Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Les Deux Abbés

VII

les deux abbés



Un jour, l’archevêque d’Auch interrogeait les jeunes abbés du grand séminaire qui voulaient être reçus prêtres. Parmi ces abbés, il y en avait un fort savant, et un autre bête comme une oie.

— « Que vais-je répondre à Monseigneur ? pensa l’imbécile. Quelque sottise, assurément. Ce que j’ai de mieux à faire, c’est de laisser répondre avant moi mon camarade le savant, et de répéter ce qu’il aura dit. »

En effet, le savant passa le premier. L’archevêque d’Auch, qui le connaissait, et qui voulait le faire briller, lui demanda :

— « Que feriez-vous, abbé, si une araignée venait à tomber dans le calice[1] ?

— Monseigneur, je prendrais délicatement l’insecte des deux doigts. Si je ne me sentais pas trop de dégoût, je l’avalerais. Sinon, je le brûlerais à la flamme d’un cierge, et je jetterais ses cendres dans la piscine.

— Abbé, il est impossible de mieux répondre.

— Maintenant, pensa l’imbécile, je suis sûr de mon affaire. »

Quand son tour fut venu de répondre, l’archevêque d’Auch, qui le tenait pour une bête, et qui aimait à rire, lui demanda :

— « Que feriez-vous, abbé, si un âne venait à boire dans le bénitier ?

— Monseigneur, je prendrais délicatement l’insecte des deux doigts. Si je ne me sentais pas trop de dégoût, je l’avalerais. Sinon, je le brûlerais à la flamme d’un cierge, et je jetterais ses cendres dans la piscine[2]. »

  1. Les questions de l’archevêque d’Auch, et les réponses des deux abbés, sont en français dans le récit gascon que je traduis.
  2. Dicté par feu l’abbé Estibal, natif de l’Isle-Jourdain, et mort curé de Terraube (Gers).