Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Le Sermon de la culotte

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le sermon de la culotte




Il y avait, une fois, un jeune vicaire qui voulait devenir un grand prédicateur. Mais il avait si mauvaise mémoire, qu’il ne pouvait retenir par cœur les sermons à réciter. Aussi les écrivait-il sur de petits morceaux de papier, qu’il gardait dans une poche de sa culotte, pour les tirer au bon moment.

Le jour de la fête patronale du village approchait ; et le jeune vicaire préparait, en conséquence, un magnifique sermon. À plus de trois lieues à la ronde, tout le monde était prévenu.

Enfin, le grand jour vint. Le jeune vicaire mit sa culotte neuve, sa plus belle soutane, son plus beau rabat, se frotta les mains, et pensa :

— « Ha ! ha ! Ce soir, après vêpres, ma réputation de grand prédicateur sera faite. »

À vêpres, plus d’un millier de personnes attendaient.

— « Mes frères… Mes frères… »

Le prédicateur se fouilla. Malheur ! Les petits morceaux de papier étaient restés dans la poche de la vieille culotte.

— « Mes frères… Mes frères… »

Les assistants commençaient à perdre leur sérieux.

— « Mes frères… Mes frères… »

Enfin, le jeune vicaire prit un grand parti :

— « Mes frères, ce que je n’ai pas dans ma culotte neuve, je l’ai dans ma vieille. »

Tout le monde éclata de rire, et le jeune vicaire fit comme les autres[1].

  1. Je sais, depuis mon enfance, cette historiette, encore populaire dans le département du Gers.