Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Les Deniers

X

les deniers



Il y avait, une fois, un homme et une femme qui curaient une étable. En curant l’étable, ils y trouvèrent un denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons une poule. »

Ils s’en allèrent à la foire, et achetèrent une poule.

Cette poule pondit beaucoup d’œufs, qui se vendirent fort bien, en temps de carême.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons un coq. »

Ils s’en allèrent à la foire, et achetèrent un coq.

Avec le coq et la poule, ils eurent force poulets, qui se vendirent fort bien, en temps de carnaval.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons une chèvre. »

Ils s’en allèrent à la foire, et achetèrent une chèvre.

Cette chèvre fut bonne laitière ; et son lait se vendit fort bien à la ville.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons un bouc. »

Ils s’en allèrent à la foire, et achetèrent un bouc.

Le bouc et la chèvre eurent force chevreaux, qui se vendirent fort bien aux bouchers.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons une vache. »

Ils s’en allèrent à la foire, et y achetèrent une vache.

Cette vache donna force lait, comme la chèvre. Ils le vendirent fort bien à la ville.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons un taureau. »

Ils s’en allèrent à la foire, et y achetèrent un taureau.

Le taureau et la vache firent force veaux, qui se vendirent fort bien à la ville.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Nous irons à la foire : nous y achèterons un chat. »

Ils s’en allèrent à la foire, et achetèrent un chat.

Ce chat fut grand chasseur, et il mangea tous les rats, les belettes, les souris et les taupes du pays.

L’homme et la femme curèrent encore l’étable. Ils y trouvèrent un autre denier.

— « Que ferons-nous de ce denier ? — Maintenant, nous sommes assez riches. Il faut bâtir un pont de verre. »

Ils bâtirent le pont de verre, et quand il fut bâti, ils dirent :

— « Maintenant, il faut l’éprouver. »

Ils y firent passer la poule.

Elle ne le cassa pas.

Ils y firent passer le coq.

Il ne le cassa pas.

Ils y firent passer la chèvre.

Elle ne le cassa pas.

Ils y firent passer le bouc.

Il ne le cassa pas.

Ils y firent passer la vache.

Elle ne le cassa pas.

Ils y firent passer le taureau.

Il ne le cassa pas.

Ils y firent passer le chat.

Il le cassa.

— « Quel était le plus fort ?

— Le chat[1].

— Lève-lui la queue. Souffles-y dessous[2]. »

  1. Réponse des auditeurs.
  2. Réplique du conteur. Avec la réponse des auditeurs, cela forme deux vers gascons :

    — « Lou gat.
    — Lèuo-li la cûo. Bouho-li debat. »

    Dicté par mon fils, Étienne Bladé, alors âgé d’environ dix ans.