Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Dieu a dit

IX

dieu a dit…



Il y avait, une fois, au grand séminaire d’Auch, un petit abbé, glorieux comme un pou, et bête comme une souche. Pourtant, il se croyait né pour devenir le plus grand prédicateur de la terre.

Quand il eut reçu la messe, le petit abbé vint faire visite à sa famille.

— « Chers parents, dit-il à souper, c’est demain dimanche. Votre curé m’a permis de prêcher à vêpres. Ne manquez pas d’y venir. Vous verrez si je ne suis pas né pour devenir le plus grand prédicateur de la terre. »

Mais le père se méfiait.

— « Mon ami, lui dit-il, de ce que tu ne sais pas, on pourrait faire un grand livre. Crois-moi, laisse prêcher notre curé.

— Père, n’ayez pas peur. Patience, et vous verrez si vous n’avez pas lieu d’être fier de moi.

— Mon ami, le Bon Dieu le veuille ! »

Le lendemain, l’église était bondée de curieux, et le petit abbé montait en chaire.

— « Mes frères, Dieu a dit… Dieu a dit… »

Le petit abbé se troubla.

— « Mes frères. Dieu a dit… Dieu a dit… »

Les assistants s’esclaffaient de rire.

— « Mes frères, Dieu a dit… Dieu a dit… »

Enfin, le père du petit abbé perdit patience.

— « Dieu a dit que tu es une foutue bête. Descends de chaire, animal. Tu me fais honte. »

Le petit abbé obéit. Mais la leçon lui profita. Il se corrigea de son orgueil, étudia longtemps, et finit par devenir bon prédicateur[1].

  1. Je sais, depuis mon enfance, cette historiette, encore populaire dans le département du Gers.