Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 2, 1886/La Flûte

IV

la flûte



Il y avait, une fois, un roi qui avait deux garçons. Un matin, à la pointe de l’aube, il les manda dans sa chambre et leur dit :

— « Je suis vieux, et je ne veux plus être roi. J’ai caché dans un bois un petit rameau d’or et une pomme d’orange. Celui de vous qui les trouvera sera mon héritier. »

Les deux frères partirent loin, loin, loin, à travers le bois, chercher le petit rameau d’or et la pomme d’orange. Ils cherchèrent longtemps, longtemps, longtemps, et ne trouvèrent jamais rien.

Quand le soleil vint à baisser, les deux frères dirent :

— « La nuit va venir. Nous ne pourrons plus chercher. Il faut nous en retourner au château de notre père. Mais que fera-t-il, quand nous lui dirons que nous n’avons rien trouvé ? »

Ils s’en retournèrent tous deux vers le château. Mais, tout en s’en retournant, le plus jeune des deux frères trouva, dans le creux d’un chêne, le petit rameau d’or et la pomme d’orange.

Que fit alors l’aîné ? Il tua son frère d’un coup d’épée, le cacha dans le creux du chêne, et s’en alla présenter au roi le petit rameau d’or et la pomme d’orange.

— « Fils, dit le roi, où as-tu laissé ton frère cadet ?

— Père, les bêtes sauvages l’ont mangé. »

Alors, le roi fit l’aîné son héritier, le mit roi à sa place, et le maria avec une princesse belle comme le jour.

Cette princesse accoucha d’une fille. Quand cette fille fut grandelette, à l’âge de sept ans, elle alla se promener dans le bois où son grand-père avait autrefois caché le petit rameau d’or et la pomme d’orange. Dans le creux d’un chêne, elle trouva un os blanc comme neige. Elle s’en fit une flûte, et la flûte se mit à chanter :

— « Touchez-moi, petite demoiselle. Certes, vous pouvez bien me toucher. Au bois je m’en étais allé, chercher le petit rameau d’or et la pomme d’orange. Mon frère me les a pris. Il m’a tué, et m’a caché dans le creux d’un chêne. »

La petite fille s’en revint au château. Elle trouva son grand-père et son père attablés.

Le vieux roi joua de la flûte, et la flûte se mit à chanter :

— « Touchez-moi, père. Certes, vous pouvez bien me toucher. Au bois je m’en étais allé, chercher le petit rameau d’or et la pomme d’orange. Mon frère me les a pris. Il m’a tué, et m’a caché dans le creux d’un chêne. »

Le nouveau roi joua de la flûte, et la flûte se mit à chanter :

— « Touchez-moi, frère. Certes, vous pouvez bien me toucher. Avec vous, au bois je m’en étais allé, chercher le petit rameau d’or et la pomme d’orange. Vous me les avez pris. Vous m’avez tué, et caché dans le creux d’un chêne[1]. »

  1. Raconté par Pauline Lacaze, de Panassac (Gers).