théâtre français à Bruxelles au XVIIe et au XVIIIe siècles,

p. 258. — H. Liebrecht.

On nous signale également un passage d’Aufresne à Metz :

Les Affiches, Annonces et Avis divers pour les Trois Évêchés et la Lorraine (Bib. Nat., Lc 9 90) annoncent pour le 31 décembre 1775, la représentation de L’Homme Singulier et du Bourru Bienfaisant : « M. Aufresne remplira les principaux rôles ».

M. Henri Liebrecht de Bruxelles demande communication de tous renseignements concernant les comédiens du nom de Gravier ayant joué en France (particulièrement dans la Région rhodanienne et dans les pays limitrophes) à la fin du xviie et dans le courant du xviiie siècle.

D’autre part, il serait heureux de connaître l’origine du surnom de d’Hannetaire que Jean-Nicolas Servandoni ajouta à son nom. Ce comédien étant né à Grenoble, n’est-ce pas dans la région dauphinoise qu’on pourrait trouver cette origine ? ou bien ne serait-ce là qu’un surnom italien francisé ? Car l’usage du surnom paraît avoir été habituel dans la famille.

Quelques-uns de nos lecteurs nous ayant demandé des renseignements complémentaires sur l’acteur italien Petrolini, nous pouvons leur indiquer que ce brillant comédien est probablement le seul qui soit capable, comme autrefois les comici dell’arte, de converser et de polémiquer avec le public, d’interrompre un rôle pour y intercaler des allusions improvisées en interpellant les spectateurs.

Dans une interview, Petrolini déclare que cette faculté s’est développée du fait d’avoir interprété, composé des silhouettes typiques, des « numéros » isolés (du genre « Variétés » ). Or « la silhouette, dit-il, est par elle-même de nature « polémique » ; elle provoque des interruptions, des éclats de rire, des commentaires spontanés qui appellent la riposte. »

Je dois d’ailleurs signaler qu’en France j’ai vu quelque chose d’analogue en la personne de Doumel, acteur de music-hall. Mais Petrolini est beaucoup plus varié, plus riche en ressources que Doumel, et les Italiens le tiennent, à juste titre, pour un de leurs comiques les plus surprenants. — A. M.




REVUE DES REVUES


Le Soir Illustré (Bruxelles), 18 février et 4 mars 1933. Lionel Renieu, Les Programmes de Théâtre.

L’article que notre confrère a bien voulu nous adresser pour le présent bulletin permet de comprendre l’intérêt de ceux qu’il a publiés dans le beau périodique belge. Signalons seulement, car ce détail est d’importance, que ces deux numéros du Soir Illustré contiennent 31 reproductions photographiques d’affiches et de programmes, depuis 1700 jusqu’à 1930.

À noter aussi, dans le numéro du 18 février, les reproductions fort bien venues du Marchand d’Orviétan de Gérard Dow, et du Charlatan de Kurel du Jardin. On ne saurait trop insister sur l’importance de ces documents figurés concernant les humbles débuts de la comédie. Il serait même bien intéressant qu’un historien de l’art nous en procurât un jour le catalogue.

Les Études italiennes (n° d’avril-juin 1933) achèvent la publication du travail de M. L. di Francia sur Il Servitore di due Padroni di Carlo Goldoni. Ce deuxième article, plus spécialement consacré à l’art de Goldoni, nous permet de voir comment il a mis en œuvre le vieux canevas connu en France et dont l’article précédent donnait les épisodes principaux.

Bulletin des Comédiens routiers d’Île-de-France (avril 1933). Léon Chancerel. Du Jeu à l’Impromptu. — Quatre pages de notes substantielles sur la technique de la Commedia dell’arte, appuyées sur de nombreux textes de la bonne époque. Souhaitons que notre confrère puisse nous donner un jour une traduction, ou du moins une analyse plus détaillée, de ces pages difficilement accessibles auxquelles il fait allusion, p. 100 :

« Nous avons, sur la façon dont travaillaient les Comédiens de l’Art, des renseignements très précieux, dont, tout particulièrement, l’ouvrage rarissime d’Andrea Perrucci (Dell’Arte representativa, L’Art de représenter, Naples, 1699). Le chapitre intitulé Del modo di concertare il soggetto est tout à fait explicite sur ce point. »