Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Le Sermon du Cochon de

VIII

le sermon du cochon de lait



Autrefois, il y avait, à Sainte-Radegonde[1], un curé qui aimait mieux la viande que les choux, et le bon vin vieux que la piquette. Ce curé avait son presbytère attenant à l’église ; de sorte qu’en disant sa messe, il pouvait voir, de l’autel, ce qui se passait à sa cuisine.

Un dimanche, le curé, qui attendait du monde à dîner, avait commandé pour rôti un superbe cochon de lait. Mais, au beau milieu de la dernière messe, il aperçoit la servante, qui s’était endormie, en tournant la broche, et qui laissait brûler le cochon de lait. Aussitôt, le curé monte en chaire, et fait ce sermon :

— « Mes bien chers frères, vous êtes tous de braves gens ; et je crois bien qu’aucun de vous n’est capable de porter directement la main sur le bien des autres. Mais il y a plus d’une façon de prendre les choses du prochain. Tenez, mes bien chers frères, lundi dernier, un homme de cette paroisse avait laissé son cochon pâturer dans le champ de fèves d’un voisin. Ce voisin s’indignait, et criait : « Hô ! hô ! Le cochon ! Le cochon ! »

À ce cri, la servante endormie se réveilla, et se remit à tourner la broche[2].

  1. Commune du canton de Fleurance (Gers). On met aussi cette historiette sur le compte du curé de Saint-Giny, près Lectoure.
  2. Ma grand’mère paternelle, Marie de Lacaze, native de Sainte-Radegonde (Gers), m’a souvent conté cette facétie.