Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Le Voyage du Coq
IV
le voyage du coq
l y avait, une fois, un coq, qui trouva une
bourse pleine de louis d’or.
— « Coucouroucou ! Ma fortune est faite. Allons riboter à la foire. »
Le Coq partit. Au bout d’une lieue, il trouva un vol de mouches.
— « Bonjour, Coq. Où vas-tu ?
— Mouches, je vais riboter à la foire.
— Coq, tu serais bien honnête de nous inviter.
— Mouches, je vous invite avec plaisir. Mais pourrez-vous me suivre ?
— Coq, nous te suivrons. »
Le Coq repartit. Les mouches le suivaient, en bourdonnant.
Une lieue plus loin, les mouches n’en pouvaient plus.
— « Coq, nous sommes lasses.
— Mouches, entrez dans mon cul. Je vous porterai. »
Les mouches entrèrent dans le cul du Coq, et il repartit.
Une lieue plus loin, il trouva un essaim de frelons.
— « Bonjour, Coq. Où vas-tu ?
— Frelons, je vais riboter à la foire.
— Coq, tu serais bien honnête de nous inviter.
— Frelons, je vous invite avec plaisir. Mais pourrez-vous me suivre ?
— Coq, nous te suivrons. »
Le Coq repartit. Les frelons le suivaient, en faisant leur bruit.
Une lieue plus loin, les frelons n’en pouvaient plus.
— « Coq, nous sommes las.
— Frelons, entrez dans mon cul. Je vous porterai. »
Les frelons entrèrent dans le cul du Coq, et il repartit.
Une lieue plus loin, il trouva un troupeau d’ânes.
— « Bonjour, Coq. Où vas-tu ?
— Ânes, je vais riboter à la foire.
— Coq, tu serais bien honnête de nous inviter.
— Ânes, je vous invite avec plaisir. Mais pourrez-vous me suivre ?
— Coq, nous te suivrons. »
Le Coq repartit. Les ânes le suivaient, en brayant.
Une lieue plus loin, les ânes n’en pouvaient plus.
— « Coq, nous sommes las.
— Ânes, entrez dans mon cul. Je vous porterai. »
Une lieue plus loin, il rencontra un troupeau de bœufs.
— « Bonjour, Coq. Où vas-tu ?
— Bœufs, je vais riboter à la foire.
— Coq, tu serais bien honnête de nous inviter.
— Bœufs, je vous invite avec plaisir. Mais pourrez-vous me suivre ?
— Coq, nous te suivrons. »
Le Coq repartit. Les bœufs le suivaient, en beuglant.
Une lieue plus loin, les bœufs n’en pouvaient plus.
— « Coq, nous sommes las.
— Bœufs, entrez dans mon cul. Je vous porterai. »
Les bœufs entrèrent dans le cul du Coq, et il repartit.
Une lieue plus loin, il arriva, la bourse au bec, dans un grand château.
— « Bonsoir, Monsieur. Bonsoir, Madame. Je crève de soif et de faim, et je suis las de porter tout ce que j’ai dans le cul. Donnez-moi le souper et la couchée, s’il vous plait.
— Coq, passe ton chemin. Il n’y a rien ici pour toi.
— Monsieur, Madame, j’ai de quoi vous payer. Voyez plutôt cette bourse pleine de louis d’or.
— Ah ! gueux. Ah ! brigand. Cette bourse est à nous. Tu viens de nous la voler.
— Non, certes.
— Attends ! voleur. Attends ! »
Maîtres et valets couraient après le Coq, pour lui prendre sa bourse.
Que fit alors le brave animal ? Il chia tout ce qu’il avait dans le cul.
Les mouches faisaient : « Rrr rrr rrr. »
Les frelons faisaient : « Brr brr brr. »
Les ânes faisaient : « Hiha ! Hiha ! Hiha ! »
Les bœufs faisaient : « Moûû ! Moûû ! Moûû ! »
À ce tapage, les maîtres et les valets, épouvantés, détalèrent au grand galop, comme s’ils avaient eu tous les Diables d’enfer à leurs trousses. Ainsi, le Coq et ses amis demeurèrent maîtres du château, où ils vécurent longtemps, riches et heureux[1].
- ↑ Dicté par Anna Dumas, du Passage-d'Agen (Lot-et-Garonne).